Humain/animal : rupture, contiguïté et perméabilité dans Espèces de Ying Chen
Abstract
Alors que ses premiers romans remettent en question la notion d’authenticité et promeuvent essentiellement une hybridité ethnique qui associe les nouveaux modes culturels aux impératifs sociétaux d’origine, avec Espèces (2010), Ying Chen s’interroge cette fois sur une forme d’hybridité détachée de toute classification ethnique : l’intervalle au sein duquel humanité et animalité se rencontrent occasionnellement. La relation entre animalité et humanité constitue l’épicentre de la fiction Espèces dont l’intrigue est envisagée par une narratrice qui se métamorphose provisoirement en femme-chatte. Ying Chen place cet être hybride à la croisée des philosophies nietzschéenne, bergsonienne et derridienne, et s’engage dans une déconstruction des frontières manichéennes qui opposent traditionnellement l’humain à l’animal. Cette déconstruction ne suppose pas la destruction totale des frontières en question, ni ne préconise l’hermétisme de ces mêmes séparations. Chez Ying Chen, la frontière qui sépare l’humain de l’animal est envisagée en tant que paradigme récursif et, de par sa porosité, reconnaît à la fois altérité et contiguïté. Avec Espèces, l’auteure élabore une nouvelle anthropologie qui oscille entre rupture et contiguïté, et tente de rendre compte d’une frontière perméable à travers laquelle s’invitent l’humain et l’animal. Ainsi, Ying Chen entreprend essentiellement de rendre compte de la perméabilité ponctuelle d’une frontière existante à travers laquelle s’invitent parfois l’humain et le non-humain, et nous propose de reconnaître l’animalité en nous et de nous en séparer à la fois.
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