Cet article s’intéresse à la représentation de paysages urbains jusqu’alors demeurés peu explorés dans la poésie québécoise contemporaine. En s’appuyant sur les théories du paysage développées entre autres par Alain Roger et Augustin Berque, il montre en quoi les représentations de Montréal sont en cours de déplacement : alors que le dernier quart du XXe siècle s’attachait à décrire le cœur de la métropole, son fourmillement, le brassage des cultures qui le caractérise, depuis le début des années 2000, ce sont d’autres facettes de Montréal qui émergent : les arrière- cours, les ruelles, la banlieue, des lieux marginaux, des quartiers industriels, des bâtisses désaffectées, certains quartiers trépidants de vie la journée, mais vides pendant la nuit. De cette question de la représentation paysagère proprement dite, la réflexion s’achemine ensuite vers deux praxis incontournables du paysage, soit le tourisme – fait sociétal majeur, mais pourtant très peu représenté en littérature – et le reniement de l’urbanité par elle-même – autrement dit lorsque la ville essaie de dissimuler ses traits distinctifs jusqu’à se diluer et perdre son essence. Ces pratiques paysagères conduisent finalement à une réflexion sur le concept de chôra, à la fois paysage et milieu qui valorise les interactions entre le paysage et les êtres qui l’habitent et qu’il habite réciproquement. Cette symbiose ou cette harmonie qu’évoque la chôra parait extrêmement fragile de nos jours.