Les coureurs de bois, établis en tant que type dans la littérature canadienne au 20e siècle, représentent la proximité dangereuse et aussi captivante de la nature sauvage, un esprit d'indépendance et une flexibilité psychologique qui mène à la survivance. De plus, ils peuvent être considérés comme un trope écocritique. Dans la littérature, cette perspective focalise sur les interactions des humains et de l'environnement. À l'intersection entre les populations d'Europe et du Canada, les coureurs de bois se trouvent au centre d'un paradigme, et leur histoire reflète celle de la croissance commerciale au Canada entre les 17e et 19e siècles. Dans les écrits qui les concernent, on voit se manifester les forces économiques des entreprises collaborant avec les gouvernements et les individus, ainsi que les interactions entre les différentes cultures (autochtone, française, anglaise). De cette tension continuelle se dégagent les mêmes problèmes que ceux rencontrés actuellement dans tout effort de protection de l'environnement. Ainsi ces jeunes Français servent de lien, pour le meilleur et pour le pire, entre l'homme « civilisé » et la nature sauvage. La présente analyse vise à contribuer aux études écocritiques en s'appuyant sur trois ouvrages importants dans la littérature canadienne-française: Maria Chapdelaine de Louis Hémon (1916), Les engagés du Grand Portage de Léo-Paul Desrosiers (1938) et Pélagie-la-charrette d'Antonine Maillet (1979). Dans ces romans, les hommes des bois émergent comme étant emblématiques d'un paradigme écocritique historique. Ce thème met au jour une des particularités qui distinguent la pensée et la littérature canadiennes-françaises sur le plan mondial.