John E. Hare
A l'occasion des fêtes du 350e anniversaire de la fondation de Trois-Rivières, il a semblé particulièrement intéressant au professeur Tourangeau de présenter un aperçu des célébrations qui ont marqué le tricentenaire, en 1934. Que les temps ont changé! Si les fêtes de 1984 se sont présentées surtout comme l'occasion de parler du présent et de l'avenir de la ville, en 1934, l'accent avait été mis sur le travail des ancêtres, sur l'histoire et l'apport du passé. En fait, ces célébrations de l'été 1934 ont été saluées à l'époque comme parmi les plus grandioses au Québec sinon en Amérique du Nord. Il s'agit bien sûr des pageants historiques, des parades et des cérémonies religieuses qui regroupaient des milliers de participants.
L'objectif fixé par Rémi Tourangeau, de récréer l'atmosphère des manifestations de 1934, est pleinement atteint dans cet ouvrage. L'auteur a consulté tous les documents encore disponibles comme l'indique la bibliographie thématique; il a recueilli des témoignages d'une centaine de personnes qui y ont participé. Son étude se divise en deux parties. Dans la première (p 11 -74), il examine l'organisation des pageants et des manifestations, ainsi que la conception des promoteurs. L'auteur tire des conclusions intéressantes sur Ia théâtralisation de l'histoire': 'La représentation des pageants prend donc l'aspect d'une nostalgie poétique qui se nourrit d'images et de symboles inspirés par les événements et les héros du passé', écrit-il (p 65). Cependant les organisateurs ne voulaient pas simplement présenter des belles images, ils cherchaient à maintenir une fidélité au passé, un 'certain idéal moral concrétisé par la présence du sacré et de l'histoire' (p 3 1).
La deuxième partie, intitulée «une vision des événements' (p 75-156), commence par une série de dix entrevues avec des participants; les entrevues ont été sélectionnées parmi des couches différentes afin de montrer des points de vue différents. Tous cependant font remarquer l'impact des fêtes sur eux et sur leur entourage. Pour cette population qui ne connaît pas encore la télévision et pour qui le théâtre se résume souvent à des séances occasionnelles de troupes amateurs, l'organisation des manifestations de 1934, des parades et surtout le pageant historique, demeurent un moment inoubliable. Il ne faudrait oublier non plus le phénomène de la psychologie collective, de la foule. En fait, lorsque des milliers de spectateurs rassemblant presque l'ensemble de la population de la ville, se réunissent autour d'une telle manifestation, manifestation sous le signe du patriotisme et de la foi, il n'est pas surprenant que l'effet produit crée des émotions fortes.
Cette étude se complète par la publication du texte du pageant historique avec quelques photos. (Nous en aurons souhaité davantage.) Ce texte (p 129-156) s'ajoute à d'autres et fournit la matière d'une étude mythocritique et idéologique. Tourangeau le fait précéder de quelques pages fort intéressantes sur les pagants historiques et religieux au Québec et sur l'origine d'une telle forme de théâtre. Il souligne l'apport de Laurent Tremblay qui écrit pas moins de vingt-cinq de ces pageants entre 1938 et 1965. Les pageants historiques du père Tremblay s'inspirent en bonne partie du texte et de la mise en scène du spectacle de Trois-Rivières en 1934. En fait un examen sommaire du pageant joué à Sainte-Marie-de-Beauce en juillet 1944 par plus de 300 personnes, démontre de grandes ressemblances avec celui-là. Il y aura lieu en fait d'étudier le phénomène des pageants au Québec dans la première moitié du siècle - des pageants comme révélateurs des idéologies. M. Tourangeau nous a fourni une étude d'un très grand intérêt.