1 Résidant dans l’Ouest canadien depuis plusieurs années, j’ai vu s’y développer une pratique et une esthétique théâtrales audacieuses, qui mettent à profit le bilinguisme des francophones en situation minoritaire. No more the source of an identity predicament, the bilingualism of Western French-Canadians has become a creative material to explore in order to not only reflect their daily reality on their stages but also to generate new practices and a new theatrical aesthetics. Chez Marc Prescott, par exemple, les nombreuses alternances de codes dans Sex, Lies et les Franco-Manitobains servent à élaborer des jeux de mots, des équivoques et des quiproquos que seuls les spectateurs bilingues peuvent saisir, ce qui met en relief les avantages que procure leur bilinguisme. With Prescott, the code switching is not always reproducing reality, it is sometimes an innovative aesthetic device as in the « Bob Burns/Robert Brulé » monologue (in Mes shorts) in which the francophone and anglophone voices of the sole narrator compete to tell the same story but from a different point of view. Mettant leur bilinguisme à profit, les artistes franco-canadiens de l’Ouest présentent leurs spectacles avec surtitres anglais depuis 2007. English surtitles allow French-Canadian theatres west of Quebec to reach the large English-speaking audience that surrounds them while keeping intact the language and the visual aesthetics of their French or bilingual productions. In Western Canada, only Francophone theatres use surtitles, which is an indication of the asymmetrical power relations between Canada’s official languages.
2 À part les surtitres, d’autres stratégies sont mises en place par des Francophones pour rejoindre le public anglophone. Les trois productions professionnelles présentées en 201314 par L’UniThéâtre, le seul théâtre francophone institutionnel en Alberta, incluaient une pièce bilingue, une pièce sans parole, et une co-production avec une compagnie anglophone. The bilingual play, entitled Récolte, was written by bilingual Franco-Albertan artist, Joelle Préfontaine. It tells the story of a family’s desire to leave the farm and start a new life somewhere else. Écrite dans « the Franco-Albertan dialect that Préfontaine grew up speaking » (Edmonton Arts Council), la pièce fait appel au français et à l’anglais de façon presque égale. Each character switches constantly from French to English, incorporating in one language information transmitted in the other. Thus, a constant autotranslation inserted in the dialogues makes the play accessible to Francophones and Anglophones. Il faut souligner que ce métissage ne génère aucune tension dramatique dans la pièce. L’identité linguistique des personnages n’est pas précisée et la question de la langue n’est jamais soulevée. Il va de soi qu’ils s’expriment ainsi, c’est une évidence qui n’a pas besoin d’être expliquée ou défendue.
3 Pour l’auteure fransaskoise Madeleine Blais-Dahlem le bilinguisme façonne profondément un processus d’écriture qui fait appel à toutes ses ressources linguistiques : « In alternating between one language and the other, I spend a lot of time in the no-man’s land between the two. It is a challenging and creatively rich place. Verbal and cultural taboos, values, culturally influenced behaviour are explored there through my characters » (“Why a linguistic” 93). La dernière pièce de Blais-Dahlem, La Maculée/sTain, est publiée aux Éditions de la nouvelle plume dans un format bilingue qui inclut les versions française et anglaise du texte. Dans son introduction à la version anglaise, l’auteure précise que « the drafts are not translations of each other but parallel versions, using the literal and cultural allusions suggested by each culture » (La Maculée/sTain 93).
4 Le troisième spectacle présenté dans la saison 2013-14 de L’UniThéâtre fut une coproduction avec le Northern Light Theatre d’une pièce de l’auteur américain Jeffrey Hatcher, Mercy of a Storm, traduite en français par l’auteure franco-albertaine Gisèle Villeneuve sous le titre De plein fouet dans la tempête. Présentée au théâtre de la Cité francophone, la production fut offerte en alternance en anglais et en français, avec les mêmes acteurs, Gianna Varcica et Brian Dooley, directeur artistique de L’UniThéâtre. Il faut préciser que ce genre de collaboration a été initié par la compagnie francophone.
5 Dans l’Ouest canadien, les artistes francophones doivent composer non seulement avec l’exiguïté et la rareté des moyens mis à leur disposition, mais aussi avec l’isolement dans lequel ils se trouvent. This isolation of the Francophone artists in the West deprives them of the stimulation and creative input generated by a vibrant theatre community. Beyond the need to expand their audience, the interest of Francophones in collaborative bilingual projects lies in the need to nourish interactions with a larger artistic community, as much creatively as critically. La collaboration avec des artistes anglophones est aussi source de légitimité et de reconnaissance pour L’UniThéâtre qui a reçu en 2013 le prix Sterling pour « its outstanding contribution to Edmonton theatre » (L’UniThéâtre), grâce aux surtitres anglais qui accompagnent ses productions depuis 2008. Cette reconnaissance de la part de la communauté théâtrale anglophone a donné à L’UniThéâtre un souffle d’énergie vitale. It has nourished a desire to further collaborate in order to escape the limitations and starvation of artists creating in the far away margins of the Francophone institution. Ces nouvelles alliances créent des produits hybrides qui problématisent les modèles et les références associées à une tradition théâtrale strictement francophone et offrent un champ d’expérimentation porteur de nouveautés esthétiques.