Book Reviews / Compte Rendus

Irène Roy (dir., avec la collaboration de Caroline Garand et Christine borello). Figures du monologue théâtral ou Seul en scène.

Jeanne Bovet
Université de Montréal
Irène Roy (dir., avec la collaboration de Caroline Garand et Christine borello). Figures du monologue théâtral ou Seul en scène. Québec, Nota bene, coll. « Convergences » n° 35, 2007. 369 pp.

1 Forme canonique ou genre distinct, du sermon joyeux médiéval aux monologies postdramatiques, le monologue est un riche et intriguant objet théâtral qui a récemment inspiré plusieurs colloques et publications.1 Tenu à Québec en mai 2005, le colloque Figures du monologue théâtral « visait à mettre en lumière les dynamiques et les enjeux formels de l’utilisation du monologue, de même que le développement historique de grandes thématiques qui ont suscité son apparition, puis sa prise de possession progressive d’une bonne part de l’espace dramaturgique » (5). Issus de ce colloque, les textes en français et en anglais réunis dans l’ouvrage collectif dirigé par Irène Roy et publié aux éditions Nota bene en 2007 cherchent ainsi à cerner différentes « figures » du monologue autour de trois axes disparates, assez vaguement définis : « la scène contemporaine » (limitée en fait à des œuvres québécoises) ; les reprises et adaptations de Hamlet ; les « esthétiques successives qui ont jalonné l’histoire de l’art théâtral » (restreinte ici à l’histoire du théâtre français et québécois).

2 Comme beaucoup d’Actes de colloque, l’ouvrage se ressent de ce format initial, tant dans sa structure d’ensemble que dans la qualité des contributions, inégales en longueur aussi bien qu’en intérêt. Certains textes auraient gagné à être retravaillés pour la publication : l’analyse y est sommaire et la forme, très oralisée. Le travail de l’éditeur laisse aussi à désirer, car l’ouvrage contient de nombreuses coquilles et négligences dans la mise en forme, sans compter l’incongruité de 25 pages d’annexes peu utiles pour le texte de Jacqueline Razgonnikoff, déjà plus long que tous les autres. Les illustrations qui accompagnent plusieurs articles sont toutefois un atout appréciable. Alors qu’elles auraient pu composer une mosaïque diversifiée et stimulante, ces figures du monologue forment donc plutôt une collection de fragments hétéroclites et épars. C’est dommage, car certaines contributions méritent vraiment le détour.

3 Parmi les textes qui se démarquent, celui de Manfred Pfister, « Enigma Variations: Performing "To be or not to be" », malgré une conclusion plus légère, constitue une remarquable analyse qui met l’accent sur la performativité plutôt que sur le sens du célèbre monologue. De son côté, Louis Patrick Leroux propose une intéressante réflexion sur les usages et les limites du monologue dans le parcours et la démarche de Pol Pelletier. Rattaché in extremis au thème du monologue par l’évocation de la problématique du corps solo et de la pluralité de ses identités, l’article de John Paul Halferty sur Jimmy, créature de rêve de Marie Brassard est intelligent, convaincant et très stimulant dans ses conclusions sur le théâtre comme lieu de familiarisation avec les nouveaux paradigmes intermédiaux.

4 Par ailleurs, la réflexion érudite de Samuel Junod sur « La crise éthique dans le monologue au temps des guerres de religion », le panorama historique vif et stimulant proposé par Guy Spielmann dans « Pour une brève archéologie du monologue dans la théorie dramatique classique », ainsi que l’intéressant relevé statistique et dramaturgique qu’offre « Le monologue comme calibre dramaturgique : le cas Voltaire » de Dominique Lafon forment un bel ensemble d’articles sur le théâtre d’Ancien Régime. Intéressant et concis, l’article d’Irène Roy intitulé « Du moi indivi-duel au moi collectif : un itinéraire monologique nationaliste » montre comment le monologue a paradoxalement permis d’« ouvrir un dialogue avec et dans l’auditoire » sur la scène québécoise. À sa suite, dans un article sur les territoires de l’intime dans la nouvelle dramaturgie québécoise, Élizabeth Plourde illustre efficacement le changement de paradigme du discours monologué, du public au privé, à l’aide de plusieurs cas de figure des années 1980-1990. On notera enfin la présence bienvenue de quelques réflexions de praticiens : celle, toujours stimulante, de Larry Tremblay sur le drame du corps dans le « One Body Show » et celle, amusante et décapante, de Robert Gurik sur Hamlet, Prince du Québec.

Note
1 Voir notamment Florence Fix et Frédérique Toudoire-Surlapierre (éd.), Le monologue au théâtre (1950-2000) : la parole solitaire, Dijon, Éditions de l’Université de Dijon, coll. « Écritures », 2006, ainsi que le récent numéro 85 (juillet 2009) de la revue La Licorne, « Monologuer : pratiques du discours solitaire au théâtre », dirigé par Françoise Dubor et Christophe Triau.