Articles
Le théâtre et sa doublure:
Le testament du couturier de Michel Ouellette

Stéphanie Nutting
Université de Guelph

Abstract

Michel Ouellette’s Le testament du couturier takes Franco-Ontarian theatre in a new direction. Set in a futuristic world reminiscent of Margaret Atwood’s The Handmaid’s Tale and devoid of specific geographical markers, it evacuates almost entirely the Ontarian referent. The "Suburbs" (la "Banlieue") replace the rural towns, and fear of the future eclipses the dysphoric narratives of founding town fathers. This study explores Ouellette’s departure from the mimetic principle in favour of a strongly metaphorical, decontextualised fictional space. The gown operates as a vantage point. It is not only a clandestine artefact, and as such a powerfully subversive, erotic stimulus, but also as a "text-textile," a shimmering skin-like site containing historical and mythical memory. Yet, it is also indissociable from its effect—havoc—and thereby evokes Artaud’s "theatre of cruelty," which gives radical freedom but opens up anguish. Thus, Ouellette’s play enters into dialogue with Western theatre while reengaging with issues of otherness, individuality, alienation, suspicion about communication, and the fragile nature of communities.

Résumé

Avec Le testament du couturier de Michel Ouellette, le théâtre franco-ontarien s’engage dans une voie nouvelle. Située dans un monde futuriste, qui n’est pas sans rappeler The Handmaid’s Tale de Margaret Atwood, et évacuée du référent ontarien, la fable remplace la ville rurale par « la Banlieue » et l’angoisse devant le récit fondateur par la peur de l’avenir. La présente analyse a pour but d’explorer ce déni du principe mimétique en faveur d’un espace fictionnel hautement métaphorisé. La robe se présente désormais comme le site d’une interrogation. Non seulement artefact de la contrebande qui stimule les pulsions érotiques,mais aussi « texte-textile », elle se présente comme une peau chatoyante investie de significations complexes, comme le revêtement d’une mémoire historique et mythique. Mais la robe est aussi indissociable de son effet–le désordre social–participant ainsi de ce qu’Artaud avait nommé le « théâtre de la cruauté », car si elle ouvre la voie à une liberté radicale, elle le fait au cœur même de l’angoisse. Aussi la pièce de Ouellette permetelle au théâtre franco-ontarien de dialoguer avec le théâtre de l’Occident, renouvelant ainsi des problématiques qui lui sont chères: l’altérité, l’aliénation, l’individualisme, la communication suspecte ou viciée et la nature fragile des communautés.

1 Depuis l’éclosion spectaculaire du théâtre franco-ontarien au cours des années 70 jusqu’aux années 90, la construction de l’espace dramatique de ce théâtre de « l'exiguïté » a été informée par un principe relationnel plus ou moins mimétique. En effet, le télescopage des notions de lieu et d’espace dramatique a long-temps demeuré une des caractéristiques les plus complexes et les plus révélatrices de cette dramaturgie. Qu’il s’agisse d’un « trou » situé vaguement dans le Nord de l’Ontario près de Timmins (Le Chien), d’une localité frontalière (Hawkesbury Blues) ou de Sudbury (Nickel), ou même d’un nom fictif (Lavalléville) qui renvoie à Dubreuilville, il existe une ville type, ou plutôt une constellation de villes types qui sont quasi rurales et dystopiques, en porte-à-faux avec leur propre récit fondateur. Hormis quelques exceptions, les communautés ancestrales sont, dans une grande mesure, interchangeables, toutes soumises à une lente mais constante déperdition.

2 L’espace dramatique qui est, par sa définition même, fictionnel, se trouvait ainsi constamment travaillé et traversé par les tensions qui émanaient du lieu.1 Nombreuses, d’ailleurs, sont les études qui éclairent cette relation et qui abordent les problématiques qui y sont associées: la fondation et la délimitation d’une communauté minoritaire, le développement de la notion du territoire et la saisie des conditions d’appartenance ou d’exclusion.

3 Que dire donc de la pièce récente de Michel Ouellette, Le testament du couturier, où les personnages surgissent, sans ancrage géographique et sans passé, dans un monde futuriste qui rappelle davantage celui des handmaidens d’Atwood que celui des ouvriers et ouvrières de Jean Marc Dalpé?2 Pourquoi ce déni du principe tacite de mimésis et comment ce déni a-t-il transformé la conception de l’espace dans l’Ontario français littéraire?

4 Saluée par les critiques—Ouellette a reçu le Prix Trillium en 2002 pour le texte et Beddows s’est vu décerner un Masque en 2003 pour sa mise en scène—cette pièce postmoderne se déroule dans « un monde possible, juste au-delà du temps présent » selon la quatrième de couverture. En évacuant ainsi le référent ontarien, tant dans la langue que dans l’espace, le théâtre franco-ontarien poursuit avec Le testament du couturier une trajectoire nouvelle.3 Dans cette pièce, la « Banlieue » remplace la ville rurale et la peur de l’avenir se substitue à l’angoisse devant le récit fondateur qui caractérisait les pièces franco-ontariennes antérieures. Or, le mal, toujours invisible, n’est plus, de prime abord, celui de l’aliénation provoquée par l’oppression socio-économique et culturelle d’un groupe minoritaire, bien qu’il atteste du même glissement vers « une problématique de l’ascèse et de la mort » observé par François Paré et retenu par lui comme une caractéristique de la modernité du théâtre francophone en Amérique du nord (Dramaturgies 67).

5 Le mal dont il est question dans Le testament du couturier est nourri plutôt par une terreur immémoriale de l’épidémie qui, tout comme la guerre et la famine, appartient à la triade des grandes calamités humaines qui déchirent le tissu de tout corps social indépendamment de son contexte historique ou géographique.4 Le propre du récit de la peste est simple: il participe de l’inexorable et du perméable, c’est-à-dire qu’il est ce à quoi on ne saurait échapper—« inexorability, inescapability » sont les mots en anglais de Susan Sontag (255). Il faut donc s’attendre à ce que le choix de mettre en scène un récit dont la thématique centrale est la peste comporte des incidences spatiales bien particulières.

6 Mais avant d’aller plus loin sur cette lancée, deux remarques préliminaires: bien que la pièce mette en scène cinq personnages, deux femmes et trois hommes, il importe de garder à l’esprit la contrainte explicite qui veut que tous les personnages soient joués par une seule et même personne.5 Il n’y a jamais, donc, plus d’un corps sur scène. Il convient aussi de noter que l’univers des répliques est scindé en deux: celles que nous, les spectateurs, entendons, et qui représentent la moitié des propos, et celles que nous sommes appelés à imaginer et que Ouellette désigne comme « [l]a partie négative », donc "virtuelle", [qui] est dans le silence des répliques enlevées » (Ouellette [7]). Fait remarquable, la multi-plicité des personnages nécessite la modulation de divers timbres de la voix de même que différents costumes et des gestuelles propres à chaque personnage. Arrimée aux trous et aux pauses, la construction binaire des répliques opère une mutation remarquable sur la forme de sorte que ni le texte ni sa mise en scène n’admettent de comparaison poussée avec les typologies reconnues du monologue, sauf peut-être avec le soliloque à caractère dialogique.6

7 Quant à la fable, Ouellette aurait trouvé son inspiration dans un fait réel survenu au XVIIe siècle et relaté dans un livre moderne sur les épidémies (Marks et Beatty). Un court paragraphe qui paraît en épigraphe au texte lève, en effet, le voile sur la source:Entre les mois de septembre 1665 et octobre 1666, la peste décima le village éloigné, coupé du monde en fait, d’Eyam, dans le Derbyshire. À la fin, il ne resta que trente survivants sur les 350 villageois, dont le pasteur William Mompesson. On croit que la maladie fit son apparition dans le village par le biais d’une boîte en provenance de Londres. Adressée au tailleur, la boîte contenait des patrons et de vieux vêtements. Le tailleur succomba le premier à la peste (Ouellette, Testament 92).Ainsi, bien que situé dans un espace-temps futuriste et indéfini, le récit tissé par Ouellette est posé comme la réactualisation d’un autre récit historique bien précis. Flibotte, un marchand de tissu qui se livre aussi à la vente de virus informatiques, arrive à pénétrer dans la Banlieue pour livrer à son ami, un tailleur nommé Mouton, un ballot mystérieux. Le ballot contient une étoffe, le patron d’une robe qui date du dix-septième siècle et le testament du couturier d’Eyam consigné en 1665 et inscrit à même le patron.

8 Le tissu et la robe sont des objets de contrebande car les habits sont contrôlés par l’État de sorte que seules les toges républicaines unisexes sont permises. C’est Miranda, la femme du futur maire, qui encourage le tailleur à créer la robe à partir du vieux patron en même temps qu’elle passe la commande d’un nouvel habit pour son mari, Royal, en guise de préparatifs pour l’investiture de celuici. Le projet de confectionner la robe lie du coup Mouton à Miranda, ravivant ainsi chez eux un désir à jamais inassouvi puisque les relations sexuelles sont interdites dans la république. Royal, quant à lui, est déjà impliqué dans une liaison illicite avec sa secrétaire, Yolande. Comme Flibotte,Yolande s’adonne à la contrebande, mais Flibotte est marchand tandis que Yolande est consommatrice, portée à commander, par le réseau cybernétique clandestin, un manuel d’initiation à la sexualité.

9 Enfin, il y a le docteur Corvin, une femme médecin spécialisée en « thérapie érotologique » qui fonctionne comme une réceptrice privilégiée (dans le sens jakobsonien) mais n’est jamais incarnée sur scène. C’est chez elle que vont Miranda et Royal séparément pour faire soigner leurs troubles respectifs; Miranda, pour apaiser ses désirs érotiques, et Royal, pour soigner ses maux de tête et pour comprendre ses rêves déroutants. Celui-ci établira un lien entre le mal qui le paralyse petit à petit et le virus informatique qui paralyse le système de contrôle des frontières de la Banlieue. Ce système, tout comme la thérapie d’ailleurs, est censé agir comme une barrière, un cordon de sécurité susceptible de contenir le fléau. La Cité serait un premier lieu de contagion, mais à l’intérieur de la Cité se trouve un autre quartier sous haute surveillance, une colonie de pesteux, ce noyau dans l’espace conçu d’ailleurs par Royal et nommé Lazarette.

10 Mouton retourne à Royal un vêtement truffé d’aiguilles contaminées et finit par transmettre la peste à Royal, chef des Services Sanitaires et architecte de la colonie des pestiférés. À la fin, Mouton et Royal finiront tous deux à Lazarette, Mouton habillé de la robe et Royal attaché en permanence à son lit.

11 Le couturier d’Eyam explique dans son testament comment le plan de la robe fut conçu pour sa bien-aimée, Ann Mompesson, la fille du pasteur, et annonce que sa demande en mariage avec celleci avait été refusée. La peine causée par sa déception amoureuse n’a d’égale que la douleur physique provoquée par les symptômes de la peste, le testament étant la narration du supplice de sa détérioration physique et mentale. Ainsi, le texte s’avère indissociable de son origine étymologique, textile, dans la mesure où le texte de la fable est aussi l’histoire du tissu légué: « Que celui qui aura entre les mains ce patron trouve fils et aiguilles pour achever cette robe esquissée » (Ouellette, Testament 14). Au couturier moderne de découvrir et ensuite de porter le sens, et éventuellement le germe de ce legs contaminé.

12 Mais il y a plus. Au couturier moderne d’assumer du même coup le rôle à peine déguisé de producteur de signes matériels. C’est cette nature double du texte-textile que Beddows porte à l’incandescence; les mots de lumière sont projetés sur les pans de tissu comme sur un parchemin. Ici « parchemin » est à prendre dans son sens le plus ancien, c’est-à-dire support de l’écriture fait non pas de papier mais de peau. L’atelier du tailleur est donc le pivot, un endroit centripète par lequel passe le palimpseste des deux récits déferlant littéralement devant le spectateur à mesure que l’étoffe/rouleau se déroule. Mais, comme l’écrivain manie la plume et l’encre, Mouton manie aiguilles et fils à cette différence près que pour faire son travail, et donc accomplir un geste signifiant, le couturier doit percer la peau.

13 Devenu ainsi avatar de la figure de l’écrivain, Mouton ne saurait se soustraire au sort que Ouellette réserve systématiquement aux figures écrivantes dans sa dramaturgie. « [P]lus que tout autre, dans la dramaturgie récente en Ontario français, Ouellette résume la descente aux enfers de l’écrivain, incapable d’imposer aux multiples voix du présent la singularité de son récit » (Paré, Dramaturgies 74). Si, avec Corbeaux en exil, French Town et La dernière fugue, on assiste à une interrogation ouverte sur le rôle de l’écrivain dans la construction de l’histoire individuelle et collective, une préoccupation analogue sinon identique est encore à l’œuvre dans Le testament. Par surcroît, la pérennité de l’exclusion de l’auteur transmué cette fois en couturier reste entière. Dans son analyse de Corbeaux en exil, Paré affirme: « Ici règnent les lieux clos, les infirmités et la mort » (Dramaturgies 75). Décidément, cette observation annonce avec précision l’espace dramatique du Testament.

14 La scénographie de Glen Charles Landry évoque justement un décor « sobre et froid » (Bouchard). Annick Léger, l’unique comédienne, évolue entre « deux rangées de classeurs superposés, sous les poutres d’un plafond évoquant celui d’une cave » (Bouchard).7 Telle une boîte en béton renversée sur le côté,la scène ressemble à une cave, oui, mais aussi à une morgue avec de grands tiroirs. Au lever du rideau, au fond de l’espace, une croix rouge dans le mur crénelé s’allume et s’éteint, évoquant pour la critique Danièle Vallée le décor d’un « temple abritant une religion chimérique, tout en triangle comme l’œil de Dieu » (41). Effectivement, on sait que le scénographe s’est inspiré justement d’une église, plus précisément de la Church of Light (Ibaraki Kasugaoka Kyokai Church), œuvre de l’architecte Tadao Ando située à Osaka au Japon (Beddows). Mais l’espace scénique participe d’un processus de révélations successives car le jeu de lumière, simple filet qui surgit des ténèbres au départ, ne révèlera les contours de cet espace sacré qu’au fil des répliques.

15 D’ailleurs, on ne saurait trop insister sur l’importance de la lumière dans la mise en scène de Beddows qui avoue avoir associé différents types de lumière à chaque personnage et à chaque espace dramatique dans lequel évolue le personnage. Pour Miranda, on ne voit, au début, que ses pieds; quant à Flibotte, la lumière est braquée de sorte qu’elle éclaire le fond derrière la tête; dans le cas de Royal, ce sont les yeux et les mains qui sont éclairés par de nettes bandes de lumière, tandis que Yolande est baignée en rose, « la seule couleur humaine » précise Beddows. Finalement, pour ce dernier, le sens et le dynamisme de la pièce résident dans cette venue à la lumière: la découverte de la lumière à travers la sexualité. L’idée même d’espace est modalisée par le jeu de lumière et par la parole: « Si on comprend la parole », affirme Beddows, « on comprend l’espace ».

16 Même si l’espace risque d’être anéanti par la cybernétique, il n’en demeure pas moins que ce théâtre repose sur une mise en relief et un durcissement de la notion de frontière présente, justement, dans la parole. L’espace frontalier, dans cette communauté futuriste, étant devenu presque entièrement imperméable, il est intéressant d’examiner ce durcissement de la frontière à la lumière de l’observation de Paré qui, dans La distance habitée, met en valeur la fluidité et la complexité de la frontière comme lieu de mouvance et d’accommodement dans le contexte franco-ontarien. On pourrait argumenter que l’effet est le même. La mise en valeur de la fluidité et de la complexité est maintenue car c’est justement la porosité transgressive, autrement dit la perméabilité, qui permet d’attaquer la sclérose noire et autoritaire de la Banlieue. Dominique Lafon y voit d’ailleurs une adéquation entre l’apocalypse et une volonté de rupture avec « l’ordre, la sectorisation » chez l’auteur (272).

17 C’est grâce à un subterfuge étonnant que Flibotte réussit à pénétrer dans la banlieue, car le circuit intégré—la puce—qu’il porte dans la nuque identifie le marchand comme un corps étranger. Curieuse convergence de résonances, d’ailleurs, où se confondent la technologie et l’insecte parasite. Flibotte porte bien son nom, dont le croisement identitaire est corroboré par un amalgame des mots anglais « flea » et « robot ». Désormais, aucune distinction ne semble séparer les deux domaines: « J’ai placé une bombe virale à retardement dans le serveur principal. Cette attaque ne ratera pas. Parole de rat » confie Flibotte à Miranda (89).

18 Certes, dans le théâtre occidental, la peste est un topos surdéterminé. Comme cadre et moteur d’action, elle remonte, pour ne retenir que les repères les plus évidents, à Sophocle et à sa tragédie Œdipe roi. Si Œdipe devenu roi de Thèbes entreprend de faire la lumière sur les circonstances qui ont provoqué la colère des dieux— « Ego phano », proclame-t-il—, c’est pour calmer ces derniers et purifier ainsi sa ville de la peste. Quelques siècles plus tard, Saint Augustin, dans La cité de Dieu, condamne la pratique ancienne de Rome où, pour contrer la peste, on offrait aux dieux des jeux scéniques. Comme Augustin avant lui, Antonin Artaud observe une similitude d’action entre la peste et le théâtre: « Il importe avant tout d’admettre que comme la peste, le jeu théâtral soit un délire et qu’il soit communicatif » (33).Toutefois,il s’inspire de la critique d’Augustin pour en renverser les valeurs. Ce qui constituait des « Spectacles de turpitude » pour Augustin consiste en « une extrême purification » aux yeux d’Artaud. Pour ce dernier, les pouvoirs de la peste sont bel est bien les pouvoirs de l’horreur, mais ils sont aussi les pouvoirs de la révélation.8 Le principe essentiel peut se manifester de multiples manières mais il valorise coup sur coup la magie de l’irrationnel et prend d’assaut la pensée scientifique toujours inapte à concevoir une logique à la transmission de la maladie.La peste prend des images qui dorment, un désordre latent et les pousse tout à coup jusqu’aux gestes les plus extrêmes; et le théâtre lui aussi prend des gestes et les pousse à bout [. . .] Il retrouve la notion des figures et des symboles-types, qui agissent comme des coups de silence,des points d’orgue,des arrêts de sang, des appels d’humeur, des poussées inflammatoires d’images dans nos têtes brusquement réveillées; tous les conflits qui dorment en nous,il nous les restitue avec leurs forces et il donne à ces forces des noms que nous saluons comme des symboles [. . .]. (Artaud 34)Est-il nécessaire de préciser que, dans Le testament, le symbole du désordre latent est bien celui de la robe, cette parure qui « dort » depuis des siècles chez un antiquaire sans nom? Puissant artéfact sémiotique, la robe est le site d’un faisceau étonnant de significations: économiques, historiques, politiques, mythiques, psychiques et spectaculaires. Dans une optique scientifique, son rapport au topos de la peste est confirmé par les documents historiques. Dans le cas de la peste bubonique, par exemple, le tissu était, avec les céréales et après les rats, un refuge de prédilection des puces porteuses du virus.9 La robe et surtout le tissu à partir duquel elle est confectionnée signifient la primauté de la matière dans les activités humaines.

19 Or, dans une perspective radicalement opposée, elle se retrouve également associée au sacré, à ce qui est inaccessible au toucher, et ce précisément dans le contexte du rêve apocalyptique tel que décrit dans la bible: « je vis sept chandeliers d’or; et, au milieu des chandeliers, quelqu’un qui semblait un fils d’homme. Il était vêtu d’une longue robe, une ceinture d’or lui serrait la poitrine » (La Traduction Œcuménique de la Bible, Jean, Apocalypse 1 12-13).

20 Tantôt basse matière insalubre, tantôt signe d’une expérience mystique, la robe est porteuse de significations aussi anciennes que contradictoires. Dans la pièce de Ouellette, sa découverte et sa mise en circulation donnent lieu à des bouleversements sociaux insoupçonnés et susceptibles d’un nivellement si puissant qu’il arracherait à la Banlieue son statut même de lieu. Soumise à la puissance indifférenciatrice et surtout perméable de la peste, elle sera vite transformée en ce que Flibotte appelle avec raison « un non-lieu » (86). Le lieu dont la définition même serait déterminé par son principe d’exclusion et de surveillance ne résistera pas à l’anarchie des désirs charnels, aux nomades (au sens deleuzien du mot) et aux pulsions de la mort. Enfin la robe comme objet de convoitise et symbole de sensualité débridée se confond avec les secrets tressaillements du désir.10 Mouton s’adressant à Miranda ne laisse aucun doute sur cette interprétation:MOUTON. Personne ne viendra me secourir. Il n’y a que toi. Tu n’es plus une robe inanimée. Tu vis. . .

[. . .]

MOUTON. Bonjour Miranda! La robe vous sied à ravir.

[. . .]

MOUTON. J’entre en vous. Votre peau glisse sur ma peau. J’entre en vous.Votre chair est dans ma chair. J’entre en vous. Votre coeur et mon coeur ne forment plus qu’un. Corps à corps. Je suis en vous. Vous êtes en moi. Nous sommes unis à jamais. (82)

Par ailleurs, cette association qui existe entre le vêtement, Eros et Thanatos, est très ancienne. Pensons notamment au mythe de Médée selon lequel celle-ci fait parvenir à sa rivale, Créüse, une robe magnifique trempée dans des poisons. Dès que Créüse la met, elle est embrasée d’un feu mystérieux. Il y a également le mythe de Déjanire et Héraclès repris dans Les Trachiniennes de Sophocle. Pour inaugurer le culte de Zeus Cénéen, Déjanire a voulu que son mari, Héraclès, porte un vêtement neuf. Croyant, à tort, qu’un onguent magique fait d’un mélange du sperme d’Héraclès recueilli par son épouse et du sang d’un Centaure ennemi puisse opérer comme un aphrodisiaque et lui assurer ainsi la fidélité de son mari, elle enduit de cet onguent la tunique neuve et la fait livrer à Héraclès. Peu après elle apprend qu’elle est prise au piège et que l’onguent était, en réalité, un poison mortel. Imbibée de poison, la tunique fond dans la chair d’Héraclès si bien qu’il ne peut pas arracher l’une sans arracher l’autre. Donc, au plan mythologique, la robe n’est pas seulement le « vecteur », pour employer le terme médical, d’une alchimie étrange et néfaste, mais elle est aussi associée, depuis l’époque ancienne, à l’idée de trahison (bien qu’involontaire dans le cas de Déjanire).

21 Si, comme l’affirme Jean-Paul Sartre dans Un théâtre de situations, une bonne pièce de théâtre doit poser des problèmes et non les résoudre, il est légitime de chercher dans la pièce de Ouellette une question sans résolution.11 Quel est le vrai fléau? La mort ou l’hypervigilance de la société moderne paralysée par ses obsessions d’ordre et rêvant d’une asepsie totale?

22 Il est à la fois singulier et significatif que Royal exprime sa vision d’ingénierie urbaine en termes bibliques— « Parce qu’il fallait séparer le bon grain de l’ivraie » (72) —en les croisant avec un discours scientifique: « Maintenant je vais créer d’autre villes fermées pour séparer l’ivraie de l’ivraie [. . .] » afin de favoriser « l’éclosion de plantes résistantes aux herbicides » (72). La métaphore botanique est porteuse et pose une autre question délicate: à quelles abominations peuvent aboutir la volonté d’enrayer la mort?

23 Attention, il ne s’agit d’une question ni abstraite ni simple car la pièce de Ouellette arrive dans le sillage du SRAS en Ontario et dans l’optique des avertissements répétés d’une pandémie imminente de la grippe. Dans le contexte d’une performance, là où les spectateurs sont justement installés dans une salle commune, plus ou moins intime, l’enjeu communicatif de la maladie trouve son expression la plus aiguë. Comment être insensible à la description fort détaillée des symptômes de la peste? Le couturier d’Eyam est explicite sur les signes du mal: « Autour de moi, court la maladie. Le bubon, l’abcès, le charbon pesteux marquent la peau de mes concitoyens. Même Ann Mompesson a été mordue par la Bête dans son si joli cou. [. . .] Tous, ils se font saigner » (52). Il va de soi que, devant les données cliniques, les toussotements et éternuements des spectateurs dans la salle prennent un nouveau sens. En effet, la question touche à une peur ancestrale mais toujours actuelle et, justement, communicative. Aussi Ouellette expose-t-il une préoccupation humaine de son temps tout en assurant la dimension ouverte, donc esthétique, de l’entreprise théâtrale.

24 Tout comme on ne saurait concevoir la peste en dehors du contexte de la communalité, on ne pourrait concevoir la robe que dans un contexte de singularité. C’est la robe, pour la bien-aimée. Le couturier du XVIIe siècle crée le plan d’une robe, de « (s)a main dessinée, pour la plus belle dame, Ann Mompesson » (14), tandis que Mouton fabrique la robe avec un seul nom en tête: Miranda, celle qui est digne d’admiration. Il n’est pas difficile de lire, dans cette tension associée à la singularité, un rejet de la communalité homogène et du système d’inclusion et d’exclusion sur lequel elle repose. La Cité et Lazarette, lieux de pestilence, se présentent conjointement comme le dessous de la Banlieue. Elles sont cachées, scandaleusement intimes, mais pas moins indissociables du tissu social. Le quartier qui enferme les malades est la doublure de la Banlieue et, en tant que telle, l’indice de la déperdition de ce même tissu qu’est la communauté. Par ailleurs, la métaphore du tissu n’est pas nouvelle chez Ouellette, car elle est centrale aussi dans La dernière fugue; elle revient là où les personnages rêvent les conditions de leur appartenance à la famille et à la communauté. Les « fils de trame » et les « fils de chaîne » sont tissés par le temps et par chaque génération qui naît; cependant, la métaphore filée, pour ainsi dire, prévoit aussi la rupture, les « fils cassés » qui menacent l’avenir du clan. Bref, la métaphore du tissu est aussi une figu-ration de la déchirure qui annonce un rejet du cadre ontarien: « Si ce tissage complexe rend l’intrigue quelque peu confuse, il n’en est pas moins significatif d’une volonté de brouiller les fils de l’Histoire, de décontextualiser la maison ancestrale du Nord ontarien, d’en faire le lieu où se noue un conflit idéologique et politique qui déborde largement les frontières de la communalité » (Lafon 268).

25 Qui plus est, la déperdition de la communalité se traduit également, et en même temps, par une communication viciée. On sait, depuis George Steiner, que la parole sert non seulement à communiquer mais aussi et peut-être même surtout à dissimuler. Rappelons-nous, ici, la note de l’auteur qui précède le texte: « Vous avez entre les mains le texte positif de la pièce Le testament du couturier. Positif parce qu’il est fait de la moitié des répliques du texte original. Positif, aussi, parce qu’il est"réel". La partie négative, donc"virtuelle", est dans le silence des répliques enlevées » ([7]).

26 Le fait donc de ne donner que la moitie des répliques, c’est à dire de ne donner que l’endroit, pour ainsi dire, des répliques, met en valeur ce qui reste dissimulé, leur dessous. Au dire de Jane Moss, Le Testament du couturier se présente « comme un mystère qui force le spectateur et le lecteur à remplir les blancs du texte, à percer les secrets de la Banlieue et à dévoiler les manigances des ses habitants » (117). Au coeur de ce dialogue scindé repose donc la notion du secret: « Désormais, monsieur Mouton, seul le secret pourra nous sauver » (25), déclare Miranda.

27 Comme la parole, la robe signifie autant par ce qu’elle cache que par ce qu’elle montre. Espèce de membrane métaphorique, elle est la peau, la frontière perméable entre les êtres. Dans la mise en scène de Beddows, elle finit par tapisser tout l’espace froid et dur du décor. À ce propos, Beddows livre la clef de son interprétation du texte de Ouellette: « La robe fait le travail de faire craquer l’univers ». Pour lui, la robe et la fin sont investies de significations foncièrement positives. Cependant, Bouchard offre une autre lecture de la fin:Plus le scénario se précise, plus les tissus et la lumière emplissent [l’]atelier, plus la robe de l’aimée se déploie pour investir à la fin tout l’espace scénique depuis le centre, du sol au plafond, comme une lèpre. Les mots du testament du premier tailleur, projetés sur [de] larges pans grâce à une lumière rouge, évoquent autant le sang que les flammes d’un brasier infernal. (55, nous soulignons)Cette robe est-elle un abri chatoyant dressé en plein air ou un linceul tendu pour recevoir une masse de dépouilles? Autant robe de mariée qu’ailes de corbeau, autant robe d’ange illuminé par un étrange soleil que « flamboiement » généralisé de l’épidémie— pour reprendre la poésie d’Artaud—, elle est toujours déjà ambivalente. Mais, en dépit de son ambivalence foncière, elle n’en demeure pas moins un symbole de la sensualité, de la beauté et du risque. Deux versants d’une seule signification gnostique: les conflits qui dorment en nous sont réveillés par le Théâtre de la cruauté qui agit comme la peste en exposant à la lumière les conflits de la psyché.

28 On arrive alors à un constat étonnant et curieux: bon nombre des préoccupations que l’on a tendance à associer aux textes « classiques » du corpus franco-ontarien—le repli et l’inachèvement, les troubles de la communication, l’errance, l’irruption du passé dans le présent, la déperdition de la communauté, l’exclusion—reviennent modulées dans cette pièce de science-fiction. Ouellette rompt le pacte de la communalité régionale fondée par Lavalléville et prolongée par French Town. Dans l’univers stérile et cauchemardesque de la Banlieue, c’est l’apatride, l’agent solitaire qui est valorisé. Il est d’ailleurs significatif qu’une seule comédienne soit appelée à incarner toute la distribution, à revêtir, pour ainsi dire, la robe. C’est donc dans la singularité subversive devenue exigence—une robe, un couturier, une comédienne—que le mythe se précise et que l’« ego phano » réactualisé d’Œdipe prend tout son sens. Or, le dramaturge n’évacue pas pour autant la question du rapport individu-collectivité ni les problématiques de l’altérité ni la fragilité de la condition minoritaire devenue innommable et sans allégeance. La robe se présente ainsi comme un dispositif analogique qui situe le texte à la jonction de deux paradigmes: celui de miroir de la condition particulière dans laquelle le théâtre de Ouellette est produit et celui de la condition dite humaine qui trouve son expression la plus claire dans la mise en scène des forces régénératrices et communicatives du mythe. Aussi Ouellette fait-il dialoguer sa pièce avec le théâtre mondial. Désormais,c’est tout l’Occident contemporain qui porte le mal, un mal qui lui colle à la peau comme une immense robe de Déjanire. L’espace détruit, la communalité détruite, la peau détruite, il ne reste plus que la robe. Encore faut-il savoir la porter.

Annick Léger dans Le testament du couturier, produit à La Nouvelle Scène en février 2003

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Photo: François Dufresne.

Ouvrages cités

Artaud, Antonin. « Le théâtre et son double. » Œuvres complètes. Tome 4. Paris: Gallimard, 1970. 11-171.

Atwood, Margaret. The Handmaid’s Tale. Toronto: McClelland & Stewart, 1985.

Beddows, Joël. Entretien (inédit) avec Stéphanie Nutting. Le 5 mars 2005.

Bouchard, Jacqueline. « Dédoublements. » Spirale 196 (2004): 55.

Barroll, Leeds. Politics, Plague, and Shakespeare’s Theater. Ithaca; London: Cornell UP, 1991.

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Notes

1 « En Ontario français, un théâtre de création collective a permis d’espérer, à la fin des années 70, une ouverture de l’espace public, un renversement de cet autre théâtre des nécessités où les Franco-Ontariens jouaient quotidiennement le spectacle un peu futile de leurs identités et de leurs discours politiques » (Paré, Distance 172).

2 Ce texte fut publié en 2002 chez Le Nordir mais il y a eu des manifestations publiques bien avant, en commençant par une lecture publique au Café Comid’Art à Ottawa en 1997 suivie d’un laboratoire en 2001, à la Nouvelle Scène à Ottawa, sous la direction de Geneviève Pineault. La première production proprement dite date du 19 février au 1er mars 2003 à la Nouvelle Scène, à Ottawa, dans une création du Théâtre de la Catapulte en collaboration avec le Centre culturel MIFO d’Orléans, et avec le soutien du Centre national des arts du Canada.

3 On sait que Patrick Leroux, un autre dramaturge franco-ontarien et fondateur du théâtre de la Catapulte, s’est aventuré dans le domaine de la science fiction vers la même époque avec son « anti-opéra cybernétique »: Le rêve totalitaire de dieu l’amibe.

4 « Plague, from the Latin plaga (stroke, wound), has long been used metaphorically as the highest standard of collective calamity, evil scourge—Procopius, in his masterpiece of calumny, The Secret History, called the Emperor Justinian worse than the plague ("fewer escaped") —as well as being a general name for many frightening diseases » (Sontag 250).

5 Dans la mise en scène de Beddows présentée au Théâtre du Nouvel Ontario, le 5 mai 2005 à Sudbury, il s’agissait d’une femme sur scène, Annick Léger, dont la perfomance fut louée et perçue comme un véri-table tour de force.

6 Cette forme discursive est recensée brièvement par Pfister, cf. la rubrique intitulée « Dialogical tendencies in soliloquies » (130).

7 Compte rendu de la représentation de la pièce en tournée au Théâtre Périscope de Québec, du 25 au 29 novembre 2003.

8 Cette lecture du texte d’Artaud rejoint celle de Jane Goodall qui se sert du mot « revelation » pour caractériser le pouvoir transformateur de la peste: « the powers of the plague are powers of revelation, of alchemical transformation, leading through the nigredo of dissolution towards a new genesis. Artaud describes how volcanic eruptions on the surface of the flesh violate the inside/outside borders which preserve corporeal integrity, as social, psychological and ethical structures implode » (Goodall 529).

9 « Hostless fleas prefer all sorts of cracks and crannies, in fact, and rat fleas are thus found not only in grain but also in baggage and in human clothing. They are quite attracted to objects that are white, preferring fabrics, bedclothes, or clothing » (Barroll 85).

10 Le Testament du couturier et la nouvelle de Thomas Mann, Mort à Venise (Der Tod in Venedig), établissent tous les deux une association étroite entre les symptômes de la peste et le refoulement du désir sexuel. Une comparaison des deux récits mériterait à elle seule une analyse approfondie et pour cette raison dépasse les confins du présent article.

11 « Le théâtre n’est fait ni pour la démonstration ni pour les solutions. Il se nourrit de questions et de problèmes » (Sartre 291).