Rendre l'espace lisible: le Recit de voyage XIXe siecle
Pierre Rajotte
Le seul moyen de voir un pays tel qu'il est, c'est de le voir avec ses traditions et ses souvenirs.
Chateaubriand Itineraire de Paris a Jerusalem
LA PRATIQUE DU RECIT de voyage connait au Quebec un engoue-ment sans precedent au cours de la seconde moitie du XIXe siecle. \ Pres de 160 recks sont publies en volumes pendant cette periode. Plus nombreux encore sont ceux qui paraissent dans les periodiques et les revues litteraires. En tenant compte de la particularite de cette pratique qui est correlative a la « realite percue », on peut se demander comment les voyageurs rendent l'espace lisible ? Que signifie faire reference a l'ltalie, a l'Espagne, a 1'Orient ou a l'Ouest canadien dans leurs recks de voyage ? Comment contournent-ils la plus grande difficulte que pose l'ecriture du reck de voyage a savoir la tension dialectique entre l'espace du referent (en tant que realite) et l'espace de sa construction discursive ?
Les voyageurs du XIXe siecle visent a peu pres tous a restituer le plus fidelement et le plus exactement possible l'espace parcouru. Mais tous se butent au meme probleme : rimpossibilite d'une reproduction qui soit parfaitement naturelle. Comme le signale Christine Montalbetti (1993 : 152), « les mots ne constituent pas un medium adapte : l'ecriture parait impropre a rendre avec exactitude un objet visuel » et, partant, semble condamnee a 1'approximation. « Entre 1'experience du terrain et l'ecriture, note pour sa part Isabelle Daunais (1996 : 50), il y aurait incompatibi-lite, une forme de demesure. "Faire une description" implique une reduction ou une fixation de l'image alors que la realite est toujours changeante ». En fait, que ce soit en raison de la texture visuelle de l'espace, de sa nature exotique ou de son heteronomie, le lexique du voyageur semble le plus souvent impropre a en rendre compte. Face a cette difficulte, les voyageurs tendent a recourir a diverses strategies.
L'ellipse constitue sans doute la solution la plus radicale. Elle permet ponctuellement de contourner le reel en evitant d'avoir a le decrire. Au sujet du cimetiere Campo santo de Rome, l'abbe Jean-Baptiste Proulx ecrit: « Le crayon se refuse a decrire tant de richesses, de sculptures si fines, si delicates, si variees, marbre qui pleure, qui prie, qui espere » (1891 : 44). La description est evacuee au profit d'un hiatus, dont l'auteur se contente d'exposer le motif: « Je n'entreprendrai pas, note Henri-Raymond Casgrain (1892 : 342), de vous decrire les beautes du golfe de Naples qui ont inspire les plus grands poetes et exerce la plume des meilleurs prosateurs ». En Terre sainte, l'abbe Casgrain (1892 : 377) pretexts a nouveau le risque de la repetition : « Je me garderai bien de decrire le Saint-Sepulcre, non plus que Jerusalem. Apres tant d'auteurs celebres, d'hommes de génie qui en ont fait des descriptions que tout homme ins-truit a lues, rien ne serait plus facile que d'en faire des pastiches plus ou mo ins reussis ».
En plus de Pellipse, les auteurs peuvent faire appel a la citation qui vient remplacer la sequence a ecrire. Ainsi, pour decrire son periple en Ca-lifornie, Arthur Buies emprunte des descriptions au Great Trans-continental Tourists Guide de George-A. Crofiitt (1871), en plus de recopier plu-sieurs pages d'un article du voyageur francais Rodolphe Lindau (1870) sur « Le chemin de fer du Pacifique ». D'autres voyageurs, soucieux de 1'at-tente du lecteur dej'a. familiarise par les idees couramment repandues sur le pays visite, compensent ce que leur memoire a oublie ou ce qu'ils n'ont pas vu en demarquant servilement des pages entieres de guides touristi-ques ou de manuels specialises. Bien qu'il n'ait pas vu les catacombes de Paris pendant son voyage, Francois-Xavier Garneau n'hesite pas, pour les decrire, a recopier pres de quatre pages de M. Gaillardet parues dans le Musee des Families de 1835. Omettre une telle description pourrait etre considere comme une lacune, car elle fait partie des repetitions necessai-res qui renvoient le lecteur a l'image preetablie qu'il se fait d'un voyage a Paris. Pour sa part, Adolphe-Basile Routhier reconnait que :
un livre sur l'Espagne ne serait pas complet sans une description des courses de taureaux, et cependant, avoue-t-il, je n'ai pas vu ce spectacle; car elles n'ont pas lieu durant l'hiver, et c'est dans cette saison que j'ai visite le pays du Cid. Pour satisfaire la curiosite du lecteur, estime-t-il alors, il ne me reste qu'une ressource : reproduire le recit de quelque voyageur qui a pu etre temoin de ces etranges combats. (Routhier, 1889 : 147)
La citation de meme que le processus elliptique offrent une solution aux voyageurs impuissants a rendre compte de leur objet par l'ecriture. Seulement, il s'agit, on le comprend, de solutions qui ne sont pas generalisables. Systematisees, la premiere menerait a 1'absence de texte, et la seconde a un collage d'ecrits qui n'est plus un reck de voyage. Aussi les voyageurs optent-ils plus communement pour d'autres strategies de substitution qui apparaissent moins perilleuses. La comparaison, par exemple, permet d'associer ou d'opposer des lieux, des modes de vie, de ramener un objet inconnu a un objet connu. Ainsi, la plupart des voyageurs me-surent constamment les lieux du voyage a l'aune des lieux canadiens. En traversant le Delta du Nil, Casgrain note : « De chaque cote s'etend [sic] des plaines immenses qui ressemblent vaguement aux prairies du Manitoba » (1892 : 354). La topographie canadienne sert d'unite de mesure a revaluation, a la description, de l'espace visite : « Cette annee, l'hiver a ete tres sec et le Jourdain n'est plus qu'une petite riviere aux eaux jaunes et troublees comme le Tibre, ou encore comme la riviere Saint-Charles qui Legale en largeur vis-a-vis LHopital General » (Casgrain, 1892 : 394). L'abbe Casgrain etablit, litteralement, des rapprochements, associe un lieu a un autre, voit un lieu dans un autre.
La Plaine de l'Attique, qui s'etend au Nord-Ouest d'Athenes et qui est bornee par les monts Daphni, rappelle la vallee de la riviere Saint-Charles, vue des remparts de 1'Esplanade. Les faubourgs d'Athenes s'etendent au pied de l'Acropole comme ceux de Saint-Roch et de Saint-Sauveur au pied du coteau Sainte-Genevieve. La plaine s'eleve graduellement comme celle de Charlesbourg et de Lorette, et se ferme a l'horizon par des montagnes dont les sinuosites ressemblent a cel-les des Laurentides. (Casgrain, 1892 : 438)
On trouve une reaction semblable chez les voyageurs dans l'Ouest ca-nadien. Pour rendre plus concret un monde relativement nouveau, ces derniers ne peuvent s'empecher de l'inscrire dans l'ancien. Ainsi BouuSillier-Chavigny, qui s'adresse a des lecteurs europeens, table a main-tes reprises sur des referents connus de ses destinataires :
A l'ouest du Manitoba s'etend le district de Tassiniboine; sa super-fide egale celle de la moitie de l'Espagne. Au nord, les fertiles vallees des deux Saskatchewan forment une autre region distincte, d'une superficie égale a celle de l'ltalie. A l'ouest, enfin, de ces différents districts [...] se ddroulent les gras paturages de l'Alberta dont la superficie depasse celle de la moitie de la France. (1893 : 122-123) [...] Le climat du district d'Edmonton rappelle beaucoup celui des hautes vallees de la Suisse. La similitude de ces deux pays ne se borne pas la, il serait facile de l'etablir. (Bouthillier-Chavigny, 1893 : 186)
Mais plus encore que de mettre en comparaison deux lieux, cette pratique de la substitution consiste generalement « a mettre en regard le monde et le corpus des textes qui en proposaient une premiere formulation » (Montalbetti, 1997 : 179). « Dans le jeu de renvois et de superpositions des livres aux livres, ecrit Isabelle Daunais (1996 : 26), le reck se construk dans un rapport d'addition et de soustraction, d'ajouts et de silences. On ne dira pas ce qui a ete dit (encore qu'on finisse souvent par le repeter), on y ajoutera des variantes qui deviendront l'objet du reck ». « Le reck de voyage releve done, par essence, de la variation sur un theme commun. L'aventure individueUe de I'auteur devra s'y raconter sur le fond de representations collectives » (Dominique Jullien, 1992 : 7). Ainsi, pour reme'dier au caractere indescriptible de l'espace parcouru, les voyageurs utilisent des descriptions et des stereotypes qu'ils connaissent; pour re-donner a l'espace actuel, paysage anonyme, toute son importance, ils evo-quent l'espace passe, idealise et reactualise par la convocation des livres ; pour pallier l'insuffisance du reel a constituer un objet litteraire, ils recou-rent a des enonces ou a des schemes qu'ils empruntent a la fiction. Ces parcours subsidiaires, qui transforment ponctuellement l'experience du voyage, prennent tour a tour, ou conjointement, la forme d'un voyage dans le temps et celle d'un voyage dans les livres.
Le voyage dans le temps
Tout comme la comparaison d'un lieu a un autre, la substitution d'un temps a un autre constkue l'une des solutions les plus courantes envisa-gees par les voyageurs pour apprehender l'espace. Certes, les voyageurs procedent par une logique narrative du deplacement spatial en laissant entrevoir un itineraire. Mais ce deplacement dans l'espace laisse souvent place a un voyage dans le temps, a la rencontre d'un monde qui n'existe plus. C'est particulierement le cas chez les voyageurs en Orient ou en Europe qui associent systematiquement les lieux qu'ils parcourent au passe qui s'y rattache. « Vous ne pouvez pas faire un pas a Rome, note l'abbe Proulx, sans soulever le souvenir de quelque fait historique interes-sant » (1891 : 56). Pour sa part, Francois-Xavier Garneau retrouve sans cesse l'Europe telle que l'a immortalisee l'histoire. « A la vue de cette fiere Albion, ecrit-il, toute l'histoire de son passe se deroulait dans ma me-moire, et me rappelait les grands evenements qui avaient illustre les lieux dont nous approchions » (1855 : 19). Son voyage prend alors la forme d'un pelerinage qui a pour objet le culte d'un passe revolu. D'oii la recherche tout le long du parcours de « vestiges » (1855: 141), de monuments et de ruines, « ces debris du passe qui jonchent partout le sol de la vieille Europe jusque dans ses extremites les plus detournees et les plus sauva-ges » (1855 : 246). Plutot qu'un reel immediat et observable, c'est l'his-toricite qui predetermine sa perception de la realite de l'Europe, une rea-lite non pas empirique mais tributaire de divers discours, notamment ceux de Thierry, Guizot, Michelet et Thiers.
Pour plusieurs voyageurs en Orient ou en Italie, 1'itineraire le plus commun consiste a visiter les ruines pour retrouver les traces d'un passe prestigieux, « a lever la draperie de poussiere antique sous laquelle elles [les ruines] cachent [des] splendeurs disparues » (Gaston P. Labat, 1886 : 93). L'interet de ces vestiges ne reside pas dans leur apparence concrete, mais dans leur signification historique : « car sur toutes les couches de cette poussiere, note Napoleon Bourassa (1864a : 29), sont ecrits des faits et des souvenirs qui permettent de suivre le progres du Peuple Roi et de constater les evenements de l'histoire ». Selon 1'abbe Dupuis (1894 : 400), « les paysages historiques du vieux monde, tout steriles et arides qu'ils sont, interessent infiniment plus que les splendeurs veritables de notre Occident. Un monde est enseveli dans cette poudre, et ce grand defunt parle encore ». Ce n'est done ni l'agencement des pierres, ni leur usure qui retient l'attention des voyageurs, mais la possibilite qu'elles leur offrent de sub-stituer le discours historique a la description de l'espace actuel, de rappeler ce qui a deja ete dit (ou ce qui a deja ete ecrit) plutot que de dire ce qui est. Face aux ruines du Forum romain, Adolphe-Basile Routhier s'exclame :
O marbres couches dans la poussiere, 6 colonnes et chapiteaux que les tempetes humaines ont renverses, relevez-vous et prenez la parole ! Racontez-moi votre histoire, votre grandeur et votre ruine, [...]. Di-tes-moi ce que vous avez vu depuis Cesar jusqu'a NeVon, depuis Ne-ron jusqu'aux invasions des barbares. (Routhier, 1885 : 315-316)
Ce hiatus entre l'espace present, vide de son sens, et l'espace du passe, associe a. tout un savoir, se conjugue chez certains voyageurs a des mises en scene de veritables visions. L'ltalie du passe renait sous leurs yeux. L'observation laisse alors place a. la convocation des ouvrages historiques: « J'ai achete de bons livres qui expliquent tout, et qui ressuscitent pour moi un passe souvent inconnu » (Proulx, 1891 : 94); ou encore a la reverie et a la derive imaginaire :
Au milieu des colonnes tronquees, je croyais les [les morts] voir sur-gir et peupler la solitude. Ces ombres prenaient des corps, et 1'antique Forum reparaissait avec son bruit, sa foule, et sa vie pai'enne. Elles circulaient partout, et je m'imaginais coudoyer les anciens Romains. (Routhier, 1885:318)
Ainsi les monuments de Rome ne sont pas admires pour ce qu'ils sont, mais plutot pour le passe qu'ils permettent de faire ressurgir. Les voya-geurs ne peuvent s'empecher de les percevoir en fonction d'une autre tem-poralite que celle du voyage. En temoignent les nombreuses reactions stereotypees face au Colisee.
Oh! quel spectacle que le Colisee au clair de la lune! Combien il vous dit de choses a l'imagination ! Combien il parle a votre foi! Ces pi-lastres enormes, qui soutiennent cette construction gigantesque élevant jusqu'au Ciel depuis plus de 1 800 ans sa tete orgueilleuse, que ni les hommes ni le temps n'ont pu abattre, sont des monuments dignes du peuple, qui, par sa grandeur et ses prodiges, avait merite d'etre appele le peuple Roi. (Ricard, 1859 : 50)
Vestige de la grandeur du peuple romain, le Colisee represente aux yeux des voyageurs beaucoup plus qu'il n'est en realite. II devient topos, c'est-a-dire, precise Marie-Noelle Montfort (1985 : 309), « expression du my-the [italien], lorsqu'a la description objective s'ajoutent des effets litterai-res, des themes deja orchestres comme revocation du passe, la deplora-tion de la decadence, 1'esthetique de l'usure, la beaute du clair de lune ». La valorisation de la dimension mythique de I'ltalie apparait avec evidence encore quand on songe a. ce « type » pittoresque qu'est le brigand italien. Veritable curiosite ethnographique en train de disparaitre, les brigands appartiennent au patrimoine historique de I'ltalie. Toutefois, a l'instar de la Rome antique, ils ont ete transformes en attraction touris-tique et en mode poetique. « La litterature meme des recits de voyage, note Montfort, s'en est empare et a fait d'eux des heros mythiques et ro-manesques, des topoi que Ton rencontre plus souvent dans les relations de voyage que sur les grands chemins » (1985 : 292). Chateaubriand, Stendhal et Dumas, pour ne nommer que ceux-la, y font allusion dans leurs ecrits de voyage en Italic Les Canadiens Louis Ricard et Napoleon Bourassa ne font pas exception a. la regie et rapportent plusieurs legendes magnifiees par la tradition populaire. Pour l'un comme pour 1'autre, les brigands offrent des perspectives romanesques intiressantes, meme si ni l'un ni 1'autre n'en rencontrent, pas meme au cours de la traversee repu-tee dangereuse des Marais Pontins. En fait, contrairement a Chateaubriand, a Stendhal et a Dumas qui denoncent le mythe, — « on nous a vole nos voleurs » ecrit Dumas (1843 : 291) qui constate que les voleurs sont plus fictifs que reels — , les voyageurs canadiens tendent a le reacti-ver. Leur desir de retrouver l'ltalie du passe est tel qu'ils preferent pour-suivre les « ombres des brigands » (Montfort, 1985 : 302) plutot que de constater les progres de 1'histoire.
Non moins que des destinations consacrees comme l'Orient et l'ltalie, les voyageurs qui abordent des contrees relativement peu connues n'echappent guere plus a la tentation de substituer le passe au present. Dans son « Voyage autour de l'lle d'Orleans », le docteur Hubert Larue, tout comme l'abbe Casgrain dans son « Pelerinage a l'lle-aux-Coudres », presente une image du referent qui tient plus de 1'imaginaire que de la realite. Le desir de retrouver des lieux conformes a un passe idealise sus-cite le besoin de les installer dans un temps mythique, de les percevoir par le biais d'allusions historiques, de legendes et de diverses anecdotes qui doivent beaucoup a 1'imaginaire. La ou d'autres se limiteraient a etudier I'activite agricole par exemple, Larue et Casgrain ne veulent plus voir que paysages pittoresques et vestiges : « Transportez-vous maintenant, par la pensee, a l'annee 1535, et suivez du regard la scene qui se passait ici, dans la matinee du 7 septembre, fete de la Nativite de la Sainte-Vierge » (Casgrain, 1876 : 81). C'est en fait l'lle d'Orleans et l'lle-aux-Coudres tou-ristiques qui naissent de leurs ecrits, de nouveaux itineraires, enrichis de sites et de ruines proposes a l'admiration, temoins d'un passe desormais mieux connu, encore qu'etroitement mele de legendes et de superstitions. Mais en meme temps il s'agit d'une vision tres selective, estompant sys-tematiquement les realites presentes derriere l'evocation privilegiee du passe idealise. « On ne fait jamais le tour de l'lle sans venerer I'endroit ou s'est dite la premiere messe [par le reverend pere Labrosse en 1765], que les guides ne manquent pas d'indiquer aux pelerins » (Casgrain, 1876 : 38).
De meme, les voyageurs dans l'Ouest canadien ne se bornent pas a res-tituer le monde exterieur mais egalement les souvenirs historiques qui s'y rapportent. « Pour que ce livre soit plus complet, indique Adolphe-Basile Routhier (1893 : 54), il nous semble necessaire d'esquisser ici a grands traits les faits historiques les plus importants des originesdu Nord-Ouest Canadien ». Des lors, le passe, et plus particulierement « toutes les luttes heroi-ques de nos annales militaires, toutes les courses aventureuses de nos har-dis decouvreurs, tous les devouements apostoliques de nos pieux mission-naires, dont cette contree a ete le temoin solitaire, etonne et discret » (Proulx, 1886 : 131) sont retenus comme des composantes de la realite du Nord-Ouest.
Pour une part, la demarche des voyageurs dans l'Ouest s'apparente a celle des voyageurs romantiques en Orient et en Italie, qui visitent les mines pour restituer par-dela les debris actuels et visibles, un monde dis-paru, voire imaginaire, mais dont les livres attestent 1'existence. Routhier deplore f absence dans le Nord-Ouest de vestiges qui lui permettraient d'operer cette transformation du champ de vision spatial en une evocation du passe teintee de melancolie :
Quand le voyageur traverse les solitudes de l'Orient, elles lui mon-trent des ruines, des pierres, des tombeaux, des inscriptions qui font revivre sous ses yeux les siecles ecoules. Mais ici rien n'est reste, pas meme une tombe qui contienne les cendres du passe, et nous per-mette de refaire son histoire. (1893 : 178)
A defaut de ruines, les auteurs doivent se rabattre sur une region precise : « Enfin, nous arrivons a Sault Sainte-Marie qui reveille bien des souvenirs historiques [...] » (Routhier, 1893 : 49) ; ou encore sur une riviere, un rivage, une foret, une montagne, et meme des « taillis touffus » :
La Mattawan etait le chemin des peres Juites, se rendant au pays des Hurons. [...] Les Peres Brebceuf, Lallemand, Jogues et Daniel ont done frappe" ses ondes de leurs avirons, ils ont campe sur ses rivages, leurs pieds ont foule les sentiers de ses bords. C'etait aussi le chemin qui conduisait aux pays d'en haut: que de fois le soir, ces rives ont vu les feux des coureurs des bois! ces forets et ces montagnes, ont repete leurs chants ! Que de fois ces taillis tourfus ont cache leur ombre et leurs mysteres, le sauvage sournois, guettant son ennemi! (Proulx, 1886:8)
Cette presentation de l'espace comme trace du passe permet de reduire l'infraction a l'egard de la reproduction du reel. Tout se passe comme si l'articulation entre la description des lieux et le recit historique qu'il ge-nere, au lieu de se mettre en place dans le seul recit du voyage, etait deja contenue par l'espace. « La trace, qui inscrit dans l'espace la marque de l'evenement, fait remarquer Montalbetti (1997 : 229), fonctionne comme une synecdote de 1'effet pour la cause, et appelle ainsi le recit de l'evenement qui l'a produite ». Le recours au recit historique, a une source tex-tuelle pour decrire l'extra-textuel ne resulte plus d'une incapacite de l'ecri-ture individuelle a se derouler de maniere autonome, car il semble pro-voque par le reel meme. « Au croisement du visible et du lisible, done, la ruine et la trace reclament de se donner les moyens d'une hermeneutique qui les dechiffre et d'un discours qui les restaure » (Montalbetti, 1997 : 231). Elles entrainent un jeu de regards croises, dans la mesure oil « le voyageur voit des lieux qui ont vu » (Montalbetti, 1997 : 233). « Notre esprit erre, en souvenir, a travers les hauts faits d'armes accomplis dans le mysterieux du passe et dans le silence de ces parages solitaires; notre bou-che les rappelle; notre regard se promene, a perte de vue, sur les riots qui en ont ete les temoins etonnes » (Proulx, 1886 : 105).
Dans son Pelerinage aupays d'Evangeline, Pabbe Casgrain donne toute la mesure de cette approche qui consiste a faire de l'exploration d'un ter-ritoire un moyen de retrouver son passe. Rappelons qu'avec Edme Ra-meau de Saint-Pere, Casgrain est Pun des premiers historiens francophones a fouiller les archives et a recueillir des temoignages pour prouver Pini-quite de la deportation des Acadiens. De propos deliberes, il adopte un point de vue polemique1. II s'agit avant tout de repondre a Phistorien Francis Parkman qui a affirme que les Acadiens s'etaient attire la puni-tion de Pexpulsion en collaborant avec Pennemi. A Paide d'une documentation inedite, Casgrain entend prouver Pinnocence des deportes et ainsi retablir le caractere absolu de Pexil.
Toutefois, comme son titre Pindique, Pouvrage de Casgrain a ceci de particulier qu'il se presente sous la forme d'un recit de voyage. On y re-trouve en effet une logique narrative qui laisse entrevoir un itineraire : de Quebec a Campbellton, Memramcook, Amherst, Truro, Windsor, Kentville, Grand-Pre, Annapolis, Digby, Saint-Jean, etc. La description des lieux est cependant reduite a sa plus simple expression au profit de rappels historiques. Plus encore qu'un territoire geographique, PAcadie evoque avant tout des moments historiques privilegies. « L'histoire de PAmerique du Nord, estime Casgrain, offre peu d'evenements aussi dra-mariques que Pexpulsion des Acadiens de leurs foyers » (1887 : 136). L'es-pace reel parcouru n'est plus alors que le pretexte d'un espace passe a re-constituer. « Cette excursion, ajoute Casgrain, offre un genre d'attrait different, mais non moins vif qu'un sejour sur le vieux continent, a condition toutefois d'etre bien au fait du passe de PAcadie, principaiement depuis la date du grand derangement » (1887 : 135). L'exploration du territoire prend la forme d'un voyage dans le temps, d'un pelerinage qui a pour objet le cuke d'un passe transforme en Mud tempus1. D'ou la recherche tout le long du parcours du moindre fragment qui temoigne de ce passe : « Voici la Pree-Ronde, ou florissait jadis une paroisse acadienne. II n'en reste aucune trace, pas plus de celle de Port-Royal, petite ville toute anglaise qui ne repond plus qu'au nom d'Annapolis. Elle n'a d'autre in-teret que les ruines de son fort, aujourd'hui abandonne comme celui de Beausejour » (1887 : 130). Le voyage de Casgrain se double d'un itineraire symbolique. Les ruines et les lieux visites perdent leur realite objectale au profit d'une connotation historique. Casgrain ne vise pas a les decrire, a en rendre compte, mais a les interpreter, a les decrypter, a reveler leur signification :
On le [le Messagouetche] traverserait sans y faire attention, s'il n'evo-quait le souvenir des scenes sanglantes dont il a ete le theatre. C'est ici que venaient se rencontrer les partis de guerre stationnes aux deux forts, pour s'en disputer le passage apres avoir ravage les terres et brule les moissons des pauvres Acadiens. (Casgrain, 1887 : 47-48)
Ce recours constant a l'histoire, traitee tantot sur le mode didactique (abrege de l'histoire d'une epoque ou d'un lieu), tantot sur le mode ro-manesque ou epique (evocationdune batailleavecles amerindiens dans l'Ouest canadien), vise manifestement a occulter les difficultes qu'eprou-vent les voyageurs a rendre compte de l'espace tel qu'il se devoile a leurs yeux. Tout se passe comme si la scene naturelle ne pouvait etre circons-crite par l'ecriture, comme si la tentative de la reproduire a l'aide notam-ment de remuneration des objets vus ou de la narration des evenements vecus ne suffisait pas et devait etre etayee par une ecriture « litteraire ». Or, loin de se contenter de la portion congrue du reel, cette approche conduit toujours au-dela, dans la reproduction d'un savoir d'origine culturelle. En temoignent dans les recks les nombreuses allusions livresques qui trans-forment le voyage dans l'espace en un voyage dans les livres.
Le voyage dans les livres
Pour rendre compte des espaces qu'ils parcourent, les voyageurs recourent frequemment a des descriptions anterieures tirees de leurs lectures, a des referents livresques qui se susbstituent aux referents reels. Sur les lieux visites, chacun retrouve le souvenir d'une ceuvre litteraire et marche dans les traces des voyageurs illustres qui l'ont precede. II faut dire que l'lta-lie, 1'Orient ou la France se transmettent de generation en generation. Ces destinations ont suscite une telle production litteraire que les nouveaux voyageurs peuvent difficilement echapper a une forme de mimétisme culturel. Plus souvent qu'autrement d'ailleurs leur entreprise ne vise qu'a retrouver ces artefacts qui ont aliments' leurs reves du voyage.
Entre ce que les voyageurs ont vraiment vecu et vu et ce qui releve de 1'imitation il n'est toutefois pas toujours facile de faire la distinction. Les nombreuses citations ou allusions indiquent neanmoins l'ampleur de ce substrat livresque dans la plupart des recits. Les exemples de substitution ne manquent pas. Ainsi, devant Notre-Dame de Paris, Francois-Xavier Garneau evoque le roman de Victor Hugo; le chateau de Vincennes lui rappelle des vers de Lamartine; la Tour de Londres, un passage d'une tragedie de Shakespeare; la Sainte Chapelle lui remet en memoire des « vers de Boileau » (1855 : 118-119), et la place Dauphine, « des souvenirs il-lustres par la poesie et la « tragedie de Raynouard » (1855 : 119-120). Chez Faucher de Saint-Maurice, le recit de voyage prend la forme d'un veritable etalage d'erudition. Certes, le voyageur puise dans le souvenir de ce qu'il a vecu, mais il est remarquable qu'il croit devoir faire appel, beau-coup plus largement, a des souvenirs de lecture. A maintes reprises, son recit s'appuie non sur des faits observes empiriquement mais sur la litte-rature. Ainsi, a son arrivee a Mexico, il prefere citer la description de la ville de Gustave Aymard plutot que de rapporter ses propres observations.
En passant par San Martin, j'avais achete a un marchand de bric-a-brac un roman de Gustave Aymard — VEclaireur-— et j'étais a le feuilleter [...], lorsque mes yeux distraits tomberent sur Mexico, qui, comme une paresseuse creole, se preparait a s'endormir dans l'alcove a demi-fermee par le rideau de saules que lui forment ses trois lagunes. [...] je n'eus que le temps de lire ces deux phrases de Gustave Aymard, sur lesquelles j'etais tombe par un curieux hasard: « L'etranger qui arrive a Mexico au coucher du soleil, par la chaussée de 1'Est, une des quatre grandes voies qui conduisent a la cite Azteque [...], eprouve, a la vue de cette ville, une emotion etrange dont il ne peut se rendre compte ». (Faucher de Saint-Maurice, 1874, tome I : 104-105)
L'absence de la description de la ville se fait ici au profit d'un travail d'intertextualite qui consiste a decrire le reel a partir de ce qu'en dit une ceuvre litteraire. Le vecu du voyageur cede le pas a ses connaissances li-vresques. C'est dire que l'espace semble davantage se donner a lire qu'a voir. Mais plus encore, un deplacement s'opere de l'appreciation de I'objet referentiel « Mexico » a l'appreciation de la description qu'en a fait l'ecri-vain Gustave Aymard :
Cette description de la capitale de Maximilien ne manque pas de verite, et ma curiositi etait excitee au plus haut poinr par ce commencement de chapitre de l'emouvant feuilletoniste, lorsque nos mules, toute fremissantes d'impatience, entrerent au galop dans la vaste cour de Photel Iturbide. (Faucher de Saint-Maurice, 1874, tome I : 106)
On le voit, l'espace n'est pas consigne pour lui-meme. Sa representation fonctionne plutot comme une variation sur un theme commun, comme un jugement de conformite ou de non-conformite a l'egard d'un enonce prealable, bref comme une position de critique de texte. A cette substitution de I'objet referentiel (appreciation d'un roman plutot que de Mexico), s'ajoute parfois meme la substitution du sujet. Faucher de Saint-Maurice se compare alors a d'autres ecrivains-voyageurs, tantot a Volney : « je me mis a faire ce que Volney faisait sur les ruines de Palmyre » (1874, 1: 109-110); tantot a Chateaubriand : « A genoux sur cette fosse perdue, j'ai eu presque la pensee de Chateaubriand, et avec lui je me suis con-vaincu une fois de plus qu'ainsi passe sur la terre tout ce qui fut bon, vertueux, sensible ! » (1874, II : 59); tantot encore a Alexandre de Toc-queville :
Je lisais les souvenirs d'un aveugle par Jacques Arago, livre oil tout l'es-prit qui restait sur terre, est venu se refugier. Les etincelles qui jaillis-saient de ce style de feu me donnaient des eblouissements, et la tete renversee sur le coussin en cuir de la voiture je me laissais aller a une de ces reveries indeTinissables, qui s'etait emparee un jour dAlexan-dre de Tocqueville, lorsqu'il descendait le Mississippi. (1874,1: 191)
Le voyage permet de devenir autre. A la limite, il fait acceder le moi a la jouissance ludique du polymorphisme, en lui faisant assumer tour a tour les roles de voyageur, d'aventurier, de militaire, d'ecrivain, de critique et meme de personnage fictif.
Bien que je ne tienne guere a la reputation de poser en Rene — qui, a ses heures de chagrins et de decouragements, n'a pas aime, au moins une fois, a se mirer dans cette melancolique creation de Chateaubriand ? — je ne puis m'empecher de retrouver a son coeur une ressemblance frappante avec la funebre route que nous parcourons depuis ce matin. (1874,1 : 196)
Ces exemples de voyages a travers les livres, qu'on pourrait multiplier, indiquent a quel point les voyageurs ne peuvent s'empecher de percevoir le monde a travers des referents culturels. Outre la litterature, des allusions a la peinture illustrent egalement cette tendance a transmuer l'espace en art, en tableaux possibles. Ce qui fascine Henri-Raymond Casgrain a Rome, par exemple, c'est de retrouver dans les rues des sujets identiques a ceux qui ont jadis servi aux peintres; d'admirer la matiere premiere, qui a transcende les siecles. Ainsi, la rencontre dans la rue de deux petits en-fants qui mendient l'incite a susbstituer une reminiscence picturale a une description detaillee : « Raphael les auraient pris tous deux pour mode-les, et en aurait fait ces petits anges accoudes au premier plan de son fa-meux tableau, la Madone de Saint-Sixte, que tout le monde connait » (Casgrain, 1892 : 491). L'espace tend vers sa representation, se presente tantot comme un modele pour le peintre tantot comme un objet deja metaphoriquement constitue en tableau. « Les immenses travaux qu'on a executes sur la Tamise, note Francois-Xavier Garneau, [...] nous rappel-lent ces peintures poetiques des celebres villes de Tyr et de Sidon, tracees par l'imagination moderne perdue au milieu de leurs ruines » (Garneau, 1855 : 239). En un sens, les voyageurs « derealisent le monde reel », pour reprendre l'expression de Marie-Noelle Montfort (1985 : 75) en le faisant habiter par les etres irreels des peintres et des litteraires. De 1'eglise Saint-Ouen, Garneau mentionne :
Tout y est svelte et elance comme ces belles formes de vierge inven-tees par la poesie et reproduites par le pinceau des Raphael et des Michel-Ange. Cette eglise [...] excite sans cesse l'admiration des etran-gers, et son image inspire cette douce quietude qui a dicte ce poeme divin, ['Imitation, a un contemporain d'idees sinon de siecle de l'ar-chitecte de Saint-Ouen. (Garneau, 1855 : 275)
Garneau ne regarde pas 1'eglise Saint-Ouen pour elle-meme. II se detourne plutot de la scene naturelle et invite le lecteur a une reconnaissance cul-turelle. Meme attitude au sujet « du bourg et de la foret de Crecy devant lesquels se livra la memorable bataille perdue par Philippe de Valois en 1346 ». II ne s'agit plus de decrire les lieux, mais plutot de les imaginer a travers divers referents culturels :
Au nom de ces lieux mémorables, sous un ciel brillant d'etoiles, il me semblait voir, comme dans ces poetiques peintures du passage de la mer Rouge et du festin de Balthazar, par Martyn, les masses francai-ses, anglaises, normandes se deployer dans la plaine et sur le rivage, et leurs armes etinceler au milieu des ombres. Cette image grandiose me poursuivit une partie de la nuit. (Garneau, 1855 : 183)
Face a des espaces que les mots n'arrivent pas a circonscrire, les voya-geurs-ecrivains menent un jeu perdu d'avarice. Aussi se rabattent-ils sur des lieux communs et des referents culturels qui imposent une vision preetablie du monde exterieur. Comme le mentionne Roland Le Huenen (1987 : 55), le voyageur romantique « sait lui que le reel ne se dit pas, et que le seul moyen d'en parler est de recourir aux procedures et aux sys-temes de representation. [II] ne saurait oublier qu'il est aussi ecrivain ».
Le recours aux allusions litteraires peut varier considerablement d'un voyageur a I'autre. II n'en demeure pas moins revelateur des lectures dont se réclament les lettreVvoyageurs de l'epoque. Sans tenir une comptabi-lite rigoureuse des auteurs cites, il est possible d'observer certaines tendances generates, et notamment la predilection des voyageurs pour les allusions appartenant a la culture humaniste et a la culture biblique. A cela rien d'etonnant quand on songe a la formation que recoivent les lettres a l'epoque. Nourris de la tradition greco-latine et judeo-chretienne, ils ont tendance a decrire la realite sous un angle bien precis, a tendre au-dessus de la diversite et de la richesse du reel un filet simplificateur qui permet de l'ordonner et de le maitriser.
Le voyage en Orient, en particulier, participe d'un rituel qui consiste a retrouver les lieux saints tels qu'ils ont ete imagines dans les Ecritures. L'Orient, et notamment Jerusalem, est indissociable dans l'esprit des voyageurs d'un savoir livresque. « II nous est impossible d'oublier un instant, estime l'abbe Provancher (1884 : 343), que nous foulons a nos pieds la terre des merveilles, la terre des miracles, la terre des mysteres, car a chaque pas que nous faisons, ce sont des evenements bibliques, evange-liques ou historiques que chaque localite rappelle a notre souvenir ».
Meme pour decrire des espaces nouveaux, les voyageurs ne peuvent s'empecher d'evoquer spontanement des archetypes bibliques qui rendent possible, grace a leur valeur paradigmatique, une veritable representation mythique. « Ouvrez la Bible dans un de ces passages oil elle raconte la vie des anciens patriarches, ecrit l'abbe Casgrain, vous y trouverez une pein-ture fidele des mceurs simples, de la foi vive, des habitudes paisibles, du bonheur domestique de ces bonnes gens de l'lle-aux-Coudres » (Casgrain, 1876 : 69). Le discours des voyageurs tend a integrer le monde decrit a l'univers religieux du lecteur virtuel et a l'evaluer d'apres une echelle de valeurs admises dans la societe canadienne-francaise du XIXe siecle. II s'agit de ramener l'inconnu au connu, de restaurer l'image d'un monde coherent et comprehensible pour le lecteur. Cette appropriation naive du monde dans un reve de chretien humaniste a bien entendu pour consequence 1'occultation de toute alterite exterieure. Saisi a travers un ecran symbolique, le referent perd son essence propre. La comparaison ouvre la realite decrite sur autre chose qu'elle-meme, la met en contact avec une autre realite qui la modifie dans sa portie signifiante. Les allusions a la culture humaniste participent egalement de ce mode de representation.
La culture litteraire humaniste voisine la culture biblique chez les voyageurs. Phenomene bien explicable quand on songe a la formation que ces derniers recoivent dans les colleges de l'epoque. Rappelons en effet que dans l'esprit meme des etudes classiques, la culture latine presente une valeur archetypale non seulement au plan esthetique, mais egalement au plan referentiel, comme si elle representait le monde ideal des origines auquel il faut sans cesse se reporter pour donner un sens au monde présent. Pour d'aucuns, un recit de voyage en Italie est l'occasion de rappeler leur appartenance a une culture litteraire commune. Qu'il suffise de rappeler la signification de l'ltalie a l'epoque, une signification heritee de toute une tradition culturelle qui voyait en elle le fondement des grandes civilisations et la patrie des arts et des lettres. Au dire de Laurent-Olivier David (1861 : 315) : « Un voyage en Grece et en Italie est le reve constant des beaux genies, des grandes imaginations » parce que « ces deux pays furent la patrie des Lettres et des Arts, la patrie des Homeres, des Demosthenes, des Virgiles et des Cicerons ». « On croit y entendre, ajoute-t-il, l'echo de leurs grandes voix ; leurs pensees sublimes semblent dormir sur les ruines seculaires, amoncelees autour de leurs tombeaux. On va en quelque sorte les eveiller ». Le sejour de Napoleon Bourassa en Italie est l'occasion de visiter, livre en main, les lieux rendus celebres par Vir-gile. Sa maniere de voir le pays lui est dictee par le cygne de Mantoue :
Celui qui a lu les Egbgues de Virgile et qui connatt la Mythologie des Anciens, retrouve tout cela dans rhabillement et la vie des montagnards Calabrois. Leur costume simplifie' a ete evidemment le type des Dieux de la campagne. [...] Du reste, il [le montagnard] ne differe en rien dans son esprit et son caractere, des bergers de Tityre, Corydon, ou Alexis, chantes par le Poete de Mantoue. (Bourassa, 1864 : 305)
En abordant la ville de Cumes, Bourassa ne cherche pas tant a la decrire telle qu'elle s'offre a son regard qu'a rappeler les hauts faits dont elle fut le site. Le vecu du voyageur cede le pas a ses connaissances livresques, et la realite observee, a une allusion litteraire connue des lettres de l'epoque.
L'histoire et Virgile donnent la plus haute idee de cette ville, la plus antique de l'ltalie et qui jouait encore un role important dans le Moyen-Age. Le Poete de Mantoue fait aborder son heros [Enee] pres de ses murs. On le suit au temple d'Apollon oil il alia prier les Dieux de lui etre favorables. Les ruines de ce temple sont la; on accompagne le chef Troyen a 1'antre de la fameuse Sibylle, qui est aupres. On trouve sur ses traces : « La foret de l'Averne avec ses lacs immondes ». (Bourassa, 1864:312-313)
Ainsi le voyage se double d'un itineraire symbolique, d'une lecture du monde par le truchement des livres. A I'instar de Bourassa, I'avocat Louis Ricard (1859 : 52) trouve dans les auteurs antiques de veritables cicero-nes : « Tout l'aspect du pays est Stranger, on se sent dans un autre monde, dans un monde qu'on n'a connu que par la description des poetes de l'Antiquite qui ont tout a la fois dans leurs peintures, tant d'imagination et tant d'exactitude ». Se detournant de la scene naturelle, le voyageur cherche surtout a reconstituer les lieux legendaires que lui rappellent sa memoire et sa formation litteraire :
Je voulais y deviner l'endroit ou Pline le naturaliste s'etait fait coucher pres du rivage de la mer, sur un drap etendu qui devait lui servir de linceul. Car, dit Pline le jeune, « lorsque la lumiere reparut, trois jours apres le dernier soleil qui avait lui pour mon oncle, on retrouva son corps entier, sans blessure ; son attitude etait celle du sommeil plu-tot que celle de la mort ». (Ricard, 1859 : 55)
Pour sa part, l'abbe Proulx traverse la ville de Rome guide par ce que sa memoire livresque lui en rappelle :
Mes souvenirs classiques se reveillent, se dressent a chaque pas devant moi. Depuis le De Viris, passant par Ovide, Virgile, Horace, Tacite, jusqu'au/»ro Milone, on nous a tant parle de la ville aux sept collines, puis a mon tour professeur, j'en ai tant parle aux autres, que main-tenant je ne puis faire un pas sans m'accrocher le pied dans quelque sommet historique ou legendaire. (Proulx, 1891 : 112)
A la lecture des ecrits de voyage, on est frappe par la presence de lieux communs dans des textes qui traduisent en principe des experiences per-sonnellement vecues, mais aussi par le caractere interchangeable de ces poncifs appliques a des pays et a des populations differentes. Ainsi, non moins que les voyageurs en Italie, plusieurs voyageurs dans le Nord-Ouest canadien emaillent leur discours d'allusions mythologiques, de references a l'histoire ancienne et de citations latines, meme s'il ne s'agit le plus souvent que de reminiscences de college. Pour representer la realite qu'ils ont sous les yeux, ils n'hesitent pas a faire appel aux auteurs latins comme referents spontanes. L'etablissement de paralleles donne un sens a route nouvelle situation qui s'impose a. eux :
No-man-Land me fait songer a Ulysse qui prit, pour echapper aux mains du gint Pilypheme, le nom ingenieux de Personne, en grec Outis. Cependant le roi d'lthaque, dans ses longs errements, n'a jamais conduit sur cette cote sa barque avenmreuse. Ce n'est pas sous cette latitude que se trouvait la caverne du cyclope, que Virgile a si bien peinte dans un seul vers : Monstrum borrendum, informe, ingens, sui lumen ademptum. (Proulx, 1886 : 133-134)
En plus de marquer l'appartenance a une filiation, les sentences des auteurs antiques et la mythologie constituent pour les voyageurs d'excellente points de reference qui rendent possible une veritable interpretation paradigmatique des divers elements (nature, lieux, evenements, etc.) qui caracterisent leur voyage. Comme le precise Mircea Eliade (1963 : 177), la fonction de tout mythe « est de reveler des modeles, et de fournir ainsi une signification au Monde et a l'existence humaine ». Ainsi, meme en opposant la realite qu'il a sous les yeux a celle de la culture antique, Adol-phe-Basile Routhier accorde a cette derniere une certaine valeur referen-tielle, confirmant ainsi 1'impossibilite d'interpreter la realite sans y ren-voyer, fut-ce sur le mode de la negation.
Quelle difference entre le berger antique, que les poetes ont tant ce\6-bre depuis Homere et Virgile, et le cow-boy des ranches de l'Ouest! En fait, c'est la meme difference qu'entre les prairies sans bornes et les champs etroits d'Arcadie ou de la campagne romaine. Tytire pouvait bien s'etendre a l'ombre d'un hetre, sur le gazon toujours vert, et jouer de la flute. II n'avait pas autre chose a faire qu'a. regarder pai-tre son petit troupeau, paisible et discipline, dans un espace restreint. Mais le cow-boy a sous sa garde des troupeaux a demi sauvages, comptant des milliers de tetes, et ayant l'immensite pour paturage. (Routhier, 1893:266)
Les grands archetypes latins ou bibliques permettent d'operer la totalisation de l'experience et participent d'un processus de substitution qui procede par reduction du referent reel au referent culturel. Dans un sens, pour que le lecteur puisse assimiler l'espace geographique, il faut d'abord le renvoyer a l'espace de l'ecriture qu'il connait, et notamment aux citations ou aux allusions qui sont passees dans la culture courante des let-tres. Pour Henri-Raymond Casgrain, par exemple, parcourir l'lle-aux-Coudres est l'occasion toute designee de citer le fameux vers des Georgi-ques : « S'il etait permis d'evoquer la muse paienne apres ce recit biblique, note Casgrain (1876 : 80), on serait tente de redire avec Virgile a 1'aspect de la tranquille feiicite de nos insulaires: Ofortunatos nimium sua si bona norent Agricolae... Jamais la muse qui inspira au Cygne de Mantoue ses delicieuses pastorales ne lui fit voir un tableau plus riant et plus vrai du bonheur de la vie champetre ».
Mais tous les voyageurs n'ont pas arrete leur montre a l'heure de Virgile, Ciceron, Horace ou Homere. Plusieurs en sont a Chateaubriand, a Lamartine, a Hugo et aux autres ecrivains de l'epoque. Au fur et a mesure que Ton avance dans le siecle, les auteurs modernes s'imposent de plus en plus aux voyageurs. Le choix de plusieurs se porte tout naturellement sur les voyageurs celebres qui les ont precedes en Italie, en Orient, en Europe, etc. Louis Ricard suit en Italie les traces de Chateaubriand, Mme de Stael et Lamartine. En montant sur le Vesuve au moment du soleil couchant, il lui vient« a l'esprit le chant de Corinne sur les beautes et les souvenirs de Naples, morceau que Ton peut a juste titre appeler le chant du cygne » (Ricard, 1859 : 56). Le lac Bourget en France rappelle a l'abbe Proubc un passage evocateur du « Raphael » de Lamartine (Proulx, 1891 : 39). L'abbe Dupuis trouve en Lamartine et en Hugo des guides apprecies. En face du Saint-Sepulcre a Jerusalem, etreint par l'emotion, il s'exclame : « II est parfois des emotions si fortes qu'elles ne s'expriment que par le silence »; puis se souvient alors « de 1'impression que fit le sepulcre de No-tre-Seigneur sur Lamartine »(Dupuis, 1894 : 314). Suit deux citations d'une demi-page chacune. Des vers tires des Orientales de Victor Hugo se substituent egalement a 1'analyse des sensations du voyageur: « Reveur, les coudes appuyes sur le bastingage, je restai longtemps, ecoutant ce mys-terieux concert de la nature qu'entendit un jour la [sic] melancolique auteur des Orientales » (Dupuis, 1894 : 300). Suit alors le poeme « Ex-tase ». Pour sa part, l'abbe Casgrain evoque sans cesse 1'Acadie telle qu'il I'a imaginee a travers ses lectures, et plus particulierement telle que I'a immortalisee Longfellow, le chantre Evangeline. Son voyage dans le temps se metamorphose en voyage dans un livre de fiction. II devient un acte de lecture, ou plutot de relecture « grandeur nature » :
Avant de m'eloigner, je voulus suivre le chemin qu'avaient parcouru les exiles jusqu'au lieu de l'embarquement. La, assis sur le talus de la grande digue au pied de laquelle venait battre l'ocean, je restai long-temps a écouter le bruit melancolique de ces memes flots qui avaient mele leurs gemissement a ceux des infortunes bannis. J'ouvris Evangeline et j'en lus les principaux passages. On concoit ce que peut avoir de charmes une telle lecture fake sur le theatre meme des eve-nements. (Casgrain, 1887 : 128-129)
Dans le recit de Casgrain, la designation de 1'Acadie comme objet essen-tiellement textuel fonctionne au point que le reel et la fiction finissent par se confondre. Ainsi, la moindre jeune fille que le voyageur rencontre se transforme en Evangeline : « Voici, me dit le pere LeBlanc en m'indiquant une jeune fille assise aupres de lui, voici un souvenir vivant de Longfellow; c'est ma niece, Evangeline Doucet. Elle est fiancee, elle aussi, comme l'heroine du poete » (Casgrain, 1887 : 391-392). Le recit semble relie a l'intertextualite de facon organique, puisqu'il en conserve la realite vi-vante, sous forme de types humains : « A Shediac, note Casgrain, vit encore une descendante directe du vieux notaire LeBlanc, immortalise par Longfellow mais dont l'histoire vraie, comme on I'a vu, est bien plus triste que ne l'a dit le chantre 'Evangeline » (1887 : 445). Cette cristallisation de l'espace et de la fiction favorise l'instauration d'une vision mythique de 1'Acadie. D'une certaine maniere, le voyageur n'atteindra le cceur de l'Acadie qu'a travers le rappel de cette vision a la fois historique et litte-raire. De voyageur, de reprographe, il devient celebrant et procede, a la lettre, a une commemoration, voire a une verification symbolique. « Les femmes portent encore la cape normande, telle que l'a chantee Longfellow » (Casgrain, 1887 : 382).
Sans se reclamer directement de Lamartine ou de Chateaubriand, certains voyageurs n'en subissent pas moins leur influence, comme en temoi-gnent l'epanchement romantique et l'option passeiste qui caracterisent leurs recks. Plusieurs, par exemple, apprennent de Chateaubriand comment tirer des effets poetiques de la nature vierge de 1'Amerique. Ecrivant en pure gratuke, ils s'affranchissent d'une realite trop contraignante pour en remodeler une plus conforme a la methode chateaubrianesque. « Du grand ecrivain, [ils ont] appris que la poesie est moins dans la nature que dans l'ceil de celui qui la regarde. Comme lui, il[s] cherche[nt] non pas a rendre un compte exact du decor, mais a communiquer l'emotion qu'elle suscite, quitte a la trafiquer legerement» (Lemire (dir.), 1992 : 395).
Conclusion
La pratique du reck de voyage « se fonde sur un leurre dont personne n'est dupe : 1'illusion referentielle. Elle consiste a faire croire que l'espace reel peut etre atteint a travers l'ecriture » (Montfort, 1985 : 197). L'ecrivain-voyageur voudrait transmettre au lecteur le referent reel, mais il ne peut en communiquer qu'une representation parmi tant d'autres. Face aux difficultes de son projet referentiel, il recourt sans cesse a des enon ces de substitution. En ce sens, « l'ecriture du reck de voyage, estime Montalbetti (1993 : 10) se heurte a une aporie : son alternative est ou bien de dire les choses comme elles sont, et de rater la litterarke, ou bien de se constituer comme texte litteraire, et de rater la litteralite ».
La plupart des voyageurs canadiens-francais optent pour la seconde solution et, a cette fin, applique volontiers au reel des grilles d'interpreta-tion tirees de leurs lectures. Des lors, les lieux visites sont tout autant tex-tuels que reels, c'est-a-dire charges de presupposes, de stereotypes, de souvenirs, riches d'un savoir et d'une memoire. Voyager devient un acte eminemment litteraire puisque l'enjeu du voyage lui-meme est donne comme un texte a lire, a ecrire, a dechiffrer, ou plusieurs strates se super-posent. En temoigne dans les textes des voyageurs l'abondance des citations, des anecdotes, des souvenirs historiques et autres formes de recits qui constituent autant de textes dans le texte.
La connaissance procede normalement du connu a l'inconnu et, en ce sens, participe d'une certaine forme de reconnaissance. Aussi, pour rendre compte des lieux qu'ils parcourent, les voyageurs recourent-ils spontane-ment a des archetypes culturels (allusions bibliques, mythologiques, historiques, litteraires, etc.) qui, dans la societe de l'epoque, « connaissent» ces lieux, les expriment, les donnent a voir. Au demeurant, la consignation du voyage devient une operation metaphorique de recriture et de relec-ture. La litterature rend l'espace lisible, se presente comme une prosopo-pee de l'espace parcouru.
NOTES
1Voir a cet egard : Manon Brunet, « La correspondance Casgrain/Parkman : deux americanites, deux verites historiques », dans Henri Raymond Casgrain epistolier, (Quebec: Nuit blanche dditeur, 1995): 153-231. Voir egalement Pierre Rajotte, « Un pelerinage au pays d'£vangeline: l'entrecroisement de l'histoire et de la fiaion », Presence francophone, 49 (1996): 71-92.
2« Dans sa marche vers le lieu sacre, en vue d'y participer a l'efficacite" de l'evenement primodial, le pelerin rejoint Yillud tempus, le temps au cours duquel s'est deroule l'evenement ». (Jean Chelini et Henry Branthomme, 1987: 41)
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