SUR L'ÉCRITURE:
RENCONTRE AVEC DEUX
POÈTES ACADIENS

SCLIÉLC entrevue de Michel Giroux

Gérald Leblanc est l'une des figures de proue de la poésie acadienne. Né à Bouctouche en 1945, il vit depuis plus de vingt ans à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Il est l'auteur de six recueils de poèmes.

Née en 1954 à Notre-Dame-de-Kent, au Nouveau-Brunswick, Dyane Léger a fait son entrée dans le milieu littéraire acadien en 1980, en publiant un premier recueil de poèmes, Graines de fées, qui lui a valu le prix littéraire France-Acadie. Elle demeure présentement à Moncton.

MG: Gérald Leblanc, pourquoi avoir choisi le texte comme médium?

GL: Les gens me disent que je suis bon poète! Ça fait toujours plaisir. Enfin, je me dis aussi que c'est parce que je ne peux rien faire d'autre. . . . Je crois que j'ai toujours été fasciné par l'écriture, mais ce qui m'a lancé sur la piste, c'est la lecture des oeuvres de Guy Arsenault et de Raymond Leblanc. Guy, parce qu'il a écrit plus de la moitié de son oeuvre en chiac; Raymond à cause de quelques-uns de ses poèmes, entre autres "Je suis Acadien".

MG: C'est donc la problématique de la langue qui est à l'origine de ton désir d'écrire.

GL: C'est en partie ça. Guy et Raymond m'ont confronté au problème de la langue; ils m'ont fait prendre conscience qu'il y a chez nous des réseaux de langue. Je me suis dit qu'il y avait tout un filon à explorer en poésie chez nous en Acadie.

MG: Il t'a fallu cette rencontre avec les textes en chiac de ces deux auteurs pour te rendre compte decela?

GL: Il faut replacer les choses dans leur contexte. J'avais déjà pris conscience de la richesse de notre langue auparavant. Aux cours des années soixante, beaucoup de Québécois sont venus faire leurs études à l'Université de Moncton. Ils "trippaient" sur le chiac et essayaient de le parler. Mais ils ne le pouvaient pas. Mais le choix du chiac, comme langue poétique, en 1972, c'était une première. C'était faire preuve d'audace. Ces textes me parlaient dans une langue qui était mienne.

MG: Mis à part la question linguistique, il y a certainement d'autres facteurs qui t'ont incité à devenir poète.

GL: Étant un enfant des années soixante et soixante-dix, la musique m'a inculqué beaucoup de valeurs: je pense au pacifisme, à la spiritualité, à la remise en question de l'ordre établi. Elle m'a aussi appris certains comportements, notamment l'usage des drogues pour explorer la réalité. Elle rejoignait mes préoccupations quotidiennes. J'ai eu le goût d'articuler tout ça.

MG: Musique, écriture. . . . Il me semble que le métier de parolier s'imposait.

GL: J'ai signé les paroles de chansons du groupe 1755, mais il faut aussi manger, se loger, se vêtir. Côté travail, un poète doit être versatile de nos jours. Même si j'ai choisi de vivre de ma plume et bien que j'écrive depuis au moins vingt ans, ce n'est pas évident. Reste que tout le travail que je fais pour survivre est plus ou moins lié à l'écriture: je fais de la recherche à Radio-Canada, j'ai écrit des scénarios pour l'O.N.F., je fais de la traduction. Ces petits emplois me donnent une certaine indépendance, je peux faire, dans la mesure du possible, ce que je veux. Écrire notamment.

MG: Et toi, Dyane, pourquoi privilégier le texte écrit comme moyen d'expression?

DL: Depuis toujours, les mots me fascinent. Mais, ce sont les arts visuels qui m'ont initiée aux plaisirs de la création. À l'école secondaire, j'ai eu la chance d'avoir un professeur, le Frère André, qui a su me communiquer sa passion pour les arts. Il m'a aussi appris une chose cruciale, qu'il n'y a rien de mal à vivre sa différence: le Frère André m'a habituée à remettre en question bien des choses. Il m'a enseigné que toute réalité est perçue à partir d'un point de vue. Ça m'a beaucoup marquée.

MG: Comment s'y est-il pris, de façon concrète, pour t'enseigner tout cela?

DL: Je me souviens qu'un jour, en arrivant en classe, le Frère André nous a dit: "Aujourd'hui, au lieu de s'asseoir à nos petites tables, on va s'asseoir sous les tables, et on va parler de la notion de perspective." Je me souviens d'avoir pensé: "Il est fou!" Mais, sous la table, la perspective était différente. Le Frère André était un professeur hors du commun: il était génial. Il nous a appris à aimer la vie passionnément, à saisir le moment qui passe, à le vivre comme s'il était le dernier. Avec lui, on apprenait tout en s'amusant. Il était à la fois un homme passionné et pratique. Un jour, il nous a demandé: "La peinture impressionniste, vous connaissez?" Ensuite, au lieu de passer des heures le nez dans les livres ou les yeux rivés à un tableau, nous sommes tous sortis de la classe et, sous un bouleau, le frère nous a fait observer le jeu de l'ombre et de la lumière dans la nature, tout en nous explicitant les fondements théoriques de l'impressionnisme. J'étais heureuse de pouvoir profiter de la plus belle journée du mois de juin et, en plus, j'ai compris ce qu'était la peinture impressionniste.

Je me suis lançée, corps et âme, dans la pratique des arts visuels. J'étais en onzième année. Vers la fin de ma douzième année, j'ai suivi les conseils de l'orienteur, et je me suis inscrite à l'Université de Moncton au programme en arts visuels. Mon orienteur m'avait dit ne connaître personne qui gagnât sa vie en écrivant des poèmes.

MG: Et qu'as-tu retenu de ton séjour à l'Université?

DL: De mon séjour à l'Université, je garde l'amour de la photographie. Mais la photo, c'est un art qui coûte une fortune. Tout compte fait, ce sont peut-être des facteurs économiques qui m'ont poussée vers l'écriture poétique. Un crayon et du papier, ça n'a jamais ruine personne!

MG: Blague à part, pour revenir à ma question initiale, pourquoi avoir jeté ton dévolu sur l'écriture?

DL: C'est que l'écriture rend possible le voyage dans l'imaginaire, c'est une porte d'entrée dans l'univers onirique. En littérature, rien n'est fixé à l'avance pour le "consommateur" comme c'est souvent le cas au théâtre, en photo, ou au cinéma. En lisant un roman, j'ai le pouvoir d'imaginer les personnages et les lieux exactement comme ils me plaisent, alors que devant une toile ou une photo, l'imagination, si elle peut s'envoler, reste quelque peu retenue par le temps et l'espace représentés. L'écriture est sans frontières. C'est une bête indomptée, sauvage.

MG: Peux-tu expliciter cette métaphore?

DL: L'écriture a été pour moi, et continue d'être un combat, un défi. J'ai beaucoup appris en me mesurant à cette bête. Et j'ai tellement de choses nouvelles à apprendre. Pour utiliser une image plus "poétique" je dirais que l'écriture, c'est le chant de la sirène qui m'entraîne toujours plus loin dans l'univers du langage et de l'imaginaire, dans la découverte de mon propre univers, dans l'exploration de la vie.

MG: Et, en tant que poète acadienne, comment se pose pour toi la question de la langue?

DL: Au début, parce qu'on m'avait répété que l'anglais était une langue plus facile à maîtriser que le français, et que si je pouvais l'écrire, j'aurais sûrement un emploi, j'ai écrit en anglais. Mais à l'Université de Moncton, un de mes professeurs de français, le Père Maurice Chamard, m'a dit que la langue française était la langue des poètes. Parce que j'avais confiance en son jugement, j'ai tenté l'expérience de l'écriture en français. Il avait raison. . . . J'ai choisi de m'exprimer avec les mots dont je disposais, mais je veux aussi que mes textes soient accessibles au plus grand nombre possible de lecteurs. J'ai toujours voulu que mes écrits demeurent "intelligibles" tant chez nous qu'au Québec, qu'en Afrique ou en Europe. Je serais bien heureuse si, un jour, on traduisait mes oeuvres dans d'autres langues.

MG: Est-ce que tu as fait pour de bon un trait sur ton passé d'artiste visuelle?

DL: Pas tout à fait. je rêve encore de faire de la peinture, à la Salvador Dali, à la Chagall, à la Yvon Gallant, à la Léo Leblanc. Je reste fascinée par la couleur, par les images. Mais je me sens incapable de tenir tête aux démons qui sortent de la toile et m'obligent à prendre mon trou. Je préfère me laisser inspirer par les arts visuels plutôt que de dessiner des chiens qui ressemblent à des sauterelles démembrées!

MG: , Pourquoi la poésie plutôt que le roman?

DL: Qui sait? Au début, j'étais fière d'être poète, puis j'en ai souffert lorsque l'écriture romanesque est devenue la norme. Le roman, ça se vend, la poésie, ça ne se vend pas toujours les considérations économiques. J'ai essayé d'écrire un roman, mais après des mois d'archarnement, devant des résultats que je jugeais insatisfaisants, j'ai fait acte d'humilité et j'ai cessé de lutter contre ma nature. Je me suis dit qu'il n'y avait pas de honte à être poète. Et puis "so what" si tu n'es pas sur la liste des best-sellers. Il y a très peu d'Acadiens et de Québécois qui y figurent à ce que je sache. À part bien sûr, un certain Goncourt. Toujours est-il que je me suis réconciliée avec moi-même. Il est vrai que ma poésie se rapproche de la prose, du récit, mais je n'ai pas le souffle nécessaire pour rédiger 400 pages.

MG: Qu'est-ce qui se passe, Gérald, quand tu écris?

GL: (Rire) Il se passe bien des affaires. L'écriture, tel que je vois ça, c'est comme respirer, comme marcher. Je ne conçois pas mon existence sans écriture. Les raisons profondes de cela, je ne les connais pas. Je ne les connaîtrai probablement jamais. je suis venu à l'écriture parce que je suis fasciné par le langage. J'ai toujours eu pour l'écriture une grande passion.

MG: Et comment expliques-tu cela?

GL: Peut-être est-ce par atavisme. Quand j'étais tout jeune enfant, à l'âge de trois ou quatre ans, mon grand-père qui avait soixante ans à l'époque, les cheveux tout grisonnants, fumant la pipe, m'assoyait souvent sur ses genoux et me racontait des histoires. Les histoires qu'il me racontait, il les puisait dans la tradition orale acadienne. Je ne le savais pas alors, je trouvais ça tout simplement intéressant. Je me disais que, quand je serais grand, moi aussi je raconterais des histoires. Puis, j'ai appris à lire. J'ai dévoré bien des livres, et j'ai commencé à écrire. J'ai appris, par cette pratique, ce qu'était le langage, ce que c'était, mentir. (Rire) Bref, j'étais tout désigné pour devenir écrivain. J'ai penché vers la poésie.

MG: Je reviens à ma question de tout à l'heure. Qu'est-ce qui se passe au moment de l'acte d'écriture? Qu'est-ce qui arrive quand tu écris, si tu veux?

GL: Question vaste. . . . Il y a toutes sortes de questions qui me viennent à l'esprit et c'est une façon pour moi de les résoudre.

MG: Pourrais-tu être plus précis, nous donner un exemple concret de cela?

GL: Par exemple, la ville m'a toujours intéressé et une part de mon travail est axée là-dessus. Je suis né à Bouctouche, village acadien et très jeune, ma famille est déménagée à Saint-Jean, ville anglophone. En 1970, je me suis établi à Moncton. Je me suis alors trouvé entre deux mondes, Moncton étant, si tu veux, une ville bilingue. Cela soulevait bien des questions. J'ai tenté de trouver des réponses à cela par l'écriture. Mes textes témoignent de cette quête.

Autre exemple. Je me suis rendu compte en revenant m'établir à Moncton que j'étais profondément attaché à la culture acadienne. . . . Je voulais en parler. . . . Il y avait alors des gens comme Calixte Duguay qui écrivaient des poèmes évoquant toujours cette "Acadie-de-la-mer". Ça pouvait être intéressant, mais ce n'était pas ma vison de l'Acadie. L'Acadie que j'explorais était plus problématique, c'était l'Acadie de la deuxième moitié du vingtième siècle, aux prises avec les problèmes d'une société nord-américaine, d'une société inscrite dans la modernité. On trouve cela aussi dans mes textes.

MG: Et dans ton cas, Dyane, comment se passe la confrontation à la page blanche?

DL (Rire) Qu'est-ce qui se passe quand tu fais la vaisselle? Tu commences par t'asseoir à ta table, tu lances un défi à la blancheur et au vide de la feuille, et c'est la paralysie. Une fois le choc initial passé, tu essaies de te maîtriser, puis tu couches un premier mot sur la feuille, et puis un deuxième, et ainsi de suite. Si c'est écrit dans les étoiles, ça va aller bien, sinon, tu invoques tous les démons de l'Enfer et tu remets ça à demain.. . . Qu'est-ce qui se passe quand j'écris? L'écriture, c'est comme un vieux "pickup". Il y a des jours ou ça démarre, puis tu es en route vers de nouvelles contrées. D'autres jours, malheureusement, tu finis par te graisser les bras jusqu'aux coudes sans avoir trouvé les causes de la panne. J'aime quand les mots prennent le volant, j'aime quand les paysages viennent à moi, par magie, et j'aime quand les Muses grisent mon quotidien, mon monde familier.

MG: Lorsque tu t'apprêtes à écrire, Gérald, as-tu un rituel de "mise en condition"?

GL: On a tous nos petites recettes! Trois ans passés, j'ai découvert le matin. Je pensais que ça n'existait pas. Neuf heures du matin, c'était le mi-temps de la nuit pour moi. Je m'étais fait une idée assez romantique de l'écriture. C'est quand même pas mal bête de se rendre compte de cela seulement à 40 ans! Je pensais qu'il fallait écrire le soir ou la nuit: je me couchais tard. Il y a à peu près trois ans donc, certains de mes amis écrivains ont commencé à me dire qu'ils fonctionnaient mieux le matin --la plupart des gens écrivent le matin, je pense--, alors j'ai commencé à écrire le matin et ce fut toute une découverte! Maintenant si j'écris quelques heures le matin, je me sens bien: je peux me dire que ma journée a été profitable, et que je peux disposer à ma guise du reste de la journée. Le matin, on est plus frais, on est près de tout son travail de la nuit, je trouve qu'on est alors mieux disposé à écrire.

MG: Ya-t-il un lieu en particulier que tu trouves plus propice à l'écriture?

GL: J 'écris à la table de cuisine. J'ai un atelier, mais comme tu peux voir, il y a une tonne de papier et de livres sur la table: je ne peux pas écrire là!

MG: As-tu des objets fétiches, quelque chose dont tu te servirais comme catalyseur au processus d'écriture? Finalement, là où je veux en venir: as-tu des "trucs" qui t'aident à écrire?

GL: J'écris au stylo. Des fois, si j'écris de la prose, j'utilise la machine à écrire. Mais en ce qui me concerne, la poésie s'écrit à la main. J'aime aussi avoir deux ou trois livres à portée de la main, même si je ne les ouvre pas, des recueils de poèmes, des textes de poètes américains, des poèmes de mes amis québécois, des poèmes d'Herménégilde Chiasson, etc. Je mets des livres sur ma table parce que c'est pour moi comme une présence complice.

MG: Dyane, peux-tu nous révéler tes "recettes"?

DL: J'ai besoin d'être entourée d'objets, de bibelots. Ça peut être ma petite statuette d'un sorcier dansant sur sa bûche, un morceau d'ambre jaune, une couverture qui me rappelle le corps de quelqu'un. Ça peut être des lettres, des recueils de poésie, un album photo, des reproductions de tableaux. Parfois, j'écoute de la musique. Ça peut aller de Jean Sébastien Bach à Mick Jagger. Tout ça pour enclencher le processus de création, pour me sentir bien.

MG: Gérald, y a-t-il des auteurs qui t'ont particulièrement marqué?

GL: Comme tu t'en es certainement rendu compte, j'en nomme beaucoup dans mes textes. Je ne nomme pas nécessairement ceux qui m'ont le plus profondément influencé. J'ai été surtout influencé par la littérature orale, la culture orale--qui est en train de disparaître. J'ai été initié à cette tradition par mon grand-père, comme je le disais tantôt, mais aussi par ma mère et par mon père qui étaient tous les trois d'excellents conteurs parce qu'ils n'ont pas été élevés par la télévision. Ils m'ont fait naître à la beauté de la vieille langue acadienne, qui pour moi relève de la magie quelque part, même du sacré, si tu veux.

Il y a eu aussi la génération beat: Jack Kerouac, Lawrence Ferlinghetti, Allen Ginsberg. J'avais un ami américain d'origine acadienne qui m'envoyait leurs oeuvres. Quand j'ai lu ces auteurs, ça m'a fait prendre conscience de ma dimension nord-américaine, je me suis rendu compte que j'étais profondément nord-américain.

MG: Et du côté francophone?

GL: Mes influences francophones? Laisse-moi réfléchir. . . Certaines me sont venues à mon insu. Durant ma jeunesse, par exemple, j'étais la terreur de mes professeurs. J'étais une vraie bête. A chaque fois que je faisais quelque chose de mal, comme parler durant les cours--ce que je faisais souvent: je parle toujours--on me punissait en me faisant apprendre des fables de La Fontaine par coeur. Finalement, ces punitions ont servi à quelque chose. La Fontaine, je trouvais ça superbe. Je connais presque toutes ses fables par coeur. C'est ainsi que j'ai pris goût à la poésie française.

MG: Quel est le poète français que tu aimes le plus?

GL: Ce serait difficile de dire celui ou celle que j'aime le plus! J'ai beaucoup aimé à une époque Aragon. Par la suite j'ai appris des choses ordurières sur lui, mais qu'est-ce que tu veux? c'est comme ça. . .. En tous cas, j'ai beaucoup lu Aragon parce que je trouve qu'il a un vers qui chante beaucoup, qu'il y a une musique dans sa poésie.

MG: À part La Fontaine et Aragon, quels sont les poètes que tu affectionnes particulièrement?

GL: À partir d'une certaine époque, je me suis complètement branché sur les écrivains américains: c'est chez eux que je retrouve mon univers... Lorsque j'ai découvert les poètes noirs américains: Amiri Baraka, Sonia Sanchez, Julius Lester, Nikki Giovanni, etc., je me suis dit qu'eux aussi étaient engagés dans une sorte de quête d'identité très très profonde. Nos routes se croisaient en quelque sorte. Je trouvais dans leurs oeuvres beaucoup de points en commun avec ma situation. Je suis Acadien, d'expression française. J'avais donc cette idée que si je voulais devenir bon poète, c'est en France où je devais aller, tout comme les poètes noirs américains, de leur côté, se tournaient vers l'Afrique. Par la suite, je suis allé en France et j'ai réglé ces histoires-là. Mais, ce qui me touchait, par- dessus tout, c'est que ces poètes me renvoyaient à mon identité nord-américaine. Je me suis dit que puisque c'était là ma réalité, aussi bien l'explorer à fond.

MG: Et le Québec dans tout ça?

GL: La littérature québécoise, que j'aime beaucoup, ne m'a pas beaucoup influencé. Elle m'a quand même conforté dans mon projet, celui d'assumer--et d'affirmer--mon identité nord-américaine dans ma poésie.

MG: Quels sont les poètes québécois que tu affectionnes?

GL: Gaston Miron est un des auteurs québécois que j'ai toujours respecté: c'est un très très grand poète que je lis et relis--est un ami. J'aime aussi Claude Beausoleil, Yolande Villemaire, Lucien Francoeur, et Nicole Brossard. Ils comptent tous parmi mes bons amis.

MG: Et que lis-tu, ces temps-ci?

GL: Mon cheminement est plutôt bizarre. Je fais tout à l'envers, c'est ce qui me caractérise, c'est ce qui fait mon charme. Je suis en train de lire Dante et je vais lire Cervantes cet été, puis je m'attaquerai à La Recherche du temps perdu. Je me tourne vers les classiques parce que je ne les ai jamais lus, parce que j'ai décidé un jour que je ne lirais rien qui ait été publié avant les années cinquante. Ça va quand on a vingt ans, mais je me rends compte, en lisant Dante que ce qu'il a écrit, il aurait pu l'écrire hier soir. J'ai très envie de me familiariser avec les classiques.

MG: À ce que je peux voir, tes lectures sont essentiellement littéraires.

GL: À vrai dire, non. J'ai bien aimé à une époque Tom Wolfe, par exemple, qui fait du "new journalism": ce que je trouvais d'intéressant dans son oeuvre, c'est que l'on quittait le terrain objectif--parce qu'un journaliste, ça doit être très très objectif. J'ai aussi beaucoup aimé Hunter S. Thompson, un maudit malade mental qui s'intégrait carrément dans les événements, qui les provoquait pour pouvoir s'en servir comme sujet d'écriture. Cette façon d'opérer me semblait plutôt géniale. Je recevais ça immédiatement, sans aucun filtrage, sans distance: je gobais tout. C'est profondément nord-américain. Tout ça a nourri mon projet d'écriture.

MG: J'ai détecté dans certains de tes poèmes un certain parfum de mysticisme "oriental"? Est-ce que je me trompe?

GL: J'ai vécu aux États-Unis à la fin des années soixante. J'y avais alors un ami japonais--enfin un ami américain né au Japon--qui m'a initié au yoga, à la méditation et au bouddhisme. Cela m'a amené à me familiariser avec les textes de penseurs et de "maîtres" imbus de la pensée orientale. C'est une exploration qui a transformé ma vision du monde, qui a bousculé mes schémas de pensée occidentaux. Cela transparaît sûrement dans mes écrits.

MG: On retrouve aussi dans certains de tes poèmes une dénonciation du capitalisme. Que dire de cela?

GL: En 74-75, je me suis intéressé aux groupements marxistes-léninistes. J'ai fait alors des lectures incroyables. J'ai été confronté à des théories qui expliquent le fonctionnement du monde. Mais, à la longue, je les ai trouvées trop contraignantes. Elles faisaient abstraction de choses qui me semblaient essentielles. Mais, j'ai tout de même retenu de ces lectures les points que je trouve toujours pertinents.

MG: Yaurait-il d'autres textes qui ont nourri ta réflexion sur le monde?

GL: Au fil des années--à cause de mes amis qui ont étudié en Europe--j'ai fait beaucoup de lectures d'oeuvres de penseurs et d'essayiste français tels que Henri Lefèbvre, Barthes, Lyotard, Derrida, Deleuze, et Lacan. Ce dernier a dit un jour: "Il faut lire Descartes comme un cauchemar". Je l'ai trouvée tellement bonne [cette citation] que je m'en suis servi comme vers liminaire pour un poème.

MG: Parmi les auteurs que tu viens de citer, y en a-t-il un qui t'a particulièrement marqué?

GL: Gilles Deleuze. L'Anti-Oedipe, c'est fabuleux. Les auteurs français que je préfère, ce sont les "crackpots", enfin c'est pas ça le mot, plutôt les gens qui effectuent des brèches, des ruptures avec une certaine vision institutionnalisée du monde. Je pense à la notion du rhizome chez Deleuze, par exemple. À quelque part, ça me parle. Je note que Deleuze se réfère souvent à l'Amérique. Il mentionne à plusieurs reprises Allen Ginsberg, notamment. La notion du rhizome, les auteurs nord-américains l'ont; la société nord-américaine a des racines bien flottantes, c'est une société de déplacements continus.

Comme tu vois, mes influences sont multiples, et d'un peu partout: je suis Acadien. Herménégilde appelle cette approche typiquement acadienne "l'esthétique de la broche à foin": tu entremêles toutes sortes de choses et ça se mute en autre chose.

MG: Dyane, parle-nous de tes influences.

DL: J'ai toujours aimé Nelligan. C'était tout un personnage! Ce qui m'a toujours plu, c'est son mode de vie bohème. Le facteur âge, au départ, a certainement contribué aussi à cet engouement. À seize ans, je pouvais plus facilement m'identifier à lui plutôt qu'à Hugo, ou Shakespeare. J'aimais particulièrement ses lubies d'artiste, son petit côté "flyé": Nelligan, par exemple, aimait se laisser enfermer dans une chapelle, la nuit, pour y lire ses poèmes à la Vierge Marie. Il y a aussi le fait qu'il écrivait en français, qu'il était Canadien-français.

MG: Et que dire de son travail au niveau de l'écriture?

DL: À bien y réfléchir, ce n'est pas sa poésie en tant que telle, mais plutôt le personnage qui m'a séduite. La rime, ce n'est pas vraiment mon fort. je n'ai jamais vraiment aimé ça. je trouve ça un peu trop "straight" à mon goût. Mais, par contre, j'aime beaucoup la thématique de Nelligan: cette figure du Christ qui revient souvent, ses "Anges Maudits", son côté macabre, son audace. Je me souviens en particulier d'un poème où il parle avec amour et sans pudeur d'une "Négresse" et de son perroquet. Cela m'avait vivement frappée à seize ans. J'aimais cette liberté que la poésie offrait à la parole, au discours.

MG: Quelles sont les oeuvres qui t'ont le plus marquée?

DL: Je m'intéresse habituellement à l'oeuvre d'un auteur dans son ensemble plutôt qu'à une oeuvre en particulier. Mais si j'aime un livre, j'y reviens périodiquement. J'aime beaucoup La Prose du transsibérien, de Cendrars, par exemple, et Les Petits chevaux de Tarquina, de Duras. Mais, en fait, ce sont plutôt les livres illustrés, les collections de reproductions d'oeuvres visuelles qui m'inspirent.

MG: Et les auteurs d'ici?

DL: Les auteurs acadiens m'ont beaucoup influencée. Guy Arsenault, en particulier, avec son Acadie Rock. Grâce à lui, je me suis rendu compte qu'il était possible d'écrire en acadien, de m'exprimer dans ma langue, de parler de réalités qui étaient miennes. je reconnaissais le "Deluxe French Fries" sur la Mountain Road, "l'église du Christ-Roi", j'avais fait l'expérience des "bosses de maringouins", j'avais dégusté des "pets-de-soeurs", je connaissais les "poutines râpées", j'avais aussi de "la parenté des Etats", etc. Lire Acadie Rock, c'était comme feuilleter un vieil album de famille. J'ai pris soudainement conscience que je n'étais pas seule: ça m'a libérée, énormément.

MG: Y a-t-il d'autres auteurs acadiens qui t'enthousiasment?

DL: Herménégilde Chiasson et Gérald [Leblanc]. J'aime leur façon de présenter les choses à leur manière, leur façon d'exprimer leur réalité, tout en restant profondément acadiens.

MG: Gérald, comment souhaites-tu qu'on te lise?

GL: Avec grande sympathie! La seule chose que je puisse demander à mon lecteur, c'est de la sympathie, une ouverture d'esprit. Je n'aime pas qu'on me demande: "Pourquoi ce glissement sémantique-ci ou celui-là?"

MG: Et comment réagis-tu habituellement face à la critique de tes oeuvres?

GL: J'aime que le discours soit intelligent. J'accepte qu'il y ait des gens qui soient complètement allergiques au travail que je fais. Ceux qui recherchent les alexandrins, la rime croisée, etc., ne trouveront pas leur compte chez moi. Mon travail est autre. S'ils n'aiment pas mon esthétique, je n'en suis pas du tout vexé.

MG: Et toi Dyane, comment souhaites-tu qu'on te lise?

DL: La tête en bas, perché dans un arbre de Noel, dans un cocotier, en faisant l'amour. . . je ne sais pas. . . . N'importe où, n'importe comment! (Rire) Sérieusement, j'aime que le lecteur n'essaie pas de tout comprendre, mais qu'il se laisse plutôt prendre, bercer, emporter par les mots. Un des plus beaux compliments qu'on puisse me faire, c'est d'avoir une toute autre interprétation de mes textes que celle à laquelle j'avais pu penser. J'ai toujours été fascinée par le pouvoir de l'écrit sur l'imagination, par le pouvoir de la poésie. J'ai lu un soir un extrait de Graines de fées. Il y avait dans la salle un homme qui avait vécu la Deuxième Guerre mondiale. En écoutant mon texte, tous ses souvenirs de l'époque ont refait surface, malgré qu'il n'y ait aucune référence à la guerre dans mon texte. Il avait interprété ainsi mes images. Ça m'a beaucoup plu.

MG: Y a-t-il quelqu'un en particulier à qui tu t'adresses quand tu écris?

DL: Lorsque j'écris, c'est à personne en particulier. J'écris afin de clarifier quelque chose, j'écris pour moi-même. C'est comme prendre des photos, pour fixer un souvenir, un moment. Souvent, j'ai l'impression que ce n'est pas moi qui écris. J'ai l'impression de n'être tout simplement qu'un véhicule à travers lequel s'exprime une "entité", comme un médium qui fait le pont entre le monde physique et l'au-delà.

MG: Gérald, comment conçois-tu le rôle du poète dans la Cité?

GL: Lorsque j'ai écrit mes premières oeuvres, j'avais la conviction qu'on était en train de construire quelque chose. je dis "on", c'est à dire "nous": Herménégilde Chiasson, Guy Arsenault, Raymond Leblanc, France Daigle, Diane [Léger], Régis Brun, et j'en passe. Nous avions le projet de faire une littérature acadienne. Ce n'est pas comme si on se levait chaque matin et qu'on se disait: "Qu'est-ce que je peux faire pour la littérature acadienne aujourd'hui?!" On s'inscrivait dans un courant qui faisait rupture en parlant de l'Acadie telle qu'elle était ressentie au 20e siècle pour bon nombre d'Acadiens. Il n'était plus question, pour nous, de cages à homards au bout du quai. C'était plutôt vivre en ville, c'était l'expérience des drogues, etc, un travail de défrichage, même si à l'époque on ne pensait pas à ce que nous faisions en ces termes. Je me disais que mon travail était un fragment d'un plus grand morceau.

MG: Et comment conçois-tu ton rôle maintenant?

GL: Toutes les sociétés ont des poètes, c'est entendu. Je dis toujours que les écrivains--et les artistes de toutes disciplines-sont l'oxygène d'une société. Dans une petite société comme la nôtre--petite, c'est à prendre dans un sens relatif--, le discours critique a toujours été perçu comme suspect, et souvent il a été censuré, occulté. La société acadienne n'accepte pas la critique, celle-ci y est mal venue. Mais, la poésie dans son essence est réfractaire. . . .

Le romancier, c'est quelqu'un qui dit oui; il regarde le monde et le transcrit en le transcendant un peu. Le poète dit non, au départ. Ce qui est là, il peut le faire chanter, mais généralement, il trouve qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Il a envie de rentrer là-dedans et de casser tout ça. Je me suis rendu compte de la force de ça avec un gars comme Guy Arsenault, par exemple. Dans Acadie Rock, il y a un poème intitulé "Nouvelle politique d'école" qui critique le système: ce poème est autant d'actualité aujourd'hui qu'il l'était lors de son écriture. Il y a aussi dans ce recueil "Tableau de back yard", qui évoque toute son enfance. Tout y est tellement simple, tellement vrai qu'il m'est difficile de comprendre la réaction féroce qui a suivi la publication du recueil. On a pas encore réglé le problème de la langue en Acadie. Le chiac reste tabou. Et, si les poètes ne disent rien, qui va le dire?!

MG: L'écriture reste donc pour toi un acte profondément politique.

DL: J'écris d'abord pour moi, parce que c'est un grand plaisir: j'écris parce que j'aime ça. Et le jour où je n'aurai plus ce plaisir, je m'arrêterai d'écrire. Moi, les artistes qui souffrent, j'en ai ras-le-bol. Tout le monde souffre. J'ai dit ça un soir, à la télévision, à Monique Leblanc. Elle disait qu'il fallait souffrir pour créer. La souffrance est là pour tout le monde. Mon père et ma mère souffrent. Mes cousins, mes cousines, toi. C'est universel. Alors je refuse de me vautrer là-dedans. Bien sûr, je peux me servir de mon vécu de souffrance lorsque j'écris, c'est une expérience de l'humain, mais la jouissance et le plaisir sont aussi source d'écriture. Donc, j'écris pour moi-même, c'est un geste qui est très égoïste, et très intime. Mais en publiant, cela en fait un acte social, politique.

MG: Quelle idée te fais-tu de ton lecteur virtuel?

GL: Je crois beaucoup à la notion de réseau. Je pourrais dire à la rigueur que j'écris pour une quinzaine, peut-être une vingtaine de personnes. C'est un peu charrier, mais au fond, c'est la réalité parce que je reste persuadé que ces quinze ou vingt personnes qui vont lire mes textes, ce sont mes vrais lecteurs. Les autres livres iront là où ils iront. Herménégilde Chiasson utilise l'image d'une bouteille que l'on jette à la mer. J'ai reçu des lettres incroyables de Français qui sont en train de lire mes textes. Ça me bouscule complètement qu'ils soient en train de lire ça. J'avais l'impression qu'ils n'avaient pas une connaissance suffisante de la réalité acadienne, une connaissance de notre vécu si tu veux, pour comprendre mes textes. Mais, apparemment, ils comprennent. Ce sont des lecteurs que je ne connais pas, mais ça n'a rien pour me déplaire!

Pour revenir à ta question, ma fonction, c'est d'écrire. C'est ce que je fais, et j'ai décidé de le faire ici. J'ai refusé l'exil comme la plupart de ma génération. Avec la fondation des Éditions d'Acadie, en 1972, la nouvelle génération d'auteurs tend de plus en plus à rester ici. C'est important qu'un peuple puisse créer de la fiction. La poésie ce n'est pas uniquement utilitaire, pour soutenir une cause, comme ça se pratiquait beaucoup durant les années soixante. Je trouve que quand une société peut se permettre de faire de la création littéraire, c'est qu'il y a des acquis quelque part. Parce que si on était si menacés que ça, on aurait pas le temps d'écrire de la poésie. On serait sur les barricades, en train de militer, de se défendre. C'est donc qu'au Nouveau-Brunswick, les Acadiens ont su obtenir suffisamment d'acquis pour que nous puissions produire de la fiction, pour que nous puissions faire de la poésie. C'est justement ce que je veux faire, ici!

MG: Tout ça à l'air bien sérieux!

GL: En fait, ça ne l'est pas. En fait, j'habite ici surtout parce que j'aime ça. je refuse les images misérabilistes de l'Acadien--et Dieu sait s'il y en a! Ces images sont tellement lugubres, tellement tristes, tellement accablantes alors que l'Acadie, ça ne l'est pas du tout. L'Acadie, c'est plutôt pour moi un "party".

MG: Dyane, comment perçois-tu ton rôle dans la société?

DL Il y a une dimension politique à mon travail en ce sens que j'ai choisi d'écrire en français, alors que j'habite sur le continent nord-américain. C'est un type d'action bien différent que de prendre son drapeau acadien et prendre d'assaut la rue, mais ça reste profondément politique.

MG: Le poète aurait-il une autre fonction à remplir dans la société autre que cette dimension politique?

DL: La vie passe tellement vite, il y a tellement de choses qui nous échappent. Ça prend des scribes pour arrêter le moment qui passe, pour le fixer avant que tout soit charrié par les Anges de l'oubli. Si on écrit quelque chose maintenant, si on le fixe par l'écriture, c'est sûr qu'on pourrait le faire tout autrement dans vingt ans ou qu'on l'aurait fait différemment il y a vingt ans. Mais l'essentiel, c'est qu'il faut le faire.

MG: Ça me semble une tâche bien frustrante! Pourquoi cet acharnement?

DL: Les artistes veulent garder vivants le beau et l'amour, garder présents à l'esprit l'urgence de la vie et la mort. Il y aura sûrement, de temps à autre, des moments de frustration. Ce qui me gêne, pour ma part, c'est que le temps que je passe à écrire, c'est, ni plus ni moins, du temps qui m'est volé. Le temps que je mets à transcrire mon vécu, j'aurais pu vivre tout simplement! Ça m'a toujours chicotée. Mais, si je pense aux gens qui travaillent à la "fact'rie" jour après jour, qui exécutent les mêmes gestes durant des heures, ça me réconcilie avec mon travail. Je garde toujours un sentiment de frustration parce que j'ai toujours l'impression de manquer quelque chose, quoique je fasse, de passer à côté de la vie: si j'écris, la nature me manque; si je travaille dans mon jardin, ou si je fais du ski de fond, ou si je contemple le bleu de la mer, je me culpabilise: je ne suis pas en train de "fixer" le moment. Pourtant, je ne me contenterais jamais de passer toute ma vie entre quatre murs, dans une bibliothèque, étouffée petit à petit par la poussière des livres. La vraie vie est ailleurs, et si je dois la transcrire, je veux aussi en profiter au maximum.

BIBLIOGRAPHIE

Leblanc, Gérald. Comme un otage du quotidien. Moncton: Éd. Perce-Neige, 1981.

---. Géographie de la nuit rouge. Moncton: Éd. d'Acadie, 1984.

---. "Précis d'intensité". En collaboration avec Herrnénégilde Chiasson. Lèvres urbaines 12 (1985) :3-16.

----. Lieux transitoires. Moncton: Michel Henry Éditeur~ 1986.

----. L'Extrême frontière. Moncton: Éd. d'Acadie, 1988.

----. Les Matins habitables. Moncton: Éd. Perce-Neige, 1991.

Léger, Dyane, Graines de fées. Moncton: Éd. Perce-Neige, 1980.

----. Sorcière de vent! Moncton: Éd. d'Acadie, 1983.

---. Les Anges en transit. En co-édition. Trois-Rivières: Écrits des Forges, 1992. Moncton: Ed. Perce-Neige, 1992