FRAGMENTS D'UNE RÉALITÉ ECLATÉE:
PROLÉGOMÈNES À UNE SOCIO-ESTHÉTIQUE
VÉCUE
DE LA LITTÉRATURE ACADIENNE À LA FIN DE 1986
Henri-Dominique Paratte
A: comme ACADIE, AMOUR, ANGOISSE, ANTONINE (MAILLET), ANXIETE, ARSENAULT (GUY), ASSIMILATION, ASSOCIATION DES ECRIVAINS ACADIENS, AVENIR, AVENTURE
je souffre
dans le désir
de montrer que j'aime
tristesouffranceheureuse je vis dans l'anxiété de devenir mes mains c'est mon pays
Guy Arsenault, Acadie-Rock
On s'étonnera de rencontrer ici deux techniques d'écriture qui n'ont guère cours dans le monde universitaire: l'usage de l'alphabet comme guide, un "Jeu" en quelque sorte, assorti de l'usage du "je" conune regard critique. Dire "je," oser s'affirmer conune individu, volonté de porter sur l'espace littéraire un regard qui ne soit pas tant "évaluation" à prétexte objectif que, partiel sinon partial, plaisir de lire, de confronter, de se laisser surprendre. Lire, et proposer à lire. Pour un public plus international: sans imposer la lourdeur d'une "grille" critique, aider à diriger le regard. Le regard acadien n'est pas le regard wallon/belge, romand/suisse, sénégalais, caraïbe ou français "de France." Et ce n'est pas uniquement question de relation à l'environnement, ou de régimes socio-politiques différents: bien plus ténu, bien plus immatériel, bien plus transitoire, c'est un "quelque chose" que l'acte littéraire est peut-être seul en mesure de laisser entrevoir. Ce n'est pas non plus simple question de langage, même si, de toute évidence, une phrase comme "Le rossignol et ses,quatre petits oisillons ont un gîte sans rente chez le vieil arbre"1 s'inscrit de toute évidence dans un usage linguistique acadien, et non belge, français de France, ou haïtien.
La pire attitude que l'on puisse avoir face aux littératures dites "francophones" hors France, littératures généralement plus jeunes et moins abondantes en masse absolue que la littérature française proprement dite, c'est de vouloir à tout prix confiner ces littératures à n'être que l'expression symbolique, plus ou moins bien déguisée, de phénomènes sociaux; comme si la littérature ne pouvait, en milieu francophone et à plus forte raison en milieu nùnoritaire inscrit, en Acadie, dans une double .'périphérie" (par rapport à la France, mais encore plus directement par rapport au Québec), avoir une autonomie aussi grande, une individualité aussi grande, que dans l'espace "central"-qu'il soit québécois ou, éventuellement, "français" de France. Encore que, comparativement à nos collègues wallons ou romands tout particulièrement, eux qui font malgré eux partie géographique de l'hexagone, nous nous définissions, écrivains nord-américains, beaucoup moins par rapport au nùlieu français. Le centre de gravité de mon écriture n'est certainement pas ce que le public parisien peut attendre. Et, de toutes façons, qu'attend le public parisien, si friand d'Amérique latine et de tous les autres exotismes possibles? je pense à Françoise Blaise, en résumé de mes discussions avec les Editions du Seuil en 1985: "Ce qu'on attend? Surprenez-nous!" Le meilleur moyen de surprendre, quand on vient d'Acadie, c'est donc, incontestablement, d'être soi-même. La difficulté d'être devient synonyme et contrepoint d'une vertu particulière d'exister et de dire le monde d'une manière authentique. Pour le moment du moins. Le maniérisme d'un certain nombre d'écrivains européens, rencontrés au hasard d'un colloque, est prodigieusement agaçant. Nul doute que cela n'arrive ici. Mais, pour le moment, on a l'impression que les voix, les voix d'Acadie2 si l'on peut dire dans ce pays plein de chorales, sont encore d'une clarté qui trouble, très profondément, lecteurs et auditeurs.
Ce regard socio-critique que l'on porte sur les littératures de langue française hors France peut facilement se justifier pour des analyses partielles, et trouver toute sa validité dans ces analyses à la condition expresse que l'on ne veuille pas en tirer tout un système qui serait censé servir d'explication du Tout. C'est ainsi qu'un rapprochement entre les personnages sans visage du peintre monctonien Yvon Gallant et les vers de Raymond LeBlanc en 1972 "Hommes sans visage / Femmes sans seins 1 Enfants sans langage"3 ainsi qu'y procède Charlotte Townshend-Gault dans un article de la revue Vanguard,4 peut s'imposer, de toute évidence: quel artiste ne se fait-il pas le sismographe des palpitations de son milieu, fût-ce d'une manière oblique? Mais il ne faudrait pas vouloir y trouver, ni tout l'espace acadien, dans sa diversité et ses différences régionales et individuelles, ni la seule démarche possible pour l'artiste issu de cette/de ces communauté(s). On ne peut s'empêcher de souscrire sans réserves à la conclusion de l'analyse de Cri de terre de Murielle Belliveau, selon laquelle:
Certains ont prétendu que Cri de terre de Raymond LeBlanc était le cri de tout un peuple. Plusieurs lectures sont possibles, voire souhaitables. Toutefois, dans le cadre de notre analyse, ce recueil a plutôt semblé être l'expression d'une vision du monde. 5
Qui sont les poètes? La voix vibrante des masses opprimées, l'Acadien "Multiplié fourré dispersé acheté aliéné vendu révolté"6 dont le poète incarne par excellence les contradictions et les difficultés d'être, devenant en quelque sorte un état particulièrement exacerbé de conscience collective? Ou bien, mauvais garçons depuis François Villon, les poètes sont-ils cette petite élite, marginale, dont la conscience aigüe de la détresse du monde n'affecte guère une masse abâtardie, dont l'image n'est d'ailleurs pas absente de Cri de Terre non plus: "je suis acadien je me contente d'irtùter le parvenu / Avec son Chrysler shiné et sa photo dans les journaux"7 et pour laquelle 1"'assimilation" ne semble pas être une hydre aussi menaçante que pour écrivains et intellectuels? Ou le poète serait-il encore-chose tragique et à laquelle il ne veut surtout pas se trouver confronté, de peur que ce ne soit vrai-une sorte de fou lubrique, animé du désir d'amalgamer les mots comme pouvait le faire Raymond LeBlanc dans ses prenùers poèmes, jouant avec des blocs de langage conune l'enfant d'un poème de SaintDenys Garneau, pour aboutir à une technique joycienne de croisement de mots dans "Petitcodiac": "Vagueroche / je cristalise le créatif mot pur / Pour rupturifier le langage prisonbarin / Pour codifier la peauneuve / Déballée à l'oeil persiflant / Le mondimaginatif du noustemps futurimesse"?8 Les poètes sont ainsi, peut-être, les responsables les plus évidents de l' inflexion du regard critique par laquelle, dans les années 1960 au Québec, dans les années 1970 en Acadie, on a voulu voir à travers leur parole une volonté de dire collective-facile, par conséquent, à coucher en termes sociologiques ou historiques plutôt que spécifiquement littéraires. Il y a toujours eu, chez les poètes du monde entier, une certaine jouissance à se sentir une vocation messianique: on sait qu'une longue tradition relie les invocations chamaniques au rôle romantique de "phare" ou de .'visionnaire" des poètes du dix-neuvième siècle. Il est d'autant plus facile de se faire porte-parole que les circonstances l'exigent: dans le cas de groupes nationaux en lutte pour leur libération d'une quelconque tutelle (comme c'est le cas de l'Acadie), il devient nécessaire que ce rôle soit assumé. Cette capacité est renforcée, d'ailleurs, par le fait que la voix poétique affirme plus nettement son individualité, et les contradictions de son existence en tant que nùroir vivant du milieu, que ne le font, masqués derrière des personnages, le romancier ou le dramaturge, confrontés de toute manière à des questions formelles beaucoup moins malléables et beaucoup plus pesantes; le poète sera souvent le premier persécuté par les régimes autoritaires9 puisque leur but est précisément de refuser la possibilité d'existence de droits ou de désirs individuels, tout autant que d'occulter des contradictions qui nuiraient aux mythes sur lesquels se fonde tout régime de ce genre. Ce n'est pas par hasard que, dans l'espace industrialisé-avec son cortège de nouvelles relations sociales-qui se met en place au cours du dix-neuvième siècle et du début du vingtième siècle, le poète est décrit inévitablement soit comme une vedette (s'il est suffisamment "bourgeois" par ailleurs, style Claudel ou Saint-John Perse par exemple) soit comme un marginal (s'il ne s'intègre pas dans l'ordre des choses, l'archétype rimbaldien devenu mythe à son tour). Le "marginal" se fait d'ailleurs, avec le temps, .@récupérer" par le système: c'est tout juste si Allen Ginsberg n'est pas devenu le poète américain par excellence, l'image des "beat poets" est devenue quasi classique, jack Kerouac atteint aujourd'hui des proportions mythologiques, quant à lim Morrison, c'est tout juste s'il n'a pas atteint le statut de div:inité.10 Les formes de la consécration (le mot est déjà suffisanunent religieux en soi!) peuvent varier; mais le paysage du statut poétique est assez constant. Il y a les poètes "arrivés," couverts d'honneurs, ayant souvent, comme gagne-pain officiel une profession considérée socialement comme "honorable" (la diplomatie, la fonction publique, l'enseignement universitaire), à moins qu'ils ne l'aient quittée, ayant suffisamment écononùsé, pour pouvoir le faire sans mourir de faim-et ceux qui survivent, faisant, à la manière de Poe, un peu de tout et de rien (rédacteurs de journaux, animateurs de radio, éditeurs occasionnels, employés de bureau, quand il ne s'agit pas de métiers considérés comme plus "indignes" de ceux qui s'adonnent aux choses de l'esprit). Gaston Miron me racontait ce mois d'octobre 198611 ses souvenirs de la rencontre si fortement symbolique qui avait eu lieu en sa présence entre Robert Choquette (celui qui a réussi sa vie sociale, tout en s'assurant une stature poétique importante) et Alfred Desrochers, poète d'une sensibilité sans doute plus vive, mais qui, socialement parlant, n'avait pas "réussi"-la rencontre se passant, d'ailleurs, dans la chambre assez nùsérable où Desrochers achevait ses jours. Le poète: entre les lauriers et la malédiction.
Les "meilleurs" poètes, les plus complètement humains, se situent probablement entre ces deux extrêmes du paysage; ni inféodés à une idéologie, ni dépourvus de conscience sociale, mais désireux de parler au nom d'un "je" qui, tout individuel qu'il soit, rejoint, par le langage et ses réseaux, le texte dont se tisse notre vie collective. Il ne s'agit pas de faire de la poésie cet instrument de détente qui ne parlerait, pour reprendre encore un mot de Miron, que "de fleurs et de petits oiseaux" 12 mais, par la démarche poétique, que ce soit par L'Homme Rapaillé de Miron dans l'espace québécois, Mourir à Scoudouc d'Herménégilde Chiasson dans l'espace acadien, ou Liberté à l'Aube d'Alexandre Voisard 13 pour le jura suisse-romand, nous découvrons une voix individuelle qui, si elle ne nous résume pas, si elle n'est pas notre prophétie, est cependant catalyseur ou révélateur de nos craintes, de nos espoirs, ou de nos peurs. Un "je," contradictoire peut-être, difficile à classer selon les catégories rassurantes de la logique et de la raison, mais qui garantit la présence dans notre quotidien et dans notre langage qui en est l'expression du merveilleux, du fantastique, de l'exceptionnel.
Il a fallu attendre Ronald Després (avec Silences à nourrir de sang en 1958), puis Léonard Forest, pour que l'Acadie s'ouvre à l'existence du "Moi" poétique; les célébrations du passé et autres chants d'allure patriotique qui précèdent (et qui existent, de toute manière, sous toutes les latitudes comme une mise en vers d'idéologie teintée de sentiment) pourraient difficilement rentrer dans le cadre de la poésie comme création d'espace (la "poièsis" grecque). Rien d'étonnant, donc, à ce que dans le renouveau nationalitaire 14 des années 1970, à la manière de ce qui s'était passé ailleurs (en Afrique, aux Antilles, au Québec, dans le jura suisse) le "je" des poètes se soit donné une dimension délibérément collective, proche de ce que des poètes alors jeunes, souvent étudiants, parfois fortement engagés," estimaient être les préoccupations ou les besoins de la collectivité acadienne.15 On le remarque chez Guy Arsenault ou dans Cri de terre en 1972, ou dans certains textes du premier recueil de Gérald Leblanc, Comme un otage du quotidien en 1981; sans effacer un lyrisme profondément ancré dans les êtres et les choses, la revendication ne peut manquer de prendre une connotation de révolte sociale nécessaire, plus qu'ailleurs encore, dans cette Acadie victime d'une fragmentation traumatisante deux siècles plus tôt, et d'une menace permanente de sous-développement à tous niveaux. Personne n'a dit cette Acadie-là avec plus de justesse, dans un mélange de douleur lancinante et pourtant donùnée, de romantisme planétaire et de surréalisme fou, qu'Herménégilde Chiasson dans cet exorcisme délirant et fascinant qu'est Mourir à Scoudouc, texte composés dans la tentative même de dortùner la dispersion par tous les moyens possibles, de la description à la reprise amoureuse de la mer, insaisissable par excellence:
Acadie, mon trop bel amour violé, en stand-by sur tous les continents, en stand-by dans toutes les galaxies, divisée par les clochers trop fins remplis de saints jusqu'au ciel, trop loin. Arrache ta robe bleue, mets-toi des étoiles rouges sur les seins, enfonce-toi dans la mer, la mer rouge qui va s'ouvrir comme pour la fuite en Egypte; la mer nous appartient, c'est vrai, toute la mer nous appartient parce que nous ne pouvons pas la vendre, parce que personne ne peut l'acheter.17
La première étape dans le processus de reprise de soi-
même, dans la tentative d'unifier par le poème ce qui est im-' possible encore à réunir dans un espace réel, consiste, bien entendu, en une affirmation d'identité, de fierté, de capacité créatrice authentique, qui n'est parfois pas sans rappeler certains échos du Gérald Godin des "Cantouques" dans le Québec des années 1970:
les gouvernements nous insultont
les ignorants nous disont qu'on parle mal they can all go fuck themselves. . . .
la poésie en arrache contre les bad trippeux du langage contre les peureux de l'évidence contre les censureux de la différence . . . .
La poésie se satisfait cependant mal des cadres de la revendication collective, tôt ressentis comme des carcans; elle est, en soi, porteuse de "je," de la multiplicité des personnalités, des "Jeux" de ceux-ci dans leur délicatesse et leur subtilité. C'est avec une certaine ironie que la voix d'Herménégilde Chiasson conclut Mourir à Scoudouc par une remarque caustique envers cet autre soi-même qui est "tu": "Tu vois, tu n'as pu résister à une impulsion romantique."l9 La poésie est tentative d'allier, subtilement, le "dehors" et le "dedans;" François de Cornière, poète de la Normandie (en France), qui a invité à l'automne 1986 quelques poètes acadiens à lire à Caen durant une "Quinzaine Acadienne," définit ainsi ce mouvement fort particulier, qui donnait son titre à son premier recueil:
Il y a "le dehors" (ce qu'on vit, ce qu'on voit, ce Xe qu'on montre, "faits et gestes" de la vie courante) et le "dedans," (ce qu'on ressent, ce qu'on pense, ce qu'on imagine, ce qu'on ne voit pas . . . mais ce qu'on vit aussi). Et le poème, c'est peut-être une tentative de réconciliation, de "coïncidence" entre le "dehors" et le "dedans.". . .20
La poésie dite "engagée" apparaît donc comme la coïncidence, en un point particulier du temps, en un moment d'intensité particulière, du mouvement du "je," du "dedans," et de l'évolution du "Nous," du "dehors," de ces "autres" auxquels s'adresser. Et l'engagement, précisément, ne consiste pas tant en la volonté de plier les autres à sa parole qu'à la volonté d'entendre les autres, d'établir une véritable communication. Celle-ci, qui peut consister en une attitude où le poète est à l'écoute du monde à travers les mouvements de celui-ci et les siens (l'aspect auditif étant, chez Gérald Leblanc par exemple, fondamental entre tous), peut se présenter (ainsi chez Herménégilde Chiasson) comme une attitude plus nettement proche du regard; elle peut consister en une manière de rompre le monologue-soliloque dont La Sa uine est l'exemple 90
le plus percutant, par l'usage-entre autres-de ce "vous" qui revient régulièrement dans la volonté de partager l'expérience des textes récents d'Herménégilde Chiasson. Ainsi, dans Prophéties (1986):
La rue s'est vidée de son désir.
je bois dans une bouteille, le ciel est rempli de lumière.
Je vous aime dans lai plus banale des phrases.
Il n'ya rien à rajouter.21
Rien en soi d'étonnant à cette utilisation du "vous," que des romanciers ont abondamment utilisé au vingtième siècle pour "interpeller" le lecteur; mais, ici, ce "vous" prend une autre dimension, qui, rétrospectivement, fait de la poésie d'Herménégilde une tentative à la fois individuelle et collective (par cette interpellation, tantôt sous forme de "Vous," tantôt de "Nous," tantôt de "Tu," voire de "On") de comprendre-ou d'accepter comme incompréhensible-ce que, faute de nùeux, on pourrait désigner "métaphysiquement" conune le mystère au coeur du monde. La tentative apparaît par moments douloureuse, qui cherche au-delà des apparences à saisir cet élément de magie qui doit être au coeur de toute création-qu'il s'agisse de la création artistique, de l'appel lancé à cette Acadie/Amérique qui n'en finit pas de naître (sinon de renaître), de la nùse au monde d'une relation amoureuse ou de l'élaboration d'un code électronique:
Quel étrange dialogue.
Voulez-vous me dire à quoi servent tous ces blasphèmes et ces halètements précipités?
Toutes ces déchirures, toutes ces extases? . . .22
L'urgence de la question la rend d'autant plus fondamentale qu'elle nous concerne tous-mais à un niveau où la parole individuelle rejoint, plus que la collectivité "acadienne au niveau socio-politique, la collectivité "acadienne" à laquelle elle s'adresse en premier lieu (l'importance de la mer et d'une certaine Amérique dépossédée sont indiscutablement des traits "acadiens" de cette poésie) en tant que groupe humain. Le "dedans"-le "je," plus que jamais individuel, du poète-tente de rejoindre un "dehors" qui, moins que jamais, ne se limite à une circonscription-ghetto que les critiques pourraient cern er aisément, lui délivrant un badge d'acadianité certaine. L'éclatement indiscutable de la réalité devient facteur essentiel de création pour la parole poétique acadienne.
En d'autres mots: l'écriture acadienne, la poésie en
tout premier lieu, c'est la dispersion maîtrisée, la reprise de l'espace, mais aussi, par l'ouverture indiscutable de cet espace qui ne s'est toujours pas referirné (on pense à cette grande balafre rouge qui fend le bleu du vitrail maintenant dans l'église de Grand-Pré)23 la possibilité offerte d'une vision plus universelle encore qu'elle ne pourrait l'être ailleurs. Une sorte de coirnirnunication à l'état pur.
Mon propre parcours de poète, de l'éclatement du langage à la douleur de l'écartèlements24 pour venir, par l'appel à l'autre hors d'une nuit qui semblerait sans fin,25 à la vision de mondes, divers, absurdes, nostalgiques-bref, toutes les formes de la création.26
Si l'on regarde les romanciers acadiens, force est de constate r qu'ici aussi, l'évolution va vers l'émergence croissante de l'individu comme source première de l'expérience romanesque; le personnage d'Angélique chez jeannine LandryThériault, le personnage d'Ulysse dans le plus récent roman de Claude LeBouthillier qui avait pourtant donné, avec l'Acadien reprend son pays, le texte le plus proche d'un projet romanesque "collectif;" les personnages mi-rabelaisiens, mi-picaresques dans Le Huitième jour d'Antonins Maillet, le personnage de Vassilie Francoeur dans Le Récif du prince de Jacques Savoie, autant de points de vue où le/la protagoniste, ou le narrateurjnarratrice prime sur quelque contenu idéologique ou social que le roman pourrait vouloir transmettre. Il y avait eu, incontestablement, chez Antonine Maillet-on a tendance à l'oublier, tant est grand le danger pour tout écrivain de langue française d'être, selon le mot du romancier suisse Jacques Chessex, "gorillé," folklorisé, par le regard socio-critique qui l'enferme et le classe si aisément-une affirmation de l'individualité forte, en particulier dans ses personnage féminins; la nouveauté du Huitième jour, venant après des textes à tendance lourdement historique (ainsi de Cent Ans dans les bois, qui se voulait le second volet d'une trilogie d'histoire telle que transmise/recréée par le conte), est d'affirmer sans la moindre hésitation le caractère à la fois individuel et unique de celle qui s'arroge, à la manière de la divinité, le droit de prolonger la création:
je me nomme Tonine, j'ai hérité de la parole et
j'exhibe ma tache originelle au-dessus du
genou. . . . j'étais distincte, unique et j'étais
moi, un point c'est tout.27
C'est, ailleurs encore, par la personne de l'adolescent Mathias et sa découverte du monde que les épisodes de CapLumière de Régis Brun prennent corps; l'ensemble des textes de Dyane Léger (que l'on peut désigner comme une sorte de poésie-récit") s'articulent autour du JE, ressenti aussi bien, comme source d'impressions fulgurantes que comme priso@ ("JE sais que je ne suis pas folle. . . . je me dis que je ne suis pas folle. je prends le téléphone dans mes bras. je le berce. Il me berce. . . . je pleure parce que je veux dormir et que l'autre moi ne veut pas. . . . je suis au bord de la folie, au bord de l'intervenant absolu."28 Il ne s'agit d'ailleurs pas uniquement de récit à la première personne, ou non: c'est aussi dans une sensibilité particulière du texte que s'affirme la présence individuelle. Peut-on imaginer que le tragique qui imprègne Requiem en saule pleureur, second recueil de Rose Després paru en 1986 aux Editions d'Acadie, puisse avoir sa source ailleurs que dans une sensibilité individuelle particulièrement aigüe, au, point même d'en arriver à une certaine incor=unicabilité (ce, qui rendait son premier recueil, Fièvre de nos mains, parfaitement inclassable)?
Destins individuels que ceux que cristallisent, dans ce beau texte conjoint, tout en demi-teintes, intitulé L'Eté avant la mort (1986), France Daigle et Hélène Harbec; destins individuels où tout l'espace du sensible, du quotidien, devient, de façon plus, anonyme pour France Daigle ("Elle," "je"), de façon Plus incarnée pour Hélène Harbec ("Maman," "Isadora"), un élément essentiel de cette fin d'existence qu'il s'agit de raconter.
Le roman, d'ailleurs, pourrait-il vraiment servir de véhicule idéologique? La thématique de libération collective qui imprègne L'Acadien reprend son pays (1977), si la trame d'anticipation qui la sous-tend (phénomène rare en Acadie) lui permet de garder aujourd'hui encore toute son actualité, et si l'idée cocasse de l'enlèvement d'un pape qui vint entretemps pour de vrai à Moncton ne peut manquer d'amuser, ne correspondrait probablement plus aux attentes des lecteurs, des éditeurs, voire même de son auteur aujourd'hui, alors qu'il essaie de faire passer la dimension historique de son nouveau roman par le vécu de personnages solidement incarnés. On attend du roman, quelle que soit la masse documentaire sur laquelle, à la différence de la poésie, il est souvent obligé. De s'appuyer (ainsi dans le cas des romans de Louis Haché, où l'évocation historique de la région de P'tit Shippagan occupe une place essentielle), qu'il nous offre une ample vision du monde avant tout; et, de toute évidence, le romancier pourra d'autant plus aisément faire le saut vers le cinéma que son point de vue sera plus visuel (peu de romanciers font plus appel au visuel que Jacques Savoie). Le romancier, face à la menace de dispersion, peut se replier sur le texte intimiste comme il peut tenter de maîtriser, sous ses multiples aspects, tout ce monde qui menace de lui échapper, dans le temps comme dans l'espace: ce n'est pas un hasard si Claude Lebouthillier et jeannine LandryThériault travaillent tous deux, en ce moment, à des romans historiques où les personnages du passé se mêlent à la vie presente.
Face à cette ouverture qui peut être inquiétante, l'expression lyrique, elle, pointe aigüe de la parole individuelle projetée vers l'Autre, cherchera volontiers un lieu qui puisse lui servir de refuge. L'amante de Cri de terre est aussi bien le village de Pré d'en Haut que l'Ile Miscou. Le "chant lyrique" de Melvin Gallant, L'Eté Insulaire (1982), se situe dans une île grecque. L'île corrlme refuge hors d'une réalité éclatée, l'île comme une sorte de certitude, l'île comme le "récif du prince" sur lequel Vassilie essaie de trouver son identité; l'île-refuge du premier film de France Daigle. Moncton comme une île, peut-être, dans la poésie de Gérald LeBlanc, île-croisement du monde à travers laquelle l'univers, mobile, se présente cependant comme rassurant par l'expérience individuelle qui en est faite, par les amours qui sont vécues et dites, amours d'autant plus rassurantes qu'elles s'adressent sans équivoque au Même, et non à l'Autre. C'est que, en dépit des possibilités qu'il offre, l'espace de la réalité éclatée est aussi un espace angoissant-même si, par le fait même, l'individu se trouve appelé à y assumer plus intensément son existence. De livre en livre, la génération des écrivains qui ont la quarantaine ou en approchent29 joue sa vie: tout texte est un investissement de soi, une recherche, une révélation. Ce qui explique aussi bien le besoin de l'île-refuge que la difficulté de trouver un langage pour aborder le dynamisme d'oeuvres aussi profondément différentes, ondoyantes, diverses.
L'île peut se faire centre. Centre rassurant pour ceux qui s'y trouvent, angoissant pour ceux qui en sont, par l'éclatement d'une réalité dont ils ne sont pas les auteurs, nécessairement exclus.
Cette île, ce village, cette ville même, cette sorte de noyau' imaginaire devient donc centre, se double d'une réalité ph ysique, et peut, par la force des choses, convaincre nombre de lecteurs qu'il n'est de littérature acadienne que de Moncton ("le centre") ou des régions qui fonctionnent chacune comme un petit centre (la Péninsule, la Baie Sainte-Marie, Chéticamp, le Madawaska, et ainsi de suite), mais, pour des raisons techniques, se trouvent essentiellement satellisées par Moncton, tout comme le Québec l'est par Montréal, la Suisse française par Lausanne, la Wallonie par Bruxelles, la France par Paris, par exemple.
On pourrait dire beaucoup de choses de toute cette dia-' lectique du "centre" et de la "périphérie," à commencer bien sur par ce fait historique ayant voulu qu'il n'y eut de belles et bonnes lettres françaises que sanctionnées par Paris; on pourrait constater que le "centre" n'est pas seulement l'indication d'un emplacement géographique, mais d'un croisement culturel que ceux qui l'habitent trouvent absolument vital, à l'exclusion de tout autre espace. C'est ce personnage, Octave, dans le film Les Nuits de la Pleine Lune du réalisateur français Eric Rohmer, qui ne cache pas son mépris d'écrivain mondain pour tout ce qui n'est pas Paris: "je ne comprends pas qu'on puisse vivre à la campagne." C'est une déclaration que me faisait Gaétan Dostie,30 poète québécois, selon laquelle il n'existait, culturellement, pour lui, que Montréale qui, avouons-le, est presqueê vrai dans le domaine de l'édition au Québec, malgré l'existence de quelques maisons d'édition (à Trois-Rivières et à Sherbrooke en particulier).
Quel que soit le point de vue que l'on veut adopter, il est évident que toute l'histoire culturelle du monde occidental affirme l'împortance essentielle des centres urbains-dans le milieu acadien, dépourvu de capitale culturelle francophone homogène, Moncton va donc peu à peu s'affirmer comme le chef-lieu hybride de notre imaginaire en transes-mutation U'emprunte l'image au poète québécois Yvon Bonenfant, titre d'un volume paru aux Ecrits des Forges en 1973), quelque chose entre un nùni Montréal-sur-Mer et la Lawrencebled de Claude Le Bouthillier dans son roman C'est pour quand le paradis. Réalité angoissante pour certains (ville triste, ville bilingue, le "Moncton est triste, Moncton est down" de Martin Pitre dans Poésie acadienne contemporaine)31 ou, au contraire, stimulante pour d'autres, la ville devenant d'autant plus le carrefour de tous les possibles qu'elle est une ville à plusieurs faces, Moncton acadien, Moncton anglophone, Moncton chiac, Moncton rock, Moncton bourgeois, Moncton "gai" ou Moncton corifornùste-Le Moncton de Gérald Leblanc, dès les textes de certaines chansons écrites pour 1755, n'est pas la ville déprimante dépeinte si fréquenunent dans les années 1970 (et dont on trouve un écho dans un texte de Melvin Gallant, "Triste Ville"),32 ville dont le nom même symbolise par excellence la dépossession et l'angoisse acadienne, l'impossibilité d'enlever son espace urbain en cette seconde moitié du vingtième siècle. Pour Géraid Leblanc, dont la technique d'écriture, et l'utilisation de noms spécifiques, achèveront de garantir l'authenticité monctonrlienne du texte, Moncton représente:
C'est l'importance prise par Moncton dans l'espace littéraire et culturel acadien, que me résumait un soir à sa table du Lord Beaverbrook de Fredericton Rino Morin-Rossignol (qui est maintenant plus que jamais "monctonien" par ses fonctions d'éditorialiste au quotidien Le Matin) en évoquant le plaisir qu'il aurait à être quelque part où il existe un "vrai" nùlieu littéraire francophone. A ce compte-là, il n'y a de salut pour l'écrivain acadien qu'entre Montréal et Moncton-pÔles qui auraient pouvoir de conférer par excellence le brevet de "valeur" littéraire. Réalité ambigüe de Moncton, centre rassurant et en même temps menace omniprésente. Living on the edge. Et on peut, toujours, soutenir un raisonnement qui privilégie les possibilités de création dans les satellites plutôt qu'au centre de la galaxie: pour Alex Colville, peintre par excellence d'un espace maritinùen aussi bien qu'uiùversel on peut mieux développer son art dans les conditions de mouvement moindre qu'offre une petite communauté, surtout à une époque d'avions, d'ordinateurs, et autres instruments dispensateurs de vitesse. La "petite" communauté n'est pas nécessairement la conununauté isolée et l'artiste de régions autrefois éloignées, en théorie du moins, s'il est appuyé par un réseau qui le met en contact avec les "centres," pourra "faire carrière" dans son domaine sans avoir nécessairement à renier la valeur fondamentale d'un certain enracinement du regard créateur.
Mais qu'en est-il, dès lors, de la "valeur" de l'artiste? Car ce sont, de toute évidence, au-delà d'un certain périmètre, les, .centres" qui, rassurant ceux qui y sont et y assument les rôles de critique, éditeur, responsable artistique, organisateur de soirées de poésie, dialogueur privilégié pour la radio-entre autresffrent au regard critique un "classement," un "jugement" de "valeur" des écrivains ou autres artistes. L'importance de la poésie acadienne dans les années 1970 et même aujourd'hui vient largement du fait que les auteurs du Sud-Est (dont Moncton est la "capitale" étrange) sont des poètes, dont l'implication dans divers organismes, des Editions d'Acadie à l'Association des Ecrivains Acadiens, les a immédiatement servis de façon privilégiée; la "capitale" numériquement la plus importante eût-elle été Caraquet, on privilégierait ce que les auteurs du Nord-Est font le mieux-roman ou théâtre. Et, le centre de gravité serait-il resté en Nouvelle-Ecosse comme au début du dix-neuvième siècle, il y a fort à parier que nous aurions une littérature où seraient valorisés, de préférence au reste, les essais et autres textes essentiellement descriptifs.
Il y aurait donc deux critères au moins de "valeur littéraire: la pren-dère, une sorte de "réputation," obtenue par le jugement du milieu, et favorisant inévitablement ceux ou celles qui "ont la cote" dans les milieux urbains, dans les cabinets d'éditeurs, dans les conùtés culturels, et, pour ne pas les oublier même s'ils ont plutôt tendance au confornùsme qu'à l'audace, chez les universitaires; la seconde, une sorte de "valeur intrinsèque," qui consacrerait plutôt le développement d'une "oeuvre," dont la cohérence et l'entropie seraient le résultat d'un travail monacal (comme l'enviait tant Paul Valéry dans son Introduction à la méthode de Léonard de Vinci). Que de telles oeuvres soient créées en dehors des "centres" ne voudrait pas nécessairement dire qu'il s'agirait d'oeuvres nécessairement "régionalistes" (terme par ailleurs imprécis et malaisé à définir), mais d'oeuvres régionales, selon la définition qu'en donne André Bourin dans son introduction à l'Histoire régionale de la littérature en France de Chantal Vieuille, c'està-dire produites par trois catégories d'auteurs:
. . . [les] écrivains du terroir, chantres d'une province à laquelle ils sont attachés par leurs racines et qu'ils n'ont pas quittée, mais aussi ceux qui, bien que provinciaux de naissance, n'ont pas évoqué leur province dans e leur oeuvre, ceux aussi qui, quoique nés t demeurant ailleurs, ont situé un ou plusieurs de leurs livres dans telle ou telle région, enfin ceux qui, par choix délibéré, par affinité élective, ont adopté un coin . . . pour y vivre et y travailler. . . 34
Tout écrivain écrit spécialement bien à un endroit donné, qui n'est pas nécessairement le lieu de son origine physique et sociale. je ne peux écrire qu'en Nouvelle-Ecosse. j'ai essayé au Québec, en Suisse, en France, un peu partout-c'est comme si les éléments nécessaires à la formation du cristal du texte ne pouvaient pas s'associer de façon satisfaisante. L'Acadie, en ce sens, c'est aussi un ensemble de régions littéraires qui affirment avec intensité leur caractère unique. Rien ne nous desservirait plus, à ce stade où nous sommes, que de nous réduire à une nouvelle version d"'Acadie, Acadie." Nous sommes des écrivains. Acadiens comme on est wallon ou sénégalais. C'est tout. Et c'est inunense.
A quoi sert une association d'écrivains? Elle a servi, au début, à renforcer ce centre encore jeune qu'était Moncton; elle sert, aujourd'hui, de plus en plus, à permettre aux auteurs, dans cette réalité doublement éclatée par laquelle ils peuvent trouver leur espace créateur à des endroits profondément différents, de conserver un contact, de ne pas céder à l'isolement, de sentir que leur individualité, aussi marquée et aussi essentielle soitelle, est portée par un réseau qui, entre l'imaginaire que désigne le langage, et la réalité qui ne cesse de nous interpeller, est un élément d'Acadie, l'un des fils de cet écheveau défait en 1755, et jamais vraiment reconstitué depuis.
Importance croissante, et vitale, de tout ce qui est communications pour nous. Printemps 1986. Nous sommes assis, avec Herménégilde Chiasson, à une terrasse au centre d'Ottawa.35 Ottawa: étrange centre de la bureaucratie des arts au Canada. Conseil des Arts, Ministère des Communications, Centre "National" des Arts, entre autres. Etrange centre, puisqu'il ne s'agit en rien d'un centre. de création quelconque: 'peu d'écrivains proprement ottawaïens qui ne cèdent à l'inévitable tentation de Toronto ou de Montréal, malgré un début, depuis dix ans, de conscience "outaouaise" du côté québécois, malgré quelques jeunes revues, malgré quelques éditeurs prêts àbraver vents et marées. Nous venons de parler, d'entendre parler jusqu'à plus soif, du problème des auteurs et des bibliothèques, de tous les problèmes qui nous assaillent interminablement en cette époque où la "valeur" se déternùne aussi en terme de ventes, d"'industries culturelles," de "compensation aux auteurs," et autres gadgets qui transforment peu àpeu l'écrivain en homme d'affaires de lui-même. A propos du roman Le Récif du Prince, Herménégilde a ce mot: "quelle qu'en soit la 'valeur'-tout livre acadien prend aujourd'hui valeur de baromètre." L'acte individuel comme révélation de quelque chose par son existence même.
Une autre chose nous préoccupe alors que le vent menace d'emporter la nappe et les assiettes: dans cette réalité nécessairement éclatée que nous sommes forcés de vivre, quelle continuité s'assure, sur l'axe du temps? Transplantés au bord de l'eau, allons-nous disparaître dans l'élément liquide de tous les langages et codes assimilateurs?
jean Huguet-dont la biobibliographie me dit qu'il fut "président-fondateur des jeunesses littéraires de France," sic transit gloria mundi-dans un volume acheté en solde à Moncton un soir de brosse, intitulé Les jeunes devant Ia littérature et dont le titre m'avait attiré parce qu'il était question de faire un numéro d'Eloizes avec des textes de jeunes, et parce qu'il était préfacé par le président de longue date des jurys du prix France-Acadie, le breton Henri Queffélec, écrit ceci:
. . . l'industrialisation inévitable, accélérée depuis 1920, de notre littérature, a profondément modifié la physionomie des milieux littéraires. A la fin du siècle dernier, on trouvait encore au centre du monde des lettres, l'Auteur, le Maître, autour de qui s'était plus ou moins spontanément formé un Salon ou un Cercle. . . . Quand la littérature devint affaire de publicité (dès 1902, l'éditeur Ollendorf dépensa dans son année 130,000 francs-or pour lancer ses auteurs), et donc de capitaux, la hiérarchie des valeurs fut bouleversée . . . . 36
Nous sommes assis avec Herménégilde et, tout en luttant contre le vent déjà froid malgré le soleil printanier déjà chaud, nous parlons de l'avenir de la littérature en Acadie. Ces farouches individualités, ces projets d'oeuftes, '&n démesures plurielles dont la danse fera, peu à peu, les axes d'UNE littérature au regard des critiques. Ce que nous écrivons. Ce que les autres écrivent. Mes dialectiques de nuit et d'écartèlement, face à l'éblouissement lunùneux des licornes. Plus tard Herménégilde me fera cadeau d'une licorne ailée en verre qu'il m'a ramené d'un des voyages exploratoires pour son film sur jack Kerouac. Toujours nuancer la critique, si critique il y a, d'une remarque immédiatement positive. Nous ne pouvons nous permettre les massacres en règle auxquels se livrent les critiques français-si besoin était. Nous parlons encore du Récif du Prince, de toute évidence le moins "acadien" au sens régionaliste des romans de Jacques Savoie. En même temps, il est incontestable que s'être rapproché du "centre" (il sera même choisi par le mensuel L'Actualité comme l'un des Québécois qui montent!), c'est-à-dire de l'édition montréalaise et de ses liens croissants avec le reste du monde francophone, avec Les Portes Tournantes en particulier, a permis à Jacques Savoie de passer dans "les ligues majeures" de l'espace littéraire.
Oeuvres-baromètres. Baromètres: les débuts d'une littérature, quelle que soit leur "valeur" absolue, sont des oeuvres importantes par le fait même qu'elles ouvrent l'espace. La littérature acadienne, ce n'est pas simplement l'espacesouvenir des historiens, mais, au contraire, l'espace-ouverture du possible-du "tout est possible," en quelque sorte. C'est peut-être pour cela qu'il y a chez Herménégilde réalisateur tant d'avions qui décollent ou qui atterissent: on est toujours à une intersection du temps. Il y aurait toujours quelque chose àdécouvrir.
La "valeur" artistique au demeurant aléatoire au regard de toutes les époques et de tous les contemporains (Bach, après sa mort, n' a t-il pas dû attendre 1840 pour être rejoué?) consiste ainsi essentiellement en une capacité du texte de pousser àdécouvrir, de donner envie de chercher un secret, un rnystère, la solution d'une énigme. Ce pays, terre par excellence des conteux et de l'oralité, n'est-il pas en mesure plus que tout autre d'ouvrir les portes du mystère?
Le romancier français Michel Butor, lorsqu'il dit à jeanMarie Le Sidaner que l'oeuvre est "le dévoilement d'un mystère," précise bien que:
L'éxégèse de l'oeuvre, ce n'est plus l'ouverture des placards de celle-ci, mais par elle l'ouverture de nos propres placards. Le mystère de l'oeuvre, c'est qu'elle délivre nos secrets. . . . 37
Plaisir que prennent les jeunes à lire-et à écrire-des textes "de mystère," d"'aventure," textes qui ne frappent peutêtre pas par leur originalité (c'est toujours un peu "Tintin en Syldavie," "Arsène Lupin," ou "L'Ile au trésor") mais dont l'objectif est clair: il s'agit de s'identifier à des personnages, de se découvrir en se confrontant à une aventure, de faire vibrer certaines cordes particulières qui n'ont pas l'occasion d'être touchées autrement. Il n'y a pas de différence de nature entre cette littérature, à la fois évasion et découverte, et le recours à l'alcool, à la drogue, voire à certaines formes de défi social: dans tous les cas, on essaie de résoudre certains mystères de soi-même. De découvrir son espace. D'apprendre sa géographie. Entre la poésie de Gérald Leblanc et les romans d'aventure (il y en a malheureusement trop peu en Acadie), il n'y a qu'une différence de degré. Degrés d'intensité, degrés de conscience, degrés de vertige: mais, dans le poème qui clôt Géographie de la Nuit Rouge, intitulé "A partir de l'A," précisément, c'est bien d'aventure qu'il s'agit:
Refuge, centre, la ville est aussi aventure, croisement de destins, de corps et de musiques, découverte. Plaisir de la dispersion contenue.
A la limite, nous tous et toutes, poètes, rêvons probablement d'écrire un grand roman d'aventures où nous pourrons nous perdre. Mais, en Acadie, il y a peut-être plus encore que cela. Un certain sens, américain, à l'acadienne, de la mouvance, de la dérive, de l'incertitude. Et ce mouvement, cette incapacité quasi forcée de rester en place, peut engendrer aussi bien l'angoisse queue peut être moteur de la création même.
Quelques exemples. Ceux qui lisent l'histoire d'Evangéline se concentrent peut -être trop sur les personnages. La valeur la plus durable de l'histoire, celle qui en fait tout le prix et lui a permis de devenir mythe, c'est le fait qu'Evangéline est une héroüne en mouvement. Elle n'a de cesse qu'elle ne retrouve son Gabriel. Et le mouvement ne s'arrête pas là, puisqu'il lui échappe au moment même où elle le retrouve. On me dira que l'histoire d'Evangéline, c'est du passé, du discours rétrograde, et, suprême défaut, c'est un texte écrit par un romantique anglo-américain, ce n'est pas un texte acadien malgré la prolifération des Evangélines Acadian Queens dans tous les coins de l'Acadie. Mais précisément: le texte de Longfellow est un texte, rien qu'un texte, et si ce texte n'avait été qu'une transposition malhabile d'événements historiques, on n'y prêterait plus attention depuis longtemps. Or on y prête toujours attention. Evangéline, c'est l'exil, le mouvement, l'impossibilité de s'arrêter quelque part. Expérience profondément négative dans la "réalité" historique et ses conséquences, mais Où tout texte peut puiser comme à une source de création sans cesse renouvelée. Melvin Gallant cherchant à écrire, dans la réalité éclatée de l'enseignement et de mille autres tâches, une Evangéline à New York. Evangéline, c'est une aventure, une dérive, peu importe aujourd'hui qu'elles ont pu en être les causes, les motifs, les prétextes. Evangéline, c'est l'extrême de la mobilité acadienne corrune un thème fondamental au sein même du texte.
Mobilité. L'élément, le thème si l'on veut, traverse de part en part l'écriture d'Antonins Maillet: des rêves de Gapi au retour de Pélagie. Le personnage d'Evangéline, dans Evangéline Deusse, fille d'une "race de navigueux" en mouvement perpétuel, en est un autre avatar avant que la dynanùque de l'oeuvre théâtrale n'amène Antonine Maillet à "garrocher" tous ses personnages en paradis. Ultime déportation, ou poursuite vers l'infini du jeu de personnages qui ont le mouvement dans les veines, la mer dans le regard, l'infini dans le fond de l'âme?
Que lisent les jeunes en Acadie? Nous en avons eu deux éléments de réponse, en peu de temps; la parution d'un roman d'un de nos plus jeunes auteurs publiés, Roger Mallais (de Tracadie) avec La bande intrépide (Editions d'Acadie, 1985), la parution d'un numéro spécial de la revue Eloizes consacré à l'écriture des jeunes. La réponse, pour Roger Mallais, est claire: les jeunes aiment lire des textes de science-fiction, d'aventure, de mystère. Pour les jeunes auteurs sélectionnés pour Eloizes, le choix est plus varié: des bandes dessinées françaises, Bilbo le Hobbit, des romans d'amour et des récits d'horreur, des poètes romantiques et des écrivains américains, André Langevin face à Shirley MacLaine, Baudelaire face à Tom Robbins ou Oscar Wilde. Toute la richesse de notre culture éclatée de fin de vingtième siècle. Le rêve, l'action, le dévouement individuel ou l'exploration de la conscience. Quelqu'un reprendra t-il l'idée d'un "grand projet collectif"? J'assiste à ès d'orientation de la Société Nationale des Acadiens."9 On parle économie, société, politique-il semble que, peu à peu, la littérature ne soit plus considérée conu-ne un véhicule de projets collectifs. L'Acadie n'est pas perdue. elle apprend, peu à peu, à gérer l'éclatement conune une richesse. Au volant de ma voiture, je ne compte plus les milles de Chéticamp à Caraquet-je synthétise, à chaque tour de roue, la densité de chaque auteur, de chaque région, de chaque instant de création. je dirige, pour quelques années, avant de passer le relais, tant bien que mal, un organisme qui devient de plus en plus la réunion de professionnels de l'écriture, alors que se mettent en place des écoles qui, petit à petit, auront une existence durable, stable, incontestée, du moins au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle Ecosse.
La littérature acadienne, elle, ne finit pas de palpiter dans l'angoisse heureuse d'une série de naissances-cataclysmes. Elle n'est pas près d'être absorbée par le ghetto d'une critique mal à l'aise, avec ses catégories venues toutes faites d'ailleurs, devant ses étrangetés. Sylvie, des "Amitiés Acadiennes, ,40 sans mauvaise foi, sans méchanceté, de me dire: "Il y a des moments, vraiment, où l'on ne vous comprend plus. . . ." Apprendre à lire, selon de nouvelles directives. je ne suis encore qu'au A de ce parcours de lecture où vous me suivez.
NOTES
1 Penny Gaudet, dans "Le rossignol, son gîte et l'arbre sans voix," Eloizes 4.2 (1986): 68. C'« moi qui souligne, ayant choisi à dessein un texte qui ne regorge pas d"'acadiarLismes" par trop évidents (les "j'avions," "j'étions," "garrochés" et autres, ce n'enlève rien à leur valeur-mais admet que leur présence n'est pas synonyme de qualité littéraire par tine vertu automatique!)
2 Il est vrai que l'Acadie regorge de chorales-la carrière musicale d'une Rose-Marie Landry s'appuie sur un réseau presque aussi dense qtie, dans un autre domaine, la carrière musicale de Charles Dutoit, qui vient, ltù, de la Suisse romande et se retrouve au Québec par té profonde. C'est par un jeu de mots sans cynisme que j'emprunte, ici, le nom d'une chorale acadienne d'Halifax.
3 Raymond Leblanc, Cri de Terre (Moncton, Les Editions d'Acadie, 1972; rééditi on 1986) 43.
4 Charlotte TowrLshend-Gault, "Yvon lant" [corrlmentaire d'une exposition à la Galerie Sans Nom à Moncton], Vanguard 18. 16 (Déc. /Jan. 1986187): 33.
5 Murielle Belliveau, postface à Cri de Terre (Moncton: Les Editions d'Acadie, 1986) 80. C'est moi qui souligne.
6 Lebc 55.
7 Leblanc 55.
8 Leblanc 50.
9 Quels qu'ils soient! Des théocraties aux multiples dictatures qui encombrèrent, encom- brent et encombreront scène et coulisses de notre planète . . . J'ai remarqué par ailleurs, dans certaines pièces acadiennes, ainsi Cochu et le soleil de jules Boudreau on Tête d'eau de Laval Goupil, sans oublier les pièces d'Antonins Maillet (qu'il s'agisse de l'archétype de La Sagouine à cette figure mythique de l'exil qu'est Evangéline Deusse), une sensibilité et une sympathie particulières pour ceux ou celles qtli sont en état de souffrance, de faiblesse, de désarroi. N'en concl ons pas pour autant que, dans la société acadienne, "tout le monde il est beau, tout le monde il est Ugentil": celle-ci a ses conflits, ses rivalités, ses jalousies tout autant que n'importe quelle autre société. Et, comme dans toute autre socién'en déplaise aux Français de France qui vient ici chercher leur dose de paradis sur terre- on y trouve, hé otti! un certain racisme et une certaine intolérance. Qu'on n'en trouve pas serait étonnante L'Acadie n'est pas un mythe, mais une société vivante, et qui, longtemps menacée, n'est pas encore sortie du bu". Le mythe, c'est de vouloir occuiter cette réalité-là.
10 Rapport avec l'Acadie? Allen Ginsberg vient, dep 1986, animer une fois par an un séminaire de poésie à Halifax, au Naropa Institute, centre bouddhiste; Gérald Leblanc se joignait à moi et quelques autres pour le prenùer atelier. conque a lu Gérald Leblanc, pour ne pas parler des entretiens au cours desquels il ne laisse planer aucun doute, sait à quel point sa poésie est marquée par le parcours "beat." Kerouac, qui fut par ailleurs l'ami de Ginsberg, vient de faire l'objet d'un film d'Herménlde Chiasson; et jim Morrison est loin d'être absent de la poésie de Gérald Leblanc et des plus jeunes qui, corrlme Paul J. Bourque, ont été marqués par son style.
11 Lors d'un repas dans le cadre du colloque "Québec/FrancophorLie" tenu à Mont-Rolland sous l'de de l'Académie canadienne-française les 24-25-26 octobre 1986.
12 C'est ainsi que Miron avait qualifié les poètes "interrtationalistes" qui l'avaient vivement critiqué lorsqu'il avait opté pour un engagement proprement québécois, afin de se distancier d.eux, lors d'une lecture à l'université Dalhousie, Halifax, en 1982.
13 Sur l'oeuvre de ce poète, que l'on peut à divers égards comparer à Gatien Lapointe [des premiers volumes de Gatien Lapointe] on consultera mon étude: Alexandre Voisard (Fribourg, Suisse: Editions UrLiversitaires, 1987). Il s'agit, de l'avis du critique français Serge Brindeau, luimême poète, d'un des noms importants de la poésie francophone en cette seconde moitié du vingtième siècle.
14 J'adopte ici une terminologie poétique relativement standard: "nationaliste" s'applique à un Etat en voie d'émancipation; "nationalitaiie" à une collectivité en voie d'autononùe, mais qiii ne pourrait en aucun cas constituer un pays, n'en déplaise à Claude Lebouthillier dans son roman d'anticipation L'Acadien reprend son pays.
15 On peut se référer ici à la postface de Cri de Terre pour nùeux sir l'attitude de Raymond LeBlanc. Les mouvements étudiants de l'Univeisité de Moncton, alors toute jeune, ont cernement servi de moteur à toute une génération, tout comzne pour moi, alors en France, la marque de "Mai 68" est restée profonde; il ne faudrait pas, pourtant, oublier qu'il y a peut-être eu ailleurs qu'à Moncton un certain nombre de mouvements de "réveil," politique, social, et culturel qui ont c ntribué à cette renaissance culturelle acadienne est toujours en cours, même si tin certain noombre de ses éléments ont disparu, ne faisant pas toujours place à d'autr«, ou même si la continuité n'en est pas toujours évidente.
16 je choisis le mot à dessein. Herménégilde, me confiant que les textes de ce livre e talent pour la plupart à la fin des années 1960, n'ayant été réuiùs en "livre" que quatre ans plus tard. avoue avoir eu alors peu de conscience d'une quelconque valeur qil'il efit pu avoir en tant qu'écrivain [à la différence de Raymond LeBlanc qui se constituait, lui, un profil d'écrivain et d'intellectuel en révolte]; certains savaient qu'il écrivait, mais on le considérait dans l'ensemble comme un artiste visuel et itii-même ne se serait certainement pas pris au sérieux en tant qu"'écrivain." Les écrivains, c'était ailleurs . . . au Québec on en France. On mesure le chemin parcouru dep, vu le nonlbre de revues étrangères qui souhaitent, sans arrêt, faire sur notre littérature des numéros spaux.
17 Herménlde Chiasson, Mourir à Scoudouc (Moncton: Les tions d'Acadie, 1974; Zè édition, Les Editioni3 d'Acadie/L'Hexagone, 1979) 43.
18 Gérald Leblanc, Comme un otage du quotidien (Moncton: Les EditiorLa Perce-Neige, 1981). Pas de numéros de pages.
19 Herménégilde Chiasson 62.
20 François de Cornière, entretien avec Nbchel Baglin, dans François de Cornière, collection Poésie/Portrait (Villelongue: Atelier du Gué, 1984) 113.
21 Herrnénégilde Chiasson, Prophéties (MonctorL: Michel Henry Editeur, 1986) 1 1.
22 Prophéties 65.
23 Oeuvre de l'artiste anglophone, mais de descendance cajinne, Terry Smith-Lamothe en
24 L'éclateMent du langage est la marque fondamentale d'une oeuvre pré-acadienne pour moi, mais qlii continue de figurer dans mon imaginaire, Virgée Tantra Non Arpadar (Paris: Grassin, 1972); l'écartèlement est la figure-thème de mon premier livre de poésie véritablement acadien, La Mer Ecartelée (Sherbrooke: Naaman, 1978).
25 Henri-Dominique Paratte, Dis-Moi La Nuit (Moncton; Editions d'Acadie, 1982).
26 Voir, entre autres, "Amour Soiciel," dans Poésie Acadienne Contemporainel Acadian Poetry Now (Moncton: Les Editions Perce-Neige, 1985) 182-86; ou "Frolic," dans Les Cahiers Bleus (France: Troyes, 1986).
27 Antonine NWIlet, Le Huitième jour (Montréal: tions Leméac, 1986) 9.
28 Dyane Léger, "Ce soir, dans le creux de la nuit, les mots sont déterminés," Estuaire 36, (1985): 33-36.
29 Herrnénlde Chiasson et Claude Lebouthillier sont nés en 1946, Gérald Leblanc en 1945, Raymond LeBlanc en 1945, Rose Després et moi en 1950, DyarLe Léger en 1964, Louis Comeau en 1966, France Daigle en 1983.
30 Lois d'un repas, avec Rose Després et Martine lac, à la de la Conférence d'Halifax les 21 et 22 septembre 1985.
31 (Moncton: Editions Perce-Neige, 1985) 212.
32 Eloizes 9 (1984): 26-28.
33 "Mouvance," texte publié dans Lieux transitoires (MonctorL: Michel Henry Editeur, 1986) 18. La version du même texte parue dans Eloizes 9 (1984): 79-83 utilise beaucoup moins les références monctoniennes, otL il semble que Gérald Leblanc ancre de plus en plus son imaginaire.
34 André Bourin, in Chantal Vieuille, Histoire régionale de la littérature en France des origines à la Révolution 1 (Paris: Pion, 1986) IX.
35 Nous sortons, en fait, d'fine réunion sur le droit de prêt public . . . et d'une rencontre avec des fonctionnaires du nùrlistère des communications, histoire d"'électror"er" certaines banques d'écrivains.
36 jean Huguet, L es je un es de van t la littéra tu re (Paris: Editions La Colonibe, 1988) 41-42.
37 Jean-Marie Le Sidaner, Michel Butor voyageur à la roue (Paris: Editions Encre, 1979) 36.
38 Géraid Leblanc, Géographie de la Nuit Rouge (Moncton: Les Editions d'Acadie, 1984) 45.
39 Colloque d'orientation, "Pour une Acadie en l'an 2000," Memiamcook, les 14-16-18 novembre 1986. Les années 1980 n'ont plus offert les grande rassemblements nationalitaires des armé« 1970.
40 Organisme, fort utile au demeurant, de lien entre la France et l'Acadie