CHASSE-GALERIE ET VOYAGE
Jean Du Berger
Pour l'homme de la tradition populaire, le voyage n'est pas un thème particulièrement exaltant. Pour le voyageur, partir, c'est quitter l'espace de sa culture pour s'aventurer dans un domaine où chaque rocher et chaque arbre peut cacher l'Autre, cette forme hostile qui fait se gonfler les rapides ou se hérisser, sur la route des Pays d'en Haut, la vaste étendue du lac Supérieur. D'ailleurs, la sagesse disait: "Partir, c'est mourir un peu." Les complaintes, de leur côté, chantent les malheurs que provoquent les départs de maris ou de fiancés pour la guerre ou pour de longs voyages en mers. Amours détruites, familles qui se désagrègent, corps de noyés qui hantent les rivages: fruits amers des voyages. Si la tradition populaire parle du voyage, elle le fait en termes de "misère" indicible et non pas en termes d'une évasion hors des cadres d'un quotidien aliénant comme les écrivains du XIXe siècle l'ont fait.
Parfois, cependant, bien haut dans le ciel passent des voyageurs qui, dans un canot d'écorce, naviguent dans les nuages. C'est la Chasse-galerie qui passe. Les voyageurs chantent un couplet vaguement blasphématoire en donnant de grands coups d'aviron dans les airs. Voilà un tout autre voyage que ces pénibles voyages par portages et mauvais sentiers infestés de feux-follets, et de méchants esprits. Les voyageurs de la Chasse-galerie échappent à toutes ces difficultés en glissant à vive allure au-dessus de la terre périlleuse qu'ils ne fouleront qu'en pays connu, parvenus à la maison de leurs amours. Mais ce grand voyage cache de plus sérieux dangers que les difficiles expéditions de terre: pour le faire, il ne faut rien de moins que la suprême transgression de faire un pacte avec Satan lui-même. Par ce pacte, le voyageur de la Chasse-galerie adhère à un ordre radicalement différent qui l'arrache à la sécurité de son groupe d'appartenance pour le jeter dans une aventure qui s'achève dans la mort: mort physique que suit la mort de l'âme dans la damnation. En ce sens, la Chasse-galerie révèle un voyage qui est acte de révolte total en ce qu'il manifeste le choix libre de la mort éternelle.
Le plus ancien témoignage que nous possédions au sujet de la Chasse-galerie est celui de Marie Caroline Watson Hamlin dans ses Legends of Le Détroit publié en 1884.1 Dans ce recueil, Hamlin reprend les traditions françaises dont certains vieux résidents de Détroit gardaient encore le souvenir il y a cent ans: loup-garous, feu-follet, lutins, prêtre fantôme s'y retrouvent comme dans la tradition orale du Québec, étrangers et familiers à la fois, présents à la vie quotidienne des hommes dont ils partagent les travaux et à qui parfois ils demandent leur collaboration. Pour Hamlin, la Chasse-galerie prend l'aspect d'un grand canot que douze hommes font avancer dans le ciel tandis qu'un chien dans "la pince" du canot par ses aboiements attire l'attention de ceux qui doivent voir la Chasse-galerie passer. La Chasse-galerie peut aussi prendre 1'aspect d'une meute de chiens noirs qui court en aboyant derrière une proie invisible; à tous les sept ans, la Chasse-galerie devient un chasseur solitaire, fusil à la main, qui traverse le ciel, suivi de ses chiens, au coucher de soleil. Voir la Chasse-galerie passer est un signe de mort pour celui qui en est témoin ou pour ses proches. Marie Caroline Hamlin poursuit son récit par l'histoire d'un chasseur qui est entraîné par la Chasse-galerie et qui revient un an et un jour plus tard chercher sa fiancée.
Déjà, cette "Legend of the Canadian Shore" de Détroit nous indique que la Chasse-galerie n'est pas un phénomène qui se laisse réduire à une seule forme. A la course du canot dans les airs, s'ajoutent en effet la meute de chiens de chasse et la silhouette du Chasseur sauvage. La tradition de la Chasse-galerie en canot a été répandue au Québec surtout à cause la version d'Honoré Beaugrand dont nous allons bientôt parler; cette version n'épuise pourtant pas le discours populaire au sujet de la Chasse-galerie.
Le conte d'Honoré Beaugrand qui fut à plusieurs reprises publié2 est fort connu et constitue un des facteurs qui a contribué à fixer dans notre tradition un aspect de la Chasse-galerie. Beaugrand fait raconter par le cuisinier d'un camp de bûcherons, le soir à la veillée, l'expérience qu'il avait vécue dans sa jeunesse, à une époque où il ne craignait "ni Dieu ni diable." Un soir, la veille du jour de l'an, il est invité par "le boss des piqueurs" à se rendre à Lavaltrie, "à plus de cent lieues", en canot d'écorce. Jos, le narrateur, comprend aussitôt qu'il s'agit "de courir la chasse-galerie." Il n'ignore pas que pour réussir l'opération il fallait risquer son salut éternel mais Durand, le "boss des piqueurs" le rassure en affirmant que le voyage n'est pas du tout périlleux à la condition "de ne pas prononcer le nom du bon Dieu pendant le trajet, et de ne pas s'accrocher aux croix des clochers en voyageant." Vaguement rassuré, Jos se joint à ses camarades et répète avec eux la formule que prononce Baptiste Durand:
-- Satan, roi des enfers, nous te promettons de te Mer nos âmes, si d'ici à six heures, nous prononçons le nom de ton maître et du nôtre, le bon Dieu, et si nous touchons une croix dans le voyage. A cette condition, tu nous transporteras, à travers les airs, au lieu où nous voulons aller, et tu nous ramèneras de même au chantier. Acabris! Acabras! Acabram! ... Fais-nous voyager par-dessus les montagnes!
Et le canot s'élève puis file au-dessus de la forêt jusqu'à la Gatineau qu'il survole pour tourner et suivre la rivière Outaouais Jusqu'à Montréal et se poser à Lavaltrie où les coureurs de Chasse-galerie croyaient bien trouver une fête; mais la veillée a lieu de l'autre côté du fleuve, à Contre-coeur. Ils retournent à leur canot et repartent dans les airs pour arriver chez "le père Batissette Auger" où ils dansent. Le retour est difficile: le pilote du canot est ivre et ses coups d'aviron orientent l'embarcation dans tous les sens à un point tel qu'ils s'enfoncent après une fausse manoeuvre "dans un banc de neige au flanc de la montagne" à Montréal. Ils parviennent à se dégager et à repartir vers le camp où ils ne peuvent se rendre car des sacres de Durand et une autre fausse manoeuvre de Jos le cook fait chavirer le canot et tomber dans la neige les bûcherons que leurs camarades retrouvent le lendemain.
Pour le folkloriste, le récit de Beaugrand se situe déjà à une grande distance de la tradition orale dont il est pourtant une ramification. Au niveau de la tradition, la légende est en effet objet de croyance et même, au niveau du memorate, se présente comme le témoignage de première main de celui qui a vécu l'événement. La légende est un récit dont la distance que le traitement de l'écrivain établit fait oublier la force. En temps de crise, le récit légendaire est en effet une action symbolique qui tente de résoudre au niveau du discours le danger qui menace le groupe au niveau du vécu. Pour Beaugrand comme pour Fréchette, le thème folklorique est un prétexte; leur objet est l'écriture; le contrôle social par le discours n'entre pas dans leurs préoccupations. Beaugrand, c'est évident, s'amuse de cette histoire dont l'explication dernière est une énorme beuverie que les bûcherons ont faite pour célébrer la fin de l'année: le vol du canot, les incidents de parcours, les chutes dans la neige et les visions de villes dans la nuit trouvent leur sens dans l'ivresse du narrateur. Il y eut un voyage mais ce voyage ressemble fort à ceux que les Shamanes de Sibérie font au terme d'un rituel compliqué. Si Jos le cook a volé, c'est en lui-même. La légende expliquée ainsi n'est plus objet de croyance puisqu'elle est aseptisée.
Par la suite, les écrivains ne changeront que quelques détails: ainsi, chez Louis Fréchette, les conditions "pour courir la Chasse-galerie" sont de se procurer une bouteille de rhum "qu'a été remplie à mênuit, le jour des Morts, de la main gauche, par un homme la tête en bas," de ne pas porter l'objet béni sur soi, d'éviter en cours de route les clochers et de prononcer la formule: "Satan, roi des enfers, enlève-moi dans les airs! Par la vertu de Belzébuth, mene-nous dret au but." Comme un des membres de l'équipage avait caché dans "la pince" du canot une médaille, les forces maléfiques sont neutralisées et l'embarcation ne peut quitter le sol pour la plus grande humiliation du chef de l'expédition, qui se blesse en voulant exprimer sa rage à grands coups de hache.3
Edouard-Zotique Massicotte, pour sa part, décrit une chasse-galerie sous forme de "voiture qui filait sens dessus dessous avec un voyageur la tête en bas." Et il ajoute, détail important: "C'était une chasse-galerie, c'est-à-dire un mécréant qui s'en allait en enfer en vertu d'un marché conclu avec Satan."4 Cette explication ajoute une dimension nouvelle au voyage magique des récits apparentés à celui de Beaugrand: la chasse-galerie est en réalité l'ultime voyage de celui qui a fait un pacte avec le Diable ou qui, par sa conduite, avait donné l'impression d'être un disciple de Satan. Un récit rapporté par Marius Barbeau dans le Journal of American Folklore va clans ce sens:
Ma grand-mère nous contait que par une bel-journée, alors que mon grand-père et d'autres personnes étaient allés étendre des filets, ils ont vu un "flat" dans l'air. Un homme ramait et un autre avironnait à l'arrière de la chaloupe. Ce dernier tenait un gros chien entre ses deux jambes. Comme ils passaient assez bas dans l'air, mon grand-père lui demanda où il allait. L'autre répond qu'il se rend à une localité nommée Petit-Pot-au -beurre. C'était un gars de Rimouski que mon grand-père avait connu et qui n'avait pas fait de "dévotions" depuis quinze ans. L'autre homme qui l'accompagnait était mort ce jour-là à Rimouski. Mon opinion est qu'ils se rendaient en enfer car leur chien, ce n'était pas un chien ordinaire; il était deux fois plus gros que la normale.5
La Chasse-galerie ressemble ici à la barque qui faisait traverser le fleuve des enfers sous la direction de Charon et ce chien n'est pas sans rappeler, de bien loin il est vrai, Cerbère. Mais ces rapprochements une fois faits, il faut les oublier pour revenir à ce voyage des réprouvés. Ces barques, ces canots, ces chaloupes, ces voitures dans le ciel ne sont plus des moyens de transport magique que des pratiques de sorcellerie auraient permis d'utiliser mais des véhicules qui transportent vers leur destin des condamnés. Cet aspect de la Chasse-galerie nous entraîne vers un troisième sens: celui du Chasseur condamné à une chasse éternelle et qui ne peut connaître après sa mort le repos.
Déjà, la tradition de la population française de Détroit rapportée par Hamlin mentionnait ce chasseur qui traversait le ciel avec ses chiens. Par la suite, cet aspect de la Chasse-galerie semble se résorber dans la vision qu'en donne Beaugrand. C'est un informateur de Marius Barbeau, François Saint-Laurent qui en rappelle des éléments dans le récit qu'il fait d'une étrange expérience qu'il vécut près de Mont-Louis, en Gaspésie. Alors qu'il faisait route, il entendit un grand bruit "un bordas terrible, qui vient du sussuête, et ça a l'air à venir vite comme les chars." Terrifié, il se jette par terre tandis que passe au-dessus de lui le "bordas" sous forme de "Jappes," des hurlements, des chaînes qui sonnaient ... Saint-Laurent venait d'entendre passer le Chasseur et sa meute de chiens." Qui était donc ce Chasseur?
Dans la tradition poitevine, le chasseur est un sieur "de Gauery" qui aurait commis la faute de chasser le dimanche et qui aurait été condamné à chasser la nuit dans le ciel pour réparer cette faute rejoignant ainsi les pécheurs qui reviennent sur terre pour célébrer des messes,7 porter des bornes déplacées8 ou expier un meurtre:9 revenants nocturnes qui souffrent du seul fait qu'ils doivent errer entre le monde des vivants et celui des disparus. Notre Chasseur serait donc de la lignée du seigneur de Gallery qui lui-même entre dans le cortège des chasseurs sauvages.10 Ici, nous pouvons remonter à cette mythologie germanique qui anime les cieux de chevauchées et de courses. C'est tout d'abord Odin, le Wotan des Germains de l'Ouest, qui est conducteur de la chasse sauvage; accompagné des guerriers morts à la guerre, il parcourt le ciel au galop les soirs d'orage.11 Cette course de Wotan est elle-même précédée d'une autre chasse sauvage dont le meneur est un ancêtre de Wotan, Wode, démon de la fureur qui entraîne avec lui dans des courses folles les âmes des morts.12 La Chasse-galerie, nous le voyons, c'est le passage des morts en route vers leur jugement ou accomplissant leur destin. Nous sommes devant une image de mort.
La Chasse-galerie représente donc le dernier chaînon d'une évolution à la fois narrative et idéologique. En premier lieu, il s'agit de la course d'un dieu germanique, Wode, en compagnie des âmes des disparus puis de la chevauchée de Wotan-Odin que suivent les guerriers morts au combat. Au Moyen Age français, ce bruyant cortège est devenu la Mesnée Hellequin, par laquelle Hellequin, meneur des diables dans certains mystères, introduit dans le jeu dramatique les démons. Puis, l'image du puissant meneur surnaturel d'un cortège se charge d'une signification morale: il ne s'agit plus que d'un mauvais chrétien puni pour avoir chassé le dimanche et qui est condamné à pourchasser avec sa meute de chiens une proie qui fuit dans le ciel. Ces chasses sont à leur tour remplacées par des embarcations qui transportent des réprouvés en enfer avant de se transformer en véhicules ensorcelés qui assurent le transport magique de fêtards en état d'ivresse. Activité nocturne des dieux et des disparus, la chasse sauvage se transforme en cortège satanique puis en punition pour aboutir à une activité magique. Parvenu à ce point d'évolution, la puissante image des mythologies du Nord est vidée de sa force sacrée et se réduit à un conte amusant où de braves fortes têtes parviennent à duper le Diable.
Si le thème de la Chasse sauvage est ainsi réduit à un plaisant récit chez Honoré Beaugrand et ses nombreux imitateurs, il en faut chercher l'explication dans la situation culturelle du Canada français qui, à ce moment, amorce une rapide évolution qui le fera passer d'une société traditionnelle à une société moderne. Pour les élites, les réseaux d'images qui animaient les structures traditionnelles ne sont plus objets de croyance et sont par conséquent soumis à un processus réducteur qui les intègre, en les expliquant, à l'idéologie nouvelle. Plus question de barque des morts ou de chasseurs punis mais de gaillards qui se servent du Diable en riant aux éclats. L'acte de révolte que constitue la décision de pactiser avec Satan est banalisé par l'écriture qui ne retient qu'une série de péripéties pittoresques d'une action transgressive.
Cette réduction du récit légendaire par l'écriture est d'ailleurs le résultat d'une sorte de révolte de l'élite à l'endroit de ces croyances populaires dont la crédulité du "peuple," c'est-à-dire, pour ces notables, de tous ceux qui n'étaient pas des notables, dont la seule crédulité du peuple assurait la survie. Plus encore, pour ces hommes qui n'adhèrent plus aux dogmes de l'Eglise, la réduction de ces récits légendaires qui sont souvent reliés aux croyances religieuses est un jugement de valeur sur ces croyances ecclésiales. Plus qu'une tentative d'enlever au récit légendaire d'un pacte avec le Diable sa capacité de faire scandale, la réduction par l'écriture veut contribuer à affaiblir l'idéologie de l'Eglise afin de la remplacer éventuellement par un autre discours, laïc celui-là.
Il reste cependant que, par-delà l'évolution narrative et idéologique du thème de la Chasse sauvage ou de la Chasse-Gallery, demeure un fait: des gens ont dit avoir vu des canots dans les airs et des témoins ont affirmé avoir entendu passer une meute de chiens qui hurlaient dans le ciel. Au fond, tous ces récits ont en commun qu'ils rapportent les témoignages de personnes qui ont vu des objets volants, qui ont entendu des êtres qui volaient. Ce fait de la vision ou de l'audition d'objets célestes demande explication. La "science" de la fin du XIXe siècle tentera de donner une explication raisonnable à ce fait: "La chasse gallery est le passage d'oiseaux migrateurs qui, lassés, s'égrènent dans les ténèbres et s'appellent pour ne pas se perdre. / ... / Alors que passe la chasse gallery, vous vous croyez aux environs d'une arche de Noé aérienne, où bruiraient dans leurs chants, leurs cris, leurs gémissements, leurs sifflements, leur langage, les animaux de la création."13 D'autres évoqueront les grands vents d'automne qui bousculent les lourds nuages qu'ils font et défont en mille formes. Toutes ces explications rationnelles ne changent rien au fait que les témoins voient ou entendent des canots, des meutes, des chasseurs.
Dans son ouvrage sur le phénomène des soucoupes volantes, Un mythe moderne, Carl Gustav Jung parle à ce sujet de "rumeurs visionnaires" dont il explique l'existence par une "émotion inusitée" qui, passant outre au témoignage des sens, fait surgir une vision.14 Il explique: "Les rumeurs visionnaires peuvent, certes, être provoquées ou accompagnées par des circonstances extérieures d'un ordre quelconque; mais leur existence, pour l'essentiel, est engendré par une matrice émotionnelle partout présente, et, dans le cas qui nous occupe par une constellation psychologique universellement répandue. L'origine de telles rumeurs est une tension affective issue d'une situation de détresse collective, qui peut être soit un danger collectif, soit une nécessité vitale de l'âme.15 Comme le dit Jung, dans ces temps de crise, s'impose confusément dans les profondeurs de l'âme humaine le besoin d'une médiateur et "que vienne à se produire dans le monde extérieur quelque chose d'inhabituel ou d'impressionnant, relatif au domaine des hommes, des choses ou des idées et en un tournemain, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, le contenu inconscient peut s'y investir et déjà, plus prompt qu'une étincelle, s'y est projeté."16 Le phénomène que nous ne pouvons identifier mais qui fut aperçu par les témoins a donc été l'occasion pour des contenus latents de nature psychique de se manifester.
Quelle pourrait donc être au coeur de ces témoins du Canada français d'autrefois la source de cette tension intérieure qui leur faisait chercher dans le symbole d'un voyage magique la médiation susceptible de faire disparaître cette tension affective? Quelle crise déchirait leur inconscient pour qu'ils aillent chercher dans l'espace le lieu de leur libération intérieure? Quelle situation intolérable leur faisait voir des canots libérés de la pesanteur qui fuyaient plus loin que le lieu où celui qui les voyaient devait s'incruster? Le folkloriste fournit une image, celle d'un canot d'écorce qui vole vers autre chose. Canot fragile qui s'abîmera peut-être comme tous les rêves, au bout de sa course folle. Que d'autres me disent pourquoi vole la Chasse-galerie dans le ciel du Québec.
NOTES
1 Hamlin, Marie Caroline Watson, Legends of Le Détroit; illustrated by Miss Isabella Stewart. Detroit, Thorndike Nourse, 1884 (5) -- 317 p: réédition par Gale Research Company, Book Tower, Detroit, 1977: p. 126-150.
2 Beaugrand, Honoré. "La Chasse -galerie," dans A la mémoire d'Alphonse Lusignan; hommage de ses amis et confrères. Montréal, Desaulniers et Leblanc, 1892, 327 p.: p. 290-312; dans Almanach du Peuple, 24, 1893, p. 58-76; La Chasse-galerie: légendes canadiennes. Montréal, Beauchemin, 1900, 123 p.: p. 9-34; Almanach du Peuple, 58, 1927, p. 351-360. Beaugrand a publié son récit en anglais dans La Chasse-galerie and other Canadian Stories, Montréal, 1905; E. Z. Massicotte l'a aussi publié dans son anthologie Conteurs canadiens-français du XIXe siècle, Montréal, Beauchemin, 1902, viii-330 p.: p. 209-224.
3 Fréchette, Louis, La Noël au Canada; contes et récits. Toronto, George N. Morang, 1900, xix-288 p.: p. 220-221; 238-256. Le conte de Fréchette est repris par R. Clouthier, "La Chasse-galerie," dans Le Terroir, 7, 1926, p. 285. Fréchette revient rapidement sur le sujet dans "French-Canadian Folklore," dans Canadian Magazine, XXX, 1907-1908, p. 216.
4 Massicotte , E.-Z. "Diverses sortes de chasse-galerie." dans Bulletin des recherches historiques, 44, 1938, p. 163-166.
5 Barbeau, Marius, "Anecdotes de Gaspé, de la Beauce et de Témiscouata" dans Journal of American Folklore, 33, 1930, p. 198.
6 Barbeau, M., Op. cit., p. 199-200.
7 V. Plinguet, Vincent, "La messe du revenant" dans Bulletin des recherches historiques, 3, 1897, p. 142-143.
8 Taché, Joseph-Chades, "Le Braillard de la Montagne." dans Les soirées canadiennes, IV, 1864, p. 97-109.
9 A ce sujet, voir Le Noyeux dans Joseph-Charles Tachê, "Forestiers et voyageurs." dans Les soirées canadiennes, III, p. 113-118.
10 Sur toute cette tradition: Sainéan, Lazare, "La Mesnie Hellequin," dans Revue des traditions populaires, 20, 1905, p. 177-186; Rolland, E., "La Chasse sauvage," dans Mélusine, XI, 1912, p. 176-179; Cohen, Gustave, "La Mesnie Hellequin, la Chasse gallery, le Grand Veneur," dans Bulletin folklorique d'Ile-de-France, 15, 1953, p. 477-478.
11 P. Grimal, Mythologie des montagnes, des forêts et des îles, Paris, Larousse, 1963, p. 47.
12 Op. cit., p. 75.
13 Cité par Pierre-Georges Roy, "Légendes canadiennes," dans Les Cahiers des Dix, 2, 1937, p. 48-50.
14 Jung, C. G., Un mythe moderne; des "signes du ciel." Préface et adaptation du Dr Roland Cahen. Nouvelle édition revue et augmentée. (Paris) Gallimard (cl961) 313 p. - p. 32-33.
15 Jung, C. G., Op. cit., p. 40.
16 Jung, C. G., Op. cit., p. 252-253.