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Le métatexte du descriptif dans l’œuvre de Gabrielle Roy

Nathalie Dolbec
l'Université de Windsor

Selon la critique, Gabrielle Roy est loin d’être une théoricienne au sens strict du terme. Or, dans ses textes dits « autobiographiques » et « semi-autobiographiques » ainsi que dans son roman, La montagne secrète, il existe une forme d’art poétique que Á. Kibédi Varga qualifie d’ « “art poétique indirect”, un discours pictural qui fonctionne comme métadiscours poétique ». Un relevé de ce type de métatexte dans l’écriture de Roy montrera que l’art de la description est le fruit d’un long apprentissage au cours duquel le descripteur parvient éventuellement à formuler une poétique. Cette poétique, qui cherche à extraire l’« insaisissable essentiel » de l’objet dans une mise en distance du réel tout en laissant à l’imagination créatrice le soin de trier les éléments, n’exclut pas pour autant la nécessité de l’activité même de sélection. Celle-ci incarne le fruit du dilemme fondamental qui se pose à tout descripteur, soit le degré de vraisemblance devant être accorder à la représentation du modèle.

1 Aux yeux de la critique, Gabrielle Roy n’est pas une théoricienne au sens strict du terme1. Réjean Robidoux déclare même que, « [p]ar nature comme par formation, Gabrielle Roy [en] est tout l’opposé » (225). Il pense pourtant, comme François Ricard (1975), que « la ligne directrice de l’œuvre entière est tout de même celle d’une interrogation sur la démarche artistique ou plus précisément, dans l’esprit le plus moderne, une réflexion symbolique sur la littérature comme vocation et comme accomplissement éminent du sens de la vie » (225). Louis Francœur va jusqu’à dire que, sans être pour autant une « poéticienne », Roy « participe, sans aucun doute, à l’élaboration d’un art poétique, à la fois personnel et universel, dont nous retrouvons de nombreuses traces dans ses écrits sur l’art et sur l’artiste2 » (222). Cette réticence à divulguer ses idées sur l’art et la littérature se manifeste aussi par la rareté des paratextes3. L’œuvre entière n’en compte que deux. Il s’agit d’abord d’une préface tardive de La Petite Poule d’Eau4 , ajoutée sept ans après la sortie de l’ouvrage pour les besoins d’une édition scolaire. Il s’agit ensuite de l’avant-propos d’Un jardin au bout du monde, où s’exprime cependant, d’entrée de jeu, une certaine répugnance à verser dans le métadiscours5 – ou plus précisément dans le métatexte6 : « Loin de moi l’idée de proposer à ceux qui voudront bien me lire une interprétation de mes écrits et de mes personnages. Je souhaiterais bien davantage apprendre ce qu’ils en pensent, eux » (7). Roy tient donc à garder ses distances par rapport à la pratique métatextuelle pour privilégier le dialogue avec un lectorat dont elle valorise le jugement.

2 Nous nous intéresserons ici au métatexte lorsqu’il propose une réflexion sur le descriptif – un type de discours particulièrement privilégié chez Roy. Nous le trouverons essentiellement dans les textes dits « autobiographiques »7 et « semi-autobiographiques », mais aussi dans La montagne secrète, ce roman dans lequel Marjolein van Tooren relève ce que Á. Kibédi Varga appelle un « “art poétique indirect”, un discours pictural qui fonctionne comme métadiscours poétique » (217). Il est plus rare et allusif, mais non négligeable, dans le reste de l’œuvre8. Un relevé de ce genre de métatexte chez Roy montrera que décrire nécessite un long apprentissage du regard, à partir duquel le descripteur parviendra enfin à formuler une poétique.

Le dépaysement au pays natal

3 Dans La détresse et l’enchantement, on lit que l’apprentissage du regard commence dès l’enfance. Quand Gabrielle9 accompagne sa mère depuis Saint-Boniface à Winnipeg – cette « capitale, qui jamais ne [les] reçut tout à fait autrement qu’en étrangères » (11) – la « sensation de dépaysement » (11), dit-elle, lui « était plutôt agréable » (11) car elle lui « ouvrait les yeux, stimulait [s]on imagination, [l]’entraînait à observer » (11). Elle y revient dans Le temps qui m’a manqué10 : « Avait-il seulement existé le temps où, le visage collé à la vitre du train en marche, je ne perdais rien de ce qui s’offrait à ma vue, vite emporté, vite disparu, pourtant à jamais inscrit dans ma mémoire [. . .]? » (24). La leçon de ces deux exemples pourrait prêter à un jeu verbal : en entraînant les objets, la vitesse du train entraîne la mémoire. On pense tout de suite à ce poème de Robert Louis Stevenson, souvent appris dans les écoles, qui d’ailleurs figure dans A Child’s Garden of Verses – le célèbre « From a Railway Carriage ». En fait, le texte de Stevenson pourrait passer lui-même pour du métatexte, en ce qu’il propose une réflexion sur la fugacité de l’image :

Faster than fairies, faster than witches, Bridges and houses, hedges and ditches;
And charging along like troops in a battle, All through the meadows, the horses and cattle: [. . .]
And here is a mill, and there is a river:
Each a glimpse and gone for ever!

Gone for ever : l’apprentissage du regard va donc exiger un intense effort mnémonique. Le descripteur en herbe devra engranger le moindre détail – geste surdéterminé ici par le « visage collé à la vitre » –, ce qui lui permettra de se constituer tout un réservoir d’images. Mais cet apprentissage passe par le « dépaysement » qui suscitera un regard nouveau sur le monde sans pour autant brider l’imagination.

Un mentor

4 À ce stade de son apprentissage, Gabrielle bénéficie de la présence d’un mentor, sa mère, Mélina Roy, conteuse accomplie et très sensible, comme sa fille, au moindre changement :

Je ne l’ai jamais vue sortir de la maison, ne serait-ce que pour aller au potager cueillir des légumes pour la soupe et, en passant, parler à la voisine par-dessus la clôture, sans revenir avec quelque petite « histoire » à raconter, chaque détail à sa place et la place importante accordée à ce qui importait et qui était une surprise toujours. Si bien que nous guettions son retour, à peine était-elle partie, assurés qu’elle allait nous rapporter une fine observation très drôle et très vraie, mais d’avance il était impossible de deviner ce que ce serait. Au fond, chaque pas hors de la maison était pour elle une sorte de voyage qui aiguisait sa perception de la vie et des choses. (La détresse 142-143)

Cette « Schéhérazade », comme l’appelle affectueusement sa fille dans La détresse et l’enchantement, « qui a charmé notre longue captivité dans la pauvreté » (143), soumet Gabrielle à un apprentissage intensif du regard en lui racontant « à cœur de jour » des histoires « vraies » ou « inventées » (142). Le manque de « crédibilité » de celles-ci, fait que Gabrielle préfère celles-là, marquées qu’elles sont par « la finesse de l’observation et le sens du détail juste » (142). Le temps qui m’a manqué permet de mesurer l’impact des descriptions maternelles. Celle par exemple des collines de Saint-Alphonse-de-Rodriguez, au Québec, si souvent réitérée par Mélina qu’elle s’est quasiment affranchie du sujet-observant pour s’imposer par le souvenir : « Et en un sens les collines étaient encore plus en moi par la mémoire que par mon regard qui en saisissait le doux profil bleuté au-delà de la plaine de neige » (22). Le regard de la mère se superposant à celui de la fille resurgit à propos de la « description [. . .] cent fois reprise » (Le temps 23) de la maison natale de Mélina.Parcourant ces mêmes collines, Gabrielle remarque un emplacement, dominant la rivière L’Assomption, qui aurait pu tout aussi bien accueillir l’attachante demeure et parvient à y situer la maison dépeinte par sa mère : « Tout ici me semblait correspondre à la description [. . .]. Je ne pense pas l’avoir vue aussi nettement que ce jour-là, débordante de vie comme elle avait dû être, alors qu’à mes yeux n’apparaissait rien d’autre que de la neige poudrante entre des épinettes figées » (Le temps 23). L’illusion est telle que Gabrielle, à son tour, sera capable de décrire le site à sa mère : « Au retour, je lui fis la description minutieuse, dans une longue lettre, du lieu solitaire tel qu’il m’était apparu, m’attachant surtout à rendre son silence émouvant et la teinte du ciel, d’un mauve délicat, au-dessus de la crête d’où, enfant, elle avait dû venir regarder le monde, la vie, et tâcher de percevoir ce qu’elle deviendrait » (Le temps 23-24). Cette description par la fille de la description faite par la mère sanctionne la prépondérance du souvenir sur le référent et permet de rapprocher le regard de Gabrielle de celui d’un autre personnage royen – le vieux Sigurdsen de La montagne secrète : « les images les plus tenaces de sa vie ne lui venaient pas de son propre regard, mais de ce qu’on les lui avait racontées, de ce qu’on les avait dépeintes à ses yeux » (74). La reprise inlassable, par la mère, d’une même description n’a pu que marquer la jeune Gabrielle, promise désormais à une manière de décrire qui consistera à aiguiser progressivement son regard en lui substituant son souvenir, puis, de retouche en retouche, à « re-saisir » l’objet.

5 Dans un registre plus prosaïque, les nombreuses histoires racontées par Mélina auront sans doute révélé à sa fille que la description, conçue comme « lieu de remplissage » (Hamon 117), peut avoir des vertus insoupçonnées. Selon Adèle Roy, sœur aînée de Gabrielle, Mélina était une « affabulatrice de nature, qui ne savait pas s’en tenir aux faits mais les parait ou les transformait complètement, incapable de présenter la vérité sous un jour honnête et franc » (Le temps 64). Si Gabrielle reconnaît en effet, toujours dans Le temps qui m’a manqué, que sa mère, cet « être imaginatif qu[’elle] chérissai[t] », était « emporté[e] souvent [. . .] par son talent de conteuse au-delà des faits » (65), elle s’empresse d’expliquer que la part d’invention était nécessaire « pour en rendre mieux compte, pour les imprégner de la chaleur de la vie » (65). Dans Un jardin au bout du monde, et plus particulièrement dans la nouvelle « Un vagabond frappe à notre porte », la narratrice, Ghislaine, se rend bien compte elle aussi des mérites de la fabulation. Si Gustave, le vagabond, choisit de fabuler, ce n’est pas seulement pour captiver sa famille d’accueil, c’est aussi pour faire durer ses récits et prolonger ainsi son séjour chez les Trudeau : « Alors, ce Gustave, il devint très habile. Il laissait filer ses histoires. Il les morcelait en petites tranches selon une manière à laquelle la radio plus tard nous accoutuma. Tout lui servait à les rallonger; le paysage était décrit minutieusement; l’instituteur du village, le notaire, le médecin y jouaient un rôle » (31). Cette réhabilitation de la fonction dilatoire de la description révèle dans le métatexte un certain humour de la part de Ghislaine : comme dans le roman-feuilleton, la description peut nourrir son homme.

Le dépaysement à l’étranger

6 Sur les routes d’Europe, où la « sensation de dépaysement » sera à son comble, Gabrielle va parachever son apprentissage du regard. Jeune femme à Paris, elle a, explique-t-elle dans La détresse et l’enchantement, « le don de capter à [son] insu, aveuglément si l’on peut dire, des détails qui [lui] ser[ont] plus tard utiles » (277), tels des « souvenirs d’intonations, de bruits, d’odeurs » (277) ou encore la « silhouette d’un tavernier apparu sur le seuil de son bistrot, le béret enfoncé sur le front » (277); pourtant elle « n’en savai[t] rien encore, pensant seulement qu[’elle] étai[t] venue perdre [s]on temps à Paris » (277). C’est le Jardin des Tuileries, « illuminé comme par un soleil venu droit de [s]es Prairies » (286), qui va « illumin[er] en [elle]-même le don du regard, [qu’elle] ne [se] connaissai[t] pas encore véritablement, et l’infinie nostalgie de savoir un jour en faire quelque chose » (286). Pour Cécilia W. Francis, ce « don » du regard « atteste non seulement une compétence sensorielle qui la prédispose à l’activité créatrice, mais aussi la qualité inédite de sa vision » (235). Cependant, il provoque une mise en garde d’Éveline, la mère, à sa fille Christine, dans « La voix des étangs » (Rue Deschambault), que Laurent Maihot considère précisément comme une « œuvre d’écriture sur l’écriture » (67) :

– Écrire, me dit-elle tristement, c’est dur. Ce doit être ce qu’il y a de plus exigeant au monde . . . pour que ce soit vrai, tu comprends! [. . .] – D’abord, il faut le don; si on ne l’a pas, c’est un crève-cœur; mais, si on l’a, c’est peut-être également terrible . . . . Car on dit le don, mais peut-être faudrait-il dire : le commandement. Et c’est un don bien étrange, continua maman, pas tout à fait humain. Je pense que les autres ne le pardonnent jamais. Ce don, c’est un peu comme une malchance qui éloigne les autres, qui nous sépare de presque tous . . .Comment maman pouvait-elle dire si juste? À mesure qu’elle parlait, ce qu’elle disait je le sentais vrai, et déjà comme enduré. (246)

Illumination ou commandement, ce qui compte finalement, c’est la prise de conscience pour Gabrielle ou Christine qu’il faut mettre à profit ce don, pour ne pas finir comme Smouillya, le vieux Basque d’« Où irastu Sam Lee Wong? » (Un jardin au bout du monde) : « Tout cela était si plaisant, si inattendu, que Smouillya fit aujourd’hui son histoire plus longue et pittoresque que jamais. Car il ne manquait pas d’instruction, d’invention, de lecture, d’images fortes, et sa peine essentielle dans la vie lui venait peut-être de n’avoir jusque-là su rendre ses dons évidents à personne » (80-81). Heureusement pour Smouillya, Sam Lee Wong, le nouveau cafetier d’Horizon, semblera reconnaître « ses dons » en prêtant une oreille bienveillante au récit de ses déboires. De cette rencontre fortuite naîtra une longue amitié entre les deux protagonistes.

L’énonciation d’une poétique du descriptif

7 Ce long apprentissage du regard aboutit à l’énonciation, dans La détresse et l’enchantement,d’une poétique du descriptif. Évoquant le village de Cardinal, au Manitoba, où elle a exercé comme institutrice, Gabrielle explique l’évolution de sa vision du descriptif au fil de l’œuvre :

Ce village, je pense en avoir dit assez exactement l’atmosphère dans le dernier chapitre de Rue Deschambault. J’y touche encore quelque peu, en passant, dans le livre auquel je mets la dernière main ces jours-ci : Ces enfants de ma vie. Mais nulle part je ne me suis attachée à le décrire absolument ressemblant. C’est une tâche dont je pense être incapable maintenant. Il me faut dissocier les éléments, les rassembler, en écarter, ajouter, délaisser, inventer peut-être, jeu par lequel j’arrive parfois à faire passer le ton le plus vrai, qui n’est dans aucun détail précis ni même dans l’ensemble, mais quelque part dans le bizarre assemblage, presque aussi insaisissable lui-même que l’insaisissable essentiel auquel je donne la chasse. Décrire fidèlement une maison telle que sous mes yeux, ou une rue ou un petit bistrot de coin comme je l’ai fait dans Bonheur d’occasion, à présent m’ennuierait mortellement. Je m’y astreignais, alors, par souci de réalisme, il est vrai, mais aussi pour retenir une imagination trop débordante et me contraindre à bien examiner toutes choses pour ne pas glisser à la paresse de décrire sans fondements sûrs. (111-112)

Même si, depuis Bonheur d’occasion, la production du descriptif implique une approche différente de l’objet, la préoccupation dominante demeure identique : faire du vrai – créer un « effet de réel » (Barthes 186). Un souci d’ailleurs partagé par Éveline, comme on l’a vu plus haut. On voit percer chez Roy cette idée, fruit de la maturité, que l’absolue fidélité au modèle n’est pas forcément gage de « vrai » et que la description qui ne fait que reproduire passivement le modèle n’est plus pour elle. Le descripteur doit au contraire traiter les divers éléments du modèle, c’està-dire que le regard doit à la fois déconstruire (« dissocier », « écarter », « délaisser », La détresse 111) l’objet et le reconstruire (« rassembler », « ajouter », « inventer », La détresse 111), seule façon d’accéder « parfois » à l’« insaisissable essentiel » (La détresse 111, 112). Cette démarche et son objectif ne sont pas sans rappeler les descriptions infatigablement reprises par Mélina des collines et de la maison natale. Si Götz Pochat estime lui aussi que « [t]he components of most descriptions are chosen from a reservoir of memories, decomposed and put into place again in a new construction of a world, referred to by Coleridge as “Imagination” » (268-269), la mention de Samuel Taylor Coleridge n’est pas sans intérêt ici. Quand ce dernier explique ce qu’il entend par « secondary Imagination » (202), le mode de fonctionnement dégagé évoque, à travers le choix des prédicats fonctionnels, les étapes successives préconisées chez Roy pour arriver à décrire : « It dissolves, diffuses, dissipates, in order to recreate » (202). Ainsi, tout en expliquant la genèse du descriptif, le métatexte royen révèle du même coup le parcours d’un regard soumis aux fluctuations de l’imagination. Selon J. Shawcross, l’éditeur, « secondary imagination [. . .] enables its possessor to see the world of our common experience in its real significance. And the creations of art are the embodiment of this vision » (Coleridge 272, note 12).

8 On trouve chez Roy des marques explicites de cette gymnastique du regard qui, peut-être, comme le souligne Baudelaire à propos de Constantin Guys, nécessite « un génie qui dérive plutôt de l’instinct que de l’étude » (700). Prenons comme premier exemple la description de Marchand, un petit village du Manitoba. Dans « L’enfant morte » de Cet été qui chantait, on parle seulement de « cabanes bâties dans le sable », entourées de « maigres épinettes » (143), tandis que dans La détresse et l’enchantement, Marchand dispose non seulement de « misérables cabanes en bois dispersées de loin en loin sur un sol sablonneux, entre des touffes d’épinettes maigriottes » (108), mais aussi d’un « hôtel » (108). L’ajout de ce dernier élément module tant soit peu l’impression d’insécurité et d’hostilité que communiquent l’image d’une communauté bâtie sur le sable et celle d’une nature revêche (les « touffes d’épinettes maigriottes »). Le second exemple est celui de Cardinal. Dans « Gagner ma vie » de Rue Deschambault, le village (gare, baraque à outils, citerne à eau, wagons désaffectés, élévateur à blé, maisons) est « presque entièrement [peint en] rouge » hormis l’école « toute blanche » (284), tandis que dans « La maison gardée » (Ces enfants de ma vie), la plupart des maisons n’ont pas été peintes; seuls la gare, les silos à blé, la citerne à eau et une caboose désaffectée ont été enduits d’un rouge « sang de bœuf » (93). Quant à l’école, elle a gardé sa couleur blanche bien que sa peinture montre des traces d’usure (102). Un écart aussi saisissant dans la représentation chromatique de Cardinal semble correspondre à une vision transcendée de l’objet, dont nous poserons qu’elle se rapproche de la vérité profonde du modèle (liée bien entendu à la fonction des différents bâtiments). Il peut toutefois arriver que le « traitement » de l’objet ne soit pas nécessaire. C’est le cas, dans La détresse et l’enchantement, de la description du petit jardin situé à l’arrière de la maison des Perfect à Upshire : « Mon imagination, que j’ai peine parfois à retenir de vouloir intervenir pour retoucher, améliorer peut-être mes souvenirs, ici ne trouve rien à changer. Tout était selon le désir le plus parfait du cœur » (382). Le métatexte fournit ici une preuve évidente que la vérité du modèle peut exceptionnellement se révéler d’emblée.

9 Le dilemme entre l’écriture réaliste d’une part et, d’autre part, « l’écriture “rêveuse” » (La visée critique : essais autobiographiques 222) dont parle André Brochu et dont il célèbre la « supériorité » (La visée222), donne lieu chez le descripteur royen à deux comportements. Dans « Le capucin de Toutes-Aides » (La Petite Poule d’Eau), le père JosephMarie choisit la fidélité servile au modèle : sa description d’Olaf Peterson fait que « [t]out le monde [. . .] reconnaissait le grainetier de Rorketon » (220). Quant à Gustave, le vagabond, il alterne les deux démarches. Il est capable de décrire le frère André « si fidèlement », précise le texte (Un jardin au bout du monde), « que, beaucoup plus tard, lorsque nous reçumes [sic] un calendrier du Québec portant une lithographie du saint frère, nous eûmes une grande exclamation : “C’était bien lui, pas à dire!” » (40). Mais il sait aussi décrire le Saint-Laurent de façon non moins « saisissante » tout en parlant du fleuve « comme d’un être vivant, comme d’une force tumultueuse et cependant parfois si aimable que son flot n’était plus qu’un bruissement; il nous l’avait montré, prenant sa source dans les cataractes du Niagara (il ne se souciait guère des exactitudes géographiques) » (39). L’effort de personnification dans la représentation du fleuve et l’approximation spatiale montrent que Gustave peut à l’occasion, comme descripteur, tendre vers cette « écriture rêveuse » dont parle Brochu.

10 Pour représenter le monde qui l’entoure, Pierre Cadorai, l’artistepeintre de La montagne secrète, n’hésite pas à reprendre « sans cesse » (47) le même modèle, comme celui de la cabane où il loge, dans le but d’atteindre le « terrible vrai » (47). Ce faisant, il peint « avec concentration pour rendre compte, à partir du modèle, mais à partir de lui-même encore plus » (39), et découvre que pour « atteindre ce terrible vrai [. . .], il y a lieu quelquefois de forcer un peu le trait, de souligner. Que les choses se mettent à en dire un peu plus dans l’image que sur nature, là était sans doute le souhait absorbant de son être »11 (47). C’est cependant à la toute fin du roman que Pierre prend véritablement conscience de sa manière, ce qu’annonce métaphoriquement le sort des toiles tombées dans la rivière : « Jaillies en tous sens, les toiles aux couleurs fraîches bondissaient, viraient, se dissociaient puis de nouveau venaient se juxtaposer comme pour composer à la surface de l’eau une suite d’images brisées, sans lien ni signification, quoique belles d’un éclat extraordinaire » (84). À l’approche de la mort, une vision nouvelle de sa montagne permet enfin à Pierre de définir explicitement sa poétique : « La montagne de son imagination n’avait presque plus rien de la montagne de l’Ungava. Ou, du moins, ce qu’il en avait pu prendre, il l’avait, à son propre feu intérieur, coulé, fondu, pour ensuite le mouler à son gré en une matière qui n’était désormais plus qu’humaine, infiniment poignante » (221). Les prédicats fonctionnels « coulé » et « fondu » rendent compte de la déconstruction du modèle et « moulé », de sa reconstruction, pour amener dans le regard de l’artiste l’image d’une montagne « [r]epensée, refaite en dimensions, plans et volumes; à lui entièrement; sa création propre; un calcul, un poème de la pensée » (221). C’est, en d’autres termes, ce « bizarre assemblage » dont parle Gabrielle dans La détresse et l’enchantement et qui transcende l’objet à décrire. C’est aussi ce qu’on trouve dans la description de l’autoportrait de Pierre : « Comme d’une face en pente démesurément allongée [. . .]. Sur le sommet de la tête [. . .], une suggestion de bois de cerf peut-être, que prolongeait comme un mouvement de feuillages ou d’ombres. Cependant, la pupille, quoique dilatée, était bien celle d’un homme, d’une lucidité, d’une tristesse intolérables » (213). Il s’agit bien d’« un visage bizarrement construit » (213), comme l’estime Stanislas, étudiant en Beaux-Arts et l’ami de Pierre – un visage composite à la fois humain, animal et végétal.

11 La nécessité d’un artisanat est également soulignée dans « Le Manitoba » (Fragiles lumières de la terre)quand la narratrice-descriptrice déclare : « si l’on fabrique dans le métier, c’est ordinairement pour mieux rendre compte des aspects multiples de la vérité » (113). Or il apparaît que le descripteur royen est conscient du fait que l’activité ludique et créatrice à laquelle il se livre ne garantit pas à coup sûr « le ton le plus vrai ». Il ressent parfois la « tentation » (Fragiles lumières 113) d’aller comparer le souvenir décrit avec le référent, à la manière d’Augustin Meyrand, le mentor de Pierre à Paris, qui éprouve le besoin de comparer les croquis de son élève avec les animaux du Jardin des plantes « qu’il lui sembla n’avoir jamais vus » (La montagne 182). Peine perdue pour le village de Portage-des-Prés, où ne subsiste qu’une « petite cabane basse qui fait magasin » (Fragiles lumières 113), et pour la Grande Île de la Poule d’Eau devenue inaccessible – ce qui fait dire à la descriptrice : « ce pays, déjà comme un songe quand je l’ai décrit, aujourd’hui semble doublement avoir été rêvé » (Fragiles lumières 113). Le phénomène peut même prêter à confusion, voire à déception, comme dans La détresse et l’enchantement, à propos de l’emplacement d’une boulangerie de village au Manitoba :

Je le quittai bientôt [Gabrielle parle de son cousin] pour aller un peu au hasard à la recherche d’endroits dont le souvenir me revenait tout à coup à l’esprit. Je cherchai ainsi longuement une boulangerie faisant un coin de rue où ma grand-mère, quand j’étais toute petite, m’avait envoyée un jour chercher un pain. Je la décrivis, telle que je me la rappelais, à des passants qui auraient voulu m’aider, mais ne se souvenaient d’aucune boulangerie correspondant à ma description. Peut-être, avec le temps, l’avais-je façonnée tout autre qu’elle fut en réalité. Ou bien depuis longtemps elle avait cessé d’être. Je ne sais quel chagrin, disproportionné à la cause, je ressentis de ne pouvoir retrouver cette boulangerie. (61-62)

Si pour Gabrielle le souvenir d’enfance est resté clair, il est pourtant mis à rude épreuve quand elle se voit trahie par lui. Dans son désenchantement, elle tente de se raccrocher à une explication plausible qui ne menace pas sa poétique : il se peut que la boulangerie ait simplement plié boutique il y a fort longtemps; elle n’écarte pas non plus l’hypothèse que l’endroit ait été fabriqué par son imagination.

Les lectures

12 Si, comme on l’a vu, le « romancier [. . .] a tendance à vouloir revoir les choses et les êtres auxquels, pour les traduire, il a si longtemps pensé » (Fragiles lumières 113), on observe aussi chez le descripteur royen le besoin de retrouver dans la réalité les paysages découverts chez d’autres écrivains – preuve qu’il n’est pas de ces lecteurs que les descriptions rebutent, tant s’en faut. C’est le souvenir ébloui des Lettres de mon moulin, d’Alphonse Daudet, « appris[es] par cœur d’un bout à l’autre » (72) à quinze ans, lit-on dans La détresse et l’enchantement, qui a conduit Gabrielle sur les routes de Provence dès 1939. C’est la lecture des poèmes homériques qui l’a incitée à partir pour la Grèce en 1961 (La détresse 160). Toujours dans La détresse et l’enchantement, Gabrielle rapporte une rencontre avec sa sœur Bernadette, qui se meurt d’un cancer. On évoque le ciel du Manitoba, « l’un des plus beaux du monde », dit Gabrielle, qui le compare aussitôt à celui de la Grèce, lui aussi « très haut et d’un bleu tout aussi pur » (160). Cette vision du ciel grec ne surprend guère. Quant à la province canadienne, l’ancien slogan touristique est là pour confirmer la chose : Sunny Manitoba 100,000lakes. Mais ce qui étonne a priori, c’est la suite : « Homère en parle sans cesse dans l’Iliade et l’Odyssée. C’est d’ailleurs ses descriptions du ciel si pleines de nostalgie qui m’ont poussée à faire le voyage en Grèce » (160). Il est difficile d’admettre que l’Iliade et l’Odyssée évoquent « sans cesse » le ciel de la Grèce. D’abord parce que l’essentiel de l’action se situe hors de Grèce. Ensuite, parce que les quarante-huit chants de l’Iliade et de l’Odyssée ne le décrivent pratiquement jamais. Enfin, parce que le ciel homérique ne peut pas vraiment être qualifié de « très haut » et d’un « bleu [. . .] pur » – et pour cause : celui de l’Iliade est un ciel de guerre, agité de tourbillons, de vents furieux, couvert de noires nuées. Celui de l’Odyssée est tout aussi tourmenté. Cette apparente disparité mérite d’être explorée, d’autant qu’elle se manifestait déjà dans une lettre de Gabrielle Roy à Bernadette en date du 23 avril 1970 : « Ce n’est pas pour rien que le ciel est constamment présent dans toute l’œuvre du plus grand écrivain grec, Homère. Que ce soit dans l’Iliade ou l’Odyssée, partout, à chaque page presque, il est question de la “lumière du ciel” » (Ma chère petite sœur : lettres à Bernadette 204). Certes, Ricard le souligne dans sa présentation de la correspondance, ces lettres sont sujettes à caution, n’ayant pas été, à l’origine, écrites à fin de publication (Ma chère petite sœur 10). Il faut pourtant reconnaître avec Ricard qu’elles « sont dignes [. . .] des meilleures pages de Gabrielle Roy » et qu’elles détiennent une « valeur littéraire indiscutable », dans la mesure où elles mettent en évidence « cette écriture de la compassion qui caractérise et singularise si fortement l’œuvre de la romancière » (Ma chère petite sœur 10). C’est à ce titre que nous allons retenir ici le contenu de cette lettre en si étroite proximité avec la fiction royenne.

13 La « lumière du ciel » doit être prise, précise la lettre, « littéralement, mais aussi sans doute au figuré, car, en fin de compte, c’est du ciel seulement que viendra la lumière dont nous serons un jour émerveillés. Et sans doute par elle transfigurés » (Ma chère petite sœur 204). Il semble donc s’agir de deux ciels bien différents. D’abord ce que les Grecs appelaient aèr, l’air des parties inférieures du ciel, celui que respirent les mortels. Ensuite, l’aithèr (l’Éther), l’air respiré par les dieux. Plus pur, plus chaud, il remplit les zones supérieures du ciel. Ainsi, au sens « figuré », cette « lumière du ciel » émanerait d’un ciel métaphysique, plus précisément de cet Éther de pureté, d’émerveillement et de transfiguration. C’est ce ciel radieux et consolateur qu’il fallait décrire à une sœur agonisante. Dans ces circonstances, magnifier l’omniprésence d’une image réconfortante en l’indexant à une des plus belles poésies qui soient s’explique sans doute par le fort penchant vers cette « écriture de la compassion » évoquée plus haut, une écriture que Ricard définit comme un « art du sentiment partagé » ou encore comme un « don de la vibration émotive » (Ma chère petite sœur 10). Or le ciel euphorique décrit à Bernadette n’est pas sans rappeler Bonheur d’occasion : « Pour rassurer Daniel à cette heure, [Yvonne] était prête à engager jusqu’à sa conscience d’enfant scrupuleuse et timorée. – Il y aura tout ce que t’aimes au ciel [. . .]. Il y aura la bonne Sainte Vierge. [. . .] Si tu veux, t’auras ton manteau neuf, mais t’auras d’autres choses bien plus belles. T’auras plus faim [. . .]. T’auras plus de bobo. Tu chanteras avec les anges » (358-359). C’est l’image du paradis offerte par une grande sœur à un enfant atteint comme Bernadette d’un mal incurable.

14 On pourrait enfin estimer que le traitement transcendantal qui touche, notamment, le village de Cardinal, la montagne de Pierre ou encore la boulangerie de Somerset intervient également dans le métatexte royen à propos des descriptions homériques du ciel. Ces descriptions auraient donc elles-mêmes bénéficié, au gré des souvenirs de lecture, d’un traitement transcendantal similaire. Bref, ce ne serait plus d’Homère qu’il s’agit, mais d’un Homère « plus vrai » parce qu’apprêté par l’imagination créatrice du descripteur.

* * *

15 Loin d’être une entrave à la bonne marche du récit, le métatexte sur le descriptif enrichit singulièrement l’œuvre royenne. Il montre chez le descripteur un cheminement dans l’apprentissage du regard depuis l’enfance jusqu’à la maturité intellectuelle et révèle, nonobstant sa rareté, une poétique. Le dépaysement fournira au descripteur en herbe une copieuse banque d’images. Il lui révélera le don du regard mais ne vaudra que par la présence d’un mentor. On se rend compte du rôle primordial que la mère jouera pour sa fille dans son apprentissage et plus tard sa conception du descriptif. On pourra même parler de palimpseste du regard, dans la mesure où le regard maternel transparaît en filigrane dans celui de la fille, jusqu’à prendre éventuellement le dessus. Voilà qui rejoindrait l’idée de Lori Saint-Martin, pour qui l’« art du récit » chez Gabrielle Roy est « totalement associé à la mère » (45). Au terme de cette formation, le descripteur royen peut enfin émettre une poétique du descriptif qui lui soit propre. Cette poétique, qui veut extraire l’« insaisissable essentiel » de l’objet dans une mise en distance du réel, laissant à l’imagination créatrice le soin de trier les éléments, n’exclut pas pour autant la nécessité d’un labeur, comme pour Pierre qui, dans son art, « se désintéress[e] de ce qui, au vrai, ne lui coût[e] pas encore tellement » (La montagne 25). Sans permettre de décerner à Gabrielle Roy un brevet de théoricienne, cette poétique rejoint une problématique qui continue à inspirer les recherches théoriques sur la description. Il s’agit de l’activité de sélection, fruit du dilemme fondamental qui se pose à tout descripteur : le degré de vraisemblance à accorder à la représentation du modèle12. La quête de la vraisemblance chez Roy oblige paradoxalement à une adaptation de l’objet, voire à son « appropriation » (387), comme le remarque Vincenza Costantino à propos des paysages de La détresse et l’enchantement. Or cette tendance ne se limite pas dans l’œuvre royenne à une appropriation de l’objet à décrire; elle peut intervenir également lorsqu’il s’agit d’une description trouvée ailleurs – chez Homère, par exemple.

Ouvrages cités
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Socken, Paul G. « Art and the Artist in Gabrielle Roy’s Works », Revue de l’Université d’Ottawa, vol. 45, nº 3 (1975), p. 345-350.
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1 Voir, entre autres, Paul G. Socken, « Art and the Artist in Gabrielle Roy’s Works » (1975); Allison Mitcham, The Literary Achievement of Gabrielle Roy (1983); André Brochu, « La montagne secrète : le schème organisateur » (1984); Marjolein van Tooren, « Le double regard : communication et identité dans La montagne secrète de Gabrielle Roy » (1995); François Ricard, Gabrielle Roy : une vie (1996); François Ricard, « Gabrielle Roy romancière ou “La plus grande vérité humaine” » (2010).
2 Pour rester au plus près de l’œuvre et ne pas confondre les propos de l’auteure avec ceux du narrateur-descripteur royen, n’ont pas été retenus ici les documents d’accompagnement à l’œuvre, comme ceux qui rapportent les rencontres et entretiens avec Gabrielle Roy.
3 Pour les mêmes raisons que dans la note précédente, nous ne tiendrons pas compte des paratextes dans le corps de notre analyse.
4 Pour le texte de la préface, se reporter à « Mémoire et création : préface de la Petite Poule d’Eau » (1982).
5 S’inspirant des recherches d’Andrée Borillo, Leo H. Hoek définit ainsi le terme « métadiscours » : « un discours sur un autre discours » (4).
6 Hoek estime, avec Bernard Magné, qu’il y a lieu de parler de « métatexte » lorsque « le métadiscours se manifeste sous forme de texte (écrit, oral, iconique, musical, etc.) » (Hoek 8). À titre d’exemple, et s’appuyant sur les travaux de Pierre Van den Heuvel, il retient « le commentaire oral ou écrit qu’un auteur fait à propos de sa propre œuvre » (Hoek 8). Il s’en remet à la définition de Gérard Genette pour expliquer le sens de « métatextualité » : il s’agit selon ce dernier de « la relation [. . .] de “commentaire”, qui unit un texte à un autre texte dont il parle, sans nécessairement le citer (le convoquer), voire, à la limite, sans le nommer [. . .] C’est, par excellence, la relation critique » (10). Loin de circonscrire le métatexte au texte critique, Yves Reuter estime que cette relation peut intervenir ailleurs – dans un roman, par exemple (Introduction à l’analyse 131). Il propose notamment « le cas de récits qui intègrent dans leur corps les théories de leur auteur ou d’autres sur le roman » et « le cas d’autobiographies plus ou moins fictionnelles qui inscrivent les réactions critiques dans l’histoire narrée » (Introduction 132). C’est dans ce sens élargi du terme que nous explorerons le métatexte dans l’œuvre de Gabrielle Roy.
7 À l’instar de Lori Saint-Martin, nous estimons qu’« il est beaucoup plus correct, d’un point de vue théorique, de lire [. . .] ces livres, y compris l’autobiographie, comme des fictions [. . .] » (28) – et à plus forte raison, ajouterons-nous, les textes dits « semi-autobiographiques ».
8 Au-delà de l’œuvre à strictement parler, il serait intéressant de voir si les reportages, fort descriptifs par nature, publiés dans le Bulletin des agriculteurs (sauf bien sûr ceux qui ont été repris dans Fragiles lumières de la terre) ne donneraient pas lieu à du métatexte.
9 Certaines précautions d’usage s’imposent : la narratrice-descriptrice de La détresse et l’enchantement n’est pas à proprement parler Gabrielle Roy, l’auteure, mais une instance fictive – le personnage de Gabrielle (Roy).
10 Même précaution d’usage que dans la note précédente pour Le temps qui m’a manqué.
11 On trouve la même idée chez Baudelaire à propos du travail créateur chez l’artistepeintre : « En fait, tous les bons et vrais dessinateurs dessinent d’après l’image écrite dans leur cerveau, et non d’après la nature. [. . .] Quand un véritable artiste en est venu à l’exécution définitive de son œuvre, le modèle lui serait plutôt un “embarras” qu’un secours » (698).
12 Voir à ce sujet, entre autres, Jean-Michel Adam et André Petitjean, Le texte descriptif : poétique historique et linguistique textuelle (1989); Hamon, Du descriptif (1993); Yves Reuter, La description : des théories à l’enseignement-apprentissage (2000).