Articles

Le savon et la propreté dans la littérature du XIXe siècle

Barbara Giraud
Université d’Oxford

Abstract

This article seeks to understand the representations of soap as an object in 19th-century French realist and naturalist literature through the newly acquired hygienic concepts of cleanliness. At the crossroads between medicine and literature, soap is contextualised as an object firmly anchored in the triviality of everyday life: the ritual of the toilette, the cleaning of the body, and more particularly here, the female body. Looking at the character’s hygienic practices and representations of hygiene precepts in literature is to study the details which become, as such, the signs of intimacy and to uncover a hidden history. Drawing from material culture, it has been possible to highlight how the texts can both be the echo chambers of the medical discourse on hygiene while at the same time exceed and reflect a social and literary reality.

Résumé

À travers l’étude du savon en tant qu’objet, nous souhaitons dans cet article aborder les tensions hygiéniques, sociales et littéraires qui caractérisent la toilette du corps au XIXe siècle. Nous proposons une contextualisation médicale et littéraire de cet objet résolument ancré dans le quotidien afin de le réintégrer dans un rite – celui de la toilette – et dans un discours qui lui confère une vie inséparable de celle de son possesseur. Grâce à une perspective de culture matérielle, il est possible de mettre en lumière un réseau de significations dissimulé sous ce détail que semble être cet objet dans la littérature. Le savon apparaît avant tout comme le vecteur de la vertu encore trop lié au quotidien des individus issus des basses classes. Cependant, paradoxalement peut-être compte tenu de la relation directe qu’il entretient avec le corps, il semblerait que le savon soit le grand absent des romans réalistes et naturalistes.

De tous les organes dont l’industrie et l’art cherchent à rendre l’aspect plus agréable, la peau est celui que l’on travaille et civilise avec plus de soin.

(Jacques Louis Moreau de la Sarthe, Histoire naturelle de la femme, p. 240)

1 La propreté et la beauté intègrent au XIXe siècle l’impératif du souci de soi et du contrôle des apparences emblématiques d’une science hygiénique qui ne fait que prendre de l’ampleur à cette époque1. Cette nouvelle science représente désormais une société moderne soucieuse de la santé de son peuple. Michel Lévy, l’un des premiers hygiénistes français, définit l’hygiène comme « l’art de conserver la santé » de l’individu (1869 : 35), dont la préoccupation principale est d’intégrer ces pratiques pour conserver une bonne santé générale. Plus particulièrement au XIXe siècle, garder une peau propre, débarrassée de toutes les impuretés, est le souci premier qui émerge du discours hygiéniste. En effet, selon l’historien George Vigarello, ceci est dû au changement épistémologique des comportements envers la propreté au XVIIe siècle qui s’appuie sur une conception moderne du corps2. D’agent « pénétrant », rejeté avant tout pour sa dimension festive, donc licencieuse et transgressive, à partir du Moyen Âge, l’eau redevient l’élément principal qui produit la propreté et protège la peau. Philippe Perrot, autre historien des corps, évoque « le retour de l’eau » et ainsi d’une nouvelle dichotomie entre crasse et propreté qui implique que ce qui est « sale » représente l’inapproprié, « ce qui n’est pas à sa place », et que le propre est « ce qui est débarrassé d’une occupation indue », de ce qui ne devrait pas être là (Perrot 1984 : 10). Avec la propreté du corps, la peau est devenue « le siège de la sensibilité générale du toucher » (Lévy 1869 : 27), impliquant de fait que c’est par la peau que l’individu aborde le monde extérieur.

2 Si « sentir bon » et « être propre » sont deux vertus fondamentales dans les traités d’hygiène, leurs propriétés discursives se présentent de différentes façons. « Être en bonne odeur » est un indice de pureté morale amplement développé par Alain Corbin dans Le Miasme et la jonquille (2016). En effet, l’odeur a longtemps signifié air soit sain, soit putride, qui se justifie socialement par la distinction entre « le bourgeois désodorisé » et le peuple « puant comme la mort, comme le péché » (Corbin 2016 : 168). Si les odeurs, et plus particulièrement le parfum, en tant qu’objets vaporeux, sont le symbole d’une certaine appartenance sociale, voire d’une conquête sociale, comme c’est le cas pour César Birotteau dans le roman de Balzac (1837) par exemple, il semblerait que le savon en tant qu’objet de l’hygiène soit quant à lui bien plus discret dans la littérature du XIXe siècle. L’objet, selon le Grand Larousse de la langue française, est « une chose, une réalité matérielle ayant une unité dont la dimension est limitée et qui est destiné à un certain usage » (« Objet », tome 5 : 3623). De manière générale, il est considéré comme un relais, un appui, il est constitutif d’un milieu, d’un lieu, mais aussi d’un corps, et ces caractéristiques font que la littérature réaliste du XIXe siècle l’a intégré à sa trame narrative par le biais de la description. L’objet s’inscrit dans un univers référentiel et participe à une dynamique d’échanges et d’interactions (voir Charpy 2010) et c’est par le biais du savon que nous souhaitons aborder les tensions sociales sous-jacentes qui parcourent les discours hygiénique et littéraire sur la toilette du corps au XIXe siècle. En effet, étudier la pratique quotidienne de l’objet-savon, c’est le réintégrer dans un rite – celui de la toilette –, dans un discours, et c’est lui conférer aussi une vie inséparable de celle de son possesseur (Bazin et Bensa 1994 : 6). La littérature réaliste, dans un premier temps plus préoccupée d’exprimer les « choses comme elles sont », comme l’écrivait Flaubert à Louise Colet3, et l’observation impartiale de la vie des hommes pour laquelle la description est le résultat d’une accumulation documentaire, nous a semblé un terrain de recherche approprié. Les peintures sociales ou de mœurs de George Sand et d’André Léo dans les deux romans concernés ici, La Petite Fadette (1849) et Un Mariage scandaleux (1862), sont certes empreintes d’idéalisme et prônent un retour à l’état de nature, mais la propreté du corps se trouve au cœur des enjeux sociaux qui y sont décrits (voir Giraud 2014 ; Danahy 1982 ; Leinen 2005). Ensuite, sous la poussée du positivisme au milieu du XIXe siècle, les écrivains comme Zola, et dans une certaine mesure Huysmans, tentent de faire de la littérature une science reposant sur l’observation et l’établissement des lois physiologiques des comportements psychologiques et sociaux4; une « méthode expérimentale » qui allie l’observation et l’expérimentation afin d’étudier et de démontrer les effets combinés de l’hérédité et du milieu des individus essentiellement issus des classes populaires urbaines. Une réalité liée à l’acte de propreté émerge alors mais se joue à plusieurs niveaux dans les différents romans évoqués ici : le savon, lorsqu’il est mentionné dans les premières pages de L’Assommoir (1877) ou le chapitre IV de Germinal (1885) ou simplement évoqué dans Chérie (1884) d’Edmond de Goncourt, est caractéristique d’une marque sociale, celle du peuple. Cette réalité concerne essentiellement le lavage du linge et des sols, faisant du savon, par sa matérialité même, le produit privilégié des (mères) paysannes ou des domestiques. Cependant, paradoxalement peut-être, compte-tenu de la relation directe qu’il entretient avec le corps, il semblerait que le savon soit le grand absent des romans réalistes et naturalistes. Ainsi, il semble bien que les auteurs – bourgeois et masculins – soient eux-mêmes dépendants d’une certaine conception sociale du corps, et du corps féminin en particulier comme nous le verrons dans les romans suivants : Nana (1880) et Le Rêve (1888) d’Émile Zola et Les Sœurs Vatard (1879) de J.K. Huysmans. Cette absence intrigante permet néanmoins de mettre à jour, dans un premier temps, les tensions entre les discours industriel, moral et scientifique ainsi que les détours observés dans les propos de l’hygiène ayant trait à la bourgeoisie dans un second temps. Enfin, le savon permet à la fois de cristalliser la complexité de la toilette et de dévoiler le caractère anti-positiviste de la littérature. Cet objet est indissociable d’une histoire des « techniques du corps » (Mauss 1935 ; Charpy 2010 : 285) en ce que l’hygiène – à travers ses multiples objets – définit une discipline du corps et, par extension, de soi. Grâce aux œuvres littéraires retenues dans cet article, nous verrons donc à quel point cet objet – dans son énonciation ou au contraire par son silence, sa trace – est au centre d’un réseau complexe d’enjeux à la fois sociaux, littéraires et genrés.

Le savon : un produit-peuple

3 Implicitement, dans le discours social de l’époque, « être propre », c’est être vertueux. Par définition, les basses classes vivant dans la crasse et la promiscuité sont moralement considérées comme enclines aux vices et aux crimes, ce qui justifie ainsi l’axiome « pauvre, sale et méchant ». Les postulats hygiénistes qui justifient le développement de l’hygiène en tant que médecine au milieu du XIXe siècle s’appuient donc sur les indicateurs d’appartenance sociale5. Dans les traités d’hygiène, l’eau, le bain et la peau sont les éléments clés de l’hygiène et leurs préceptes sont largement détaillés6. Associé à l’eau qui est le principal élément des traités d’hygiène au XIXe siècle, le savon en tant que produit lavant commence à s’imposer. Il déterge la peau, l’assouplit et, par émulsion, la débarrasse des particules graisseuses que l’eau ne dissout pas. La plupart des hygiénistes comme Michel Lévy dans son Traité d’hygiène publique et privée (5e édition, 1869) et Alfred Becquerel, auteur du Traité élémentaire d’hygiène privée et publique (6e édition, 1877) sont catégoriques : « l’agent le plus efficace et le plus simple pour l’entretien de la propreté, c’est l’eau » (Lévy 1869 : 132). Cependant, le cosmétique par excellence, alors qu’ils ne considèrent les lotions, vinaigres et autres pommades que comme des produits de modes passagères, est le savon de toilette considéré comme « le cosmétique du peuple » (Lévy 1869 : 130), voire même « le seul cosmétique du peuple » (Becquerel 1877 : 516). Le savon continue d’être également « le plus important de tous les cosmétiques » selon le chimiste, créateur de savons et parfumeur Septimus Piesse, dans son ouvrage posthume Histoire des parfums et de l’hygiène de la toilette publié en 1905. Cette œuvre publiée sous le titre Des Odeurs des parfums et des cosmétiques en 1865 a tout intérêt à promouvoir le savon, mais sa vocation scientifique est indéniable et cette édition peut se lire comme un traité d’hygiène à part entière. Lévy va plus loin et explique la différence entre les savons durs : fabriqués à base de soude, de suif, d’huile – d’olive, de palme, de coco etc… – et de matières animales, blancs et destinés à laver les matières dites raffinées comme le linge fin, les tissus de coton et de soie, servant de base au savon de toilette. Les savons mous sont fabriqués avec de la potasse et des huiles peu chères, et sont appelés aussi savons noirs ou verts. Beaucoup plus alcalins, ils sont plus solubles et vendus à meilleur marché. Ils « concourent au blanchissage du linge, des lainages, des couvertures de lit et servent à laver les étoffes grossières » (Lévy 1869 : 130). Becquerel loue le savon de Marseille, seul agent « capable de dissoudre et d’enlever les corps gras qui s’attachent [aux] vêtements ou à la surface de la peau » (Becquerel 1877 : 516). Trop irritant selon lui « pour les peaux fines, délicates et souples », il constitue néanmoins la base du savon de toilette auquel sont ajoutées de l’huile d’amande douce, de la graisse de bœuf ou des huiles essentielles de lavande : « ces diverses espèces de savons sont de bons cosmétiques ». Piesse, en tant que chimiste, fabriquant de savons et de parfums, est plus précis sur la composition des différents types de savons : savon à l’huile, savon de Castille, savon marin, savon jaune, de palme, tous sont des savons blancs faits pour la toilette, mais l’industriel nous informe aussi des goûts des consommateurs (encore peu nombreux à pouvoir accéder à ce produit du fait de son coût) qui préfèrent

un savon qui ne se racornisse pas et ne change pas de forme quand il est en magasin. Il doit faire beaucoup de mousse pendant qu’on s’en sert ; il ne doit pas laisser la peau rude après qu’on s’en est servi ; il doit être tout à fait inodore ou avoir une odeur agréable. Aucun des savons dont nous venons de parler ne possède cette réunion de qualités, c’est au parfumeur de la réaliser en les refondant. (Piesse 1905 : 75–76)

4 Il explique enfin que les seuls savons bénéfiques sont ceux qui sont fabriqués à chaud «  car l’ébullition fait disparaître les éléments caustiques » (1905 : 312), donnant ainsi une caution qualitative aux consommateurs (ses lecteurs) contre les fraudes – très répandues – dans la fabrication des savons.

5 Dans la littérature, le savon, lorsqu’il est explicitement nommé en tant qu’objet, est chargé de construire un univers référentiel qui permet de situer mais aussi de définir les personnages dans la narration « par un phénomène d’échange symbolique » (Caraion 2007 : 2). Il devient alors un indice du réel et conformément au traité de M. Lévy par exemple, s’impose comme un agent producteur de propreté essentiellement utilisé par les basses classes car elles sont les plus concernées par le lavage des linges et textiles.

6 L’Assommoir d’Émile Zola est un roman clé des Rougon-Macquart retraçant la déchéance intime et profonde d’un couple d’ouvriers sous l’influence du milieu. L’œuvre met en représentation des classes condamnées et des êtres qui se dégradent peu à peu. Au début, le personnage de Gervaise qui incarne la fille du peuple utilise « la boule de bleu et le morceau de savon qui lui restait de son dernier savonnage » (Zola 1969 : 45) avant d’aller laver le linge au lavoir. La boule bleue est du bleu de méthylène ou du bleu Guimet (du nom du chimiste lyonnais) connu pour ses agents blanchissants, antiseptiques et désinfectants. C’est avec ce produit que les tisserands lavaient leurs toiles avant de les vendre. Il est important de noter que tout le premier chapitre du roman exprime un besoin de propreté général qui concerne aussi bien le corps que le linge et l’habitation : « débarbouiller », « ranger », « donner un coup de balai », « elle se lavait à grande eau » (42) sont autant d’activités qui marquent la période vertueuse de la vie de Gervaise. Elle lutte d’ailleurs contre son amant Lantier pour avoir assez d’argent pour laver le linge et maintenir un habitat propre. Cette obsession de la propreté chez Gervaise va de pair avec des qualités de travail et d’honnêteté et correspondent aussi, dans la première partie du roman, à son désir d’ascension sociale. Ainsi, l’objet qu’est le savon participe à un réseau signifi ant qui s’articule sur plusieurs niveaux : il est à la fois vecteur d’aspirations sociales (la propreté est le signe de la vertu morale) et indicateur d’une relation entre le sujet et la réalité. Le discours littéraire ici rejoint le discours hygiéniste qui fait de la propreté une garantie de la vertu.

7 La dimension sociale de l’objet se retrouve aussi dans le roman réaliste qui devient au milieu du XIXe siècle le support esthétique d’un idéal politique, la démocratie, et qui utilise les objets pour construire un pacte de vérité en un lien viscéral à la question du réel. André Léo (Léodile Bréra, 1824–1900), militante socialiste (elle est « pétroleuse » pendant la Commune), journaliste et romancière, dans son roman Un Mariage scandaleux (1862), utilise le savon moins comme un objet d’hygiène que comme un objet symbolique autour duquel s’articule la question sociale de la différence de classe. En effet, en s’inspirant de façon presque outrancière des problématiques chères à George Sand (notamment dans François le Champi, la référence à la fontaine), André Léo met ici en scène une jeune fille bourgeoise, Lucie, analogiquement définie par les fleurs sauvages du jardin qui représentent à la fois sa pureté, sa beauté et sa fragilité, et un jeune paysan, Michel, caractérisé par son intelligence et son honnêteté. Par leur union, Lucie et Michel défient les habitudes sociales et les préjugés du village, ce qui permet à Léo, en un militantisme socialiste, de promouvoir l’égalité entre hommes et femmes de classes sociales différentes au sein même de l’institution du mariage dans son projet littéraire. Dans ce dernier, l’hygiène joue un rôle crucial et le savon en particulier, à la fin du roman, déborde de sa fonction naturelle et devient vecteur d’élévation sociale. La réticence de la mère de Michel, en porte-parole du « corps » paysan traditionnel, nous est révélée ainsi :

[c]’est bon pour les messieurs d’être sans cesse à se débarbouiller les mains et à se laver le museau, est-ce pas vrai Mam’zelle Lucie ? Croiriez-vous point qu’il a acheté […] une cuvette et un pot qu’il a mis qu’il a mis dans sa chambre, et qu’il lui faut avec cela une serviette et un essuie-mains ? Et pas plus tard qu’hier, que je l’ai pris à se frotter avec mon savon ! […] Le v’là qui se met à changer de linge ni plus ni moins que si on n’avait pas autre chose à faire qu’à savonner. […] Il dit comme ça que c’est pour la propreté. Seigneur Dieu  ! y a pourtant des gens bien propres qui ne se débarbouillent qu’une fois tous les dimanches. Son père et moi, et tous ses parents, avons-nous pas été élevés comme ça ? M’est d’avis que ça n’empêche pas de se bien porter ni de bien vivre. (Léo 1863 : 328)

8 Nous apprenons ici non seulement que Michel a acquis des objets de toilette dont il se sert dans sa chambre, réussissant ainsi à se créer un espace d’intimité, mais que le paysan a intériorisé les procédés hygiéniques : le savon, probablement préparé par sa mère elle-même, devient dans ce roman l’objet qui symbolise l’élévation sociale du jeune paysan Michel. Le roman réaliste d’André Léo, tout en voulant dénoncer le scandale social qu’est l’institution du mariage selon les valeurs bourgeoises, ne peut cependant pas s’empêcher d’adhérer à ces mêmes valeurs à travers le filtre du discours hygiéniste. En effet, Michel n’est acceptable par la famille de Lucie que parce qu’il est propre et, par extension, vertueux.

9 Enfin, l’utilisation du savon en tant qu’indice social est aussi présent dans la trame narrative du roman fin-de-siècle d’Edmond de Goncourt, Chérie (1884), une œuvre connue pour l’utilisation outrancière des senteurs (du musc en particulier) et des parfums (voir Krueger 2014). Roman d’analyse, de l’exploration des «  tréfonds psychologiques  » de la petite fille issue de l’aristocratie (voir Giraud 2009 : 167–68), telle était aussi l’ambition naturaliste des frères Goncourt. Chérie, encore petite fille, emprunte le savon de benjoin de sa bonne pour se laver les mains avant d’aller retrouver l’officier pour qui elle a développé une « amourette ». Le benjoin est un baume d’odeur vanillée, fourni par un arbre du Sud-Est asiatique, le styrax, dont les multiples propriétés sont principalement à but thérapeutique : bienfaits respiratoires, cutanés7 mais aussi pour rétablir l’équilibre du système nerveux en cas d’insomnie, d’anxiété, de crises de nerfs.... Les particularités matérielles de ce savon renvoient point par point à la pluralité des maux nerveux dont souffre Chérie et prennent ainsi la « fonction de crédibiliser une situation en la motivant et surtout d’objectiver des positions morales, de manifester à l’extérieur, dans l’irrécusable matérialité du monde, l’intériorité de la personne » (Cavillac 2005 : 95). Le fait que ce savon marqué par la polyvalence à la fois hygiénique et thérapeutique soit relégué au rang d’anecdote est symptomatique d’abord de l’écriture-artiste qui l’utilise comme sertissage de la narration en un ornement du discours descriptif par le témoignage qu’elle comporte sur une vie particulière, ici, celle de la bonne. Ensuite, le recours à l’anecdote est aussi le symptôme littéraire qui maintient ce personnage populaire et secondaire dans le vide narratif. En effet, il n’y a aucun désir chez Goncourt de promouvoir un discours particulièrement social sur les basses classes. On peut y voir par ailleurs une juste représentation de la place des bonnes dans la société bourgeoise, à savoir dans l’ombre de leur maîtresse.8

10 Jusqu’à présent, nous avons vu que la préoccupation de la propreté émerge à travers les différentes dimensions que prend le savon dans les textes littéraires, mais elle ne concerne pas complètement la corporéité. Au contraire de l’art pictural qui montre le corps féminin « à la toilette », celui-ci n’apparaît dans la littérature et dans les traités d’hygiène qu’en une aporie des gestes à accomplir. Le seul roman à notre connaissance qui constitue une exception dans ce contexte est Germinal, le grand roman social de Zola dans lequel le savon prend une fonction actantielle dans le souci constant de produire la propreté. La grande scène de lavage quotidien de la famille au chapitre IV de la deuxième partie illustre le caractère rituel du bain. C’est d’abord Catherine qui se lave dans la salle commune, « habituée à cela depuis l’âge de huit ans, ayant grandi sans y voir du mal » (Zola 1968 : 129). On voit d’ailleurs ici que l’éducation du sens du corps, de sa valeur et de sa dimension morale est absente. Catherine a le privilège de prendre son bain en premier, et la propreté de l’eau correspond à son innocence ; mais son absence d’identité corporelle ainsi que l’absence d’espace privé font en partie qu’elle deviendra la compagne d’un homme qui la maltraitera et la considèrera purement comme un objet sexuel. Puis viennent les frères Jeanlin et Zacharie et enfin le père, Maheu, dont le bain est nécessaire à cause de la saleté accumulée dans la mine. Le discours littéraire ici ne se détourne pas du lavage du corps qui est décrit avec une grande précision.

Elle se tourna seulement, le ventre au feu, puis se frotta vigoureusement avec du savon noir […] Lui [le père], tout nu, accroupi devant le baquet, y avait d’abord plongé sa tête, frottée de ce savon noir dont l’usage séculaire décolore et jaunit les cheveux de la race. Ensuite, il entra dans l’eau, s’enduisit la poitrine, le ventre, les bras, les cuisses, se les racla énergiquement des deux poings [jusqu’à ce que la Maheude prenne le savon et le frotte vigoureusement sur les] parties qu’il lui était malcommode d’atteindre. Elle prit du savon, elle lui laboura les épaules. […] Du dos elle était descendue aux fesses, et, lancée, elle poussait ailleurs, dans les plis, ne laissant pas une place du corps sans y passer, le faisant reluire comme ses trois casseroles, les samedis de grand nettoyage. (Zola 1968 : 131–32)

11 Cette scène démontre dans un deuxième temps l’aspect intime de la toilette puisque Maheu « n’aimait pas se laver en famille », mais aussi l’intimité entre Maheu et sa femme, qui discutent des événements de la journée – les voisins, les ragots, etc., et qui, une fois Maheu propre, passent alors à l’acte d’amour : « l’heure des bêtises, où l’on plantait plus d’enfants qu’on n’en voulait » (133). Clairement, l’action de se laver est utilisée par Zola pour montrer la bestialité des hommes du coron qui ne peuvent s’empêcher de tomber dans les pièges de leur promiscuité. Les cheveux jaunis par la potasse (il s’agit clairement d’un savon mou, plus communément appelé savon noir) et la peau propre de Maheu, « d’une blancheur de fille anémique […] d’un luisant marbre veiné de bleu » (133), ne sont pas sans évoquer la laideur et l’appauvrissement de la race « anémiée ». Il n’en est cependant pas moins question d’hygiène dans ce passage. En effet, la comparaison de Maheu avec les « trois casseroles [à faire reluire] les samedis de grand nettoyage » nous informe de l’importance de l’entretien de l’environnement familial, mais surtout de la régularité cyclique de son maintien. Comme chez Gervaise au début de L’Assommoir, ce nettoyage ne peut se dissocier d’un témoignage de mise en ordre de l’intérieur qui va de pair avec le désir de créer un environnement stable et d’appliquer une discipline des corps au sein de la maison. Selon Charpy, les objets (ici le savon et les casseroles) sont à la fois « témoins et indices de la vie familiale » (Charpy 2010 : 315) en ce que leur utilisation, leur mise en ordre et leur maintien de la propreté sont autant de garanties de l’ordre moral de ceux à qui ils appartiennent.

12 Ainsi, le savon est considéré, dans le discours hygiénique, comme un objet destiné au peuple puisque les individus l’utilisent pour laver le linge et la maison, c’est-à-dire pour accomplir toutes les tâches domestiques auxquelles leur état les destine. La maison, le linge ou la peau lavée au savon est l’indice social d’un discours bourgeois qui imprègne les basses classes : « l’hygiène nous enseigne à chaque pas à pratiquer la vertu. Il n’est pas possible de se livrer complètement aux soins d’hygiène sans être vertueux » (Reinvillier 1854 : 16). De façon délibérée chez Sand et Léo, mais subversivement chez Zola, le savon est l’objet garant d’un peuple ou d’une masse destinés à sortir de leur état de saleté et de puanteur. Il est important maintenant de nous attarder sur les représentations du savon dans les traités de beauté afin d’examiner le discours parallèle à celui que l’on vient d’étudier.

Le savon dans les traités de beauté

13 Dans d’autres types de traités d’hygiène9 – publiés en format de poche, reliés souvent de couleur bleue – nous voyons émerger un autre discours de l’hygiène qui s’articule autour de la propreté comme prérequis vital à la beauté de la femme. Être propre est une qualité qui la rapproche d’une forme de divinité. En effet, pour le docteur Caron (1806),

un soin exact du corps, des lotions fréquentes, un linge toujours blanc […] une peau toujours nette et brillante, des vêtements qui pourraient être ceux d’une nymphe, un soulier qui paraît n’avoir jamais touché terre : voilà en quoi consiste la propreté. (Caron 1806 : 117)

14 Il donne ici une image idéalisée de la femme et des Parisiennes plus particulièrement qui « sont aujourd’hui en Europe, les femmes qui possèdent au plus haut degré cette précieuse qualité ». La blancheur de la peau est le gage principal de la beauté et seuls le baume de la Mecque, « [un des] plus estimés car fort cher […], un mélange de belle térébenthine avec des huiles aromatiques » et le lait virginal « teinture de benjoin » qui « donne une couleur douce et vermeille au visage » (275) semblent être considérés dans ce traité. Le savon n’est pas mentionné ici et ne l’est pas non plus presque un siècle plus tard dans le traité du docteur Vaucaire dans lequel les femmes sont décrites comme « une œuvre harmonieuse et belle » (Vaucaire 1896 : 1) dont la seule mission est d’être admirée. La peau y est représentée comme une entité indépendante, « le plus beau des pay-sages », dont la propreté rigoureuse, « exquise », grâce « aux tubs, aux bains […] aux frictions » (23) élimine toutes causes d’irritation. Il s’attache ensuite à donner des conseils de beauté sur le bain qui doit être pris tous les jours (contrairement à ce qui est préconisé dans les traités d’hygiène) et dont les effets sur la peau varient.

Pour la déterger, la rendre souple, douce, nous recommandons les bains de farine de gruau ou d’amidon, ou des bains de son. Le bain de tilleul, un des plus agréables, a la réputation d’être très calmant. Il doit être conseillé en particulier aux personnes nerveuses. Le bain de Pennes est un bain tonique et aromatique [vinaigre fort, teinture de benjoin, teinture de rose rouge…] pour raffermir les chairs. Un grand adoucissement [de la peau] est constaté avec les bains à la glycérine, etc… (Vaucaire 1896 : 28–30)

15 Le discours de l’hygiène dans ces traités de beauté demeure évasif sur les pratiques de la toilette et se concentre plus sur les effets désirables de l’apparence afin de produire un discours socialisé de la perfection au centre duquel la femme devient à son tour objet – l’objet de la séduction. Le fait que le savon soit très peu mentionné, voire jamais, est aussi dû au lectorat auquel ces petits volumes reliés sont destinés. Nous avons vu dans la première partie que le savon est un objet principalement associé aux individus des basses classes pour ses propriétés de lavage des tissus et des sols. La propreté du corps n’est abordée que par le biais moral de la vertu et le savon correspond au peuple uniquement parce que sa matérialité est rêche, rugueuse, sans raffinement. L’évocation de la propreté pour les femmes de la bourgeoisie et de l’aristocratie – vertueuses par défaut – y compris dans les traités de beauté, demeure dans le non-dit ou se cantonne à ce qui est superficiel dans le but de créer une distance physique mais aussi sociale avec ceux qui sont intrinsèquement sales et malodorants. Être propre et sentir bon relève du mystère lié à l’essence féminine sans s’appesantir sur les processus qui, d’un point de vue matériel, produisent la propreté. Mystère largement fantasmé par les sensibilités masculines et bourgeoises qui écrivent à la fois les traités médicaux et les œuvres littéraires, c’est leur désir qui est ainsi, par défaut, mis en évidence dans ces discours. Les traités d’hygiène ainsi que les traités de beauté ne décrivent pas l’action de se laver, dans une non-énonciation du discours médical paradoxalement pudibond parlant des ablutions « [qui] doivent être faites plusieurs fois par jour surtout chez la femme. Nous ne les indiquerons pas, nous voulons respecter les mystères de la propreté » (Foy 1845 : 524). Le mystère enveloppant les rites féminins – essentiellement – de la toilette du corps suggère que ceux-ci demeurent des tabous dont la polyvalence permet justement de dégager le conflit discursif entre le dit et le non-dit qui traverse d’autres textes littéraires du XIXe  siècle. C’est ainsi que la lessive du linge dans Le Rêve de Zola est utilisée comme un prétexte à l’épanouissement « virginal » d’Angélique qui

se faisait ensuite une récréation du savonnage et du rinçage, dans les eaux claires de la Chevrotte. Au sortir de la cendre, on brouettait le linge par la petite porte de communication. On vivait les journées dans le Clos-Marie, en plein air, en plein soleil. Mère, cette fois, je lave, ça m’amuse tant ! Et, secouée de rires, les manches retroussées au-dessus des coudes, brandissant le battoir, Angélique tapait de bon cœur, dans la joie et la santé de cette rude besogne qui l’éclaboussait d’écume. (Zola 1966 : 873–74)

16 C’est également au cours de cette même scène que l’on note les premiers sentiments amoureux de la jeune fille pour Félicien, exemplifiant ainsi la polyvalence des non-dits qui voilent l’épanouissement de la femme : « éclaboussée d’eau, les bras glacés par le courant, elle sentait bon la pureté, la limpidité des sources vives, jaillissant de la mousse des forêts. C’était de la santé et de la joie, au grand soleil » (877). Plutôt que le savon, l’eau et l’air sont ici les éléments clés qui définissent le lavage du linge, évoquant ainsi en creux la pureté morale des deux jeunes gens et leur nature non encore ternie par les événements de la vie.

17 Ce non-dit est encore exprimé de façon différente dans Nana de Zola. Le personnage éponyme grandit dans une maison où, pendant quelques années (les quatre premières années du mariage de Gervaise avec Coupeau), la propreté est une obsession que la couleur bleue de la blanchisserie symbolise10. Entourée par le « savon » et le « propre », elle glisse vers le « sale » au fur et à mesure qu’elle s’éloigne de son univers familial (même si Zola montre que cette saleté est en fait inhérente à son milieu et à sa condition de fille de « pauvre »)11. Lorsqu’elle devient cocotte, et entretenue par le comte Muffat, on apprend au chapitre X que Nana prend un bain tous les jours dans le souci continuel « de se visiter, de se laver, de se parfumer partout » (Zola 1968 : 308). Les traités d’hygiène exposent pourtant les nombreux dangers d’une trop longue immersion du corps dans le bain chaud et d’une trop grande propreté du corps – féminin – surtout12. Être « trop propre » devient le signe d’une légèreté morale répréhensible, « l’indice de la démoralisation des prostituées » (Csergo 1988 : 47). Le savon en tant qu’objet de propreté n’est jamais évoqué ; c’est plutôt l’odeur forte et troublante du parfum de violette pénétrant l’hôtel entier qui est décrite, indiquant ainsi la décadence morale de Nana13. Le parfum ne « lave » pas mais il dissimule d’une part, et d’autre part, il rend le corps attirant, envoûtant14. Il constitue ainsi le signe, évanescent certes, de la sexualité et du désir sexuel de Nana mais également du fantasme masculin de l’auteur qui peine à circonscrire le corps féminin dans son intimité. Cependant, dans les coulisses du théâtre où Nana se produit, le savon est utilisé par les actrices. Muffat suffoque justement « des aigreurs d’eau de toilette et des parfums de savon » (Zola 1968 : 149–50) et dans la loge de Nana, il remarque « la cuvette pleine d’eau savonneuse » (151) qui le fait songer à un bouquet de tubéreuses décomposées. L’action de se laver au savon n’est jamais décrite, ce n’est que sa trace, l’écume savonneuse, le dépôt crasseux du savon après la toilette qui est mentionné. Pour Zola, qui cherche à faire la démonstration de la saleté inhérente du bas peuple, il n’est pas surprenant qu’il allie le savon au dépôt crasseux laissé dans le bain, ni qu’il mette en évidence les dangers de la promiscuité qui favorisent nécessairement selon lui l’excès de sexualité.

18 Savon et parfum sont deux signes ici clairement associés au corps et à l’activité sexuelle comme ils peuvent l’être aussi chez Huysmans dans son roman, Les Sœurs Vatard, dans lequel il s’approprie le discours hygiénique sur la jeune fille bourgeoise et délicate dans le but de le saper. L’acte de se laver est ici fortement lié à la sexualité. Crûment, Huysmans nous informe que « les filles du peuple ne se livrent à de discrètes propretés que lorsqu’elles ont un homme » (Huysmans 1879 : chapitre III). Or la jeune protagoniste, Céline, ambitionne clairement de porter du parfum puisque « sentir bon » est une vertu morale liée avant tout à l’évocation de la jeune fille – bourgeoise.

Céline avait acheté, dans un bazar de la rue Bonaparte, une petite fiole avec une fleur peinte sur le goulot. – Cela sentait le réséda suri. Céline s’en était saucé le chignon et les joues et ç’avait même été une révolution, dans l’atelier, que ce luxe de parfums. […] Les femmes étaient étonnées de sentir bon et, le mouchoir sous le nez, elles se pâmaient d’aise, faisant les belles, se croyant irrésistibles, se traitant de « mesdemoiselles » et de « mesdames », comme si une larme de musc et d’ambre avait pu modifier le moule ensalopé de leur tête ! (Huysmans 1879 : chapitre III)

19 Le parfum des fleurs évoque la pureté selon l’image idyllique et parfaite que renvoie la jeune fille bourgeoise dans le discours médical, religieux, littéraire mais aussi commercial qui s’attache principalement « à illustrer l’état transitoire qu’est la jeune fille, une énigme sociale mais aussi biologique et morale » (Wicky 2014 : 43).

Veillez bien, jeunes filles, tendres et délicates fleurs, à ce que nul souffle empoisonné vienne vous faner avant le temps, gâter votre parfum, faire tomber un à un vos pétales. Veillez […] et tournez-vous sans cesse vers les chauds et bienveillants rayons du soleil […] demeurez soumises, douces et humbles, la joie, la poésie de votre foyer. (La Femme, 15 juin 1879)

20 Ces analogies servent avant tout à perpétuer les notions de féminité selon lesquelles la femme est non seulement définie mais aussi censée s’identifier avec le beau, l’innocent, le délicat. Ces jeunes filles sales – physiquement et moralement – qui peuplent le roman de Huysmans aspirent donc à se comporter comme leurs semblables plus raffinées, telles qu’elles sont représentées dans l’imaginaire bourgeois, en une comparaison savamment exagérée. C’est de ce décalage entre deux discours sociaux extrêmes au centre desquels trône le parfum que provient l’humour. Il semble donc que l’esthétique naturaliste ne parvienne pas à naturaliser la chair qui n’est réduite qu’à son entité organique. Le « corps peuple », selon Henri Mittérand, n’est montré que par ses caractéristiques spécifiques qui sont la brutalité, le relâchement, le sexe, soit un code physiologique dont le motif principal est l’ordure symbolisant la souillure sociale (Cabanès 1991 : 445–46). La propreté du corps féminin dans le roman naturaliste n’est donc abordée que par le biais antagoniste de la saleté morale avant tout, c’est ainsi qu’elle est détournée de la narration.

21 Le détournement de l’évocation de la propreté du corps se retrouve aussi dans La petite Fadette de George Sand. Personnage socialement rejeté, non seulement elle se réhabilite aux yeux de ses pairs mais prend aussi conscience d’ellemême – l’émergence de sa propre féminité et de sa « valeur » sociale – lorsqu’elle transforme sa « toilette » et entreprend de se laver.

Elle avait reblanchi, recoupé et recousu tout cela dans le courant de la semaine. Sa robe était plus longue et tombait plus convenablement sur ses bas qui étaient bien blancs, ainsi que sa coiffe, laquelle avait pris la forme nouvelle et s’attachait gentillement sur ses cheveux noirs et bien lissés ; son fichu était neuf et d’une jolie couleur jaune doux qui faisait valoir sa peau brune. Elle avait aussi rallongé son corsage, et, au lieu d’avoir l’air d’une pièce de bois habillée, elle avait la taille fine et ployante, comme le corps d’une belle mouche à miel. De plus, je ne sais pas avec quelle mixture de fleurs ou d’herbes elle avait lavé pendant huit jours son visage et ses mains mais sa figure pâle et ses mains mignonnes avaient l’air aussi net et aussi doux que la blanche épine du printemps. (Sand 1933 : 169–70)

22 Au savon de toilette se substitue ici « une mixture de fleurs ou d’herbes » faisant référence ainsi à l’obscur « savoir » herboriste de Fanchon qui « [connaissait] les vertus que le bon Dieu a mises dans certaines herbes et dans certaines matières à les employer  » (189). Cependant, le narrateur avoue qu’il ne sait pas de quoi est composée la mixture, laissant de fait un « vide » descriptif empreint de mystère au cœur même de l’action de se laver.

23 Chez les auteurs des traités, qu’ils soient des hygiénistes défendant une cause sociale ou des docteurs en beauté préconisant les bonnes manières en s’inscrivant dans une perspective de perfectibilité des lectrices appartenant à la classe bourgeoise, le savon en tant qu’objet participe à un univers social bien défini, celui des basses classes. Son entrée dans le roman du XIXe siècle permet de construire un univers référentiel qui correspond de manière générale au discours de l’hygiène mais c’est dans le creux, la trace, le détournement narratif, qu’on le retrouve lorsqu’il s’agit de la toilette du corps, ce qui permet ainsi de dégager les tensions sociales et littéraires sur la question de la toilette au XIXe siècle.

La question complexe de la toilette

24 Le discours de l’hygiène s’inscrit résolument dans une époque où les sensibilités olfactives sont accentuées, corrélativement à l’abaissement du « seuil de tolérance », et promeuvent l’émergence de nouvelles pratiques de l’hygiène du corps. Or, selon Georges Vigarello, « une sensibilité nouvelle appelle le bain dans un monde encore pauvre en baignoires, un univers de lavages partiels, de dessertes ponctuelles et de liquides portés à bout de bras » (Vigarello 2004 : 125). Il s’agit ici d’une première tension qui réside à l’intersection des discours social et hygiénique et qui suppose une modification majeure de l’attitude de la population quant à la sauvegarde du corps et aux moyens à développer pour atteindre cet objectif. C’est une mutation qui a été extrêmement lente au XIXe  siècle (Bourdelais 2001 :18) et qui a longtemps fait perdurer un décalage, un anachronisme sur lequel Paul de Kock, dans Bains à domicile (1845), n’a pas manqué d’ironiser pour démontrer les inconvénients majeurs d’avoir un bain porté chez soi – « encore une invention moderne  » – et dénoncer la maladresse des porteurs d’eau, un métier alors en plein essor dans le Paris du XIXe  siècle. De Kock ici met en avant l’inadéquation de la pratique intime du bain et la visite d’étrangers (Charpy 2010 : 305). Cet écart entre les préceptes hygiéniques consignés dans les traités d’hygiène et de beauté et les possibilités techniques encore limitées pour le plus grand nombre à la fin du siècle, donne lieu à des pratiques déconcertantes, donc mystérieuses et idéalisées, que l’on retrouve de manières différentes, on l’a vu, dans le roman du XIXe siècle (Fig. 1).

Fig. 1 Pierre Bonnard, Bathing Woman, Seen from the Back, c.1919. Oil on canvas. Image #T01077. © Tate, London 2019
Thumbnail of Figure 1 Display large image of Figure 1

25 L’hygiène et l’utilisation du savon en tant qu’objet en représentation(s) dans la littérature demeurent largement liées à la valeur sociale qu’est la vertu. Le savon ne concerne exclusivement que les personnages issus du peuple et agit à plusieurs niveaux symboliques : en tant que vecteur d’honnêteté (Gervaise, par le maintien d’un environnement propre et le lavage du linge), d’intégrité (Michel, le jeune paysan qui souhaite être aimé pour ce qu’il est) et porteur d’une légitimité à venir au centre de laquelle la sauvegarde du corps s’inscrit comme une force synergique qui convoque à la fois la quotidienneté, l’espace privé et la temporalité marquée par les ruptures et les changements (Maheu). Dans un deuxième temps, les pratiques hygiéniques qui concernent le corps – celui de la femme particulièrement – ainsi que le savon en tant qu’agent apte à produire la propreté du corps demeurent largement dans l’évocation, le non-dit, le mystère qui sont ancrés autour du corps féminin justement. Dans les traités de beauté, le discours de l’hygiène se mue en un discours de perfection du corps qui ne serait que le reflet, en fait, d’une perfectibilité sociale à atteindre au centre de laquelle la femme elle-même devient objet. Au-delà de ce discours sur la perfection, l’acte de propreté devient alors un élément de tabou littéraire puisque le savon, dans la littérature naturaliste, paradoxalement, n’est dépeint qu’en creux, qu’en crasse et en trace sur un corps représenté comme « espace charnel » et bestial. L’écume savonneuse, sous la plume de Zola, rabaisse le corps de Nana et celui des actrices en général à une entité animale et compulsive alors que Huysmans, lui, détourne le discours de l’hygiène pour ridiculiser les aspirations bourgeoises de ses héroïnes. Le savon, par sa présence en creux, illustre à quel point les questions liées à la toilette intime et au corps féminin sont problématiques pour des auteurs naturalistes essentiellement masculins qui, finalement, sont contraints de rester dans l’aporie. Dans ces deux romans, le corps à la toilette est dissimulé derrière les volutes parfumées de la violette et du réséda suri dans une impossibilité de dire et de circonscrire le corps, reflétant ainsi le mystère sexuel comme signe des fantasmes masculins des auteurs. Malgré la volonté des auteurs de « montrer le monde sous le monde », le savon permet ici aussi de mettre en évidence la tension littéraire au cœur même du roman naturaliste. Le savon, par sa matérialité même, ne correspond de fait qu’avec le « corps peuple » et cristallise les représentations du peuple en individus vertueux. Or le naturalisme est incapable de sortir des implications normatives sociales ; les aspirations et désirs qui prennent forme dans la vie intérieure ne peuvent exister car aucun espace n’est créé où le personnage puisse être pleinement propriétaire de lui-même ; le poids des déterminismes entre directement en conflit avec une prise de conscience de la sauvegarde des corps. Circonscrire la vie matérielle du savon au XIXe siècle à la lecture des traités médicaux et en dégager les implications littéraires nous a permis « d’établir l’histoire des limites du possible et de l’impossible [de cet objet par] l’imbrication de contextes sociaux » (Roche 1997 : 11).

26 Pour conclure, nous avons voulu ici insérer le savon dans un contexte particulier qui se situe à l’intersection des discours hygiénique, social et littéraire afin de lui donner un sens. En tant qu’objet banal du quotidien, de l’intime, il appartient de fait au détail, au « petit » et donc par extension, à ce qui ne paraît pas avoir d’histoire. Grâce aux textes médicaux mais aussi à ceux de la littérature du « vrai », il a été possible de questionner son poids réel dans le quotidien au XIXe siècle. Cette étude a permis d’apporter quelques éléments de réponse sur la relation entre le sujet et l’objet, les processus par lesquels les gens entrent en relation avec les objets et le système des conduites et des relations humaines qui en résulte (Baudrillard 1968 : 9). En effet, dans le discours médical comme dans le discours littéraire, le savon est l’objet symboliquement désigné comme porteur de vertu. Le lavage partiel ou total du corps de l’individu et l’utilisation du savon va de pair avec une prise de conscience – encore partielle – de soi, de son corps et de son rapport au monde. Grâce au savon et/ou à l’acte de se laver dans la littérature réaliste et naturaliste, la peau du pauvre trouve un sens en « renouvelant sans cesse le sentiment de sa propre existence » (Lévy 1869 : 27). Paradoxalement, pour ce qui est des représentations du corps, et du corps féminin en particulier, le savon semble échapper à son statut de produit d’hygiène pendant la majeure partie du XIXe  siècle. En proie à un tabou fondamental, la présence du savon dans la littérature est caractérisée par l’aporie, le vide, le détournement de la narration, par des recours systématiques à des arguments d’ordre esthétique et moral qui restreignent toujours le geste d’un lavage corporel intégral.

27 Le savon, ce détail hygiénique aussi bien que littéraire, en tant qu’objet de la toilette, nous a tout de même permis d’interroger les valeurs associées à un univers sensible, mais aussi d’éclaircir, par sa présence-absence, les statuts d’identités fabriqués, fantasmés ou sublimés des auteurs naturalistes.

Notes
1 Comme le démontrent les nombreux traités de l’époque ; voir entre autres P.- J. Pissis, L’art de conserver sa santé ou Manuel d’hygiène (1802); Joseph Briand, Manuel complet d’hygiène (1826); Michel Lévy, Traité d’hygiène publique et privée (1869 [1845]); Dr. François Foy, Manuel d’hygiène (1845); Alexandre Lacassagne, Précis d’hygiène privée et sociale (1879); Aristide Reinvillier, Cours élémentaire d’hygiène en vingtcinq leçons (1854); Septimus Piesse, Histoire des parfums et hygiène de la toilette (1905); Alfred Bequerel, Traité élémentaire d’hygiène privée et publique (1877); Louis Fleury, Cours d’hygiène (1852) Léon Rostan, Cours élémentaire d’hygiène (1828).
2 Le corps est devenu une entité autonome, il n’est plus une substance passive et une force inhérente lui est attribuée par la bourgeoisie nouvellement formée. Pour Vigarello, un changement de sensibilité envers la propreté autour de 1780 l’a fait entrer dans la sphère médicale, tandis qu’elle relevait plutôt auparavant des codes sociaux et vestimentaires de l’aristocratie de l’Ancien Régime (1985 : 130–35).
3 Gustave Flaubert, lettre à Louise Colet, juillet 1852, Correspondance, édition électronique par Yvan Leclerc et Danielle Girard (2003).
4 Théorie développée par Émile Zola certes, mais les frères Goncourt en avaient exposé les premiers éléments dans la préface de leur roman Germinie Lacerteux : « [a]ujourd’hui que le Roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la grande forme sérieuse, passionnée, vivante, de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient, par l’analyse et par la recherche psychologique, l’Histoire morale contemporaine, aujourd’hui que le Roman s’est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises » (1864 : 56).
5 En particulier à partir de 1870, après la défaite de la France contre l’Allemagne, s’installe une hantise de la dépopulation et de la dégénérescence qui contribue à débloquer les ressources sanitaires nécessaires à une vraie politique d’hygiène publique. Selon Patrick Bourdelais (2001 : 23), « le passage d’une position philanthropique insistant sur l’éducation des classes populaires à une attitude plus offensive des hygiénistes qui rappellent les Parlementaires à leurs responsabilités » sous la IIIe République introduit une mutation des sensibilités et des pratiques indispensables au développement de l’hygiène privée et publique.
6 Pour M. Lévy, « le bain tiède [éveille] le désir sexuel : est-[ce] dû au léger gonflement des parties génitales par imbibition ou à la modification du système nerveux ? » ; et encore : « le bain tiède est l’agent par excellence de la propreté » (1869 : 69). A. Reinvillier restreint la pratique à une fois par semaine (sans différence entre les sexes) car selon lui « les bains trop répétés diminuent le ressort de la peau, la rendent impressionnable à l’air et abattent les forces musculaires » (1854 : 198). Ici encore nous revenons sur la notion de l’énergie, la force vitale ; voir également le Manuel d’hygiène du docteur Foy (1845 : 522).
7 Lorsqu’on sait que la bonne de Chérie, Lina, « avait les mains de toutes les institutrices et femmes de service allemandes – sèches, semées de petites lentilles blanchâtres et aux jointures rouges et comme sanguinolentes » (Goncourt 1884 : 61).
8 Place empreinte de curiosité et de frustration qui connaît de multiples représentations littéraires : la bonne Clarisse dans L’Argent de Zola (1891) ou celle du Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau (1900), de même que dans What the Butler Saw: Two Hundred and Fifty Years of the Servant Problem d’E.S. Turner (1962), entre autres.
9 Voir Auguste Caron, La toilette des dames ou encyclopédie de la beauté (1806); Élisabeth Celnart, Manuel des dames, ou l’art de l’élégance, sous le rapport de la toilette, des honneurs de la maison, des plaisirs, des occupations agréables (1833) Pierre-Joseph Buc’hoz, Toilette de flore ou essai sur les plantes et les fleurs qui peuvent servir d’ornements aux dames (1771) ; Jacques Louis Moreau de la Sarthe, Histoire naturelle de la femme (1803) ; Baronne Staffe, Le Cabinet de toilette (1891) ; Dr René Vaucaire, La Femme, sa beauté, sa santé, son hygiène (1896).
10 La couleur bleue devient au XIXe siècle le symbole de l’eau, de la vie, de la vérité comme l’eau qui ne peut rien cacher ; elle évoque la sagesse et la liberté. Au XIXe  siècle, c’est l’essor de l’importation de l’indigo et du coton et en 1826 la création du bleu Guimet, moins cher et qui permet une utilisation plus généralisée de la couleur (voir Pastoureau 2000).
11 Dans le chapitre XI de L’Assommoir, Nana fait son apprentissage de fleuriste : « la fréquentation d’un tas de filles déjà éreintées de misère et de vice. On était là les unes sur les autres, on se pourrissait ensemble […] Nana reniflait, se grisait, lorsqu’elle sentait à côté d’elle une fille qui avait déjà vu le loup. […] À l’atelier, simplement, elle voyait faire, il lui poussait peu à peu l’envie et le toupet de faire à son tour » (Zola 1968 : 368–369).
12 Plusieurs exemples de différents traités informent des dangers d’une trop grande propreté du corps : « [a]joutons cependant que les soins de propreté ne doivent pas être poussés trop loin, leur excès finit par émousser ou par exagérer la sensibilité tactile. On évitera la mollesse, les couchers voluptueux […] si l’on ne veut pas voir transformer en sources fécondes de maladies nerveuses, d’habitudes pernicieuses, de vices honteux, un sens qui a sur les idées […] une influence si prononcée et si dangereuse » (Foy 1945 : 451). Moreau de la Sarthe n’hésite pas à affirmer que « l’odeur que la femme exalte sont des preuves de force, des effets d’une disposition décidée à la génération… ceux qui ont beaucoup d’expérience sur ce point ne s’y trompent pas. L’odeur des femmes ne rebute que les tièdes. En diminuant la source de cette odeur, on énerve au détriment des enfants à naître, la faculté générative » (1803 : 424).
13 Voir à ce sujet l’excellente analyse de Sophie Borloz à propos des odeurs dans Nana et particulièrement le parfum de violette qui envahit son hôtel particulier. Symbole de timidité et de pudeur, la violette ne sert en fait qu’à camoufler l’odeur bestiale de Nana et contribue à transformer la demeure en une « alcôve géante » (Borloz 2015 : 31).
14 Nous faisons référence ici au poème de Baudelaire, « Le Parfum » (« avec ivresse et gourmandise, musc invétéré, senteur sauvage et fauve », etc.), dans les Fleurs du mal.
Références
Sources primaires
Baudelaire, Charles. 1996 [1861]. Les Fleurs du mal. Paris, Gallimard.
Bequerel, Alfred. 1877. Traité élémentaire d’hygiène privée et publique. Paris, P. Asselin.
Briand, Joseph. 1826. Manuel complet d’hygiène. Paris, J.-S. Chaudé.
Buc’hoz, Pierre-Joseph. 1771. Toilette de flore ou essai sur les plantes et les fleurs qui peuvent servir d’ornements aux dames. Paris, Valade.
Caron, Auguste. 1806. La toilette des dames ou encyclopédie de la beauté. Paris, Debray.
Celnart, Élisabeth. 1833. Manuel des dames, ou l’art de l’élégance, sous le rapport de la toilette, des honneurs de la maison, des plaisirs, des occupations agréable. Paris, Librairie encyclopédique de Roret.
Flaubert, Gustave. 2003. Correspondance. Édition électronique par Yvan Leclerc et Danielle Girard, Université de Rouen, Centre Flaubert, en ligne [http://flaubert.univ-rouen.fr/correspondance/conard/outils/1852.htm], consulté le 4 décembre 2018.
Louis Fleury, Louis. 1852. Cours d’hygiène. Paris, Chez L’Abé.
Foy, François. 1845. Manuel d’hygiène, ou histoire des moyens propres à conserver la santé, et à perfectionner le physique et le moral de l’homme. Paris, Germer-Baillière.
Goncourt, Edmond de. Chérie. 1921 [1884]. Paris, Flammarion.
Huysmans, Joris-Karl. 1879. Les Sœurs Vatard. Paris, Charpentier.
Lacassagne, Alexandre. 1879. Précis d’hygiène privée et sociale. Paris, G. Masson.
La Femme (journal bimensuel). 1879. 15 juin, en ligne [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5508709t.item].
Léo, André. 1863. Un Mariage scandaleux. Paris, Librairie d’Achille Faure.
Lévy, Michel. 1869 [1845]. Traité d’hygiène publique et privée. Paris, J.-B. Baillière.
Moreau de la Sarthe, Jacques Louis. 1803. Histoire naturelle de la femme, tome III. Paris, Letellier.
Piesse, Septimus. 1905. Histoire des parfums et hygiène de la toilette. Paris, Baillière.
Pissis, P.- J. 1802. L’art de conserver sa santé ou Manuel d’hygiène. Le Puy, chez J.A. Crespy et Guilhaume.
Reinvillier, Aristide. 1854. Cours élémentaire d’hygiène en vingt-cinq leçons. Paris, Chez l’Abé.
Rostan, Léon. 1828. Cours élémentaire d’hygiène. Paris, Béchet.
Sand, George. 1933 [1849]. La petite Fadette. Paris, Calmann-Lévy.
Staffe, baronne. 1891. Le Cabinet de toilette. Paris, Victor Havard.
Vaucaire, René. 1896. La Femme, sa beauté, sa santé, son hygiène. Paris, Rueff & Cie Éditeurs.
Zola, Émile. 1966 [1888]. Le rêve. Dans Les Rougon-Macquart. Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire, tome IV. Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade.
———. 1969 [1877]. L’Assommoir. Paris, Garnier-Flammarion.
———. 1968 [1880]. Nana. Paris, Garnier-Flammarion.
———. 1968 [1885]. Germinal. Paris, Garnier-Flammarion.
Sources secondaires
Baudrillard, Jean. 1968. Le système des objets, Paris, Gallimard.
Bazin, Jean et Alban Bensa. 1994. « Les objets et les choses : des objets à la chose ». Genèses. Science sociale et histoire 17, numéro thématique Les objets et les choses : 4–7.
Bourdelais, Patrick. 2001. Les hygiénistes. Enjeux, modèles et pratiques, XVIIIe–XXe siècles. Paris, Belin.
Borloz, Sophie. 2015. Les femmes qui se parfument doivent être admirées de loin. Nana, Notre Cœur et L’Éve Future. Paris, Archipel.
Cabanès, Jean-Louis. 1991. Le corps et la maladie dans les écrits réalistes (1856–1893). Paris, Klincksieck.
Caraion, Marta. 2007. « Objets en littérature au XIXe siècle ». Images Re-vues 4, en ligne [https://imagesrevues.revues.org/116].
Cavillac, Cécile. 2005. « Objets et mise en scène du quotidien ». Dans Christophe Martin et Catherine Ramond (dir.), Esthétique et poétique de l’objet au XVIIIe siècle. Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux : 93–105.
Charpy, Manuel. 2010. Le théâtre des objets. Espaces privés, culture matérielle et identité sociale. Paris, 1830–1914. Thèse de doctorat en histoire, École doctorale Sciences de l’homme et de la société, Tours.
Corbin, Alain. 2016. Le miasme et la jonquille. Paris, Flammarion.
Csergo, Julia. 1988. Liberté, égalité, propreté. La morale de l’hygiène au XIXe siècle. Paris, Albin Michel.
Danahy, Michael. 1982. « Growing Up Female: George Sand’s View in La Petite Fadette ». Dans Natalie Datlof et al. (dir.), The George Sand Papers: Conference Proceedings, New York, AMS Press : 49–58.
Giraud, Barbara. 2009. L’héroïne goncourtienne. Entre hystérie et dissidence. Oxford, Peter Lang.
———. 2014. « Le sens de l’hygiène dans les classes populaires. Les romans d’André Léo ». French Forum 39 (2–3) : 81–95.
Krueger, Cheryl. 2014. « Decadent Perfume: Under the Skin and Through the Page ». MLO -Modern Languages Open, en ligne [https://www.modernlanguagesopen.org/articles/10.3828/mlo.v0i1.36/].
Leinen, Frank. 2005. « Idylle champêtre ou critique sociale ? Notes à propos de l’ambivalence textuelle dans La Petite Fadette de George Sand ». Dans Jacques Neefs et Christine Montalbetti (dir.), Le bonheur de la littérature, Paris, PUF:375–389.
Léonard, Jean. 1981. La médecine entre les pouvoirs et les savoirs. Histoire intellectuelle et politique de la médecine française au XIXe siècle. Paris, Aubier-Montaigne.
Mauss, Marcel. 1935. « Les techniques du corps ». Journal de Psychologie, no 32, Paris, Librairie Félix Alcan : 271–93.
Mittérand, Henri. 1968. « L’espace du corps dans le roman réaliste ». Dans Roger Kempf (dir.), Sur le corps romanesque, Paris, Le Seuil : 341–55.
Pastoureau, Michel. 2000. Bleu. Histoire d’une couleur. Paris, Le Seuil.
Perrot, Pierre. 1984. Le Travail des apparences ou les transformations du corps féminin aux XVIIIe et XIXe siècles. Paris, Le Seuil.
Roche, Daniel. 1997. Histoire des choses banales. Naissance de la consommation dans les sociétés traditionnelles (XVIIe–XIXe siècles). Paris, Fayard.
Vigarello, Georges. 1985. Le Propre et le sale. Paris, Le Seuil.
———. 2004. Histoire de la beauté. Le corps et l’art d’embellir de la Renaissance à nos jours. Paris, Le Seuil.
Wicky, Erika. 2014. « Ce que sentent les jeunes filles ». Romantisme 3 (165) : 43–53.