Book Reviews / Comptes rendus de livres

Les cloches d’église du Québec : Sujets de culture

Jean-François Plante
Compte rendu de François Mathieu. 2010. Les cloches d’église du Québec : Sujets de culture.  Québec : Septentrion.

211 pp., photographies, reliure flexible, ISBN978-2-89448-605-4 21,95$.

1 François Mathieu détient un baccalauréat spécialisé en philosophie et un baccalauréat en arts plastiques. Oeuvrant dans le domaine des arts visuels, il a de plus complété une maîtrise en études québécoises à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Cette étude est à l’origine de la présente publication. Il se propose d’y « présenter les cloches sous l’aspect autant matériel que culturel, par lequel elles se rendent nécessaires à une meilleure compréhension de la société québécoise dans toutes ses variantes ».

2 Dans le premier chapitre («  Une culture du sacré  »), l’auteur remonte à l’époque de la Révolution française pour camper le sujet et démontre déjà l’importance des cloches en expliquant que les descentes de cloches se multipliaient non seulement pour récolter le métal nécessaire à la frappe de la monnaie et la fonte des canons, mais surtout pour affirmer que le pouvoir symbolisé par cette figure puissante appartenait désormais à une ère révolue.

3 De retour dans le contexte propre à son étude, Mathieu rappelle comment le paysage québécois est parsemé de calvaires, de monastères, de couvents et bien sûr d’églises accompagnées de leurs presbytères. Ce patrimoine religieux lui permet de repérer quelles sont les valeurs qui méritaient auparavant d’être mises en matière avec ostentation, donnant ainsi une éloquence à la foi catholique. Mais la transcendance religieuse n’est plus là. Le sublime se retrouve plutôt dans les objets eux-mêmes, donnant ainsi toute la place aux gens de métier qui les ont fabriqués. L’absolu relève maintenant du dépassement du fait matériel, concrétisé par le caractère d’œuvre d’art de ces biens religieux.

4 Parmi tous ces biens d’église, les cloches du Québec, peu étudiées jusqu’à présent, sont pour lui dignes d’intérêt, que ce soit par leur emplacement inatteignable, les légendes qui leurs sont rattachées ou leur fabrication complexe. Mais leurs multiples utilisations possibles ajoutent à l’intérêt qu’on doit leur porter, surtout en ces temps de mutation du culte vers la culture. Les cloches sont donc des objets culturels d’importance, ce qui justifie la publication de l’ouvrage. Après avoir énoncé trois hypothèses correspondant à autant de chapitres, l’auteur procède à un court bilan historiographique.

5 Dans le deuxième chapitre («  Les cloches d’église : ces objets signifiants »), l’auteur pose quelques jalons liant les cloches au monde religieux traditionnel. Après avoir soumis quelques faits marquants dans l’usage des cloches et qui montrent leur importance pour l’Église, il nous propose une incursion dans le domaine de leur fabrication, opération déterminante pour l’acoustique de ces instruments. Puis il mentionne, en fin de chapitre, quelques nouveaux ouvrages traitant de l’aspect social des cloches.

6 Le chapitre trois (« Le Québec et ses cloches ») est le plus étendu — près de la moitié de l’ouvrage. Mathieu nous fait remonter aux premiers fondeurs itinérants travaillant en Nouvelle-France et nous révèle comment l’augmentation du poids des cloches achetées par les fabriques a modifié le métier et amené finalement la disparition de ces artisans se déplaçant au gré des commandes. Puis il passe en revue les principaux importateurs-monteurs de cloches qui ont ensuite fourni les paroisses jusqu’à aujourd’hui, les fondeurs se limitant toujours aux cloches de petit calibre. Vient alors la recension des cloches les plus anciennes du Québec, suivie de quelques mots sur les plus célèbres fondeurs européens. Toutes ces informations pertinentes semées depuis le début de l’ouvrage le long d’un chemin que certains trouveront sinueux nous amènent finalement à l’aspect des cloches que l’auteur veut traiter, selon le sous-titre du livre ( Sujets de culture). Après quelques mots sur la campanologie actuelle au Québec et sur les sources utilisées dans l’inventaire qui suit, il propose la biographie de cloches « particulièrement marquantes du patrimoine québécois » et « qui racontent beaucoup sur l’histoire culturelle du Québec ». Tout en faisant de nouveaux détours par la France, les États-Unis, la Russie et quelques provinces canadiennes, Mathieu décrit les plus importantes à ses yeux et en explique les éléments contextuels, autant sociaux que musicaux.

7 Dans le chapitre 4 (« Les modes de mise en valeur »), l’auteur propose diverses manières de préserver et redonner vie à une ou des cloches. Toutes les possibilités sont alors évoquées  : le classement par le ministère de la Culture, le devoir des sonneurs et carillonneurs de perpétuer leur art, le développement d’approches touristiques ou même la création d’une collection nationale. Mathieu prend ensuite appui sur sa formation en arts visuels pour amener l’idée que les artistes peuvent fournir une aide précieuse dans la redéfinition de « la place du sacré dans ce qui a du sens aujourd’hui », compte tenu que les cloches ont été généralement identifiées à la religion catholique.

8 La démarche de l’auteur, si elle n’est pas fidèle aux canevas habituels, nous montre tout de même que les cloches sont bien des sujets de culture. Les exemples fournis se situent à différents degrés de proximité de la cloche en tant qu’objet et sont parfois tirés de domaines connexes ou similaires, mais cela s’explique aisément vu le peu de projets de mise en valeur effectivement réalisés à ce jour. En ces temps de réflexion sur le patrimoine religieux, l’ouvrage de Mathieu permet de lancer la discussion sur une partie souvent oubliée de ce patrimoine. Il permettra aussi à plusieurs lecteurs de prendre un premier contact avec le monde des cloches dans sa réalité québécoise.