Résumé
Cet article propose un exercice original : il s’appuie sur une bande dessinée d’une page mettant en scène un homme, « Monsieur Laborie » qui a consacré un musée à sa propre existence. Cette courte histoire nous permet, d’une part, de réfléchir à ce qui fait qu’un musée est un musée, d’autre part d’analyser le rôle des objets dans la construction des patrimoines collectifs et individuels.Abstract
This article proposes an original exercise: it is built upon a page of a comic strip in which a man, «M. Laborie,» has devoted a museum to his own existence. This short story allows us, on one hand, to reflect on that which makes a museum a museum, and on the other hand to analyze the role of objects in the construction of both collective and individual heritage.1 « Dans une petite ville de province se trouve un musée qu’aucun guide n’indique » (Ayroles 2000 : 25). Tels sont les premiers mots de l’histoire racontée par François Ayroles en bande dessinée (Fig. 1). L’auteur publie des illustrations et des récits dessinés depuis une quinzaine d’années et construit une œuvre originale, en noir et blanc le plus souvent, humoristique, philosophique et poétique. Il est membre de l’Oubapo, Ouvroir de la Bande Dessinée Potentielle, dont l’objectif est d’explorer les potentialités du 9e art. Dans l’album Notes mésopotamiennes, il nous propose trente planches comme autant de tranches de vie teintées d’absurde et de poésie, au texte dépouillé et pratiquement dénué de dialogues hormis quelques bulles laconiques. Scènes surréalistes ou féériques dans l’ordinaire, le comique, voué au sourire plutôt qu’au rire, y naît de l’insolite ou de l’absurdité des situations, mise en valeur par la sobriété graphique.
2 Lorsque j’ai lu la page consacrée à monsieur Laborie, l’histoire a immédiatement fait écho avec des situations vécues sur le terrain au cours de mes enquêtes. Chez des collectionneurs ou des amateurs d’objets de patrimoine, ou chez de simples particuliers, ni amateurs ni collectionneurs, tout chercheur en sciences sociales s’intéressant à la culture matérielle ou collectant des objets pour un musée sait que ce genre de rencontre est en tout point réaliste : des hommes et des femmes nous ouvrent leur espace privé, intime, et nous racontent partiellement leurs vies par le truchement du décor et des objets. D’autre part, il existe en France une foule de musées privés construits autour d’une collection particulière plus ou moins importante, et qui bénéficie d’un espace de visite soit privé, soit municipal ou associatif. J’ai en tête l’exemple d’une collection d’outils, exposée dans son garage par un gendarme à la retraite, un « musée qui ne figurait dans aucun guide » mais qu’il faisait visiter à des connaissances ou aux membres de sa famille1. Un autre musée était installé dans un petit chalet préfabriqué, dans la cour de son propriétaire ; celui-ci avait constitué en toute illégalité une collection de silex, de tessons de céramiques et d’autres vestiges archéologiques amassés pendant des années au cours de prospections « sauvages » car sans autorisation ministérielle. Mais lui aussi faisait visiter et bénéficiait de surcroît de la publicité gratuite du quotidien local. Il y a donc de nombreux « monsieur Laborie » de chair et d’os, même s’ils poussent rarement le mimétisme avec les musées professionnels jusqu’à faire réaliser des stylos ou des porte-clés siglés à leur nom ou des fac-similés de leur contrat de mariage ! Ceci dit, et c’est l’un des autres arguments en faveur du réalisme de l’histoire de François Ayroles, toutes ces contingences techniques sont aujourd’hui vraisemblables et facilement accessibles à tout un chacun.
3 Ce n’est donc pas l’œuvre de fiction qui sera ici mon objet d’étude ou mon terrain d’enquête –je ne m’engagerai pas dans un exercice critique sur la bande dessinée, mais sur la situation qu’elle met en scène2. Sans faire de monsieur Laborie un archétype ou un individu représentatif d’une catégorie sociale, mais en ayant soin de le laisser à sa place de « personnage », je traiterai ce petit récit comme une parabole permettant de s’interroger sur les rapports entre musée de société et individu, entre singulier et collectif, entre espaces privé et public. Prenons un instant au sérieux cette situation fictive et traitons de façon ludique et théorique les questions qu’elle soulève : Qu’est-ce qui fait d’un « chez-soi » un musée ? Comment sélectionne-t-on les objets destinés à raconter une vie ? Qu’est-ce que les sciences sociales peuvent apprendre d’un tel musée ? Et enfin, aurions-nous envie de le visiter… s’il existait ?
Faire un musée de son « chez-soi »
4 Dans l’histoire, monsieur Laborie fait visiter sa maison, son « chez-soi » – seul équivalent acceptable de l’anglais « home » permettant de le distinguer de « maison » (house) – comme le font souvent les nouveaux propriétaires désireux de montrer à leurs hôtes comme ils sont confortablement installés. C’est une pratique courante, du moins en France et dans certains milieux, attestant du caractère public de l’espace domestique qu’on aurait tort de considérer exclusivement familial et intime. « Ces “intérieurs” nous disent quelque chose de ceux qui y habitent, […] ils disent comment la famille se met en scène pour elle-même et pour les autres » (Segalen et Le Wita 1993 : 12). L’espace domestique privé permet de matérialiser la vision que ses occupants ont d’eux-mêmes mais également l’image qu’ils souhaitent donner aux autres. Selon les pièces, comme j’ai pu le constater lors de mes enquêtes dans le bassin minier en Saône-et-Loire (Bonnot 2002), les habitants mettent en valeur certains types d’objets ou ensembles d’objets : vestibule et cuisine sont « ouverts au public » car c’est là que sont accueillis les gens de passage – le facteur, les représentants de commerces ou autres démarcheurs – tandis que salle à manger et salon sont réservés aux familiers. Chez monsieur et madame S., la configuration de la cuisine, sur deux niveaux, a offert un espace d’exposition très valorisant pour la collection de céramiques : le regard du visiteur est au niveau du dessus des placards de rangement où sont alignées les poteries anciennes, régulièrement époussetées et passées au lave-vaisselle (Fig. 2).
Fig. 1 François Ayroles, Notes mésopotamiennes, 2000, éditions L’Association.
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5 Finalement, rares sont les pièces strictement fermées à autrui. L’aménagement est adapté à cette hiérarchisation sociale des lieux mais n’est pas figée dans le temps, comme l’a montré notamment Alison J. Clarke (2001) : la construction du décor domestique est une pratique relevant de la construction sociale de soi, qu’il convient de considérer comme un processus.
Fig. 2
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6 De nombreux travaux sociologiques et anthropologiques ont montré l’intérêt qu’il y a à se pencher sur cet espace du quotidien3, que l’on possède autant qu’on est possédé par lui comme le soutient Daniel Miller (2001), et qui, même dans les cas où il est rarement accessible à autrui, constitue toujours une mise en scène de soi plus ou moins affirmée et plus ou moins explicite. Cela peut aller d’un aménagement utilitaire dépouillé à la « création familiale » (Segalen et Le Wita 1993). Qu’il s’agisse d’exprimer un sentiment d’appartenance identitaire dans le cadre d’une diaspora (Fourcade 2006, 2008) ou de simplement chercher à distinguer son logement de celui des voisins construits sur le même modèle (Chevalier 1992, 1993), il s’agit toujours d’une sorte de récit que l’occupant produit tout en le vivant, qu’il performe, pourrait-on écrire.
Performance muséographique
7 Ce que fait le monsieur Laborie de François Ayroles ne revient finalement qu’à pousser cette logique jusqu’à son point ultime, confinant à l’absurde : puisque l’on se raconte aux autres à travers l’aménagement de son espace domestique, pourquoi ne pas franchement y raconter sa vie ? Pour cela, il lui faut distinguer ce qu’il propose à ses visiteurs d’une simple invitation conviviale. Il n’est pas inintéressant d’analyser alors cette planche de bande dessinée à travers la grille de lecture goffmanienne des Cadres de l’expérience (1991). La situation peut être comprise par un cadre primaire ainsi défini : une maison privée, dans une ville de province, que son propriétaire fait visiter. Toutefois, la première case impose déjà une modalisation du cadre : en inscrivant sur la façade de sa maison « Musée Laborie », le propriétaire applique une convention qui transforme l’entrée dans l’espace domestique en visite de musée. Même si ce musée ne figure dans aucun guide, cette inscription va immanquablement attirer des touristes de passage, voire des habitants du village – du moins dans les premiers temps, attirés par la curiosité. C’est bien là un processus de transcription que Goffman propose d’appeler modalisation, mise en œuvre de modes : « Par mode j’entends un ensemble de conventions par lequel une activité donnée, déjà pourvue d’un sens par l’application d’un cadre primaire, se transforme en une autre activité qui prend la première pour modèle mais que les participants considèrent comme sensiblement différente » (Goffman 1991 : 52). C’est un cadre théâtral (132) qu’instaurent monsieur et madame Laborie en jouant face au public – ceux qui entrent dans la maison-musée, dont fait partie le narrateur – les rôles du guide et de l’hôtesse d’accueil. La casquette de Monsieur, la vente de billets, puis, en fin de visite, de souvenirs par Madame font partie des « conventions de phasage » (246) ou de délimitations qui permettent d’ouvrir et de fermer une parenthèse (248). Quand le visiteur entre, il retrouve les indices familiers posant le décor du musée archétypique ; il est invité par conséquent à adapter sa conduite au lieu, car on ne visite pas un musée comme on entre dans un magasin ou un restaurant. Le couple Laborie ne se comporte pas comme un couple qui vous reçoit chez lui, mais comme un couple qui fait visiter son musée : leur performance constitue l’interaction en « visite de musée ». C’est dans la situation ellemême que nous pouvons saisir le contexte, dans le rapport qu’instaurent les personnages de monsieur et madame Laborie à l’espace et aux individus qui entrent chez eux.
8 Ce questionnement sur le cadre d’interprétation de la situation n’est pas aussi artificiel qu’il y paraît. Il nous permet de nous interroger également sur la définition même du musée et la porosité entre espace privé et espace public. En effet, si l’ambiguïté de la situation est levée par l’application de ces conventions de phasage aisément lisibles, reste à déterminer ce qui fait de la maison de monsieur Laborie un musée et en quoi ce musée peut intéresser les sciences sociales. Comme les interlocuteurs de Sophie Chevalier (1993) dans les HLM de Nanterre, monsieur Laborie peut dire qu’il n’a « rien de spécial » chez lui. Mais de ce rien, il a fait quelque chose, en discourant – « …c’est alors que l’adjudant entre dans la piaule… » ou « De Gaulle était devant moi comme je vous vois… », se souvient-il – mais surtout en rassemblant, triant, ordonnant et classant des objets.
Objets accumulés
9 Les deux cases centrales de la page nous offrent une vision détaillée des objets « muséographiés » par monsieur Laborie ainsi qu’un aperçu de ses « options muséographiques ». Il faut souligner le talent qu’a l’auteur pour représenter un ensemble d’objets évocateurs pour chaque Occidental né au XXe siècle, de ceux que nous avons ou que nous aurions pu conserver pour évoquer différentes époques de notre existence en fonction des destinées singulières : un ours en peluche, un cheval de bois, un cartable, des chapeaux et casquettes, un accordéon, un fusil, etc. Tout ce bric-à-brac du quotidien dont certains spécimens, qu’ils relèvent de la catégorie des jouets, des accessoires vestimentaires ou des instruments de musique jouent le rôle de marqueurs évoquant la petite enfance, la préadolescence puis l’adolescence et les différentes paliers correspondants. On peut ainsi supposer qu’est accroché au mur le premier fusil de chasse de monsieur Laborie, signe important de passage à l’âge adulte pour un jeune homme de la France rurale.
10 Les seules vitrines visibles dans ces pièces sont des accessoires d’exposition courants dans les intérieurs domestiques de tout un chacun : des cadres pour la collection de papillons ou les photographies, des étagères non vitrées (pour le ballon et le car-table), une cloche de verre pour l’ours en peluche, etc. Il est fréquent de rencontrer ces aménagements chez des personnes d’âge mûr, qui ont eu le temps d’accumuler des objets et des souvenirs au cours de leur existence, et qui parfois transforment certaines pièces désaffectées en sanctuaire, ou reconstituent des parcelles d’intérieurs qui leur furent familiers (par exemple à partir des meubles ayant appartenu aux parents défunts).
11 Ce qui signifie que l’espace domestique de la maison Laborie ressemblerait à celui que nous voyons, et que, hormis peut-être l’aube du communiant et la moto dont on aperçoit une roue, tous les objets qui y sont exposés le seraient également s’il n’avait pas fait de sa maison un musée, dans les mêmes conditions d’exposition – sur une étagère ou dans un cadre. En clair, ce qui fait de cette maison un musée, ce n’est pas la nature des objets offerts au regard, mais leur mise en scène par la performance du guide accompagnant des visiteurs dans son intérieur. Le personnage de bande dessinée a collectionné les objets de sa propre existence, un des critères de sélection étant, peut-on supposer, l’importance du rôle joué dans cette vie ordinaire. Cette collection, il lui importe de la montrer : « Le collectionneur ordinaire aime vivre parmi sa ou ses collections. Il ajoute : “un des plaisir de la collection, c’est de montrer”. Montrer pour avoir une occasion supplémentaire de regarder, manipuler ses chers objets, raconter leur histoire. Il a donc besoin de spectateurs. Lesquels sont, a priori, les membres de sa famille, les amis et les visiteurs. Il lui faut aussi un espace d’exposition, qui sera situé de préférence dans la partie publique de son appartement […] » (Frère-Michelat 1993 : 200). Chaque ethnologue de musée a pu constater ces phénomènes sur le terrain ; rencontrer un collectionneur chez lui, c’est un peu, déjà, visiter un musée même s’il existe sans doute des collections cachées, dont le propriétaire profite seul4. Monsieur G. est un collectionneur expert. Il ne s’est pas contenté d’accumuler les poteries de grès fabriquées dans l’usine de Pouilloux (Saône-et-Loire) à Pont-des-Vernes, mais il a effectué d’importantes recherches archivistiques sur l’histoire de l’entreprise, ses produits, sa clientèle et ses concurrents. Dans sa salle de séjour, cette connaissance se matérialise par une exposition raisonnée, par séries et par fonctions, qui a nécessité des aménagements spécifiques – rayonnages, cadres et vitrines (Fig. 3).
Fig. 3
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12 Mais la logique d’acquisition de monsieur Laborie n’est pas celle d’un collectionneur. C’est une logique d’accumulation par conservation, sans la quête que doit toujours mener le collectionneur. Même si, encore une fois, nous parlons d’un récit fictif sans pouvoir appuyer notre propos sur des certitudes empiriques, il apparaît que les objets qu’expose monsieur Laborie sont ceux qu’il a accumulés au cours de son existence (jouets, vêtements, trophées, etc.) sans avoir recours à l’achat ni à l’échange. Il s’agit en somme d’une sédimentation des objets dans la maison, ces objets qui sont là comme autant de repères mnésiques quand leur propriétaire prend de l’âge ; « on sait l’importance fondamentale de la “maison” pour les personnes âgées, dont la séparation physique avec les choses qui les ont entourées toute leur vie signe souvent l’arrêt de mort » (Segalen et Le Wita 1993 : 19).
Logiques du tri
13 Chacun a pu faire l’expérience, à l’occasion d’un déménagement ou d’un décès familial, de la sélection des objets présents dans l’espace domestique : il y a ce que l’on jette ou que l’on brûle, il y a ce que l’on donne à des proches ou à des associations caritatives, il y a ce que l’on vend à des brocanteurs ou à des particuliers, enfin il y a ce que l’on garde, soit que cela nous ait été explicitement légué, soit que l’on refuse de s’en débarrasser d’une manière ou d’une autre. Sur ce thème, Jean-Sébastien Marcoux a montré combien le déménagement d’une personne âgée vers une maison de retraite médicalisée pouvait être anxiogène du fait de l’obligation de se séparer de certains objets. Car « les gens habitent les objets autant que leur logement » et « ce sont les choses elles-mêmes qui font d’une maison leur maison » (Marcoux 2001 : 215, ma traduction). Le caractère traumatique de cette sélection forcée est rendu au Québec par l’expression « casser maison » (Ibid.). Reste qu’un choix s’effectue dans ces circonstances : il est évidemment influencé par l’environnement social, aussi bien par le marché de la collection – on conservera par exemple certains jouets cotés plutôt que d’autres – que par la cote patrimoniale et muséale des objets, les deux étant interdépendants. Même l’attachement le plus affectivement chargé n’est pas exempt de distinction sociale. Ainsi, les interlocuteurs que j’ai croisés au cours de mes enquêtes conservent des poteries de grès héritées de leurs parents et grands-parents, que ceux-ci utilisaient comme ustensiles, mais n’ont pas forcément conservé d’ustensiles en fer blanc ou en plastique de la même époque ; ce choix est implicitement dicté par le musée, qui a valorisé ces objets céramiques plutôt que d’autres même si l’échelle des valeurs est en train d’évoluer, comme le constate Denis Chevallier au sujet de la collecte au MUCEM (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée). Ce musée, encore en gestation, succède au Musée National des Arts et Traditions Populaires dont Chevallier rappelle les principes de collectes dans les années 1960-1970 : « Le musée n’entreprendra cependant pas de collectes systématiques d’objets produits massivement par la société industrielle, ce qui fut assumé au nom de l’urgence qu’il y avait à collecter, pendant qu’il était encore temps, les traces de sociétés paysannes en voie de profondes transformations. […] Cette priorité donnée aux traces d’une civilisation rurale en voie de disparition sera la règle jusqu’à la fin des années 1980 » (Chevallier 2008 : 632). Et même lorsque ce parti-pris fut dépassé, c’est-à-dire lorsque la collecte d’objets contemporains accéda à la reconnaissance, ont été privilégiées « les petites séries artisanales dont les savoir-faire [étaient] menacés, sans s’intéresser directement aux objets produits à très grande échelle » (Ibid.). Cette primauté a imprégné la construction des catégories dans lesquelles les habitants classent les objets fabriqués et utilisés dans un territoire donné. La sélection qu’ils effectuent respecte la logique qu’ils estiment – à tort ou à raison – être celle du musée.
14 Ainsi peut-on s’imaginer que monsieur Laborie n’a pas collecté mais qu’il a effectué un tri, car il n’aurait pas pu matériellement tout conserver même si son enfance s’était déroulée avant l’avènement de la consommation de masse. Ce tri constitue une opération mémorielle : « les objets domestiques sont des souvenirs et des pense-bêtes du passé et la décision de se débarrasser de certains et d’en conserver d’autres quand on déménage est une gestion active de la mémoire extériorisée de chacun » (Miller 2001 : 8, ma traduction). En amont d’une exposition comme celle du personnage de François Ayroles, il y a donc une démarche intellectuelle, théorique, basée sur des préceptes acquis par la fréquentation de musées existants : pourquoi, sinon, écrire « Musée » sur la façade d’une maison ? Nous savons bien que les habitants d’une région reprennent à leur compte, s’approprient, le discours des musées locaux et parfois s’en inspirent pour élaborer leur décor. Tel type d’objet requalifié par une exposition ou une publication du musée se verra promu, passant du grenier à la salle à manger. Comme tous ceux qui créent dans un garage, dans un grenier, dans une grange ou dans leur logement même un espace de présentation des objets qu’ils collectionnent, fabriquent ou simplement conservent, le personnage Laborie – et sans doute plus précisément son auteur – « porte en [lui]-même une idée du musée » (Martinet 1982 : 65). Chez Michel C., à Blanzy (Saône-et-Loire), c’est la passion de la céramique qui a suscité la collection : les formes, les couleurs des émaux, le travail de l’argile ont poussé Michel à rechercher et acquérir des dizaines de poteries qu’il expose désormais dans l’atelier aménagé derrière sa maison. L’influence des musées est lisible dans son mode de mise en valeur, mais il n’a pas poussé le perfectionnisme jusqu’à séparer strictement les pièces anciennes des plus contemporaines. L’ensemble reflète un certain éclectisme ; des poteries utilitaires du début du XXe siècle côtoient ses propres créations, sculptures d’argile crue, relevant pour lui de la même matérialité, ou peintures à l’huile, voire lampes anciennes. L’amateur met en pratique sa propre représentation du monde basée sur l’esthétique et l’attachement au local – « Moi, j’aime tout ce qui est de la région », nous dit-il –, en laissant de côté la vision scientifique et historique de la production industrielle locale (Figs. 4 et 5).
15 L’opération de tri est à l’interface du travail du musée – qu’il s’agisse du musée d’art, d’ethnographie, d’histoire ou de société – et de la démarche du particulier, amateur ou passionné. La sélection effectuée par le musée se base sur des critères scientifiques et des choix thématiques. D’où la difficulté parfois rencontrée par des musées de société devant une donation d’objets hétéroclites et affectivement chargés, dont la valeur que leur accorde leur propriétaire suffit à les convaincre qu’ils peuvent intéresser le musée. Chantal Martinet posait la question dans un beau texte qu’on relit toujours avec plaisir et profit, au sujet d’un don fait au Musée Dauphinois : « Objets propres à inspirer tout archiviste des vies humaines, propres à attendrir les jeunes générations curieuses d’insolite et encore davantage les moins jeunes, nostalgiques d’un passé en voie de révolution ? Certes. Mais en quoi cet ensemble d’objets a priori hétéroclite peutil ou doit-il intéresser le muséologue ? » (Martinet 1982 : 61). Que faire de ces objets dénués de valeur économique et/ou esthétique, voire de tout intérêt scientifique, et que les donateurs, dès lors qu’ils en font cadeau au musée, n’envisagent pas de voir ailleurs que dans les vitrines d’une exposition ? Mais la distinction entre objets scientifiquement intéressants et objets à valeur exclusivement sentimentale est-elle toujours nettement tranchée ? Est-elle d’ailleurs pertinente ?
S’attacher aux choses
16 Dans son excellente biographie de Georges-Henri Rivière, fondateur du Musée National des Arts et Traditions Populaires et inventeur des écomusées, Nina Gorgus inventorie les objets hétéroclites trouvés au domicile du muséologue après son décès en 1985 : « il laissa une modeste collection de bibelots qui avaient pour lui une valeur sentimentale : une boule de verre remplie de neige artificielle que l’on secoue, un bougeoir en céramique du début du siècle, un broc miniature, un cendrier en forme de chat roulé en boule, et un petit crocodile en plastique vert made in Hong-Kong. La boule de neige lui rappelait les chemins de randonnée de Chamonix, le bougeoir ressemblait à celui de ses grands-parents à la ferme, le petit broc était un cadeau de la fondation Gulbenkian au Portugal, le cendrier provenait d’un supermarché de Tokyo – Rivière y voyait un exemple remarquable d’art populaire de fabrication industrielle. Quant au crocodile, Rivière l’avait acheté à Koweït City : il était fasciné par la perfection de sa forme5. Ce petit musée sentimental laisse entendre que Rivière ne correspondait guère à l’image du conservateur de musée encroûté, ni à celle d’un ethnologue ayant collecté au cours de sa carrière plus de cent mille objets pour les musées français et étrangers » (Gorgus 2003 : 1).
Fig. 4
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17 Le fait que cet homme emblématique ait conservé chez lui ces quelques bibelots d’une valeur supposée exclusivement « sentimentale » atteste pour l’auteur qu’il était une figure atypique parmi les « conservateurs de musée encroûtés » et les ethnologues collecteurs accumulateurs d’objets. Il était en somme, selon Nina Gorgus, un véritable amoureux des objets, y compris des plus modestes, contrairement à la plupart de ses collègues obnubilés par les objets savants, richement documentés et si possible exotiques.
18 Mais la double opposition entre objets personnels et objets de musée d’une part, objets dérisoires et objets ethnographiques de l’autre, n’est finalement pas si tranchée. Un souvenir de vacances – la boule de verre remplie de neige – peut être aussi bien considéré comme un archétype d’une forme de commerce et d’industrie touristique de masse ; le bougeoir, s’il est représentatif du mobilier des grands-parents de Georges-Henri Rivière, l’est aussi de l’équipement quotidien du monde rural dont il se fit le chantre sur le plan professionnel ; le cendrier en forme de chat n’a de valeur sentimentale qu’au sens où Rivière effectua ses recherches et ses travaux en muséologie et ethnologie comme une passion plutôt que comme une profession. Pour assigner ces objets à une catégorie relevant de l’affectif et de la nostalgie plutôt que de la documentation, il faudrait avoir l’éclairage de Rivière lui-même sur ses critères de sélection. Ces derniers me semblent aussi scientifiques que sentimentaux car les bibelots en cause sont à la fois l’expression d’un attachement à des lieux et des personnes – Chamonix, les grands-parents…– et l’illustration de ce qu’est l’art populaire, l’esthétique du quotidien ou encore l’objet souvenir touristique. Nina Gorgus a raison de préciser que « chez Rivière, le muséologue est inséparable de l’homme, tant sont étroitement liées sa vie professionnelle et sa vie privée » (12). Mais, outre que ce constat est le lot de la plupart des biographes, refusant de démêler vie personnelle, voire intime, et vie publique, il me semble qu’on peut l’appliquer à tout un chacun et qu’on retrouve cet enchevêtrement dans l’environnement matériel des individus. La valeur sentimentale des objets ne saurait être exclusive de toute autre, pas plus que l’intérêt scientifique porté à certains objets n’empêche l’existence d’un attachement affectif à leur égard. C’est pourquoi la typologie élaborée par Jean Davallon (2002) – et reprise par Denis Chevallier (2008 : 635) – m’apparaît extrêmement discutable, qui distingue les « objets documents » des « objets à histoires », ces derniers relevant d’ensembles d’objets conservés par les interlocuteurs du musée et restant pour eux « porteurs de signification ». Un objet-document a toujours une histoire singulière et un objet porteur de signification, un « objet à histoire », pourra toujours servir de document dans un certain contexte, par l’effet d’un certain discours.
19 Ici, le recours à la théorie de la biographie des objets peut être utile. Cette perspective originale a été défendue dans un célèbre ouvrage dirigé par Arjun Appadurai (1986) et approfondie plus spécialement dans un des articles de l’ouvrage écrit par Igor Kopytoff, « The cultural biography of things ». L’objectif de ces auteurs était d’ouvrir un nouveau champ pour l’étude de la circulation des marchandises – commodities, les biens marchands – dans la société. Appadurai défendait une anthropologie économique qui prenne en compte les choses comme acteurs à part entière de l’échange. S’appuyant sur deux postulats interdépendants – les échanges économiques génèrent de la valeur ; la valeur est incorporée dans les biens qui sont échangés6 – il affirmait que les marchandises, comme les personnes, ont des vies sociales – d’où le titre de l’ouvrage, parfois controversé : comment des choses pourraient-elles avoir une vie ? Quant à Igor Kopytoff, s’il s’intéressait lui aussi à la marchandisation – commoditization – comme processus, son propos se voulait interculturel. Son concept de « vie bien vécue » (well-lived-life) permet de comparer le statut des choses et les relations entre sujets et objets dans différentes sociétés et différentes cultures. « En faisant la biographie d’une chose, on peut poser des questions similaires à celles qu’on pose au sujet des gens : quelles sont, sociologiquement, les possibilités biographiques inhérentes à tels statuts et dans telle période et telle culture, et comment ces possibilités se réalisentelles ? D’où vient la chose et qui l’a fabriquée ? Qu’a été sa trajectoire jusqu’ici, et qu’est-ce que les gens considèrent comme une carrière idéale pour une telle chose ? Quels sont les “âges” ou périodes reconnus dans la “vie” de la chose, et quels sont les repères culturels pour ces périodes ? Comment change l’utilisation de la chose avec son âge, et que lui arrive-t-il lorsqu’elle atteint le terme de sa pleine utilité ? » (Kopytoff 1986 : 66-67). Toutes ces questions concernent les chercheurs et les musées qui s’intéressent aux objets, qu’ils travaillent en Bourgogne ou au Togo, en Asie ou en Amérique du Nord. Pour Kopytoff, « Les biographies de choses peuvent rendre apparent [salient] ce qui resterait obscur autrement » (67). C’est bien là l’apport fondamental de cette méthode : mettre au jour ce qui resterait caché par nos a priori catégoriels si l’on se limitait aux points de vue habituels, c’est-à-dire si l’on se contentait d’étudier de façon compartimentée la production, puis la commercialisation, puis l’utilisation, puis la désuétude, puis la valorisation patrimoniale, etc. Dans cette optique, distinguer des « objets-documents » des « objets à histoires » apparaît totalement artificiel et intellectuellement peu fécond. Pour chacun de ses objets, monsieur Laborie, comme la plupart de nos interlocuteurs amateurs d’objets anciens ou collectionneurs, pourrait à la fois raconter une histoire singulière et faire un lien documentaire avec des faits historiques et sociaux.
20 Le personnage Laborie, plutôt que de placer un conservateur devant un épineux problème en donnant ses objets personnels à un musée, a décidé de faire son propre musée autour de sa propre existence et des objets qui l’ont jalonnée. Dans cette situation imaginaire, il serait vain de se demander si Monsieur Laborie a sélectionné les objets de son musée en fonction de critères personnels – affectifs, goûts esthétiques…– ou s’il a tenu compte de données plus collectives – objets « typiques » de sa région, objets cotés sur le marché de la brocante ou de la collection. Ces deux registres sont indiscernables et les goûts personnels d’un individu ne sont pas isolables de son itinéraire social. Maurice Halbwachs l’a bien montré, en étudiant les liaisons entre mémoire collective et environnement matériel : « Pourquoi s’attache-t-on aux objets ? Pourquoi désire-t-on qu’ils ne changent point, et continuent à nous tenir compagnie ? Écartons toute considération de commodité ou d’esthétique. Il reste que notre entourage matériel porte à la fois notre marque et celle des autres. […] On ne peut dire que les choses fassent partie de la société. Cependant meubles, ornements, tableaux, ustensiles et bibelots circulent à l’intérieur du groupe, y sont l’objet d’appréciations, de comparaisons, ouvrent à chaque instant des aperçus sur les directions nouvelles de la mode et du goût, et aussi nous rappellent les coutumes et distinctions sociales anciennes » (Halbwachs 1997 : 193-194).
21 En reconnaissant à Maurice Halbwachs « l’audacieuse décision de pensée consistant à attribuer la mémoire directement à une entité collective qu’il nomme groupe ou société », Paul Ricoeur a tenté d’approfondir cette intuition et d’en affiner les contours, en proposant une vision à la fois respectueuse et critique de La mémoire collective (2000 : 147). De cet ouvrage majeur, il retient surtout la recherche par Halbwachs de la « marque du social » dans l’acte personnel du rappel : cet acte ne s’effectue pas en dehors des relations aux autres, mais il est « à chaque fois nôtre » (151), donc éminemment individuel, voire intime. Pour Ricœur, le texte d’Halbwachs « dit fondamentalement ceci : pour se souvenir, on a besoin des autres » (147). C’est peut-être ce qu’illustre de façon extrême la parabole de monsieur Laborie ; pour se souvenir, pour effectuer personnellement « l’acte du rappel », il a tellement besoin des autres qu’il les invite chez lui afin qu’ils soutiennent par leurs regards et leurs paroles la construction de sa mémoire propre. Car « c’est à partir d’une analyse subtile de l’expérience individuelle d’appartenir à un groupe et sur la base de l’enseignement reçu des autres, que la mémoire individuelle prend possession d’elle-même » (Ibid.). La construction de sa propre mémoire passe obligatoirement par l’échange avec les autres membres de sa société.
22 On peut imaginer, c’est en tout cas ce que veut suggérer François Ayroles, que monsieur Laborie a conservé et choisi d’exposer ce qui lui paraissait le plus représentatif des différents moments de son existence. Les objets qu’il expose nous parlent de lui, de son existence singulière d’individu singulier. S’ils nous parlent aussi de la société dans laquelle l’individu a vécu, c’est qu’il a décidé de les exposer dans un certain ordre, pour en faire non plus des objets de décor ou des souvenirs mais des jalons d’une existence qu’il pourrait dire typique s’il avait une prétention scientifique.
Pertinence du musée Laborie
23 La création d’un musée de société suppose une thématique pertinente, soit par rapport au lieu où il est installé, soit sur un sujet beaucoup plus large tendant à une certaine universalité. Le musée Laborie n’entre pas dans ce moule, ce qui explique peut-être qu’il « ne figure dans aucun guide ». A priori, le contenu du musée n’a qu’un intérêt individuel ; ses objets n’ont de valeur que pour monsieur Laborie, éventuellement pour madame. L’absurdité voulue par l’auteur de la bande dessinée naîtrait donc du décalage entre la logique muséographique et l’absence d’« intérêt » du contenu de l’exposition. Ce musée est comiquement consacré à la vie d’un inconnu, d’un « monsieur tout le monde » n’ayant apparemment rien accompli de remarquable, si ce n’est d’avoir vécu banalement une existence banale. Mais précisément, cette banalité est un atout permettant d’élargir le cercle de la pertinence, c’est-à-dire d’augmenter le nombre d’individus pour lesquels ces objets ont un intérêt, pour qui ils signifient quelque chose : car certains objets et photographies auront aussi de l’intérêt pour ceux qui ont côtoyé Laborie à un moment donné : camarades d’écoles, joueurs de football, conscrits, qui se reconnaîtront sur les photographies ou se souviendront de l’année où l’équipe a gagné tel trophée. Là encore, Paul Ricœur avait formulé des idées importantes : dans le contexte du rappel et de la reconnaissance dont dépend la mémoire, « le témoignage n’est pas considéré en tant que proféré par quelqu’un en vue d’être recueilli par un autre, mais en tant que reçu par moi d’un autre à titre d’information sur le passé. A cet égard, les premiers souvenirs rencontrés sur ce chemin sont les souvenirs partagés, les souvenirs communs » (Ricœur 2000 : 147). Ces souvenirs communs – et, pour Ricœur, « les souvenirs d’adulte ne diffèrent pas des souvenirs d’enfance [en ce qu’] ils nous font voyager de groupe en groupe, de cadre en cadre, tant spatiaux que temporels » (149) – que monsieur Laborie met en scène relèvent de communautés d’échelles variables. Plus largement que les camarades du même village, l’exposition aura un intérêt pour ceux qui ont vécu dans la même région à la même époque, ou qui ont vécu dans une autre région à peu près les mêmes événements, et qui retrouveront dans cette évocation un peu de leur propre histoire. C’est l’une des qualités reconnues aux musées de société par leurs visiteurs, celle d’entrer en résonance avec leurs propres existences, ce que Georges-Henri Rivière a popularisé par la métaphore du miroir : « Un miroir où cette population se regarde, pour s’y reconnaître, où elle recherche l’explication du territoire auquel elle est attachée, jointe à celle des populations qui l’ont précédée, dans la discontinuité ou la continuité des générations. Un miroir que cette population tend à ses hôtes, pour s’en faire mieux comprendre, dans le respect de son travail, de ses comportements, de son intimité » (Rivière 1985 : 182). C’est bien ce miroir dans lequel se mire monsieur Laborie et qu’il tend à ses visiteurs, mais un miroir individuel et non plus collectif. Car c’est aussi sa singularité qu’il met en scène tout en renvoyant au collectif. Norbert Elias a montré que la vie en société est une condition sine qua non de l’avènement du moi singulier : « C’est uniquement parce que les hommes vivent dans la société des autres qu’ils peuvent se sentir des individus différents des autres. Et cette perception de soi-même comme d’un être différent est indissociable de la conscience d’être également perçu par les autres non pas seulement comme un être semblable à eux mais en même temps comme un individu à bien des égards différent de tous les autres » (Elias 1991 : 254-255). Singulier parmi les autres, Laborie parle à ses contemporains sociaux à la fois d’eux et de lui.
24 Élargissons encore la focale : ce musée idiosyncrasique n’intéresserait-il pas également tous ceux qui ont vécu quelque chose de tout à fait différent – dans un autre pays ou à une autre époque – et qui recherchent dans une telle visite l’inattendu, voire l’exotique ? Comme les Occidentaux attendent du musée d’ethnographie des informations sur le mode de vie des indigènes, des touristes étrangers trouveraient chez monsieur Laborie des informations sur les modes de vie de la province française dans les années 1960-1970.
25 Car si nous avons bien affaire à un monsieur tout le monde, est ce que tout le monde n’est pas, quelque part, présent dans ce monsieur ?
Histoire de vie, histoire sociale ?
26 Un individu qui, comme monsieur Laborie, relirait sa propre vie à travers la grille proposée par les musées qui prétendent faire connaître une activité humaine, ou un territoire, ou une population par la médiation des objets, risquerait de céder à « l’illusion biographique » dénoncée entre autres par Pierre Bourdieu. Pour ce dernier, « l’histoire de vie est une de ces notions du sens commun qui sont entrées en contrebande dans l’univers savant » (Bourdieu 1996 : 81). En sélectionnant les objets de son musée, un tel muséologue narcissique devrait aussi choisir « en fonction d’une intention globale, certains événements significatifs en établissant entre eux des connexions propres à les justifier d’avoir existé et à leur donner cohérence […] » (82). Il se ferait ainsi « idéologue de sa propre vie » en mettant en scène un récit adoptant un schéma linéaire7. Sa vie aurait été « un chemin, une route, une carrière, avec ses carrefours [ou] un cheminement, c’est-à-dire un trajet, une course, un cursus, un passage, un voyage, un parcours orienté, un déplacement linéaire, unidirectionnel […], comportant un commencement (« un début dans la vie »), des étapes et une fin, au double sens, de terme et de but, une fin de l’histoire » (81). En reconstituant sa vie sur le modèle du récit autobiographique, « selon un ordre chronologique qui est aussi un ordre logique » (Ibid.), le personnage Laborie aurait évacué toutes les subtilités du social, celles qui font que « la vie » n’est pas linéaire et que nous ne sommes pas le même agent, le même acteur social, selon le champ que nous traversons. Il aurait élaboré une fiction – en l’occurrence, c’est une fiction sociologique dans la fiction narrative ! – à partir de ce qu’il a sélectionné de son existence, tout comme les muséographes des musées de société et des écomusées composent – ou composaient – des fictions positivistes, unités écologiques ou dioramas, prétendant restituer la réalité d’une population, d’un territoire, d’un métier.
27 Les « histoires de vie » furent pourtant un matériau déterminant pour la sociologie urbaine8, mais aussi plus récemment pour l’ethnologie de musée où elles ont parfois conservé tout leur crédit9. Les historiens semblent avoir toujours mieux admis que les sociologues et les anthropologues la valeur scientifique des autobiographies, comme les Mémoires d’un compagnon d’Agricol Perdiguier (1992) ou La vie d’un simple, d’Émile Guillaumin (1943)10. La question qui se pose est celle de la représentativité, cruciale pour les sciences humaines, qui met en exergue la problématique de l’échelle d’observation pertinente. Ce problème a donné lieu à de multiples développements théoricoempiriques dont les plus connus sont sans doute les travaux de Carlo Ginzburg (1980) pour l’étude de cas micro-historique et ceux de Norbert Elias (1991) sur le plan épistémologique. Pour Elias, la valeur supérieure accordée à l’individualité d’un moi autonome est le fruit d’une évolution historique et sociale et n’a rien de purement naturel pour l’homme. « De même que d’autres aspects du contrôle de soi ou de la “conscience”, cette différenciation individuelle n’apparaît de façon aussi marquée et aussi répandue au sein d’une société que très progressivement dans le cours de l’histoire, en corrélation avec des modifications structurelles de la vie sociale tout à fait spécifiques » (Elias 1991 : 192). Cet « idéal du moi […], on ne peut plus personnel, et en même temps spécifiquement social » (193) est celui que met en scène Laborie dans son musée, imprégné qu’il est des représentations occidentales que lui attribue son créateur François Ayroles.
28 Sur cette même thématique, en France, on peut citer entre autres les travaux d’Alain Corbin, en particulier l’enquête menée « sur les traces d’un inconnu », Louis-François Pinagot (Corbin 2002). La sociologie actuelle, dès lors qu’elle se revendique qualitative, écarte le soupçon de « non-représentativité ». Ainsi, dans leur préface au livre de Nicolas Renahy (2005), Stéphane Beaud et Michel Pialoux se sentent-ils obligés d’écarter à l’avance cette critique : « Bien sûr, ce type d’enquête se verra toujours reprocher sa faible “représentativité” par les tenants d’une sociologie purement quantitative. Or nous considérons que c’est parce que l’auteur entre à fond dans la singularité de la trajectoire de ses copains, qu’il fouille scrupuleusement cette singularité, qu’il peut arriver à des conclusions très générales, parfaitement valides sur le plan scientifique » (Renahy 2005 : 11, note). Nourri de biographies individuelles, le travail de Renahy permet de saisir les spécificités d’un groupe social à travers le traitement de quelques cas, choisis non pas arbitrairement, mais à partir d’une connaissance approfondie du terrain. Pour chacun de ces cas, est souligné ce qui relève de la conjoncture particulière – structure familiale, accidents de la vie, etc. – et ce qui peut être heuristique sur le milieu social et les caractéristiques propres au village étudié.
29 Ce travail de généralisation à partir de cas singuliers nous renvoie à la tentative de Marcel Mauss d’identifier un homme moyen ou total. Cet objectif « ne peut être atteint que si l’on suppose qu’un Français puisse à lui seul signifier la France, un Balinais la société de Bali, etc., bref, qu’une correspondance immédiate s’établisse entre l’individuel et le collectif, le circonstanciel et le permanent. [...] Comment, en effet, établir une connexion univoque entre le singulier (telle Anglaise sur tel trottoir de Londres à telle date) et le général (la société britannique) sans aplanir tous les clivages internes (en classes, générations, statuts, etc.) propres à la société anglaise, sans ramener tous les espaces sociaux différenciés à un seul, à une totalité homogène ? » (Bensa 1996 : 59). Holisme et individualisme « coexistent de fait en permanence comme deux types d’arguments nécessaires, mais chacun impropre à lui seul à caractériser une formation sociale type » (60). Ceci ne signifie pas que les sciences sociales n’ont rien à apprendre de l’étude de situations ou de biographies singulières, mais que celles-ci doivent pour être pertinentes reliées à un contexte historicisé et ne pas prétendre signifier autre chose que ce qu’elles sont, avec leurs incertitudes et leur idiosyncrasie.
Musées monoparentaux
30 En aucun cas, selon ses dires, François Ayroles n’a souhaité faire de l’histoire de monsieur Laborie une parabole édifiante ni une fable dotée d’une morale. Lorsque je l’ai contacté pour obtenir l’autorisation d’utiliser cette planche, il a répondu ainsi à ma question sur son inspiration : « j’aurais un peu de peine à me souvenir de la façon dont m’est venue l’idée. Je viens de retrouver la note d’origine (dans le carnet préparatoire correspondant à ce livre) : “Un vieil homme ordinaire a créé son propre musée chez lui, dont il est l’objet. Visite” […] La muséification est quelque chose qui me fascine assez (dans la distance et la sacralisation qu’elle installe) ». L’auteur m’a également affirmé qu’il n’avait pas visité de musée qui aurait pu lui inspirer cette idée ; il n’avait donc aucune prétention théorique en dessinant cette planche. François Ayroles a voulu toucher ses lecteurs par le caractère attachant de cet homme simple qui nous ouvre avec modestie son intimité ; il a voulu faire rire ou sourire de l’absurdité de ce musée singulier qui ne correspond pas aux canons habituels du musée. Mais en aucun cas le comique ne vient de l’invraisemblance de la situation, dont nous avons d’emblée souligné le réalisme. C’est pourquoi, sans le vouloir explicitement, l’auteur soulève une problématique déjà ancienne, celle des limites à fixer à la multiplication des musées : « Certaines innovations n’ont-elles pas donné naissance à des activités ayant peu, voire rien à faire avec la muséologie, ainsi qu’à des institutions n’ayant plus grand-chose à voir avec les musées ? Est-ce un bien ou un mal ? À partir de quand “trop, c’est trop” ? » (Gillette 1992 : 67). Cette question rejoint, en France du moins, celle de l’expansion du patrimoine et de sa prégnance sur les musées de société. La multiplication des micro-musées et l’ambition des sciences sociales de considérer l’acteur à sa juste échelle n’aboutiront-elles pas à la création de « musées de l’individu », à la fois narcissiques – musées de la mise en scène de soi – et sociologiquement pertinents – puisqu’il n’y a pas d’individu vivant en dehors du monde social11 ?
31 Peut-être ce type de musées existe-t-il déjà, avec leurs vieux guides qui finissent par s’approprier leur lieu de travail ou d’engagement bénévole, et dont on sent combien ils sont attachés à ce qu’ils nous présentent, au-delà de la valeur esthétique ou historique des choses. Ce sont les personnages dont nous parle Kenneth Hudson dans sa réflexion sur les « musées monoparentaux », œuvres d’individus isolés souvent collectionneurs ; ainsi Anthony Irving, passionné d’objets se rapportant au tabac. Il créa Smokiana, rassemblant 38 000 pièces, qui devint House of Pipes, installée à Branber (Grande-Bretagne). Hudson insiste sur l’indispensable investissement personnel du collectionneur : « Quand le musée était ouvert, c’est-à-dire sept jours sur sept, de 9 à 19 heures, Anthony Irving était là, bavardant avec les visiteurs, donnant des explications sur les pièces exposées, révélant où et comment telle ou telle avait été acquise, parlant avec enthousiasme des plaisirs du tabac. […] Le musée, c’était l’homme ; sans lui, il n’avait aucun sens » (Hudson 1992 : 120). En France, on pourrait citer de nombreux lieux correspondant à ce modèle, portant ou non explicitement le nom de « musées » (voir notamment Chaumier 2003). Le problème central posé par Hudson à leur sujet tient à leur non-respect des règles muséologiques habituelles. En restant de taille modeste, ces musées échappent aux règles des « grands ». « Autrement dit, les règles établies par un quart des musées sont transgressées par les trois autres quarts, auxquels ces normes ne conviennent pas » (121). Mais Kenneth Hudson ne se contente pas de poser la question de la légitimité muséologique de ces petits musées : il en donne sa propre vision, dont il assume la subjectivité, et interroge une autre dimension du musée, le charme, selon lui aussi important que le respect des normes. L’évocation suivante nous renvoie assez directement à Monsieur Laborie : « Je me souviens d’avoir visité un jour, en Australie méridionale, un musée d’histoire locale qui avait été installé dans un vieux moulin à eau. Les objets présentés étaient très variés et disposés de façon désordonnée. Le fouillis général aurait mis au supplice et plongé dans le désespoir le technicien sérieux, dûment formé, au service d’un grand musée. Les notices semblaient sortir de la liste de commission d’une ménagère. L’endroit était dirigé par un homme enjoué qui, manifestement, aimait ce qu’il faisait. Il y avait beaucoup de visiteurs, venus en famille pour la plupart et souvent de loin. “Ma façon de faire leur plaît, dit-il, l’entassement et le désordre leur rappel-lent leur maison” » (121). En guise de contrepoint, Hudson évoque un musée municipal allemand, méthodiquement conforme aux règles muséologiques en vigueur… mais désespérément vide ! Il en déduit l’existence de deux catégories de musées, « ceux où le jeu est joué selon les règles et ceux où le charme compte pour beaucoup et les règles pour presque rien ». Selon lui, les deux catégories sont presque exclusives l’une de l’autre, car « le charme et la taille font rarement bon ménage. […] C’est pourquoi les musées “monoparentaux”, ceux qui ne sont pas contrôlés par une autorité locale ou par l’État, ceux qui sont gérés par des enthousiastes, ceux qui sont libres de suivre leur instinct et de faire des expériences, sont si importants » (Ibid.). On pourrait discuter la dichotomie établie par Hudson, qui va jusqu’à affirmer que charme et efficacité sont d’« irréconciliables ennemis », mais force est de constater que des musées habités par un réel enthousiasme individuel émane une toute autre chaleur que des grands musées rigoureusement organisés et gérés. Sans aucun doute, Kenneth Hudson aurait aimé rencontrer monsieur Laborie s’il avait existé… et beaucoup apprécié son musée autobiographique.
Patrimoines singuliers
32 Assez récemment, une expérience menée en France dans le département du Jura a tenté d’éclairer les rapports entre patrimoines collectif et individuel. Il s’agissait d’une exposition organisée par le Musée d’archéologie du Jura de Lons-le-Saunier basée sur une collecte d’objets menée auprès des lecteurs du quotidien régional Les Dépêches. Ceux-ci devaient répondre à la question « Qu’est-ce qui, pour vous, évoque le patrimoine et la mémoire ? » et accepter de prêter au musée les objets répondant à cette question pour le temps de l’exposition intitulée « Patrimoines singuliers ». Le projet était accompagné d’une enquête ethnologique12 visant à « décrire et interroger des pratiques et des discours qui désignent certains objets comme du patrimoine [afin de] réhabiliter la petite histoire face à la grande et les “oubliés” face aux “grands”, un espace politique passé, des objets perdus dont personne ne veut plus s’occuper » (Barbe et Sevin 2003). Évidemment, les auteurs le reconnaissent bien volontiers, la méthode de l’enquête biaisait quelque peu le résultat final : la formulation de la question intégrant d’emblée la notion de « patrimoine », le passage par la presse locale, le mode de médiation choisi, le discours muséographique adopté et le lieu d’exposition renvoyaient les participants à certains codes qui les incitèrent à se conformer à une certaine vision du musée et du patrimoine au moment de choisir les objets. Le résultat final, de ce fait, péchait quelque peu par manque de réflexivité et par une certaine dispersion quant aux échelles patrimoniales adoptées. Mais tout cela n’était pas sans intérêt, y compris pour la science sociale, car se croisaient dans les vitrines des bribes de mémoires personnelles, individuelles, intimes et familiales, avec des pans de mémoire collective et sociale. C’est bien à ce croisement, au quotidien, que se développent et s’entretiennent la mémoire et les patrimoines des individus. Une telle exposition, comme un musée monoparental et comme le musée fictif de monsieur Laborie permettent de rétablir l’homme au sein d’un espace muséal où l’on demeure encore largement obnubilé par l’objet : « Peut-être est-ce un paradoxe pour une personne de musée dont le métier est de traiter avec les objets de vouloir ainsi réintégrer l’homme, c’est-à-dire le sujet, mais il n’est pas d’objet dans sujet. Peut-être y a-t-il là un piège ? Ce serait finalement de vouloir comprendre non l’objet mais le sujet. Certes, mais le mot anthropologie a un sens » (Martinet 1982 : 71).
33 Pour que les musées de société et les musées d’anthropologie ne perdent pas de vue leur tâche fondamentale, qui est de faire mieux comprendre la vie des hommes en société, il convient d’éviter que les objets, par la fascination qu’ils peuvent exercer sur les conservateurs et les esthètes, escamotent la complexité sociale et historique de leurs parcours. Faudra-t-il pour cela passer par des musées de l’individu ? Ils illustreraient la belle métaphore de Norbert Elias, imaginant « l’escalier en colimaçon de la conscience » sur lequel évolue l’homme regardant son propre passé. Il gravit les différents paliers, changeant de point de vue « en pouvant regarder en dessous de lui et se voir sur les autres marches de l’escalier » (Elias 1991 : 149). Il peut ainsi évaluer son parcours et jauger sa réussite ou son échec social. En tout état de cause, il me semble que tout anthropologue peut avoir envie de visiter un « musée Laborie », certain d’y apprendre quelque chose sur cet homme et sur la société dans laquelle il vit. Il y apprendrait, au prix d’une enquête fouillée faite d’observations de détails et d’entretiens avec le propriétaire et les visiteurs, ce que peuvent être les rapports des individus avec les objets matériels qui jalonnent leur existence. Il y apprendrait, entre autres choses, comment les gens ordinaires s’arrangent de l’inévitable tri qu’ils doivent opérer parmi les objets matériels qui peuplent leur univers quotidien. Car face au déferlement des biens de consommation, indispensables ou superflus, que subissent – ou dont profitent – les habitants des pays industrialisés, ces derniers se retrouvent contraints de choisir entre les objets qu’ils souhaitent conserver pour parfois les transmettre et ceux dont il faut bien, bon gré mal gré, se débarrasser. Et ce choix révèle aussi bien l’attachement individuel et affectif à certaines choses qu’un esthète ou un muséographe sensé répudieraient, que l’engouement intellectualisé directement lié au bagage culturel et à la représentation que les individus se font du musée. Ces deux types de liens avec les choses sont inextricables, car constitués de logiques étroitement enchevêtrées. C’est le « spectre de la discordance entre mémoire individuelle et mémoire collective » que Ricœur (2000 : 157) a voulu affronter. Il a pour cela recherché un « plan intermédiaire de référence où s’opèrent concrètement les échanges entre la mémoire vive des personnes individuelles et la mémoire publique des communautés auxquelles nous appartenons » (161), et suggéré que ce plan est celui de la relation aux proches. À partir de là se construit le patrimoine, ou plus précisément se construisent les patrimoines, faits aussi bien de parcours singuliers d’individus que d’histoires collectives, aussi bien d’histoires d’objets que de mises en récits sociales de l’univers matériel, aussi bien d’intimité domestique que d’espace public. Il s’agit bien là d’un processus dynamique, toujours en devenir, dont nous chercherions en vain à démêler les ressorts strictement individuels des ressorts sociaux, mais que les musées peuvent encore et toujours nous permettre de mieux cerner.
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Notes