Articles
Des gages d’amour pour la traite des fourrures :
Transferts de sens et réappropriations des bagues « jésuites » à motif L-Cœur et des bagues à motif foi en Amérique du Nord-est aux XVIIe et XVIIIe siècles

Caroline Mercier
l’Université Laval

Abstract

This study is about the “L-Heart” Jesuit rings and faith rings discovered at contact sites in North America in the 17th and 18th centuries. These pieces of jewellery are of particular interest since they had a sentimental connotation in France and Great Britain during this period. The author attempts to establish what reappropriations and shifts in meaning led to the rings being involved in relations between Europeans and Amerindians. After describing the two types of rings and presenting the interpretations made to date by archaeologists, the author retraces their use in Europe as symbols of matrimonial union, objects of love and tokens of friendship. She then shows that they were also used for evangelization purposes and negotiations of alliances with Amerindians once the rings arrived on North American soil. They could even be interpreted as objects of protection and prestige, somewhat like Native finery.

Résumé

Cette étude porte sur les bagues « jésuites » à motif L-Cœur et les bagues à motif foi mises au jour sur des sites de contacts du Nord-est américain des XVIIe et XVIIIe siècles. L’intérêt de ces bagues est qu’il s’agit de bijoux à connotation sentimentale en France et en Grande-Bretagne à la même époque. L’auteure tente de cerner les transferts de sens et les réappropriations qui les ont conduites à participer aux échanges entre les Européens et les Amérindiens. Après avoir décrit ces deux bagues et présenté les interprétations qui en ont été faites à ce jour par les archéologues, l’auteure retrace leurs usages en Europe comme symboles de l’union matrimoniale, objets d’amour et gages d’amitié. Elle démontre ensuite qu’elles se prêtaient aussi à l’évangélisation et à la négociation des alliances avec les Amérindiens une fois passées du côté américain. Elles pouvaient même être interprétées comme des objets de protection et de prestige, à la manière des parures autochtones.

1 Dans l’histoire de la bijouterie et de la joaillerie occidentale, les bagues sont sans doute les objets de parure les plus chargés de significations. En plus d’être un des rares bijoux portés aussi bien par les hommes que par les femmes, elles se sont vu attribuer une multitude de fonctions : officialiser une charge ecclésiastique ou civile, signer des documents, se protéger du mauvais sort, montrer sa dévotion ou ses allégeances politiques, témoigner de son engagement envers l’être aimé ou, tout simplement, se parer. Chaque époque et chaque société possède des bagues caractéristiques, de par leurs formes, leurs matériaux et leurs usages1. Leur étude permet donc d’accéder à des informations concernant l’univers mental des groupes qui les ont produites (idéologies, valeurs, critères esthétiques et croyances) et le statut des individus qui les ont portées (statut social, genre et identité)2.

2 Dans l’Amérique septentrionale des XVIIe et XVIIIe siècles, certaines bagues ont même servi à évangéliser, à négocier des alliances et à commercer avec les Amérindiens. C’est notamment le cas des bagues que la communauté archéologique désigne sous le qualificatif « jésuites ». Confectionnées dans un alliage cuivreux, celles-ci possèdent une plaque de forme ronde, ovale, octogonale ou en cœur, qui peut être ornée de lettres, de symboles religieux et profanes (croix, cœur, motif floral, etc.), de scènes pieuses, d’effigies de saints ou de bustes de personnages laïcs. Ces bagues sont habituellement mises au jour sur des sites de contacts, tels que des missions chrétiennes, des sites militaires frontaliers, des postes de traite, ainsi que des campements et des sépultures autochtones.

3 Une incursion dans l’univers de la bijouterie européenne nous a récemment amené à constater que les bagues « jésuites » à motif L-Cœur et les bagues à motif foi, souvent mises au jour sur des sites nord-américains, étaient en Europe des bijoux à caractère sentimental : elles servaient de gages d’amour et d’amitié, voire même d’anneaux de fiançailles et de mariage. Que viennent donc faire des objets destinés au rituel amoureux sur des sites de contacts du début de la colonie ? Quels rôles ont-ils bien pu jouer dans les relations euroamérindiennes et quel sens avaient-ils aux yeux des Autochtones ?

4 Les travaux réalisés depuis les années 1990 en archéologie, en anthropologie et en histoire au sujet des transferts culturels et des métissages démontrent bien que l’objet interculturel est polysémique. Lors de son passage d’un univers culturel à un autre, il est sujet à des réinterprétations et à des réappropriations. Ces phénomènes, parfois complexes, peuvent être influencés par de nombreux facteurs. Pour l’anthropologue Alexander Von Gernet, qui s’intéresse aux conditions ayant favorisé le transfert des biens, des comportements et des idées entre les univers culturels français et amérindien au XVIIe siècle, l’appropriation d’un élément culturel étranger est influencée à la fois par la nature de cet élément, le contexte de l’échange et les croyances de la société d’accueil3.

5 L’ethnologue et historien Laurier Turgeon considère, quant à lui, que les transferts culturels répondent aux besoins de la culture de réception, à la conjoncture du moment et à la tradition des emprunts antérieurs. Il accorde également une importance fondamentale aux rapports de force entre les protagonistes qui participent à l’échange, leur objectif étant de s’approprier les nouveaux objets de façon à s’affirmer par rapport à l’Autre. C’est donc l’acte d’appropriation plutôt que l’objet lui-même qui détermine son nouveau statut. Le fait d’en transformer le sens, l’usage ou la forme devient alors une manière de marquer son appropriation. Mais ces échanges interculturels ne sont pas sans conséquences : la prise de possession d’objets nouveaux conduit à la redéfinition des individus et des groupes dans la société réceptrice4.

6 Le concept de middle ground, proposé par Richard White, exprime bien la complexité des reconfigurations culturelles engendrées par les rencontres et les échanges entre des groupes de cultures différentes. Selon lui, l’histoire des relations entre les Européens et les Amérindiens du Nord-est américain doit être comprise comme un processus d’accommodation mutuel, qui conduit à la création d’un espace intermédiaire (middle ground), à la fois physique et mental, partagé par les sujets et les alliés de l’Empire en territoire colonial5. Alors qu’au début des rencontres, les protagonistes tentent essentiellement de comprendre l’Autre en appliquant le système de valeurs et de représentations propre à leur culture, les ajustements et les réajustements consentis conduisent peu à peu à des confluences, voire même à des métissages, qui leur permettent de se comprendre mutuellement et de saisir une réalité commune6.

7 Plusieurs facteurs doivent donc être pris en compte pour cerner les transferts culturels qui ont conduit les bagues « jésuites » L-Cœur et les bagues foi à participer à la rencontre entre les Amérindiens et les Européens. Les plus importants à considérer sont sans doute les croyances et les coutumes des sociétés qui les ont produites, comme de celles qui en ont fait l’acquisition, ainsi que le contexte qui a marqué leur échange, plus particulièrement les intentions et les rapports de forces des acteurs impliqués. La démarche qui nous semble la plus appropriée pour structurer une telle recherche est celle de la biographie des objets. Elle consiste à suivre leur parcours dans le temps et dans l’espace, de manière à comparer les usages qui en étaient faits en Europe et en Amérique du Nord-est. Elle permet ainsi de cerner les glissements de sens qui se produisent lorsque l’objet change de mains7.

8 La première section de cette recherche présente plus en détails les bagues à rébus L-Cœur et les bagues foi, leurs propriétés intrinsèques (matériaux et motifs ornementaux) et leur répartition spatiotemporelle, et compare les interprétations qui en ont été faites de chaque côté de l’Atlantique. Ces données serviront de point de départ à une remise en contexte historique et culturelle plus vaste. Les données archéologiques ont été mises à contribution pour documenter le contexte de découverte et la distribution des bagues. Nous avons fait appel aux divers travaux publiés sur les bagues « jésuites », notamment celles qui ont été découvertes dans la région des Grands Lacs, la vallée du Mississippi et l’État de New York. Quant aux bagues de la province de Québec, elles ont pu être documentées en consultant les rapports de fouilles déposés au Ministère de la Culture et des Communications du Québec (MCCQ), ainsi que la collection de référence de Parcs Canada, conservée à la Gare Maritime Champlain de la ville de Québec.

9 La seconde partie est consacrée aux usages et aux croyances associés à ces bagues en France et en Grande-Bretagne, deux nations qui sont entrées en contact avec les Amérindiens dans le Nord-est américain. Cette remise en contexte vise à restituer le discours tenu à leurs propos en Europe, discours qui a certainement influencé la manière de les présenter aux moments des rencontres avec les groupes amérindiens. Elle tient compte de la valeur attribuée aux matériaux dans lesquels elles sont confectionnées et de la signification des motifs ornementaux. Afin d’examiner les différents usages dont les bagues ont été l’objet, elles sont présentées tour à tour comme des symboles de l’union matrimoniale, des cadeaux amoureux et des gages d’amitié. Les données proviennent essen-tiellement d’ouvrages secondaires traitant des coutumes matrimoniales, de la bijouterie et de la joaillerie aux XVIIIe et XIXe siècles. Ce choix s’explique par le fait que les pratiques populaires de cette époque sont particulièrement bien documentées par les sources historiques et ethnographiques, contrairement à celles des siècles précédents.

10 La troisième partie explore l’usage et le sens des bagues foi et L-Coeur en Amérique du Nordest au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Le caractère polysémique inhérent aux objets interculturels nous a amené à examiner quatre hypothèses, qui en font un symbole du mariage chrétien, un objet religieux, un gage d’amitié et d’alliance, ainsi qu’un élément de parure assurant protection et prestige aux Autochtones qui les possédaient. Les trois premières hypothèses, plus classiques, tiennent compte des coutumes en vigueur en Europe et du contexte de l’échange avec les missionnaires, les traiteurs et les représentants des autorités coloniales. La quatrième hypothèse, quant à elle, cherche à rendre la parole aux sociétés amérindiennes en y considérant la place fondamentale occupée par l’ornementation du corps. La remise en contexte historique et culturelle des bagues a été réalisée à l’aide d’ouvrages secondaires portant sur les coutumes matrimoniales des Amérindiens convertis, l’iconographie religieuse employée par les missionnaires dans leur stratégies d’évangélisation, l’échange de présents dans le cadre des rituels commerciaux et diplomatiques, ainsi que sur les parures et l’orfèvrerie de traite.

Fig. 1 Bague « jésuite » à motif L-Cœur mise au jour dans un niveau d’occupation amérindien précédant l’implantation du poste de traite de Chicoutimi, 1600-1625 à 1675 (Laboratoire par Réserve d’archéologie du Québec, DcEs-1-211). Photo : Caroline Mercier.

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Attributs, distribution et fonctions des bagues

11 Le premier modèle qui nous intéresse correspond aux bagues « jésuites » appartenant au type LCœur. Il s’agit de bagues confectionnées dans un alliage cuivreux, dont la plaque est ornée de la lettre « L » et d’un cœur (fig. 1). Ce motif est l’un des plus répandus sur le territoire de la Nouvelle France : il a été mis au jour sur des sites de contacts des XVIIe et XVIIIe siècles localisés dans la province de Québec, dans la région des Grands Lacs et dans la vallée du Mississippi. Des sites de l’État de New York, occupés par des groupes sénécas, en ont également livré un grand nombre (fig. 2). Bien qu’aucune information précise ne soit disponible concernant la datation des bagues provenant des Grands Lacs et de la vallée du Mississippi8, on sait en revanche que celles des sites sénécas sont associées à des contextes archéologiques allant du milieu du XVIIe siècle au milieu du XVIIIe siècle9. Dans la province de Québec, cependant, leur distribution s’effectue beaucoup plus tôt. Sur le site du poste de traite de Chicoutimi, par exemple, le niveau d’occupation amérindien (1600-1625 à 1675) a livré à lui seul six bagues L-Cœur10.

Fig. 2 Carte de localisation des sites archéologiques du Nord-est américain ayant révélé la présence de bagues à motif foi et L-Cœur dans des contextes du XVIIe et du XVIIIe siècle. Infographie : Andrée Héroux et Caroline Mercier.

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12 Plusieurs hypothèses ont été formulées sur la signification de ce motif ornemental. L’archéologue Alice S. Wood suggère que le coeur est associé au Sacré-Coeur de Jésus, une dévotion popularisée par les jésuites au XVIIe siècle. Le « L » serait la première lettre du verbe latin laudare, qui signifie « prier » ou « louanger ». Le rébus signifierait donc « Prier le Sacré-Cœur de Jésus ». Toutefois, la présence d’une couronne ou d’une fleur de lys sur certains exemplaires lui laisse croire qu’il peut aussi avoir une signification profane. La fleur de lys étant le symbole de la famille royale française, celle des Bourbons, elle prétend que la lettre « L » peut faire référence au roi Louis et le cœur à l’allégeance et à l’affection qui unit le souverain à ses sujets11. Jean-François Moreau et Jean Talbot supposent, pour leur part, que le « L » tient « pour Loyola, fondateur de l’ordre des Jésuites auquel l’accolement du cœur renvoie à l’Amour dont l’interprétation est le symbole du dépassement jésuite, qui peut conduire jusqu’au martyre »12.

13 Ces interprétations à saveur politique et religieuse contrastent avec la connotation sentimentale qui était vraisemblablement attribuée à ces bagues par les paysans français des XVIIIe et XIXe siècles. Dans les régions du Poitou-Charentes et de la Vendée (fig. 3), les bagues L-Cœur étaient des gages d’amour destinés à la gent masculine et dont le rébus signifiait : « Mon cœur est à elle ». Il existait aussi, semble-t-il, une variante à ce motif décoratif. Celle-ci est ornée d’un « V » et d’un cœur, pour signifier « Mon cœur est à vous »13. Elle n’est pas sans rappeler certains modèles de bagues « jésuites » qui sont classées dans la catégorie des motifs L-Cœur, mais dont le « L » est parfois absent (fig. 4).

Fig. 3 Carte de localisation des régions de la France où l’usage des bagues à motif foi et L-Cœur est attesté au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Infographie : Andrée Héroux et Caroline Mercier.

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Fig. 4 Bague « jésuite » à motif V-Cœur mise au jour sur le site du stationnement de l’Hôtel Tourist à La Prairie, XVIIe-XVIIIe siècles (Laboratoire d’archéologie historique de l’Université Laval, BiFi-23-1A6-117). Photo : Lise Jodoin.

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14 Le second modèle de bague examiné dans cet article appartient à la très ancienne tradition des bagues foi (dites aussi fede). En Amérique du Nord-est, il se présente sous au moins deux variantes. Chacune d’elles a été classifiée, dénommée et interprétée de façon différente par les archéologues qui en ont fait l’examen. Certains les ont considérées au même titre que les bagues « jésuites », d’autres les ont classées dans la catégorie des bagues ornementales parmi les anneaux sigillaires, les bagues à incrustation de verre et les bagues à chaton serti de pierreries. Comme les bagues L-Cœur, elles ont parfois été associées à la dévotion entourant le Sacré-Cœur de Jésus. Plusieurs auteurs ont aussi évoqué leur utilisation comme gages d’amitié et d’alliance, tandis que certains y ont reconnu les Claddagh rings, qui sont encore portées aujourd’hui en Irlande, comme nous le verrons plus loin dans le cadre de cette étude.

15 La première variante de ce modèle est confectionnée dans un métal de couleur argentée. Le décor, moulé à même l’anneau, représente un cœur tenu par deux mains. Sur certains exemplaires, le cœur est surmonté d’une couronne, alors que des flammes en jaillissent sur d’autres (fig. 5). Deux bagues de cette catégorie ont été mises au jour sur des sites archéologiques de la région des Grands Lacs et de la vallée du Mississippi. Aucune information précise n’est toutefois disponible concernant la datation de celles-ci14. Au Québec, nous avons pu en retracer quatre exemplaires. Deux d’entre eux proviennent du site de la Pointe-à-Callière, dans les sols qui comblaient les fosses d’inhumation et les tranchées de construction de la clôture ceinturant le premier cimetière de Montréal (1643-1654), ainsi que dans les niveaux d’occupation des berges du fleuve Saint-Laurent, à l’époque des grandes foires annuelles des fourrures (deuxième moitié du XVIIe siècle)15. Les deux autres bagues ont été découvertes dans des contextes du XVIIIe siècle, l’une sur le site du Fort Saint-Jean (ca. 1748 à 1760-1775), implanté sur les rives de la rivière Richelieu16, l’autre au Vieux poste de traite Pano (1720-1760), localisé sur les rives de la rivière Duparquet, dans le Nord-ouest abitibien17.

Fig. 5 Bague foi ornée d’un cœur couronné tenu par deux mains mise au jour sur le site du Fort Saint-Jean, ca. 1748 à 1760-1775 (Parcs Canada, PC.82.C.40G2P16-1Q). Photo : Caroline Mercier.

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16 Le décor des bagues appartenant à la deuxième variante représente deux mains entrelacées. Plusieurs d’entre elles ont été découvertes sur des sites sénécas de l’État de New York, dans des contextes archéologiques datant de 1650 à 1710. Certaines présentent un décor moulé à même l’anneau, alors que d’autres possèdent une plate-forme ovale, semblable à la plaque des bagues « jésuites » (fig. 6). L’archéologue Alice S. Wood reconnaît que le motif des mains liées est celui de la promesse et du serment. La présence d’une couronne et d’une croix sur les bagues à plates-formes lui laisse croire que ces bagues pouvaient avoir une signification tantôt profane, tantôt religieuse18. Le site de Rock Island (Bay County, Michigan), occupé par des groupes amérindiens potawatamis (1670-1730) et ottawas (1750-1770), a également livré une bague aux mains entrelacées que l’archéologue Carol I. Mason définit comme une bague d’amitié19. Les fouilles archéologiques menées dans la province de Québec ont aussi permis la mise au jour de ce type de bagues, qui ont le plus souvent été associées aux bagues « jésuites ». On a en retrouvé, entre autres, sur le site de la première Habitation de Champlain à Québec (1633-ca. 1688)20 et sur celui de la mission sulpicienne de l’Île aux Tourtes (1704-1727) dans la région de Montréal21 (fig. 7).

Fig. 6 Bagues foi à motif de mains liées mises au jour sur des sites sénécas de l’État de New York, XVIIe-XVIIIe siècles (AR 10343J ; Wray 2192/280 ; AR 18556). Infographie : Caroline Mercier, d’après Wood 1974, fig. 8.

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Fig. 7 Bague foi à motif de mains liées mise au jour sur le site de la mission sulpicienne de l’Île aux Tourtes, 1704 à 1727 (Laboratoire et Réserve d’archéologie du Québec, BiFl-5-2AJ2-17). Photo : Caroline Mercier.

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17 Les bagues foi dont le motif est moulé à même l’anneau, autant celles présentant les deux mains tenant un cœur que les deux mains liées, sont très répandues en France. Au XVIIIe et XIXe siècles, elles sont attestées sur la côte atlantique, notamment en Normandie, en Bretagne, en Vendée et dans le Poitou-Charentes, mais également en Alsace, en Île-de-France et dans le Dauphiné. Elles pouvaient être offertes à la jeune fille pendant les fréquentations, au moment des accordailles, des fiançailles ou du mariage. Plusieurs termes sont utilisés pour les désigner. Selon les régions, on parle de bague Foy ou Bonne Foi (Normandie, Bretagne et Poitou-Charentes), de bague de Pucelage ou d’alliance de Caux (Dauphiné)22. La distribution des objets ornés du motif fede dépasse même les frontières françaises. Il est possible d’en retracer les usages comme symbole amoureux en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, en Irlande, au Luxembourg, en Pologne et en Suisse23.

Usages et significations des bagues en Europe

18 La tradition d’offrir une bague pour sceller l’union matrimoniale remonte à l’Antiquité romaine. À cette époque, comme à bien d’autres dans l’histoire occidentale, le mariage n’était pas une affaire privée, mais bien l’enjeu de rapports sociaux : il concluait un contrat entre les familles des époux. Celui-ci était matérialisé par l’échange d’un anneau, qui est encore aujourd’hui désigné comme une « alliance »24. Un des motifs ornementaux les plus répandus était alors le motif foi représentant deux mains entrelacées. Il est à mettre en relation avec la coutume du dextrarum jonctio, consistant à joindre les mains droites des époux au moment de l’échange des vœux de mariage. L’adoption de cette coutume par l’Église catholique lui a permis de se perpétuer jusqu’à l’époque moderne25. Le Dictionnaire Furetière (1690) nous apprend qu’au XVIIe siècle encore, la foi conjugale « est la foi que le mari et la femme se donnent en se mariant [et que l’on] appelle aussi une foi, la représentation de deux mains jointes ensemble »26. L’ajout du coeur, symbole amoureux par excellence, s’inscrit sans doute dans la tradition galante issue de l’amour courtois médiéval, où le geste d’offrir un objet en forme de cœur était une façon de signifier que l’on offrait littéralement son cœur à l’être aimé27.

19 La majorité des bagues foi conservées dans les musées européens sont confectionnées dans des matériaux dits nobles, comme l’or, l’argent et les pierres précieuses, suivant la tradition catholique. L’Église considère, en effet, que l’importance de l’engagement matrimonial dans la vie individuelle et collective justifie le fait que l’acquisition des bagues de mariage et de fiançailles représente un sacrifice financier. De tout temps, l’or semble avoir été le métal le plus convoité, non seulement pour ses qualités esthétiques, mais aussi pour sa valeur sociale, car il est le symbole d’un statut élevé et représente un gage de sécurité financière pour le futur ménage28. Toutefois, dans les milieux modestes, notamment chez les paysans français des XVIIIe et XIXe siècles, il est plus fréquent de trouver des bijoux en argent, plus abordables29. Dans certaines régions françaises, les bagues foi ont aussi été utilisées dans le cadre du rituel de courtoisie qui conduisait les jeunes du célibat au mariage, soit comme des petits cadeaux galants, soit comme des bagues de promesse échangées au moment des accordailles. Cette étape, qui précède les fiançailles, ouvrait le temps des fréquentations officielles et publiques. La bague remise à la jeune fille était alors considérée comme la démonstration des sentiments que le jeune homme éprouvait à son égard et comme une promesse d’engagement30. Au XIXe siècle, dans la région de l’Aisne (Île-de-France), les jeunes gens offraient des bagues foi en laiton achetées au pèlerinage de Notre-Dame-de-Liesse et s’engageaient devant la Vierge à s’unir par les liens du mariage31. En Bretagne, par contre, la bague de promesse était plus souvent en argent ou en or, et le futur époux se la procurait auprès du bijoutier du village32. Tout se passe donc comme si le rituel de l’échange conférait à lui seul une signification particulière aux bagues foi, plutôt que les matériaux ou la façon de les acquérir.

20 Nous ne disposons malheureusement pas d’informations aussi détaillées concernant les bagues à rébus L-Coeur. Selon les données actuellement disponibles, ces chevalières étaient portées au moment des fiançailles33. En considérant qu’elles sont fabriquées dans un alliage à base de cuivre et que le rébus signifie « Mon cœur est à elle », il est tout à fait plausible qu’elles aient été offertes par les jeunes filles à d’autres moments au cours du rituel amoureux, notamment comme gages d’amour lors des accordailles, pour signifier que le coeur du galant était pris. Les enquêtes ethnographiques et la documentation historique révèlent que cet objet était en usage dans le Poitou-Charentes et la Vendée, au moins depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il est toutefois fort probable qu’elles aient obéi à une tradition plus ancienne, qui n’a pu être documentée pour le moment34.

21 La remise en contexte des bagues ne saurait être complète sans effectuer un petit détour du côté de la Grande-Bretagne, qui a également participé à la rencontre avec les Amérindiens du Nord-est américain. Dans cette contrée, comme en France, certains modèles de bagues jouaient le rôle de cadeaux galants, de bagues de promesse, de fiançailles et de mariage35. Parmi celles-ci se trouvent les bagues foi ornées de deux mains jointes, qui étaient vraisemblablement un des modèles les plus répandus dans l’Angleterre du XIXe siècle36. Chez les Irlandais, par contre, la préférence va aux bagues présentant un cœur tenu par deux mains. Elles y sont désignées sous le nom de Claddagh rings. La tradition veut qu’elles aient été en usage au moins depuis le XVIIIe siècle et qu’elles soient originaires de Claddagh, petit village de pêcheurs gaéliques situé à proximité de la ville de Galway (côte ouest de l’Irlande)37.

22 La fonction des Claddagh rings est difficile à établir avec certitude, sans doute en raison de leur polysémie. The Encyclopedia of Ireland nous apprend qu’elles étaient originellement portées comme gages d’amour par les hommes, puis par les représentants des deux sexes. « The hands represent both parties, the heart the seat of affection, and the crown the perfection »38. D’autres sont d’avis que ces bagues servaient d’alliances de mariage dans les communautés paysannes. Le plus souvent confectionnées en or, elles auraient été transmises par la mère à la première des filles qui se mariait39.

Fig. 8 Revers de la médaille « Honorus et Virtus » remise par le roi Louis XV aux alliés Hurons et Iroquois pour les remercier de leur participation à la guerre contre les Renards (1710-1738). Infographie : Caroline Mercier, d’après Morin 1915, fig. 4.

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Fig. 9 Revers de la médaille « Peace and Friendship » frappée à l’effigie du président américain John Adams en 1797. Infographie : Caroline Mercier, d’après Morin 1915, fig. 32.

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23 Encore aujourd’hui, les Claddagh rings demeurent des objets de parure très populaires dans l’Ouest de l’Irlande. Plusieurs compagnies ayant vitrine sur Internet en offrent une vaste gamme répondant aux goûts et aux budgets des consommateurs. Elles sont présentées comme des bagues de mariage et de fiançailles, mais aussi comme des gages d’amitié. « By tradition the ring is taken to signify the wish that Love and friendship should reign supreme. The hands signify friendship, the crown loyalty, and the heart love »40. Certaines de ces compagnies en font aussi un symbole traditionnel celtique et un emblème national de l’Irlande, que l’on peut se procurer en guise de souvenir. Il est intéressant de souligner que plusieurs d’entre elles ont pignon sur rue à l’extérieur du pays, comme aux États-Unis et en Thaïlande41.

24 Ces observations nous incitent donc à la prudence en ce qui concerne les informations qui circulent sur Internet au sujet des Claddagh rings. Cette mise en garde s’applique aussi pour leur utilisation comme gages d’amitié. Il est tentant, en effet, d’y voir une réinterprétation récente dont l’objectif est d’en promouvoir l’usage auprès des consommateurs. Il faut également garder en tête que le terme « amitié » a évolué au fil des siècles. S’il désigne aujourd’hui la relation sociale affective qui unit deux individus, il a aussi été employé dans l’intimité au moins jusqu’au XVIIIe siècle et ce, autant dans la langue française que dans la langue anglaise42.

Transferts de sens et réappropriations des bagues en Amérique du Nord-est

25 La question est maintenant de savoir quels usages et quelles interprétations ont été faits des bagues foi et des bagues L-Cœur dans l’Amérique septentrionale des XVIIe et XVIIIe siècles. Bien entendu, les coutumes européennes qui les entourent permettent d’envisager qu’elles aient servi dans le rituel amoureux. Par contre, la diversité des contextes archéologiques de découverte laisse présumer une distribution par les missionnaires, comme objets de piété, de même que par les traiteurs, les officiers et les représentants des autorités coloniales, comme gages d’alliance. Les bagues méritent aussi d’être examinées comme des objets de protection et de prestige au même titre que les autres parures autochtones, car les Amérindiens ont sans doute interprété plusieurs objets d’origine européenne selon leur propre système de représentations, du moins au début des échanges. La recherche de compromis et de signification commune a peut-être même incité les différents acteurs européens à les expliquer en fonction de ce qu’ils connaissaient des coutumes amérindiennes.

26 A priori, il est permis de croire que les Amérindiens ont pu, comme les Européens, adopter ces gages d’amour pour célébrer les unions matrimoniales. Cette explication paraît logique, dans la mesure où les missionnaires jésuites chargés de l’évangélisation des Autochtones ont fait du mariage chrétien une de leurs nombreuses stratégies de conversion. En effet, les concepts de chasteté et d’exclusivité sexuelle n’avaient aucun sens dans l’univers culturel amérindien. Pour tenter d’éradiquer des pratiques jugées scandaleuses et incompatibles avec le respect de la foi catholique, les missionnaires jésuites ont, entre autres, cherché à inculquer aux néophytes un sentiment de honte et de culpabilité à l’égard de la sexualité. Ils ont également insisté sur le caractère sacré et irrévocable de l’union matrimoniale en introduisant des cérémonies de mariage à la mode européenne43.

27 Dans les régions situées en marge de l’Empire français d’Amérique, notamment dans la région des Grands Lacs et la vallée du Mississippi, l’objectif des jésuites était de mettre un terme au concubinage entre les femmes amérindiennes et les hommes français qui y séjournaient pendant de longues périodes comme traiteurs, interprètes ou soldats. À leurs yeux, la consécration de ces unions illégi-times par une cérémonie religieuse permettait « d’éradiquer le péché en respectant les rites chrétiens, seuls garants de la chasteté et de la fécondité »44. Elle permettait aussi de gagner des fidèles, car la femme, convertie pour l’occasion, devenait une auxiliaire précieuse dans leur travail d’évangélisation. Non seulement instruirait-elle ses enfants selon les préceptes de l’Église catholique, mais elle pourrait aussi veiller sur la piété parfois chancelante d’un époux que la fréquentation des « sauvages » écartait du droit chemin. Elle pourrait éventuellement recruter des membres de sa famille et de sa collectivité45.

28 Les cérémonies matrimoniales mixtes qui étaient célébrées par les missionnaires du pays des Illinois à partir de la fin du XVIIe siècle incorporaient des éléments amérindiens et chrétiens. Comme dans les campagnes françaises, le rituel qui conduisait les jeunes du célibat au mariage était ponctué par la circulation de cadeaux, selon le principe du don et du contre-don. La demande en mariage, par exemple, nécessitait des pourparlers entre le jeune homme et les parents de la future épousée. Pour gagner leur accord, il devait offrir à la famille une grande quantité de présents. L’union était célébrée à la chapelle de la mission et la cérémonie était ensuite suivie d’un festin à la mode du pays46.

29 Si les politiques des jésuites à l’égard des unions matrimoniales et les rituels de mariage mixtes permettent d’envisager que les bagues foi et les bagues L-Cœur ont pu être échangées selon les usages français, il ne faut pas croire que toutes les bagues mises au jour sur les sites archéologiques du Nord-est américain sont à mettre en relation avec ces coutumes. Certains sites, comme celui du poste de traite de Chicoutimi (1600-1625 à 1675), ont livré des bagues à motif L-Cœur dans un contexte de déposition qui correspond au tout début de l’occupation de la Nouvelle-France et qui est bien antérieur à l’installation d’une mission dans la région47. Qui plus est, avant de conclure à l’utilisation de ces bagues pour l’union des néophytes, il faudrait d’abord vérifier si les Français de la vallée du Saint-Laurent y avaient recours.

30 La mise au jour de plusieurs bagues à motif foi et LCœur dans des contextes archéologiques associés aux activités missionnaires démontre tout de même qu’elles ont pu jouer un autre rôle dans l’évangélisation. Cette hypothèse est étayée par quelques mentions dans les Relations des Jésuites, qui témoignent de la distribution de bagues dans un système de récompense pour l’apprentissage des concepts chrétiens. Par exemple, le Père Jacques Bruyas, en mission chez les Onneiout, rapporte dans la relation de 1669 que « Qui fçait repeter le Dimanche tout ce qui s’eft dit pendant la femaine, a pour recompenfe une corde de raffade, ou deux petits tuyaux de verre, ou deux bagues de leton »48. Par ailleurs, l’étude de l’historien de l’art François-Marc Gagnon, La conversion par image, confirme la place importante que les missionnaires ont accordée à l’iconographie religieuse pour enseigner aux Autochtones les préceptes de la foi catholique49.

31 Or, il y a lieu de croire que les motifs ornementaux des bagues foi et L-Cœur se prêtaient bien à un enseignement religieux. Le motif du cœur est effectivement très présent dans la religion catholique : il est le symbole de la foi, de la piété et de l’amour divin50. À partir du XVIIe siècle, il est également associé aux Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie. Au milieu du siècle, l’ordre des eudistes et la congrégation de Notre-Dame-de-la-Charité veillaient déjà à propager cette dévotion naissante. Celle-ci aurait aisément pu voyager jusqu’en Nouvelle-France, puisque Mgr François Montmorency de Laval, premier évêque de Québec, et Marie Guyart de l’Incarnation, fondatrice des Ursulines de Québec, entretenaient des relations avec les membres de ces deux communautés. Une dévotion unique au Sacré-Cœur de Jésus a également fait son apparition dans le troisième quart du XVIIe siècle. Celle-ci a d’ailleurs été encouragée par une des communautés religieuses qui est venue établir des missions en Amérique septentrionale, celle des jésuites51.

32 La thèse de Jean Simard sur l’iconographie du clergé français du XVIIe siècle nous incite cependant à la vigilance quant aux rapprochements qui pourraient être fait entre les dévotions aux Sacrés-Cœurs et les bagues qui nous intéressent. Dans les premières années, l’iconographie eudiste présente un cœur surmonté d’une croix et bordé de chaque côté par des roses et des lys, symbolisant respectivement Jésus et Marie. Dans certains cas, le buste des personnages figure également à l’intérieur du cœur. Les armes des religieuses de la congrégation de Notre-Dame-de-la-Charité sont similaires : elles représentent la Vierge et l’Enfant, qui sont parfois placés dans un cœur rayonnant surmonté d’une couronne. Quant aux images associées à la dévotion unique au Sacré-Cœur de Jésus, elles correspondent le plus souvent à un cœur surmonté d’une croix et cerclé d’une couronne d’épines52.

33 Les motifs qui ornent les bagues foi et L-Cœur ne concordent donc pas tout à fait avec l’imagerie véhiculée par le clergé. Il est vrai que le cœur couronné présent sur certaines d’entre elles pourrait référer aux Sacrés-Cœurs de Notre-Dame-de-la-Charité, alors que le cœur surmonté d’une fleur de lys pourrait être rapproché d’un culte au Sacré-Cœur de Marie. Il faut néanmoins se demander si les autorités religieuses auraient pu concéder aux missionnaires la liberté de distribuer des objets de piété qui ne correspondaient pas à l’iconographie officielle, surtout en cette période de Contre-Réforme catholique (deuxième moitié du XVIe et XVIIe siècle), où la rigueur était de mise dans tout ce qui concernait le fonctionnement des institutions et l’application des préceptes de la foi.

34 La découverte de bagues foi et L-Cœur sur des sites militaires frontaliers et des postes de traite implique qu’elles ont également pu être distribuées à titre de présents dans le cadre des relations diplomatiques, militaires et commerciales. Le don jouait en effet un rôle fondamental dans les sociétés amérindiennes. Il servait à matérialiser la parole, donc à la valider et à favoriser sa conservation dans la mémoire collective. Les discours qui étaient prononcés sans être accompagnés de présents n’étaient généralement pas entendus. Les Français, comme les Britanniques, se montraient donc soucieux d’appuyer chacune de leurs propositions par un présent lorsque venait le temps d’effectuer une transaction commerciale, de négocier un traité de paix ou encore de réaffirmer une alliance53.

35 Dans cette optique, le motif foi présentant les deux mains entrelacées mérite d’être examiné plus en détail, car il n’est pas sans rappeler une poignée de main. Ce geste, très répandu dans les sociétés occidentales pour se saluer ou pour sceller une entente, était déjà employé dans la France du XVIe siècle pour conclure les transactions commerciales54. La consultation du Dictionnaire Furetière (1690) montre que le motif des deux mains liées est non seulement le symbole de la foi conjugale, mais aussi celui de la foi humaine. L’auteur nous apprend qu’elle doit être comprise comme un « Serment, [une] parole qu’on donne de faire quelque chose, et qu’on promet d’exécuter »55. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1751-1780) révèle, pour sa part, que le motif foi était aussi employé dans l’art héraldique, comme symbole de l’alliance, de la fidélité et de l’amitié56.

36 Il est intéressant de constater que ce motif a été utilisé sur certaines médailles offertes aux Autochtones. La plus ancienne a été remise par Louis XV à ses alliés Hurons et Iroquois pour les remercier de leur participation à la guerre contre les Renards (1710-1738). L’avers est frappé à l’effigie du monarque et son revers est orné par deux guerriers qui se serrent la main57 (fig. 8). Elle reproduit, à quelques détails près, une médaille remise par Louis XIV aux puissances belligérantes d’Angleterre, de Hollande, du Portugal et de la Prusse lors de la signature du traité d’Utrecht (1713)58. Dès le début du XIXe siècle, plusieurs compagnies de traite, telles que la Hudson Bay Company et l’American Fur Company, ont aussi fait frapper des médailles dont le revers porte le motif des mains liées avec l’inscription « Peace and Friendship ». Leur distribution avait pour objectif de favoriser le maintien de bonnes relations avec les nations amérindiennes qui fréquentaient les comptoirs59. À la même période, des médailles en argent à l’effigie des dirigeants américains portaient aussi ce symbole d’alliance (fig. 9). Elles étaient distribuées aux chefs des nations pour souligner différents événements politiques, notamment pour commémorer la signature de traités60.

37 Toutes ces observations nous amènent donc à penser que le motif des mains liées faisait des bagues foi un présent tout indiqué lors des rencontres avec les Amérindiens. En Europe, elles étaient après tout considérées comme le symbole matériel par excellence d’un engagement irrévocable, qui unissait la destinée de deux individus et celle des membres de leurs familles. Cette Alliance d’intérêt socio-économique ne se scellait qu’à la suite d’une longue période ponctuée de négociations et rythmée par l’échange de présents visant à montrer ses bonnes intentions et son attachement à l’Autre.

38 N’oublions pas, cependant, que les techniques d’ornementation ont occupé une place fondamentale dans l’univers culturel des Amérindiens du Nord-est américain, un intérêt que les Européens ont rapidement mis à profit dans leurs échanges. Les Algonquiens et les Iroquoiens accordaient des vertus protectrices aux objets de parures et, plus particulièrement, à ceux confectionnés dans des matériaux lustrés, tels que les coquillages et le cuivre natif avant la période de contact, ainsi que le verre et les métaux (cuivre et argent) au cours de la période historique. Leur brillance était associée aux rayons du soleil. Cet astre céleste était source de vie : de lui dépendait la durée du jour et le cycle des saisons61. Le fait de porter des matériaux lustrés aux endroits les plus vulnérables du corps, telles que les orifices (yeux, nez, bouche et oreilles), les préservait semble-t-il du mauvais sort et de la maladie en empêchant les forces nuisibles de s’y infiltrer62. À la période historique, les sépultures amérindiennes présentent aussi des individus portant des parures en perles de verre, en cuivre et en argent à toutes les articulations importantes du corps (cou, épaules, coudes, poignets, doigts, hanches et genoux), un peu comme s’ils souhaitaient fortifier ces endroits mobiles et leur donner une plus grande résistance63.

39 Le thorax, pour sa part, était souvent orné d’un large pendentif fait de coquillage ou de métal. Ces parures étaient le plus souvent l’apanage des guerriers et servaient probablement à protéger le cœur, siège de la force vitale et du courage, contre les coups meurtriers de l’ennemi64. Rappelons que les Iroquois avaient l’habitude de consommer le cœur des prisonniers qui avaient fait preuve d’un grand courage au cours de la torture afin de s’approprier leur force65. Le symbole du cœur était donc très signifiant dans l’univers culturel amérindien. Le fait de porter une bague ornée d’un cœur était peut-être une façon de se donner du courage ou une force plus grande. Cette observation est d’autant plus intéressante si l’on considère que l’art était pour eux une manifestation spirituelle : le fait de représenter visuellement un être ou un objet permettait d’être en contact avec celui-ci, car sa représentation contenait une partie de son essence66.

40 Dans les sociétés amérindiennes, le souci de paraître visait aussi à plaire aux membres de la collectivité humaine. Le tatouage, la coiffure, les vêtements et les parures étaient autant de techniques d’ornementation du corps qui servaient à indiquer le genre, le statut social, l’affiliation à un groupe culturel et l’état dans lequel se trouvait un individu (célibat, deuil, etc.)67. Chez les Algonquins et les Montagnais, les hommes étaient, semble-t-il, très soucieux de faire valoir leur bravoure aux yeux de tous. Ils portaient souvent des ornements qui rappelaient leurs exploits, tels que des touffes de plumes, de poils et de cheveux humains. Les jeunes gens en âge de s’unir à un individu du sexe opposé accordaient également beaucoup d’attention à leurs parures corporelles68. Dans cette perspective, il est possible que les bagues ornées d’un cœur aient pu être employées pour signifier le courage d’un individu. Considérant que les bagues pouvaient être acquises en échange de fourrures ou lors de la négociation d’alliances avec les Européens, elles auraient également pu servir à démontrer les qualités d’un homme en tant que chasseur ou ambassadeur.

Conclusion

41 Finalement, la reconstitution de la biographie des bagues L-Cœur et des bagues foi révèle que ces objets de parure se prêtaient fort bien à des réinterprétations et à des réappropriations. Le motif foi, de par ses origines très anciennes et sa vaste distribution en Europe, a subi des transformations de sens et d’usages qui en font un symbole plurivoque. L’interprétation qui peut être faite des bagues ornées de celui-ci varie selon les sociétés, les occasions et les matériaux dans lesquels elles sont fabriquées. Elles se prêtent aussi bien à un rituel amoureux et à la démonstration de son amitié qu’à la conclusion d’une alliance. Si, en Europe, les engagements contractés par le don des bagues s’effectuaient avant tout dans le cadre de l’union matrimoniale, plusieurs éléments permettent d’envisager que leur signification première a subi quelques transformations dans le contexte nordaméricain, entre autres pour servir de gage d’amitié, d’alliance et de paix lors des rencontres avec les Autochtones. Pour sa part, la polysémie du symbole du cœur en Europe laisse présumer que les bagues L-Cœur et foi pouvaient autant servir de support à un discours sentimental qu’à un enseignement religieux. Elles ont donc pu être utilisées par les missionnaires pour la célébration des unions matrimoniales des néophytes ou pour l’évangélisation.

42 Les sociétés amérindiennes des XVIIe et XVIIIe siècles ont pu elles-mêmes interpréter ces bagues selon leurs propres systèmes de représentations. Les métaux dans lesquels elles sont confectionnées, les motifs décoratifs et leur fonction de parure faisaient sens dans l’univers culturel amérindien. Il est même permis de penser qu’elles pouvaient être interprétées très facilement sans que le groupe ait été en contact avec les Européens, puisque le cœur est un symbole naturel issu du corps humain. Cette remarque paraît encore plus probante dans le cas des bagues L-Cœur, puisque le cuivre natif était déjà connu et valorisé avant le contact. Le motif des mains, présent sur les bagues foi, a certainement pu être interprété lui aussi selon les croyances amérindiennes. Bien que nous ne disposions pas, pour le moment, d’informations concernant la symbolique des mains lors du contact, ce motif semble très présent dans l’histoire autochtone. En effet, des sépultures appartenant à la tradition Hopewell (ca. 200 av. J.-C. à 500) et à la tradition des cultures mississippiennes (ca. 1000 à 1500-1600) ont livré des pendentifs en forme de mains confectionnés dans du mica et des coquillages marins. Le motif est également attesté au XIXe siècle dans les sociétés des Plaines, où il demeure en usage encore aujourd’hui69.

43 Le contexte qui a prévalu au moment de la rencontre a certainement été déterminant dans l’interprétation que les Amérindiens ont faite des bagues. La signification et les usages qui leur étaient attribués ont fort probablement varié selon les nations et les époques, en fonction des relations qu’elles entretenaient avec les Européens et des systèmes de représentations propres à chaque groupe à un moment précis de son histoire. Il y lieu de croire que les bagues ont été interprétées selon les coutumes locales au début des échanges, mais que la fréquentation des Européens a engendré des transformations dans les univers culturels autochtones, modifiant ainsi la façon de les percevoir. Le sens premier des bagues a sans doute été dilué et transformé par les acteurs européens eux-mêmes, pour s’adapter aux coutumes du pays. La rencontre des univers culturels européens et amérindiens aurait donc permis la création de sens nouveaux pour les bagues foi et L-Coeur.

44 La polysémie de ces bagues a aussi eu des répercussions sur la communauté archéologique qui a tenté de les classer et d’en définir les fonctions. Le premier réflexe de plusieurs archéologues a été de considérer les bagues foi comme des symboles d’amitié, sans doute en s’appuyant sur l’usage actuel des Claddagh rings irlandaises. S’ils étaient conscients que cet objet était étroitement lié à l’Empire colonial français, ils ne semblent pas avoir envisagé le fait que le motif pouvait avoir un sens tout autre dans cet univers culturel. D’autres encore se sont référés à la présence de ces bagues sur des sites de missions chrétiennes et à quelques mentions dans les Relations des jésuites. Ils ont ainsi établi un lien avec les dévotions qui entouraient le cœur au sein de cet ordre religieux, sans chercher à voir si les motifs ornementaux concordaient avec l’iconographie officielle ou si le cœur pouvait être un symbole profane à la même époque. Les différentes hypothèses formulées à propos de la signification de ces bagues montrent bien, encore une fois, comment un objet sorti de son contexte culturel est sujet à des réinterprétations et à la création de sens nouveaux, qui sont parfois très éloignés de sa signification première.

45 La biographie culturelle des bagues foi et LCœur a permis de remettre en perspective ces interprétations. Reproduire cette démarche avec les autres modèles de bagues dites « jésuites » pourrait certainement apporter des informations nouvelles sur ces objets de parure. Trop souvent, les chercheurs se sont contentés de les classer comme des bagues destinées à l’évangélisation des Autochtones ou à la traite des fourrures, en fonction du caractère religieux ou profane des motifs ornementaux et de leur découverte sur des sites de missions ou de postes de traite. Les recherches futures auraient tout avantage à dépasser les classifications fondées sur les attributs morphostylistiques et la distribution spatiale, pour tenter une remise en contexte historique et culturelle plus vaste. Celle-ci devrait tenir compte des croyances et des coutumes des sociétés qui les ont produites, comme de celles qui en font fait l’acquisition, en utilisant comme point de départ leurs propriétés intrinsèques, soit les matériaux et les motifs décoratifs. Le contexte dans lequel leur échange a été effectué devrait également être examiné, puisque les intentions et les rapports de force des acteurs en présence influencent considérablement le discours qui accompagne les présents et, de ce fait, leur sens dans la culture de réception.

Une première version de cet article a été présentée dans le cadre d’un séminaire de la Chaire de recherche en patrimoine (Université Laval). Je tiens à remercier les étudiant(e)s présent(e)s qui, grâce à leurs commentaires, m’ont permis de préciser ma réflexion. Je remercie également l’enseignant responsable du séminaire, Laurier Turgeon, et mon directeur de maîtrise, Marcel Moussette, pour les relectures qu’ils ont faites des versions ultérieures. Merci également à Diane Lebrun (Parcs Canada), Claudine Giroux et Marc Gadreau (MCCQ) de m’avoir permis de consulter les bagues conservées dans leurs collections, de même qu’à Lise Jodoin et Andrée Héroux pour leur aide lors de la préparation des illustrations. Un merci tout spécial à ma collègue et amie Aurélie Desgens pour avoir déniché par hasard l’ouvrage qui m’a révélé le secret des bagues foi et L-Cœur.

Notes

1 Sylvie Lambert, La bague : Parcours historique et symbolique (Paris : Éditions du Collectionneur, 2000), p. 17 ; Mason, Anita, An Illustrated Dictionary of Jewellery (New York : Harper and Row, 1974), 309-314.

2 Sur l’intérêt d’étudier les petits objets personnels (bijoux, amulettes et objets de piété) découverts en contexte archéologique, voir : Kathleen Deagan, Artifacts of the Spanish colonies of Florida and Caribbean, 1500-1800, vol. 2, Portable personal possessions (Washington D.C. : Smithsonian Institution Press, 1987), 1-5.

3 Alexander Von Gernet, « Reactions to the Familiar and the Novel in Seventeenth-Century French-Amerindian Contact », dans Denis Delâge et al., Transferts culturels et métissages, Amérique / Europe, XVIe-XXe siècle (Sainte-Foy : Les Presses de l’Université Laval, 1996), 183-187.

4 Laurier Turgeon, « De l’acculturation aux transferts culturels », dans Denis Delâge et al., Transferts culturels et métissages, Amérique / Europe, XVIe-XXe siècle (Sainte-Foy : Les Presses de l’Université Laval, 1996), 15-24.

5 Richard White, Middle Grounds : Indians, Empires and Republics in the Great Lakes Region, 1650-1815 (Cambridge : Cambridge University Press, 1991), X.

6 Ibid., 50-53.

7 Cette démarche s’inspire des travaux de Laurier Turgeon portant sur les chaudrons de cuivre et les perles de verre. Laurier Turgeon, « Exhumer les chemins croisés du chaudron de cuivre en Amérique », Patrimoines métissés : contextes coloniaux et post-coloniaux (Paris / Québec : Éditions de la Maison des sciences de l’homme / Les Presses de l’Université Laval, 2003), 59-94 ; Laurier Turgeon, « Beads, Bodies and Regimes of Value : From France to North America, c. 1500-c.1650 », dans Tim Murray, ed., The Archaeology of Contact in Settler Societies (Cambridge : Cambridge University Press, 2004), 19-47.

8 Charles E. Cleland, « From Sacred to Profane : Style Drift in the Decoration of Jesuit Finger Rings », American Antiquity 37, no. 2 (1972) : 202-210 ; Carol I. Mason, « Jesuit Rings from Rock Island, Wisconsin », Material Culture Review 63 (Spring 2006) / Revue de la culture matérielle 63 (printemps 2006) 39 Historical Archaeology 10 (1976) : 113-120.

9 Alice S. Wood, « A Catalogue of Jesuit and Ornemental Rings from Western New York State », Historical Archaeology 8 (1974) : 100-103.

10 Jean-François Moreau et Jean Talbot, « Les signes… du contact », Saguenayensia 42, no. 3 (2000) : 19-22.

11 Wood 1974, loc. cit. : 84.

12 Moreau et Talbot 2000, loc. cit. : 21.

13 Claudette Joannis (dir.), Bijoux des régions de France (Paris : Flammarion, 1992) : 89, 179.

14 Cleland 1972, loc. cit. : 206.

15 Pauline Desjardins et Geneviève Duguay, Pointe-à-Callière : L’aventure montréalaise (Septentrion : Sillery, 1992) : 6-8, 53.

16 Collection de référence de Parcs Canada, Gare maritime Champlain, Québec (No. catalogue : PC.82 .C.40G2P16-1Q).

17 Christian Roy, Intervention archéologique sur le site de l’ancien poste de traite « Pano » (DdGt-30), Gallichan, Abitibi (MCCQ / Corporation Archéo-08, rapport inédit, 2002) : 37-41.

18 Wood 1974, loc. cit. : 90, 100-103.

19 Mason 1976, loc. cit. : 113.

20 Françoise Niellon et Marcel Moussette, Le site de l’Habitation de Champlain à Québec : étude de la collection archéologique (1976-1980) (Québec : Ministère des affaires culturelles, 1981) : 129-131.

21 Guy Agin et Transit Analyse, Inventaire archéologique au site du poste de traite de l’île aux Tourtes (3e année), site BiFl-5 (MCCQ, rapport inédit, 1992), 41.

22 Joannis 1992, op. cit. : 79-80, 157, 167, 174, 179.

23 Musée de la vie wallonne, Amour et mariage : Aspects de la vie populaire en Europe (Liège : Musée de la vie wallonne, 1975), 275 p. ; Margaret Baker, Wedding Customs and Folklore (Totowa : Rowman and Littlefield, 1977) : 33.

24 Lambert 2000, op. cit. : 47, 75-76.

25 British Museum, Jewellery, through 7000 years (London : British Museum Publications, 1976) : 256.

26 Antoine, Furetière, « Foi », dans Le dictionnaire universel d’Antoine Furetière (Paris : Robert, 1978 [1690]), 3 volumes.

27 Mason 1974, op. cit. : 31-32 ; Richard Lewinsohn, Histoire entière du coeur (Paris : Plon, 1959) : 68-79, 82-91.

28 Lambert 2000, op. cit. ; Mason 1974, op. cit. : p. 31-32.

29 Joannis 1992, op. cit. : 33-34, 108.

30 Louise Fillon, Les trois bagues aux doigts : Amours villageoises au XVIIIe siècle (Paris : Robert Laffont, 1989) : 166-175.

31 Martine Segalen, Amours et mariages de l’ancienne France (Paris : Bibliothèque Berger-Levrault, 1981) : 61.

32 Joannis 1992, op. cit. : 157, 167.

33 Ibid. : 89.

34 Ibid. : 179.

35 John R. Gillis, For Better, For Worse : British Marriages, 1600 to the Present (New York : Oxford University Press, 1985) : 31-62, 203-204.

36 Baker 1977, op. cit. : 33.

37 Claddaghrings.com, accessible sur le site de Guinness Enterprise, http://www.claddaghrings.com/home.htm.

38 Brian Lalor, « Claddagh ring », dans Brian Lalor (ed.), The Encyclopedia of Ireland (New Haven : Yale University Press, 2003) : 203.

39 Baker 1977, op. cit. : 73-75.

40 Guinness Enterprise 2005, op. cit.

41 Claddagh Ring Custom, accessible sur le site de Kaisilver, http://claddagh.kaijewels.com ; The Claddagh Ring History, accessible sur le site de Murphy’s jewelry, http://www.claddaghrings.net/history.html.

42 Alain Rey (dir.), « Ami, ie », dans Dictionnaire historique de la langue française (Paris : Dictionnaires Le Robert, 1992) : 63 ; J. A. Simpson et E. S. C. Weiner (dir.), « Friend », dans The Oxford English Dictionary (Oxford : Clarendon Press, 1989) : 192-193.

43 Shenwen Li, Stratégies missionnaires des jésuites français en Nouvelle-France et en Chine au XVIIe siècle (Sainte-Foy / Paris : Les Presses de l’Université Laval / L’Harmattan, 2001) : 115-117.

44 Gilles Havard, Empire et métissages : Indiens et Français dans le Pays d’en Haut, 1660-1715 (Sillery / Paris : Septentrion / Les Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2003) : 660.

45 Ibid. : 660-661.

46 Ibid. : 660-664.

47 Camille Lapointe, Le site de Chicoutimi : Un établissement commercial sur la route des fourrures du Saguenay - Lac-Saint-Jean (Québec : Ministère des Affaires Culturelles, 1985), 255 p.

48 Reuben G. Thwaites, The Jesuit Relations and Allied Documents, vol. 53 (New York : Pageant Book Company, 1959) : 250.

49 François-Marc Gagnon, La conversion par l’image : Un aspect de la mission des Jésuites auprès des indiens du Canada au XVIIe siècle (Montréal : Bellarmin, 1975), 141 p.

50 Joannis 1992, op. cit. : 30.

51 Jean Simard, Une iconographie du clergé français au XVIIe siècle : Les dévotions de l’École française et les sources de l’imagerie religieuse en France et au Québec (Québec : Les Presses de l’Université Laval, 1976) : 203-204, 225-226, 233.

52 Ibid. : 206-210, 223-226.

53 Harvard 2003, op. cit. : 760-761.

54 Natalie Zemon Davis, Essai sur le don dans la France du XVIe siècle (Paris : Seuil, 2003) : 99.

55 Furetière 1978 [1690], op. cit., sous la rubrique « Foi ».

56 Denis Diderot et Jean d’Alembert, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, vol. 20 (Stuttgart Bad Cannstatt : Friedrich Frommann Verlag (Günther Holzboog), 1966 [1751-1780]) : 74.

57 Martha W. Hamilton, Silver in the Fur Trade (1680-1820) (Chelmsford : Martha Hamilton Publishing, 1995) : 142.

58 Victor Morin, Les médailles décernées aux Indiens d’Amérique (Ottawa : Société Royale du Canada, 1915) : 283-287.

59 Jaye N. Fredrickson et Sandra Gibb, La chaîne d’alliance : L’orfèvrerie de traite et de cérémonie chez les Indiens (Ottawa : Musée National de l’Homme / Musées Nationaux du Canada, 1980) : 31.

60 Hamilton 1995, op. cit. : 158-160.

61 Ruth B. Phillips, « “Comme une étoile, je brille” : Les traditions artistiques des peuples des terres boisées », dans Le Souffle de l’esprit : Coutumes et traditions chez les Indiens d’Amérique (Montréal : Éditions Québec-Amérique, 1988) : 88-89.

62 Hamilton 1995, op. cit. : 49-50.

63 Turgeon 2003, op. cit. : 71 ; Turgeon 2004, loc. cit. : 36.

64 Phillips 1988, loc. cit. : 80.

65 Roland Viau, Enfants du néant et mangeurs d’âmes : Guerre, culture et société en Iroquoisie ancienne (Montréal : Boréal Compact, 2000) : 178-186.

66 Phillips 1988, loc. cit. : 87-88.

67 Ibid. : 66, 78-79.

68 Marc Laberge, Affiquets, matachias et vermillon. Ethnographie illustrée des Algonquiens du nord-est de l’Amérique aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles (Montréal : Recherches amérindiennes au Québec, 1998) : 64-70.

69 Lois Sherr Dubin, North American Indian Jewelry and Adornment : From Prehistory to the Present, Concise Edition (New York : Harry N. Abrams, 2003) : 23, 29, 59.