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Le travail de la forge à Fort-Témiscamingue :

un facteur de développement dans l'occupation du territoire

Christian Roy
Laval University

Abstract

The existence of a forge at Fort Témiscamingue, in Quebec, has been well demonstrated through various archeological digs on the site of this old Hudson Bay trading post. In addition to the architectural remains associated with this building, a vast collection of artifacts fosters a greater understanding of the blacksmith's role and work. The collection of objects reviewed by the author, from the raw materials and tools to the finished products of the day, illustrates the critical importance of the forge in the fur trade network. Forge activities also indicate Fort Témiscamingue's role as a service centre and regional depot. The blacksmith made essential products for outlying satellite trading posts, ensured the maintenance of the tools that were necessary for survival in these remote areas, and fostered the development and the settlement of the territory by adapting to changing practices and to the arrival of new interest groups, who signalled the beginning of the end of the fur trade in the region.

Résumé

La présence d'un atelier de forge à Fort-Témiscamingue, au Québec, a été amplement démontrée lors de diverses interventions archéologiques réalisées sur le site de cet ancien poste de traite de la Compagnie de la Baie d'Hudson. En plus des vestiges architecturaux associés à ce bâtiment, une abondante collection d'artefacts permet désormais de mieux saisir le rôle et le travail du forgeron. Comme le fait valoir l'auteur, de la matière première et des outils aux produits finis, cet assemblage d'objets illustre l'importance capitale du travail de la forge dans le réseau d'échange de la traite des fourrures. Les activités de forge évoquent aussi plus particulièrement le rôle joué par Fort-Témiscamingue en tant que lieu de services et dépôt régional. Le forgeron y approvisionnait en produits essentiels les postes de traite satellites dispersés ici et là, assurait l'entretien des outils nécessaires à la survie dans ces contrées éloignées et favorisait le développement et l'occupation du territoire, en s'adaptant aux pratiques changeantes et à la venue de nouveaux acteurs qui allaient bientôt sonner le glas de la traite des fourrures dans la région.

Le « maître du feu », comme le feu lui-même, est susceptible de valorisations différentes : il peut être divin ou démoniaque. C'est par le feu qu'il opère le passage de la matière d'un état à un autre.

Mircea Eliade1

1 Situé sur la rive est du lac Témiscamingue, là où le plan d'eau se resserre, le poste de traite de Fort-Témiscamingue a joué un rôle clé dans le commerce des fourrures pendant plus de 150 ans (fig. 1). D'abord comptoir de traite de certains marchands français, dès le deuxième quart du XVIII siècle, le poste est devenu la propriété de la Compagnie du Nord-Ouest en 1795. Puis, quelques années plus tard, en 1821, Fort-Témiscamingue a finalement été absorbé dans le vaste réseau de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Vers le milieu du XIXe siècle, le poste comptait plus d'une quinzaine de bâtiments, dont certains abritaient des activités spécialisées comme un atelier de menuiserie, une boutique de forge et un atelier de fabrication de canots. La pratique de ces diverses activités, et spécialement le travail de la forge, faisait de Fort-Témiscamingue un véritable centre de service régional.

2 L'importance de la métallurgie, et plus particulièrement du fer, dans l'histoire de l'humanité n'est plus à démontrer. Même si le bruit du marteau originel a depuis longtemps cessé de résonner, un vaste fonds mondial de mythes et légendes rappelle le rôle démiurgique du forgeron et le travail de la forge2. Au Québec, contes et chansons évoquent à leur manière l'aspect divin ou diabolique de l'artisan forgeron3. Ces nombreuses manifestations reflètent toute l'importance de la forge dans l'évolution des modes de vie et le rôle du forgeron en tant que principal pourvoyeur des outils nécessaires aux travaux quotidiens. Les artisans du fer ont donc largement contribué à la colonisation du territoire en fabriquant et réparant les produits essentiels à la survie des colons et commerçants installés dans ces nouvelles contrées. Une fois en contact avec les Européens, les Amérindiens ont à leur tour rapidement saisi l'avantage du fer, délaissant la pierre au profit d'un matériau plus malléable.

Fig. 1. Localisation du site de Fort-Témiscamingue, 1987. (L. Lavoie, Parcs Canada, 87-15G-D9)
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3 L'acquisition du site de Fort-Témiscamingue par Parcs Canada, au début des années 1970, a donné lieu à six interventions archéologiques4. Celles-ci avaient pour principal objectif de localiser les bâtiments représentés sur un plan de Richard Hardisty, daté de 1888 (fig. 2). Les fouilles entreprises sur le site de l'atelier de forge (fig. 2, bâtiment n° 7) ont livré un assemblage d'artefacts témoignant d'une occupation postérieure à 1825, alors que les documents historiques mentionnent l'existence d'une boutique de forge dès 1794. Suscitant un certain questionnement, les résultats obtenus laissaient entrevoir la présence possible sur le site d'un autre atelier de forge, celui-là plus ancien.

4 Lors des fouilles que Parcs Canada a effectuées en 1993 au sud de la maison du commis (fig. 2, bâtiment n° 9), pour y localiser l'enceinte entourant le secteur administratif du poste, deux alignements de pierre perpendiculaires, accompagnés d'une importante quantité d'artefacts reliés au travail de la forge, ont été mis au jour. La découverte de ces vestiges insoupçonnés ainsi que la présence de ces nombreux objets témoins et de déchets de combustion semblent indiquer que le premier atelier de forge de Fort-Témiscamingue était situé à quelques mètres au sud de la maison du commis.

5 L'examen des artefacts associés au travail du fer suggère que l'atelier de forge de Fort-Témiscamingue a joué un rôle déterminant dans le développement régional et l'occupation du territoire. En tant qu'indicateur économique, les activités de forge identifiées sur le site démontrent que les forgerons ont su adapter leur production aux changements socio-économiques qui ont pris place dans la région dès le milieu du XIXe siècle. Cet article présente un survol des données historiques et iconographiques disponibles et quelques précisions concernant l'agencement de la dernière boutique de forge, puis définit les différentes activités pratiquées par le forgeron afin d'en préciser la nature et l'évolution. Il traite aussi de l'importance de l'atelier de forge dans la place occupée par Fort-Témiscamingue en tant que centre de service régional, répondant aux besoins des postes de traite satellites de l'Abitibi-Témiscamingue, des Amérindiens et des nouveaux acteurs qui ont pénétré dans le territoire dès la fin des années 1830.

Fig. 2. Plan de Fort-Témiscamingue dressé par Richard Hardisty en 1888. Le bâtiment portant le n° 7 correspond au dernier atelier de forge. (Archives de la Compagnie de la Baie d'Hudson, Archives provinciales du Manitoba, B218/e/3,fo. 8)
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L'atelier de forge vu par les documents d'archives

6 La première référence mentionnant l'existence d'une boutique de forge à Fort-Témiscamingue remonte à 1794, au moment de la visite de l'enquêteur Gladman, alors de passage pour le compte de la Compagnie de la Baie d'Hudson5. Sans plus de précision sur l'emplacement ou les dimensions de cet atelier, la description du poste laissée par Gladman permet de conclure à la présence d'un tel bâtiment avant même l'acquisition du site par la Compagnie du Nord-Ouest en 1795. Les journaux tenus par les autorités du poste pour les années 1805-18066, 1823-18257 et 1840-18418 constituent également des références de première importance. Ces documents confirment l'érection d'un nouvel atelier à l'automne 18059 et l'apport de modifications à la forge et sa cheminée en 1823 et 1840. En outre, ces journaux fournissent de précieux renseignements sur la préparation du combustible utilisé et sur les activités pratiquées par le forgeron et sa clientèle.

7 Il a cependant Mu attendre le passage de Richard Hardisty, en 1888, pour obtenir une description plus complète de Fort-Témiscamingue. Lors de cette visite, Hardisty a dressé un plan des bâtiments du poste de traite qui accompagnait le rapport préparé pour les besoins de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Portant le numéro 7 sur ce plan, l'atelier de forge y apparaît dans le secteur nord, au sud de la chapelle et à l'est de la boutique de menuiserie (fig. 2). Ce rapport précise qu'il s'agit d'un bâtiment de rondins de bois de 20 pieds nord-sud sur 18 pieds est-ouest (6,10 m sur 5,50 m), toujours en bon état à cette époque10. Enfin, les documents iconographiques dépeignant l'ancien poste de traite, entre 1876 et les années 1910, indiquent que le bâtiment était d'un seul étage, sans doute de pièce sur pièce, et recouvert d'une toiture à deux versants. La cheminée du feu de forge était adossée au mur pignon sud tandis qu'une porte, surmontée d'un auvent, se situait au centre de sa façade ouest, accompagnée d'une petite fenêtre sur l'un de ses côtés11.

8 Alors que le plan de 1888 et les documents iconographiques laissent peu de doute sur l'emplacement du dernier atelier de forge de Fort-Témiscamingue, il en va tout autrement pour la première boutique, celle qui avait été mentionnée par Gladman lors de son passage en 1794. Devant le mutisme des sources documentaires, seule l'archéologie pouvait désormais apporter quelques précisions supplémentaires.

L'organisation du dernier atelier

9 Lieu de transformation de la barre de fer en différents produits de consommation, la boutique de forge demeurait aussi l'endroit par excellence où effectuer la réparation de ces objets12. Hors des centres urbains, l'artisan forgeron pratiquait souvent une vaste gamme de métiers du fer, comme la taillanderie, la maréchalerie et la ferronnerie. Ces activités exigeaient un outillage particulier disposé dans un bâtiment spécialement aménagé à cet effet.

10 Or, qu'en était-il de l'atelier de forge de Fort-Témiscamingue? Apportant surtout des précisions sur la nature architecturale du bâtiment apparaissant sur le plan de 1888, les fouilles menées dès 1992 ont permis de déterminer que la boutique de forge mesurait 7,10 m sur 6,30 m et que ses murs reposaient sur des madriers de bois posés sur le sol. La présence de plusieurs sections de solive confirmait l'existence d'un plancher de bois dans l'atelier13. La base du feu de forge, appuyée contre le mur pignon sud et composée de moellons liés par de l'argile, faisait 2,05 m de longueur sur 1,37 m de largeur14.

11 Les différentes interventions archéologiques n'ont pas permis de recueillir d'information sur l'agencement intérieur de cet atelier. Néanmoins, les données archéologiques et iconographiques dont on dispose, jumelées aux résultats d'études effectuées sur d'autres sites de forge, permettent d'apporter quelques précisions. Ainsi, selon John Light15, un atelier de forge typique était généralement divisé en trois parties distinctes : une aire de travail, une aire d'entreposage et une aire domestique. Centrée autour du feu de forge, l'aire de travail était normalement la plus vaste et comprenait les outils essentiels au travail de la forge, soit le soufflet, l'enclume, l'étau et l'établi. L'aire d'entreposage servait à ranger la matière brute, le fer en barre, les outils moins utilisés et les retailles récupérables, tandis que l'aire domestique était réservée au repos du forgeron et à l'accueil de sa clientèle. Enfin, les ouvertures déterminaient en partie l'organisation spatiale du travail à l'intérieur de l'atelier.

12 L'emplacement du feu de forge, sur le mur sud, permet de situer de ce côté l'aire de travail de la boutique. Par conséquent, le soufflet devait être placé dans un des angles formés par les coins sud-est ou sud-ouest de l'atelier. L'enclume, souvent fixée à une large souche, était généralement postée à quelques pas de la forge afin d'éviter un refroidissement trop rapide du métal16. Elle aurait pu être placée directement au nord du feu de forge, en une position centrale.

13 Quant aux travaux effectués sur l'établi ou sur la meule à aiguiser, Light précise qu'ils nécessitaient un meilleur éclairage que seule la proximité des ouvertures pouvait fournir17. L'existence d'une porte et d'une fenêtre sur la face ouest du bâtiment porte à croire que certains de ces équipements étaient situés le long du mur ouest de l'atelier de forge. Dans ce cas, il semble que les aires d'entreposage et de repos se trouvaient du côté nord de la boutique, le long des murs nord et est. Bien entendu, il demeure possible que la face est du bâtiment ait aussi bénéficié d'une ouverture, ce qui pourrait modifier la disposition probable de ces mêmes équipements.

14 Quant au combustible utilisé pour alimenter la forge, celui-ci devait être entreposé dans un coin de l'atelier, le plus loin possible du feu, ou à l'extérieur, afin de minimiser les risques d'incendie. Ainsi, la boutique du poste de l'île Saint-Joseph, en Ontario, possédait un caisson situé à l'extérieur et dans lequel était conservé le charbon de bois nécessaire au feu de forge18.

15 Les fouilles entreprises sur le site du dernier atelier de Fort-Témiscamingue n'ont permis de localiser aucune concentration particulière de combustible ou de déchet de forge. Cependant, l'examen visuel de plusieurs scories semble indiquer que le forgeage se faisait dans un feu de charbon de bois déposé sur un lit de sable. Selon Light, la présence de petites particules de charbon de bois dans les scories et leur aspect vitreux témoignent du combustible et du lit de forge utilisés. De plus, la forme convexe de certaines scories confirme l'emploi d'une forge à tuyère latérale (fig. 3), fonctionnant généralement au charbon de bois19. Au-delà des analyses chimiques qui pourraient déterminer la nature exacte du combustible utilisé sur le site, les documents historiques confirment également l'usage du charbon de bois.

16 En effet, le journal tenu par les autorités du poste pour les années 1840-1841 démontre que la transformation du bois en charbon était une activité d'importance à Fort-Témiscamingue20. Selon ce document, en 1840, plus de trente jours ont été consacrés à l'abattage du bois, au dressage des meules, à la carbonisation et au transport du charbon de bois vers le site de l'ancien poste de traite. Cette activité prenait place près des lieux de coupe, à Cedar Point ou même en face du poste, sur la rive ontarienne, entre les mois de mai et de novembre, et occupait un ou plusieurs hommes en fonction des différentes étapes du processus. La transformation du bois en charbon requérait des connaissances particulières, était exercée par le charbonnier dans les centres sidérurgiques et nécessitait surtout une surveillance constante, une fois l'allumage de la meule effectué. Quant aux essences utilisées, et bien que les journaux restent muets à ce propos, les résineux et les bois mous comme le tremble, le peuplier et l'aulne représentaient généralement les espèces les plus appropriées pour le travail de la forge21.

Fig. 3.Vue en plan (gauche) et de profil (droite) d'une scorie typique d'une forge à tuyère latérale. (Photo : J. Jolin, Parcs Canada, 15G-127/ ACM/PR-6/D-11-12)
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Fig. 4. Fragments de fer en barre de sections rectangulaire (en haut), ronde (centre gauche) et carrée (en bas), et broche servant au transport du fer en barre. (Photo : J. Jolin, Parcs Canada, 15G-127/ACM/PR-6/D-10-8)
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Sur les traces du forgeron

17 Des 100 000 artefacts mis au jour à Fort-Témiscamingue lors des quatre premières campagnes de fouille, près d'un millier témoignent du travail de la forge. De ce nombre, j'ai retenu 300 objets afin d'illustrer les activités pratiquées par le forgeron et de mieux saisir les besoins des différents acteurs engagés dans le commerce des fourrures et le développement du territoire. Les objets à l'étude proviennent dans 60 pour 100 des cas du secteur formé par l'atelier de forge, la boutique de menuiserie et la maison du chef de poste (fig. 2, bâtiments nos 7, 8 et 15), 20 pour 100 sont issus de la zone au sud de la maison du commis et les 20 pour 100 restants résultent de la fouille des autres secteurs du poste. L'aire immédiate du dernier atelier de forge n'a livré de façon générale que peu d'artefacts. Les objets témoins ont été répartis en trois catégories distinctes : la matière brute, les outils du forgeron et les produits de la forge.

La matière brute

18 Formant l'essentiel de la matière brute utilisée par les forgerons, le fer forgé en forme de barre provenait principalement d'Angleterre mais aussi, bien qu'en moins grande quantité, des États-Unis et de certains centres sidérurgiques canadiens tels les Forges du Saint-Maurice et Normandale22. Ce n'est qu'a partir des années 1870, après l'introduction du nouveau procédéde Bessemer pour la fabrication de l'acier, que le fer forgé a peu à peu perdu sa place prépondérante dans les ateliers de forge. Le fer en barre se présentait sous plusieurs formes différentes aux dimensions des plus variées, qui servaient chacune à la fabrication de divers produits de consommation.

19 Près d'une centaine de fragments de fer en barre ont été mis au jour à Fort-Témiscamingue lors des fouilles archéologiques (fig. 4). Ces artefacts, de section rectangulaire, carrée ou ronde, les trois formes les plus fréquemment utilisées par les forgerons généralistes, affichent tous des traces de coupe à chaud ou à froid. Le tableau de la figure 5 illustre les différentes formes rencontrées sur le site de l'ancien poste de traite et leurs dimensions. Selon la forme du fer en barre employée, on pouvait fabriquer différents produits. Ainsi, le fer rectangulaire ou plat, de loin le plus courant, servait en maréchalerie et dans le charronnage, le fer carré était prisé pour les travaux de serrurerie, de taillanderie et de clouterie, tandis que le fer rond voyait surtout son utilité en ferronnerie architecturale et en chaudronnerie23.

Les outils du forgeron

20 Une vaste gamme d'outils était essentielle à l'artisan forgeron dans l'exécution de son travail. Les outils retrouvés lors des fouillas en témoignent largement et se partagent en deux groupes distincts, les outils de préhension et les outils à percussion, ces derniers se subdivisant en outils à percussion posée et outils à percussion posée avec percuteur (fig. 6). Dans le premier groupe, six fragments de tenailles à lèvres droites représentent les seuls outils de préhension retrouvés jusqu'ici. Deux de ces tenailles mesurent respectivement 43,5 cm et environ 59 cm de longueur totale, tandis que les quatre objets restants se composent de deux paires de mâchoires, dont les manches ont été coupés à chaud et sans doute réutilisés, ainsi que des branches d'un manche et d'une mâchoire à l'état d'ébauche. Le forgeron fabriquait souvent lui même les tenailles en fer forgé pour pouvoir manipuler des pièces aux formes les plus variées24. La branche d'une mâchoire inachevée de même que des traces de soudure sur le manche de l'une des tenailles démontrent bien que les forgerons de Fort-Témiscamingue fabriquaient et réparaient leurs outils de préhension.

21 Les outils à percussion posée mis au jour comprennent une soixantaine de limes, une filière et deux tarauds. Ces derniers servaient à fileter l'intérieur des écrous tandis que la filière, de forme trapézoïdale et munie de plusieurs ouvertures aux diamètres variés, était utilisée pour fileter les vis de petit calibre, particulièrement utiles en armurerie. Les limes se présentent sous six formes différentes, à taille simple ou double, avec des degrés de rugosité allant de doux à bâtard. Les limes plates et demi-rondes représentent environ 83 pour 100 de l'ensemble, les autres étant en ordre décroissant de forme triangulaire (tiers-point), en losange, ronde (queue-de-rat) et carrée. Ces outils n'affichent pas moins de six marques différentes, dont trois demeurent illisibles. La marque la plus fréquente, « Jukes Coulson/Sheffield », apparaît sur la soie de six limes. Il s'agit d'un fournisseur de la Compagnie de la Baie d'Hudson qui, dès 1822, approvisionnait différents postes de traite25. Sur les deux autres marques répertoriées, « TL Loxley » et « A. Norton », il existe peu d'informations si ce n'est qu'une petite rivière du nom de Loxley se jette dans la rivière Don, près de la ville de Sheffield en Angleterre26. Des limes portant l'inscription « TL Loxley » ont également été mises au jour sur le site de la forge de Lower Fort Garry au Manitoba27.

Fig. 5. Formes et dimensions (en pouces) du fer en bone retrouvé à Fort-Témiscamingue.
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Fig. 6. Outils de forgeron (de haut en bas et de gauche à droite) : tenailles, poinçons, cloutière, ciseau, limes, poinçons, filière, tarauds, marteau à marquer, étampe en forme de pont et tranches. (Photo : J. Jolin. Parcs Canada, 15G-127/ACM/PR-6/D-11-8)
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22 Outre leur utilité première, les limes jouaient un second rôle d'importance dans les ateliers de forge. Généralement fabriquées en acier raffiné ou en acier fondu au creuset, des matériaux coûteux avant l'invention de Bessemer, les limes étaient considérées comme une source de matière brute et faisaient régulièrement l'objet de recyclage28. Cette pratique, également en vigueur à Fort-Témiscamingue, est amplement démontrée par la présence de neuf fragments de limes retravaillés, de quatre outils fabriqués à partir d'anciennes limes et d'un outil à double usage (fig. 7). Ainsi, deux limes, la soie d'une troisième et une râpe de maréchal-ferrant ont été transformées par le forgeron en trois poinçons et un ciseau à bois. Enfin, une dernière lime, de forme demi-ronde et marquée « TL Loxley », a vu sa pointe retravaillée et transformée en ciseau-lime, un outil à double usage fort utile décrit par Light dans son étude sur le recyclage des limes29.

23 Finalement, les outils à percussion posée avec percuteur sont représentés par un ciseau à chaud, une tranche, quinze poinçons, une cloutière, un marteau à marquer et une étampe enformede pont. Les deux premiers outils servaient à couper le métal à chaud ou à froid. Les quinze poinçons mis au jour, mesurant de 6 cm à 29 cm de longueur, affichent des pointes rondes, carrées ou rectangulaires. L'un d'eux, monté sur un manche en broche, servait à perforer le métal chaud. Cet ensemble comprend également deux poinçons centreurs et deux autres sans doute associés à la maréchalerie. Les trois derniers outils avaient des vocations particulières. La cloutière était utilisée pour fabriquer la tête des clous par martelage. Le marteau à marquer le fer, orné des lettres S+F sur la tête et portant l'inscription « T. Pink » sous le talon, permettait de marquer les plus belles réalisations du forgeron. Il était appuyé contre la pièce à marquer et frappé à l'aide d'un outil à percussion lancée. Quant à l'étampe en forme de pont, le seul outil d'enclume retrouvé jusqu'ici, elle avait pour but de faciliter le façonnage et le remodelage des mâchoires de différents outils et des objets fourchus30. Cette étampe aurait été fabriquée à partir d'un ancien départoir31.

Fig. 7. Limes recyclées (de haut en bas et de gauche à droite) : ciseau-lime, ciseau à bois, poinçons fabriqués à partir d'une lime, poinçon fabriqué à partir d'une râpe et divers fragments de limes retravaillées. (Photo : J. Jolin, Parcs Canada, 15G-127/ACM/ PR-6/D-10-9)
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Les produits de la forge

24 À quelques exceptions près, seuls les artefacts à l'état d'ébauche ou affichant des traces de réparation, de transformation ou de recyclage ont été considérés à titre de produits de la forge. Cette approche permettait, entre autres, de s'assurer que les pièces retenues avaient bien été fabriquées ou retouchées par le forgeron. Quant aux quelques objets finis présentés ici, ils partagent les mêmes caractéristiques techniques que certaines ébauches de l'assemblage et ont surtout servi à illustrer des formes complètes.

25 Étroitement associés aux besoins des principaux acteurs du commerce des fourrures, la fabrication et l'entretien des haches (voir fig. 8) étaient certainement des activités d'importance dans les ateliers de forge des postes de traite. Mis à part certaines haches d'abattage fabriquées commercialement, les fouilles archéologiques ont livré quatorze artefacts qui témoignent de cette activité essentielle. De ce nombre, sept fers de hache ou de hachette, entiers ou incomplets, illustrent les formes et les caractéristiques technologiques des pièces qui circulaient dans la région dès la fin du XVIIIe siècle. À cela s'ajoutent quatre taillants de lame et trois ébauches qui démontrent bien que les forgerons de Fort-Témiscamingue fabriquaient et réparaient ces outils de première utilité.

26 Les haches de traite retrouvées sur le site affichent de légères différences au niveau des formes et des techniques de fabrication. Elles possèdent toutes un petit épaulement, à la jonction entre la lame et le collet, un œil en forme de goutte d'eau ou d'amande et une tête renforcée. Ces pièces ont été fabriquées à partir d'un feuillard, ou barre de fer plate, replié avec un taillant en acier inséré32. Les trois ébauches démontrent l'emploi de deux techniques de fabrication différentes. La première consistait à amincir, de part et d'autre du point central, un côté du feuillard pour en façonner la tête33. L'autre technique, de loin la plus répandue à Fort-Témiscamingue, semble moins bien documentée. Il s'agissait en effet de souder une pièce de fer forgé, de même largeur et de l'épaisseur voulue, du côté extérieur du feuillard, au-dessus du point central. Les fers de hache ainsi fabriqués présentent une coupure nette au point de rencontre de la soudure. Enfin, les taillants témoignent davantage de la réparation des lames que de la fabrication des haches car, une fois émoussés ou fracturés, ils ne pouvaient être remplacés ou reforgés.

27 D'autres outils reliés au travail du bois et à l'agriculture jettent un autre éclairage sur les activités de l'atelier de forge (voir fig. 9). Ainsi, deux fers d'herminette, deux fers de gaffes, une lame de scie et un fer de tarière sont associés au travail du bois. La piètre qualité d'une première herminette et la présence d'une autre à l'état d'ébauche semblent bien indiquer que ces outils ont été forgés sur place. Quant aux fers de gaffe, rien ne prouve à ce stade leur fabrication locale si ce n'est le manque de qualité du produit fini. La lame de scie démontre de nouveau l'importance du recyclage de l'acier. On a récupéré une partie de cette lame, devenue inutilisable, afin de fabriquer d'autres produits nécessitant un certain degré de résistance ou d'élasticité. Finalement, la douille du fer de tarière a subi une première réparation, par brasage, avant d'être rejetée lors d'un second bris identique et de voir ainsi sa mèche coupée à froid et recyclée. Jusqu'ici, il s'agit du seul exemple répertorié de brasage, une technique utilisée pour souder deux pièces de métal à l'aide d'un alliage de cuivre et de zinc34.

28 Les outils liés à l'agriculture comprennent ce qui est vraisemblablement l'ébauche d'une four-che, quatre fourches et les restes de deux faux. La première pièce, composée de deux tiges de fer soudées, que le forgeron a martelée à une extrémité pour en former la soie et garnie d'un trou de fixation, pourrait bien représenter l'ébauche d'une fourche et ainsi confirmer la fabrication de ce type d'outil à Fort-Témiscamingue. D'ailleurs, les trois fourches à deux fourchons mises au jour sur le site et servant à la récolte du foin partagent les mêmes caractéristiques que cette première pièce et ont sans doute été forgées sur place. La quatrième fourche, munie de trois fourchons et probablement manufacturée, témoigne du recyclage du métal puisqu'une fois sa soie brisée, l'un de ses fourchons a été coupé à chaud et récupéré. Enfin, les restes de deux faux affichent des traces de réparation ou de recyclage35. La pièce dont le fer a été réutilisé porte l'inscription « Little London Works /WM », les deux dernières lettres signifiant William Moore, un fabricant en affaires au milieu du XIXe siècle, si l'on en croit une publicité parue dans le Sheffield Directory en 185936.

29 Plus de 30 artefacts de la collection peuvent être reliés de près ou de loin à la quincaillerie d'architecture (voir fig. 10). Ces pièces témoignent de la fabrication de certains produits et du souci de récupération dont faisaient preuve les forgerons de Fort-Témiscamingue. Parmi ces objets, plusieurs ébauches d'écrous démontrent la technique utilisée pour leur fabrication. Une petite barre de fer carrée porte d'ailleurs les marques de quelques écrous non découpés tandis que d'autres écrous, demeurés inachevés, affichent des ouvertures dont la perforation est restée incomplète ou sans filetage. Les clous rivés sont un autre type d'objet qui requérait le travail du forgeron. En effet, la contrerivure fixée à l'extrémité du clou, fabriquée dans une retaille de fer ou de cuivre, devait être cisaillée ou coupée à la boutique de forge. Plusieurs têtes de boulons ou rivets dont les tiges ont été coupées à chaud ou à froid font également partie de la collection.

Fig. 8. Haches et hachettes (de haut en bas) :fers de hache faits d'un feuillant replié avec taillant en acier inséré et tête renforcée. ébauches de fers de hache à tète renforcée par amincissement ou par addition, taillants de hache détachés avant le reforgeage. (Photo : J. Jolin, Parcs Canada, 15G-127/ ACM/PR-6/D-11-4)
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Fig. 9. (ù l'extrême gauche) Autres outils (de haut en bas et de gauche à droite) : fourches « deux fourchons, ébauche probable d'une fourche. fer de tarière avec trace de brasage, fer de gaffe, fer de faux réparé, lame de scie, fer de faux, fer d'herminette et ébauche d'herminette. (Photo : J. Jolin, Parcs Canada, 15G-127/ACM/PR-6/D-11-6)
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Fig. 10. (ci-contre) Quincaillerie d'architecture (de haut en bas et de gauche à droite) : ebauche d'une penture, pièce de support, pentures, piton, palastre de serrure, clou rivé, retailled servant a la fabrication des ecrous, boulons ou rivets recyclés, ébauches d'écrous et maillons de chaîne. (Photo: J. Jolin, Parcs Canada, 15G-127/ACM/PR-6/D-11-2)
Thumbnail of Figure 10Display large image of Figure 10
Fig. 11. Pièges a mâchoires (de haut en bas) : ressorts de piège a deux yeux et ressorts portant des traces de coupe a chaud, branches de mâchoire, ébauche d'un montant de machoire et montants coupés a chaud ou rejetés (Photo : J. Jolin, Parcs Canada, 15G-127/ACM/PR-6/D-10-2)
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Fig. 12. Cerceaux de tonneau, fers a cheval et armes a feu (de haut en bas) : cerceaux de tonneau coupés a chaud, fers a cheval coupés a chaud, noix de bride et canon d'un fusil a silex coupés a chaud et plaque de couche recyclée (Photo : J. Jolin, parcs Canada, 15G-127/ACM/PR-6/D-11-10)
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30 Les autres objets de ferronnerie comprennent des pitons, des pentures et des bandes perforées, quelques pièces de support et un palastre de serrure. Mis à part l'ébauche probable d'une penture, les autres artefacts témoignent plutôt du recyclage des matières brutes. Ainsi, une section du palastre de serrure a été coupée à l'aide d'un ciseau à chaud et réutilisée. Enfin, la fabrication et la réparation des chaînes sont attestées par la présence d'un maillon resté inachevé et de plusieurs autres coupés à chaud. Au-delà de la fabrication et du recyclage, une des principales tâches du forgeron consistait à réparer divers produits de consommation. Un bel exemple en est ici fourni par les travaux effectués sur trois pièces de fonte fracturées, en deux ou trois parties chacune, et appartenant à un ou plusieurs poêles qui servaient au chauffage des bâtiments du poste de traite. Ces objets, une rondelle, une patte et une plaque arrière d'un poêle dans le style des Forges du Saint-Maurice, ont été rapiécés à l'aide de plusieurs bandes de fer forgé, rivetées de part et d'autre des cassures.

31 Indispensables pour capturer les animaux à fourrure, les pièges à mâchoires (voir fig. 11) sont représentés dans l'assemblage par plus de vingt-cinq pièces. L'observation de ces artefacts démontre l'importance de la fabrication et de la réparation des pièges, sans oublier le recyclage de l'acier dont les ressorts faisaient l'objet. Ainsi, des huit branches de mâchoires mises au jour, deux de celles-ci permettent d'évaluer à 15,25 cm la longueur des mâchoires de deux pièges qui, en fonction de ces dimensions, auraient pu servir au trappage des animaux à fourrure de grosseur moyenne. L'ébauche d'un montant de mâchoire met surtout en lumière le travail d'entretien que le forgeron devait exécuter pour remettre les pièges en état. Enfin, d'autres montants, aux formes différentes et munis d'une à trois perforations, illustrent la variabilité des pièges disponibles avant l'ère des produits manufacturés.

32 Les ressorts représentent environ 50 pour 100 des composantes de pièges retrouvées sur le site. Une fois brisées, ces pièces d'acier raffiné étaient recyclées par les forgerons qui les utilisaient pour fabriquer d'autres produits, voire des ressorts de platine d'arme à feu37. Muni d'un œil ou de deux yeux de différents diamètres, le ressort servait à rabattre la mâchoire tout en la maintenant refermée sur l'animal capturé. Selon Light, le diamètre intérieur des yeux d'un ressort permet d'inférer la grosseur du piège utilisé et fournit donc des indications sur le type d'animal piégé38. À ce sujet, les yeux des ressorts de l'assemblage mesurent entre 1,4 cm et 3,1 cm de diamètre intérieur. De plus, la présence d'un ressort entier permet d'établir un certain ratio entre l'œil inférieur (1,4 cm), toujours plus petit, et l'œil supérieur (2,6 cm).

33 Les fouilles archéologiques à Fort-Témiscamingue n'ont jusqu'à présent livré qu'un nombre plutôt restreint de pièces d'armes à feu (voir fig. 12). Il semble qu'on en ait rejeté la plupart pour simple cause de bris mais quatre artefacts témoignent néanmoins du travail du forgeron. Ainsi, les restes en métal cuivreux d'une plaque de couche et d'une contre-platine à motif de dragon démontrent de nouveau l'importance du recyclage des matières brutes. D en est de même pour les restes d'un canon de fusil à silex, mimi de sa vis de culasse et dont on a coupé à chaud l'extrémité proximale afin d'en récupérer la partie restante. De section octogonale, ce fragment de canon porte trois poinçons plutôt révélateurs. Tout d'abord, l'estampille de la Compagnie de la Baie d'Hudson y apparaît sous la forme d'un renard assis au-dessus des lettres EB, suivie des lettres RW surmontées d'un astérisque et finalement de la lettre V placée sous une couronne. Selon Russel Bouchard, cette arme aurait été fabriquée pour la Compagnie de la Baie d'Hudson par un armurier nommé Robert Wheeler ayant pratiqué à Birmingham entre 1770 et 182039. Enfin, la mise au jour d'une noix de bride coupée à chaud semble aussi indiquer que les forgerons de Fort-Témiscamingue réparaient ou remplaçaient au besoin certaines pièces d'arme à feu.

34 Cinq fragments de fers à cheval (voir fig. 12) ayant appartenu à un minimum de quatre fers illustrent une partie du travail de maréchalerie effectué sur place. Cet ensemble se compose de deux fers entiers avec ou sans crampon, de deux fers avec pince, montrant respectivement une branche fracturée et une branche coupée à chaud, et de l'extrémité arrière d'une branche munie d'un crampon. Malgré l'absence d'ébauche, il ne fait aucun doute que la fabrication de fers à cheval était une des activités pratiquées sur le site. D'ailleurs, la présence de quelques outils de maréchalerie, une râpe et deux poinçons, semble bien le démontrer.

35 Plus d'une dizaine de fragments de cerceaux de tonneaux (voir fig. 12) font partie de l'assemblage à l'étude. Bien que la plupart de ces pièces soit en fer, deux fragments de cerceaux en métal cuivreux pourraient fort bien provenir d'un baril ou d'un tonneau ayant servi au transport de la poudre à fusil. Les artefacts retenus ici ont presque tous été coupés à chaud près du rivet. Cette pratique semble davantage indiquer une tendance au recyclage du métal plutôt qu'à la fabrication ou la réparation des cerceaux. Bien entendu, cela n'exclut pas que les forgerons de Fort-Témiscamingue aient à l'occasion remplacé un cerceau brisé ou corrodé.

36 Les restes de certains objets en métal cuivreux (voir fig.13) ainsi que la présence d'une forte quantité de retailles de cuivre et de laiton démontrent que la réparation et le recyclage de ces matériaux comptaient parmi les nombreuses activités pratiquées dans les ateliers de forge de Fort-Témiscamingue. Ainsi, la mise au jour de quelques oreilles de contenant, avec ou sans rivet, illustre bien une partie du travail qui consistait, d'une part, à rapiécer chaudrons et marmites et, d'autre part, à remplacer les oreilles brisées par un usage prolongé. D'autres oreilles de l'assemblage, fixées à la paroi cisaillée de leur récipient respectif, indiquent davantage la récupération de la matière brute. Une fois devenues inutilisables, les parois de ces contenants servaient à la réparation d'autres récipients ou encore à la confection de nouveaux objets d'utilité courante.

37 Une partie de la matière récupérée semble aussi avoir servi à la fabrication de rivets et de contrerivures. Généralement taillée en forme de losange, la contrerivure était fixée à l'extrémité d'un clou pour en solidifier l'emprise. Un petit fragment de laiton mis au jour sur le site pourrait bien correspondre à la préforme d'une telle pièce. Quant aux rivets, Light précise dans son étude des artefacts de la forge de l'île Saint-Joseph qu'ils étaient fabriqués à partir de retailles de cuivre en forme de losange ou rectangulaires40. Des pièces de formes similaires pourraient donc représenter des préformes de rivets tandis qu'une lanière de cuivre récupérée aurait pu servir à en découper de nouveaux.

Diversité et évolution des activités de forge

38 L'examen des artefacts de l'assemblage démontre d'une part que la taillanderie, la ferronnerie et la maréchalerie comptaient parmi les plus importantes activités de production des forgerons basés à Fort-Témiscamingue. À cela, il faut également ajouter la fabrication de certains outils de forge et des pièges ou leurs composantes. D'autre part, l'occupation principale des forgerons du poste, comme bon nombre d'artisans pratiquant en région rurale ou éloignée, était surtout centrée autour de la réparation de divers produits de consommation41. Cette situation se reflète dans l'assemblage par un nombre légèrement supérieur d'artefacts présentant des modifications et surtout par une plus grande variété d'activités associées à ces travaux. Ainsi, au-delà de la réparation d'outils divers, d'éléments de ferronnerie et de pièges, les artisans du fer de Fort-Témiscamingue s'adonnaient à certaines activités de chaudronnerie, d'armurerie et peut-être même de tonnellerie. Enfin, un nombre élevé d'artefacts illustre toute l'importance du recyclage des métaux dans les ateliers de forge de l'ère préindustrielle, à une époque où les coûts de la matière brute et les moyens de transport rendaient souvent l'approvisionnement difficile.

Fig. 13. Objets en metal cuivreux (de haut en bas) : fragments de contenants avec oreille et oreilles de contenant, oreille de contenant avec anse coupee a froid, fragment de metal cuivreux avec rivet, laniere, preformes de rivets et de contre-rivure. (Photo : J. Jolin, Parcs Canada, 15G-127/ACM/PR-6/D-10-4)
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Fig. 14. Les activités de forge et leurs produits associés tels que démontrés par les artefacts mis au jour a Fort-Témiscamingue et les mentions apparaissant dans les journaux de poste de 1805-1806 et de 1840-1841.
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39 Les sources documentaires, en l'occurrence les journaux de poste de Fort-Témiscamingue pour les années 1805-1806 et 1840-1841, regorgent de précieuses références concernant les activités pratiquées par les nombreux forgerons. Ces journaux, sans doute rédigés par le chef du poste ou son commis, consistent en des inscriptions quotidiennes de quelques lignes qui font état du temps qu'il faisait, du va-et-vient des chasseurs amérindiens et des diverses occupations des employés du poste de traite. Bien entendu, ces documents ne forment pas des recueils exhaustifs de l'emploi du temps de tous et chacun et les données y apparaissant reflètent également les intérêts du rédacteur42. Le tableau de la figure 14 compare donc les différentes activités de forge et leurs produits associés, tels que démontrés par l'analyse de l'assemblage, aux données tirées des journaux ci-haut mentionnés43.

40 Ce tableau illustre une forte concordance entre les activités de forge identifiées lors de l'analyse des artefacts et celles recensées dans les pages des journaux. En excluant les outils de forge et le recyclage des métaux, dont il n'est aucunement question dans ces pages, seules les activités d'armurerie et de tonnellerie, d'ailleurs peu représentées dans la collection, n'apparaissent pas dans ces documents. Par contre, ces mêmes sources font état d'une activité de charronnage pour laquelle l'assemblage ne comprend aucun artefact44. Au-delà de ces constatations, ce tableau révèle avant tout les limites des données historiques, ici centrées sur la fabrication, alors que l'analyse des données archéologiques démontre clairement que la réparation des produits et le recyclage des matières brutes représentaient sans doute la principale occupation des forgerons de Fort-Témiscamingue. Par ailleurs, selon ces journaux, la diversification des activités de forge entre 1805 et 1841 serait surtout liée à l'arrivée dans la région de nouveaux acteurs favorisant l'émergence de nouvelles activités économiques et dont les besoins différaient grandement de ceux associés à la traite des fourrures. Mais ces changements d'activités économiques se vérifient-ils dans la pratique des forgerons établis à Fort-Témiscamingue ?

Fig. 15. Distribution des activites de forge identifiées lors de l'analyse de l'assemblage selon la provenance des artefacts (secteur sud = ancien atelier, secteur nord = dernier atelier).
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41 Les journaux du poste pour l'année 1805-1806 rapportent une information d'importance, soit la construction d'un nouvel atelier de forge à l'automne 1805. La présence sur le site d'un minimum de deux boutiques successives, confirmée par les sources historiques et surtout par la provenance d'une partie de l'assemblage d'objets, permet donc d'aborder la question de l'évolution des activités de forge. Les données historiques, iconographiques et archéologiques ont amplement démontré que le dernier atelier était situé dans le secteur nord du poste. De plus, certains objets témoins mis au jour dans la zone au sud de la maison du commis semblent bien indiquer l'ancienneté de la boutique érigée de ce côté45. Bien que seulement un artefact sur cinq ait été trouvé dans le secteur sud, il est apparu intéressant de confronter les activités de forge de chacun de ces ateliers afin d'en vérifier la nature et l'évolution. Le tableau de la figure 15 illustre la distribution spatiale par secteur des activités de forge identifiées lors de l'analyse de l'assemblage46.

42 Malgré la disparité de l'échantillonnage entre les deux secteurs, ce tableau démontre que certaines activités se concentraient davantage dans une zone au détriment de l'autre. Ainsi, il permet de constater que les activités traditionnellement associées aux boutiques de forge des postes de traite, soit l'entretien des pièges et les travaux de chaudronnerie et d'armurerie, semblaient plutôt cantonnées dans le secteur sud, là où se trouvait sans doute le premier atelier. Par contre, les activités de maréchalerie, de ferronnerie, de tonnellerie et même de taillanderie étaient plus prépondérantes dans le secteur nord, à l'emplacement de la boutique la plus récente. La fabrication des haches, reliée à la taillanderie, était aussi une activité d'importance dans les ateliers de forge des postes de traite. Bien que seulement 11 pour 100 de la taillanderie ait pris place dans le secteur sud, il faut cependant noter qu'environ 66 pour 100 des objets liés à cette activité trouvés dans cette zone sont des haches et des taillants de hache. L'accroissement de la taillanderie dans le secteur nord correspond davantage à la fabrication et la réparation d'outils associés au travail du bois et à l'agriculture47.

43 Enfin, les pourcentages relativement élevés dans la colonne « Autre provenance sur le site » pour les activités d'armurerie et de taillanderie reflètent soit le nombre peu significatif d'artefacts associés à l'une de ces activités soit le nombre d'objets entiers que l'on a intégrés à l'assemblage pour en illustrer des formes complètes. Certains de ces objets proviennent d'ailleurs du secteur des magasins (fig. 2, bâtiments nos 16 et 17), là où ils étaient certainement entreposés après leur fabrication.

44 Si la distribution des activités dans le secteur sud représente un tant soit peu la pratique normale d'un forgeron opérant dans un poste de traite, et cela malgré la fouille préliminaire de cette zone, il faut en conclure que les activités associées à la dernière boutique démontrent des changements importants dans les habitudes de travail. Tout comme la maréchalerie peut difficilement être reliée à la traite des fourrures, du moins dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, l'importance des objets témoins de la ferronnerie dans le secteur nord semble également dépasser les simples besoins en quincaillerie d'architecture de Fort-Témiscamingue et de ses postes satellites. De plus, les activités de charronnage mentionnées dans les journaux de 1840-1841 correspondaient peu aux besoins des parties engagées dans le commerce des fourrures.

45 Il apparaît donc évident, à la lumière de cette analyse, que la diversification et l'évolution des activités de forge à Fort-Témiscamingue, entre les dernières décennies du XVIII siècle et les années 1840, reflètent l'implantation de nouvelles activités économiques dans la région. En l'espace de quelques décennies, ces activités ont modifié le paysage socio-économique du territoire qui, d'une économie centrée sur le commerce des fourrures, a évolué lentement mais irrémédiablement, à partir de la fin des années 1830, sous les efforts conjugués de nouveaux acteurs, les missionnaires et les compagnies forestières.

Clients et destinataires

46 Les premiers bénéficiaires des travaux effectués à la forge de Fort-Témiscamingue étaient sans doute les Amérindiens qui, engagés ou non dans le commerce des fourrures, avaient de temps à autre besoin des services d'un forgeron pour assurer l'entretien des objets en métal dont ils étaient pourvus depuis l'arrivée des Européens. D'ailleurs, dès le Régime français, des forgerons à la solde des autorités coloniales étaient stationnés dans les missions et les différents postes de traite, selon une politique que les Britanniques ont perpétuée après la Conquête, dans les établissements sous le contrôle du Ministère des affaires indiennes comme, par exemple, Fort Michilimackinac48. Quant à la traite des fourrures, l'usage des outils essentiels à sa pratique, armes à feu, pièges et haches, rendait le travail du forgeron indispensable à toute entreprise de cette nature. La présence d'un forgeron dans un poste de traite était certainement un atout majeur pour les compagnies de fourrures car, en tant que seul artisan spécialisé, il répondait aux besoins généraux de travail du métal et servait non seulement à y attirer les Autochtones, mais également à les inciter à de nouvelles habitudes de consommation.

47 Même si les Amérindiens constituaient probablement les principaux clients de l'atelier de forge de Fort-Témiscamingue, du moins jusque vers le milieu du XIXe siècle, les journaux du poste dépouillés jusqu'ici ne contiennent qu'une seule référence, en date du 18 août 1840, mentionnant des travaux de réparation effectués pour leur compte. Certes, les références à la fabrication de haches et d'outils à taillant aciéré ainsi qu'à la réparation des pièges et des haches pour les postes satellites d'Abitibi, de Grand-Lac et de Népissingue constituent autant d'allusion aux besoins des Amérindiens qui, de toute évidence, étaient les principaux consommateurs des produits disponibles dans les magasins des compagnies de fourrures49. Mais, tandis que les journaux de 1805-1806 n'abordent que l'approvisionnement du poste du lac Abitibi, en plus des travaux effectués pour les postes déjà mentionnés, les journaux de 1840-1841 font état de certaines activités de forge exécutées pour les besoins des missionnaires et des compagnies forestières.

48 L'été 1836 a vu l'arrivée de la première mission catholique sur les rives du lac Témiscamingue. C'est alors qu'ont débuté les travaux de construction de la chapelle Saint-Adalbert, qui se sont terminés en 1841 par le déménagement du bâtiment au nord du poste de traite (voir fig. 2, au nord du bâtiment n° 7) et l'ouverture du presbytère50. Les premières tentatives d'implantation des missionnaires dans la région ont donné lieu à divers travaux de forge qui, sans être précisés, ont néanmoins été consignés dans les journaux du poste des années 1840-184151.

49 Ces premiers travaux ont été suivis de beaucoup d'autres car, à partir de 1844, sous l'influence des oblats nouvellement arrivés, la sédentarisation des Algonquins et la colonisation du territoire sont devenues primordiales. Ces entreprises prioritaires se sont tout d'abord manifestées par la création, en 1849, de la réserve amérindienne de la Tête-du-Lac, où l'agriculture remplaçait désormais la traite des fourrures, d'ailleurs en déclin, comme principal moyen de subsistance52. Ensuite, l'établissement en 1863 de la mission Saint-Claude, en face de Fort-Témiscamingue, a sans doute favorisé l'accroissement du travail et la diversification des activités de forge pour mieux subvenir aux besoins des missionnaires. Finalement, la colonisation du territoire à partir des années 1880 a amené, du moins pour quelque temps, son lot de nouveaux clients à la boutique de forge du poste de traite.

50 L'autre facteur déterminant dans l'évolution des activités de forge à Fort-Témiscamingue correspond à la venue des compagnies forestières qui se sont installées sur les rives du lac dès la fin des années 1830. Considérées par les autorités du poste comme des concurrentes potentielles, puisqu'elles perturbaient l'environnement et le mode de vie des Amérindiens53, ces compagnies se sont implantées sur le territoire avec des besoins spécifiques qui ont stimulé à leur manière la diversification des activités de forge à Fort-Témiscamingue. Ainsi, les journaux des années 1840-1841 ne contiennent pas moins de cinq références démontrant que les forgerons du poste travaillaient aussi pour le compte de ces nouvelles compagnies54. Selon cette source, les nouveaux arrivés pourraient même représenter les plus gros clients de l'atelier de forge de Fort-Témiscamingue si le nombre de références mentionnées dans ces pages constitue un indice. Étant donné les besoins particuliers de l'industrie du bois au XIXe siècle, il est donc fort probable qu'une grande partie des activités de maréchalerie et de charronnage ait été destinée aux bûcherons installés dans la région, sans oublier bien sûr l'apport de la taillanderie et de la ferronnerie pour la bonne marche de cette nouvelle entreprise économique55.

Du marteau à l'enclume...

51 Plus d'un siècle après le départ du dernier forgeron de Fort-Térniscamingue, les sols maintes fois piétines de l'ancien poste de traite restent marqués à jamais par les traces indélébiles du travail de la forge. Comme tous les forgerons pratiquant en région éloignée, les artisans du fer à Fort-Témiscamingue étaient des généralistes qui exécutaient des travaux variés. Bien que les produits fabriqués sur place aient surtout été liés aux activités de taillanderie, de ferronnerie et de maréchalerie, les forgerons du poste passaient sans doute la majeure partie de leur temps à réparer les objets divers rapportés à l'atelier. À la fois chaudronniers, armuriers et taillandiers, ils étaient avant tout préoccupés par le manque de matière première, et plus particulièrement d'acier. Les traces de recyclage observées sur une importante quantité d'artefacts, inclus ou non dans l'assemblage à l'étude, témoignent abondamment de cette situation. Enfin, la piètre qualité de certains objets illustre une technique souvent élémentaire, mais sans doute convenable en ces régions isolées, qui pourrait témoigner des difficultés de la Compagnie de la Baie d'Hudson à recruter des forgerons d'expérience ou de talent.

52 Si les premiers destinataires des activités de forge à Fort-Témiscamingue étaient les Amérindiens et les employés des postes satellites, il appert que de nouveaux joueurs ont aussi bénéficié, à partir des années 1840, du savoir-faire des forgerons de la Compagnie de la Baie d'Hudson. L'évolution des activités de forge, telle que démontrée par l'analyse de l'assemblage, indique des changements significatifs dans la pratique des forgerons travaillant dans l'un et l'autre des ateliers. Tandis que les activités identifiées dans le secteur de la première boutique semblent fortement liées à la traite des fourrures, les traces laissées par le travail de la Forge dans la dernière évoquent une pratique en pleine mutation, se rapprochant davantage des milieux ruraux. Ces changements reflètent une diversification économique conséquente à l'arrivée des missionnaires et des compagnies forestières ainsi qu'à l'essor de l'agriculture dans la région.

53 Finalement, les activités de forge décelées sur le site jettent un nouvel éclairage sur le travail du forgeron dans un poste de traite et permettent de mieux saisir toute l'importance de sa pratique dans le rôle de centre de service régional joué par Fort-Témiscamingue. Par ailleurs, le déclin des activités de forge reliées à la traite des fourrures, au profit d'activités de plus en plus associées à la ruralité et à une industrie naissante, met en évidence la place prépondérante de l'atelier de forge de Fort-Témiscamingue dans le développement de l'occupation de ce vaste territoire. Participant à leur manière à ces changements inéluctables, les artisans forgerons du lac Témiscamingue ont ainsi favorisé l'établissement dans la région de nouveaux arrivants, en leur assurant un service essentiel à toute communauté dans le passé. En outre, il convient de rappeler que les activités de forge représentent un important indicateur économique, qui permet de définir la nature des modes de subsistance en vigueur sur un territoire donné et leur évolution dans le temps.

L'auteur tient tout d'abord à remercier feu John Light d'avoir su lui faire partager sa grande passion pour le travail de la forge, ainsi que Pierre Drouin, archéologue à Parcs Canada, et Marcel Moussette, professeur d'archéologie à l'Université Laval, pour leurs précieux commentaires sur la version préliminaire de ce texte. Ses remerciements s'adressent également à Diane Lebrun, de Parcs Canada, et son équipe de la gare maritime Champlain, à Québec.

NOTES
1 Mircea Eliade, Forgerons et alchimistes (Paris : Flammarion, 1977), p. 65 et 91.
2 Mircea Eliade, op. cit.
3 Voir à ce propos l'excellent ouvrage de Jean-Claude Dupont, Lartisan forgeron (Québec : Éditeur officiel du Québec et Presses de l'Université Laval, 1979), 355 p.
4 La première campagne de fouilles à Fort-Térniscarningue 9. a été réalisée en 1971 sous la supervision de Richard Cox. Les trois interventions suivantes, menées entre 1992 et 1995, ont été dirigées par Pierre Drouin, archéologue à Parcs Canada. L'auteur a participé à deux de ces trois campagnes à titre d'archéologue adjoint et a par la suite dirigé les deux dernières interventions archéologiques, en 1997 et 1998.
5 Donat Martineau, Le Fort Timiskaming (Rouyn : Société St-Jean Baptiste de l'Ouest québécois, 1970), p. 26.
6 Donald McKay Papers, Doris Lewis Rare Book Room, University of Waterloo.
7 Cameron Papers, Timiskaming District Journal and Letter Books, F-428, Provincial Archives of Ontario.
8 Tïmiskaming Post Journal, B218a, Archives de la Compagnie de la Baie d'Hudson, Archives provinciales du Manitoba.
9 Selon ce journal, un nouvel atelier de forge aurait été construit entre le 18 octobre et le 13 décembre 1805.
10 Donat Martineau, op. cit., p. 29.
11 Christian Roy,flépertoireanalytique des vestiges archéologiques de Fort-Témiscamingue (Québec : Parcs Canada, 1996), p. 174.
12 Serge Saint-Pierre, Les artisans du fer aux Forges du St-Maurice : aspect technologique (Ottawa : Parcs Canada, 1977), Travaux inédits n° 307, p. 13.
13 Christian Roy, op. cit., p. 176.
14 Richard Cox, The Excavation of Fort Temiscamingue, Quebec (Ottawa : Parks Canada, 1972), Manuscript Report Number 73, p. 20.
15 John D. Light, « Étameur, commerçant, soldat, forgeron : forge d'un poste de traite sur la frontière, Fort Saint-Joseph, Ontario, 1796-1812 », dans John D. Light et Henry Unglik, Forge d'un poste de traite sur la frontière, 1796-1812 (Ottawa : Parcs Canada, 1984), p. 12.
16 William N. T. Wylie, The Blacksmith in Upper Canada, 1784-1850 : A Study of Technology, Culture and Power (Ottawa : Parks Canada, s.d.), Microfiche Report Series 298, p. 91.
17 John D. Light, ibid., p. 8.
18 John D. Light, ibid., p. 6.
19 Communication personnelle de John D. Light, février 1997.
20 Voir les journaux de poste pour les années 1840-1841, plus particulièrement entre le 21 mai et le 1er décembre 1840.
21 André Bérubé, François Duranleau, Thiery Ruddell et Serge Saint-Pierre, Le forgeron de campagne : un inventaire d'outils (Ottawa : Musée national de l'Homme, 1978), collection Mercure, Dossier n° 12, p. 25 et 55.
22 William N. T. Wylie, op. cit., p. 67.
23 Jean-Claude Dupont, op. cit., p. 25.
24 William N. T. Wylie, op. cit., p. 93.
25 Lynne Sussman, Hudson's Bay Company Suppliers, Volume II : A Directory of the British Commercial Suppliers Who Provided Goods and Services to York Factory and Red River, 1821-53 (Ottawa : Parks Canada, 1979), Manuscript Report Number 381, p. 46-47.
26 K. L. Barraclough, Sheffield Steel (Buxton : Moorland Publishing Co., 1976), p. 8.
27 John D. Light, Le recyclage des limes (Ottawa : Parcs Canada, 1991), Bulletin de recherches n° 285, p. 5.
28 John D. Light, ibid., p. 1-2.
29 John D. Light, ibid., p. 2.
30 André Bérubé et al., 1975, p. 27.
31 Communication personnelle de John D. Light, février 1997. Le départoir ou départoir de merrandier était un outil anciennement utilisé pour fendre le cèdre afin d'en obtenir du bardeau à couverture. Voir également l'étude de Daniel Villeneuve, Outils des Forges du Saint-Maurice (Québec : Parcs Canada, 1982), rapport inédit, p. 29.
32 Daniel Villeneuve, « La fabrication des haches aux forges du Saint-Maurice », dans R. Bouchard, dir., La vie quotidienne au Québec : histoire, métiers, techniques et traditions (Sillery : Presses de l'Université du Québec, 1983), p. 361-379.
33 Wylie illustre cette technique de fabrication, semblet-il une des plus courantes, dans son étude traitant des forgerons du Haut-Canada entre 1784 et 1850, op. cit., p. 166-167.
34 William N. T. Wylie, op. cit., p. 128.
35 Ces pièces ont été identifiées par John Light lors de son passage à Québec en février 1997.
36 Daniel Villeneuve, 1982, p. 346.
37 John D. Light, « Étameur... », p. 28.
38 Ibid., 1984, p. 29.
39 Russel Bouchard, Les armes traditionnelles au Canada, 1534-1890 (Chicoutimi-Nord : Musée du Saguenay, 1975), p. 69.
40 John D. Light, « Étameur... », p. 32.
41 Il en était de même, entre autres, pour les ateliers de forge de l'île Saint-Joseph (voir John D. Light, « Étameur... ») et de Eort Michilimackinac (voir Lynn L. Morand, Craft Industries at Fort Michilimackinac, 1715-1781 [Mackinac Island : Mackinac State Historic Parks, 1994], Archaeological Completion Report Series, n° 15, 89 p.).
42 Les journaux des années 1823-1825 ne comportent aucune référence aux activités de l'atelier de forge.
43 Les informations tirées des journaux de 1805-1806 proviennent de l'inscription en date du 4 août 1805, tandis que les nombreuses données provenant des journaux de 1840-1841 se rapportent à la période allant du 20 juillet 1840 au 18 août 1841.
44 Voir les journaux du poste des années 1840-1841, entre le 1er mars et le 25 mars 1841.
45 Par exemple, l'une des oreilles de contenant de la figure 13 affiche une forme typique du xviii0 siècle. Une pièce similaire a d'ailleurs été mise au jour à Fort Michilimackinac (voir Lyle M. Stone, Fort Michilimackinac, 1715-1781: An Archaeological Perspective on the Revolutionary Frontier ([East Lansing : Michigan State University, 1974], p. 174). Selon John D. Light, ces oreilles disparaissent des assemblages archéologiques dès les années 1815 (communication personnelle, février 1997).
46 Les résultats présentés dans ce tableau doivent être considérés comme préliminaires, compte tenu du mode de sélection de l'assemblage à l'étude et des réserves déjà mentionnées.
47 Aucun outil relié à l'agriculture n'a été mis au jour jusqu'ici dans le secteur sud. Les sources historiques mentionnent cependant que les employés du poste cultivaient quelques variétés de céréales et de légumes pour leurs propres besoins.
48 Lynn L. Morand, op cit., p. 17 et 19.
49 Ces références sont tirées des journaux de 1805-1806 et de 1840-1841, en date du 4 août 1805 pour le poste d'Abitibi et des 20 juillet, 31 juillet et 31 août 1840 pour les postes de Népissingue et de Grand Lac.
50 Voir Donàt Martineau, op. cit., p. 55-57.
51 Il s'agissait sans doute de travaux de ferronnerie reliés à la quincaillerie d'architecture nécessaire pour l'érection de ces deux bâtiments. Voir les entrées en date des 10 et 11 août 1841.
52 Marc Riopel, Sur les traces des robes noires (Ville-Marie : Société d'histoire du Temiscamingue, s.d.), collection Maison du Colon n° 3, p. 31.
53 Elaine Allan Mitchell, Fort Timiskaming and the Fur Trade (Toronto et Buffalo : University of Toronto Press, 1977), 306 p.
54 Ces travaux ont été effectués entre le 28 octobre 1840 et le 6 mai 1841.
55 De nombreuses haches d'abattage ont été retrouvées à Fort-Témiscamingue. Bien qu'elles aient été fabriquées commercialement, elles ont sans doute été rapportées par les bûcherons sur le site, où elles ont été réparées ou réaffûtées par le forgeron.