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Les habits de l'identité maya yucatèque moderne1

Mélissa Gauthier
Laval University

Abstract

In the Yucatan, the population is referred to as mestizo in reference to its regional clothing, or as catrine for its Western clothing. The description and analysis provided of how people dressed in different eras calls into question whether the nature of the influence of Western apparel in mestizo clothing systems is in fact always the same. The period of conquest, marked by missionaries' obsession with clothing the naked bodies of "Mayan Indians" and by the use of clothing to reinforce the social order of the colony, led to the creation of the terno, a garment specific to the mestizos that is similar to the indigenous huipil, but distinct in its adornment. The adoption of the terno as the festive costume of the Yucatan in the 1840s by women dressed in the European style can be interpreted as a political strategy by the bourgeoisie, trying to show the Yucatan as a mestizo society. At the beginning of the twentieth century, this region of Mexico was inhabited by gentes de vestido dressed in the European style and by mestizos wearing mainly the distinctive Yucatan costume. Today, the variety of huipiles worn in rural areas reveals the coexistence of different cultures in Mayan communities.

Résumé

Au Yucatan, des habitants sont appelés mestizos en référence à leurs habits régionaux et d'autres, cabines d'après leurs vêtements occidentaux. Dans cet article, la description et l'analyse de certaines pratiques vestimentaires à différentes époques remettent en question le caractère immuable de la circulation des modes occidentales dans le système d'habillement mestizo. La période de la conquête, marquée par l'obsession des missionnaires de vêtir les corps dénudés des « Indiens mayas » et l'utilisation du vêtement pour renforcer la structure sociale de la colonie, a fait naître une tenue exclusive aux mestizas, le terno, semblable au huipil indigène mais distinct par l'ornementation. L'adoption du terno comme costume festif yucatèque dans les années 1840 par les femmes vêtues à l'européenne peut être interprétée comme une stratégie politique de la bourgeoisie visant à présenter le Yucatan comme une société mestiza. Au début du XXe siècle, cette région du Mexique comptait des gentes de vestido habillés à l'européenne et des mestizos arborant en principe le costume yucatèque distinctif. De nos jours, la diversité des huipiles portés en milieu rural révèle la coexistence de codes culturels alternatifs dans les communautés mayas.

1 Au nord du Yucatan, au Mexique, certains habitants sont appelés mestizos2 en référence à leurs habits régionaux et d'autres, catrines3 d'après leurs vêtements de style occidental. Dans cette région du sud-est du Mexique où j'ai mené mon enquête ethnographique, la coexistence de deux styles vestimentaires distincts au sein des communautés mayas peut servir à illustrer les rapports transculturels dans le domaine vestimentaire, que ce soit l'adaptation du costume mestizo sous l'influence occidentale ou encore l'appropriation des vêtements de style occidental par les catrines. En m'appuyant sur les recherches de divers auteurs4 et sur mes propres données recueillies sur le terrain, je tente ici de décrire et d'analyser certaines pratiques vestimentaires à différents moments de l'histoire du Yucatan. Mon objectif est de remettre en question la tendance à présenter le style d'habillement mestizo comme immuable et de faire ressortir l'appropriation et la circulation des tendances de la mode européenne ou occidentale au sein du système d'habillement mestizo, et ce, bien avant que l'on parle de mondialisation des échanges. En remontant à la conquête, j'explique comment l'indignation ressentie par le clergé catholique face à l'apparente nudité des « Indiens » (Mayas)5 l'a poussé à exiger d'eux un costume « décent ». Je montre aussi comment le vêtement a été utilisé pour renforcer les différences sociales et ethniques (entre Blancs, Mestizos et « Indiens ») de la société coloniale. Une tenue exclusivement réservée aux Mestizas, le terno, très similaire au huipil indigène mais ornementée autrement, est ainsi apparue.

2 Et puis, suite à l'épisode de la guerre des Castes (1841-1847), le terno s'est présenté comme un symbole idéal pour la bourgeoisie qui s'efforçait de faire apparaître le Yucatan comme une société mestizo, au sein de laquelle la figure de l'« Indien » était écartée. Cependant que les « Indiens » (Mayas) du Nord du Yucatan commençaient à se désigner comme mestizos, les femmes qui s'habillaient à l'européenne (de vestido) ont adopté le terno comme costume festif de l'identité féminine yucatèque. À l'aube du XXe siècle, la société yucatèque comptait deux principales classes sociales. La classe supérieure (gente de vestido) portait les habits européens tandis que la classe inférieure (mestizos) portait le costume yucatèque distinctif. Concernant cette période, divers indices ethnographiques recueillis par Asael T. Hansen6, qui révèlent l'appropriation des tendances de la mode par les mestizas, me permettent de faire ressortir dans cet article le caractère contradictoire de son interprétation voulant que les vêtements mestizos n'aient pas eu tendance à refléter les modes de la classe supérieure.

3 En conclusion, un bref aperçu des différents types de huipiles portés de nos jours en milieu rural yucatèque et du rôle qu'ils jouent dans le système de différenciation vestimentaire intra-ethnique sert à montrer comment, dans un contexte de changement social accéléré, un seul et même groupe ethnique, tel les Mayas yucatèques, peut avoir une diversité de codes culturels se manifestant clairement dans des styles vestimentaires différents.

Les castes de la société coloniale et leurs codes vestimentaires

4 Dès le temps des premiers contacts, le clergé catholique, indigné par l'apparente nudité des Mayas, entreprit d'exiger un costume « décent » de tous ceux qu'il s'efforçait de lier à l'Eglise. Dans certains écrits qui remontent à la conquête, les Espagnols associent de façon assez courante le fait de couvrir les parties intimes du corps à la pudeur. À cet égard, de Landa7 décrit les femmes de certaines régions comme plus pudiques dans leur habillement du fait qu'elles couvrent aussi leur poitrine8. Le caractère indécent et impudique de la nudité est réitéré dans les ordonnances de Tomâs Lôpez de 1552-1553 et renforcé par l'idée selon laquelle, sous le spectre de la maladie, un corps adéquatement habillé est un corps plus hygiénique.

Parce qu'il est indécent que les femmes indigènes se promènent nues et parce que le manque de vêtements, de souliers et de lits pour dormir occasionne diverses maladies, j'ordonne que d'aucune mamère les Indiennes ne cessent de porter une chemise longue et par-dessus leur vaipil [huipil]; et les Indiens, leurs chemises et zaragùelles [pantalons] et que tous se procurent de quoi se chausser, au moins des alpargatas [sandales]9.

5 Les corps nus ou plutôt trop dévêtus des « Indiens » mayas10 dérangeaient la morale judéo-chrétienne à un point tel que les missionnaires étaient obsédés par la nécessité de les vêtir de façon décente. Malgré cela, les résultats étaient lents à se faire sentir, ce qui rendait la situation décourageante pour les missionnaires. En dépit de leur volonté de convertir les Mayas à la foi chrétienne et de les rendre plus civilisés en leur apprenant à respecter un nouveau code vestimentaire, les religieux étaient forcés d'admettre que le succès de leur mission « civilisatrice » n'était que partiel.

What they saw in those glimpses was most disheartening. They could enforce their code of dress in public, but not force the Maya to give up their "indecent and scandalous" attire at home: "topless" dress for the women and only a loincloth for the man11.

6 L'élite maya, quant à elle, ne s'est pas laissée prier très longtemps. D'ailleurs, dès le début de la période coloniale, les conquérants ont su tirer des profits substantiels du travail des femmes indigènes consacré à la production de textiles. Les femmes mayas étaient celles qui contribuaient le plus au paiement du tribut aux encomenderos12 en tissant des pièces de coton (mantas) qui étaient envoyées en Espagne. Comme le fait remarquer Quezada13, la demande croissante pour les mantas eut pour conséquence de faire disparaître la production de tissus de tradition préhispanique, que la noblesse maya, pour sa part, cessa graduellement de consommer.

They adopted what must have been the even more uncomfortable Spanish style of dress, so unsuitable to that climate, with heavy wool breeches and tunics, capes, cumbersome shoes, and felt hats14.

D'un autre côté, la persistance de la tenue apparemment « indécente » des Mayas dans le privé montre bien l'énergie que les missionnaires ont dû déployer pour reconstruire la corporéité des « Indiens » (Mayas) selon une conception de la nature et de la culture profondément ancrée dans la tradition judéo-chrétienne. Autrement dit, pour faire en sorte que les Mayas s'engagent sur le chemin de Dieu, on a supprimé les codes vestimentaires locaux « comme si l'acquisition d'une nouvelle identité portée sur le corps assurait l'acquisition d'une nouvelle identité culturelle moderne15 ».

Fig. 1 Dans cette famille, mère et filles ne portent pas le même style de vêtements. La femme qui porte le huipil quotidiennement est appelée mestiza, tandis que ses filles qui portent des vêtements de style occidental sont appelées catrines. Le huipil de cette photographie présente des broderies au point de croix en forme de fleurs à l'encolure et dans le bas. Cansahcab (Yucatan), 2000.
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(Photo : Mélissa Gauthier)

7 L'habillement a par la suite été utilisé comme une considération sociale et culturelle, de manière à renforcer la structure sociale de la colonie, au moment où les divisions raciales qui la composaient à l'époque de la colonisation devenaient de moins en moins perceptibles. En Nouvelle-Espagne, suite à la conquête, la structure sociale présentait essentiellement trois segments de population : Blancs, Mestizos et « Indiens » (castas). Au XVIe siècle, le terme Mestizo faisait référence au produit biologique résultant de l'union entre une personne d'origine espagnole et une personne d'origine amérindienne. Or, au fur à mesure que les nouvelles générations issues du processus de métissage se succédaient, les critères raciaux servant à délimiter les groupes sociaux faisaient graduellement place à des considérations sociales et culturelles comme l'habillement, le nom de famille et l'occupation. « Instead, the Yucatecan society, lead by the Catholic Church, established social and cultural criteria such as clothes, surname, involvement in local government, occupation, and strict social guidelines to take tlie place of the elusive racial criteria16 ».

8 En imposant certaines règles et prescriptions sur la conduite et l'habillement, la société yucatèque, l'Eglise catholique à sa tête, s'est efforcée de maintenir la séparation des groupes sociaux. Les missionnaires, qui faisaient partie de la population blanche, ont prescrit des codes vestimentaires pour les Mestizos et les « Indiens » afin de foire respecter un certain degré de normes morales catholiques et protéger la visibilité et la supériorité du statut des Blancs. Ce faisant, les personnes d'origine espagnole étaient les seules à pouvoir porter des vêtements de style européen alors que les Mestizos et les « Indiens » (Mayas) avaient l'obligation de porter les habits distincts promus par les missionnaires17.

9 Même si les différences imposées entre les Mestizos et les « Indiens » en ce qui a trait à l'habillement ont d'abord été très subtiles, elles illustraient bien la séparation entre ces deux catégories sociales. La robe imposée à la femme amérindienne était désignée par le terme huipil18. À l'origine, le huipil prescrit par les religieux catholiques était entièrement blanc, couleur habituelle de la robe de baptême. En dessous du huipil, les femmes portaient un jupon de la même couleur appelé justàn19 qui atteignait généralement le sol et devait dépasser le huipil en longueur. Hervik20 mentionne que les « Indiennes » devaient revêtir un huipil plus court que les Mestizas et qu'elles ne portaient pas de souliers. Il souligne également que les femmes décoraient parfois les bordures des huipils et des justàns en les brodant très simplement avec du fil blanc et qu'elles utilisaient un châle ou rebozo blanc.

10 Plusieurs indices laissent ensuite croire que les Mestizos, qui formaient une partie de la bourgeoisie locale naissante, n'ont pas tardé, comme leur contrepartie européenne, à marquer leur statut social sur le corps de leurs femmes, dont l'habillement est devenu plus nuancé et sophistiqué. On a alors vu apparaître, dès la première moitié du XIXe siècle, une tenue exclusivement réservée aux Mestizas, le terno21, très similaire au huipil indigène, mais beaucoup plus riche en ornements, avec un rabat au niveau du cou (jubon) et exhibant sur le bord du jupon (justân) les mêmes broderies que sur le huipil22. Selon Redfield, « les huipils des Indiennes avaient de petites ou de très simples broderies, alors que les huipils des Mestizas, les ternos, présentaient des broderies au point de croix. Les motifs des broderies au point de croix de cette période étaient géométriques23 ». Redfield mentionne aussi que les « Indiennes » ne possédaient pas autant de bijoux que les Mestizas. D'après l'auteur, « les Mestizas portaient des épingles à cheveux en corail, de fins peignes et des écharpes pour la tête faites de fines étoffes, alors que les Indiennes devaient se contenter d'épingles à cheveux en écaille de tortue (espèce locale), de peignes en bois et de foulards en coton brut24 ».

11 Et c'est ainsi qu'au cours de la période coloniale et jusqu'au milieu du XIXe siècle, la densité sémantique des trois catégories sociales de population est passée d'une base biologique à une base sociale. « Flesh and blood were substituted by language, clothes and surnames as the markers of identity25 ». À l'initiative des missionnaires, les vêtements sont devenus les marqueurs de l'identité sociale. Redfield26 soutient que l'exclusivité de la tenue des Mestizas était telle que, si une « Indienne » avait porté un terno, on le lui aurait retiré pour le briiler à la porte de l'église. Les Mestizas et les « Indiennes » de cette époque exprimaient donc leur identité sociale et ethnique respective à travers des codes vestimentaires nuancés, mais à l'intérieur d'un système d'habillement dont les frontières, loin d'être étanches, laissaient aussi circuler une foule de tendances de la mode européenne. Comme le souligne Redfield27 dans le cas de la petite ville de Dzitas, c'était les Mestizas qui suivaient les modes ; chaque fois qu'une nouveauté dans l'habillement arrivait à Dzitas — chaînes en or, bonnes chaussures, nouveaux motifs de broderie —, c'était les Mestizas qui se les appropriaient et l'opinion publique permettait aux « Indiennes » d'adopter ces modes seulement lorsqu'elles avaient été abandonnées par la classe au-dessus.

La guerre des Castes et le terno comme symbole de l'identité feminine yucatèque

12 La guerre des Castes qui a éclaté au milieu du XIXe siècle a eu un effet crucial sur la structure sociale et la catégorisation sociale des Mayas du Yucatan. Elle est le point central permettant d'expliquer historiquement pourquoi les Mayas du nord du Yucatan ont commencé à se désigner comme Mestizos. Cette période (1847-1853) a été marquée par une violente guerre civile opposant, d'un côté, les Mayas rebelles du centre et de l'est du Yucatan et leurs alliés mestizos et, de l'autre, les Blancs, les Mestizos et les Mayas de la partie ouest de la péninsule.

Fig. 2 Une mestiza et sa petite-fille catrin, Cansahcab (Yucatan), 2000. Les broderies décorant le huipil de la mestiza sont monochromes.
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(Photo : Mélissa Gauthier)

13 Avec la signature d'un accord de paix en 1853, les Mayas « pacifiés » et les Mayas des haciendas28 du Nord ont graduellement cessé d'utiliser le terme masewal29 et choisi l'appellation mestizo. Selon Hervik30, ce changement révèle un acte linguistique servant à consolider leur dissociation des rebelles qui étaient adeptes de la Croix parlante31 et qui voulaient perpétuer le mouvement de résistance. Parallèlement, ces derniers allaient confirmer linguistiquement la distinction qui les séparait des mestizos en continuant de s'identifier comme masewales. La distinction Mestizo/ « Indien » de la période coloniale, renvoyant à une distinction entre deux catégories sociales de la population associais aux personnes d'ascendance mixte et aux Amérindiens, ne collait plus à la nouvelle réalité postcoloniale. Selon Redfield, à Mérida, les différences dans le costume des Mestizas et des « Indiennes » sont disparues vers le milieu du XIXe siècle. « By the middle of the nineteenth century, if not before, occupational, costume, and residence differences between these two groups had disappeared, so that there remained only the distinction of surname, with its implication of racial difference, and certain legal or customary discriminations32 ».

14 Les catégories Mestizo et « Indien » ont fusionné en une seule catégorie que l'expression mestizo allait dès lors servir à désigner. Comme le souligne Hansen, « this word which originally was applied to individuals of mixed blood, bad been redefined in popular usage by the late nineteenth century to refer to the wearers of the local costumes33. » Cette nouvelle catégorie, qui recoupait tous les individus portant le costume régional au quotidien, allait demeurer distincte de la catégorie gente de vestido, qui englobait les individus habillés à l'européenne.

15 En fait, le nouveau sens graduellement rattaché à l'expression mestizo est venu se conjuguer à un mouvement d'exaltation du fait mestizo, mis de l'avant par la classe dirigeante comme stratégie politique en réponse à une structure sociale changeante et à un projet d'autonomie régionale. Suite à l'accession du Mexique à l'indépendance (1821), en effet, certaines régions, dont le Yucatan, sont devenues séparatistes pour conserver leur autonomie. Selon Millet et Quintal34, l'adoption du huipil de la Mestiza — dans le sens colonial du terme —, le terno, comme costume régional, voire national, a découlé en grande partie de la grave situation sociale à laquelle le Yucatan avait été confronté lors de l'épisode de la guerre des Castes.

16 Face à l'effondrement presque total du système en place, la bourgeoisie a eu besoin de formaliser de nouvelles alliances avec les mestizos, en s'efforçant de présenter le Yucatan comme une société mestiza, au sein de laquelle la figure de l'Amérindien avait été éliminée. Aussi, devant la nécessité de marquer les différences entre ce qui était « yucatèque » et ce qui était de l'extérieur, au cours du XIXe siècle, le type de huipil jadis exclusif aux Mestizas, le terno, est devenu le costume festif de l'identité féminine yucatèque indistinctement de l'origine et des classes sociales. Pendant qu'une partie significative des Mayas yucatèques s'appropriaient l'expression mestizo pour se désigner eux-mêmes, les femmes qui s'habillaient selon les tendances de la mode européenne se sont approprié le terno par l'intermédiaire de leurs servantes mestizas.

17 C'est dans ce contexte qu'une nouvelle génération de ternos a vu le jour dans les riches maisons de Mérida. La première étape dans le développement de ce costume régional consistait à broder des bordures colorées sur le terno traditionnellement blanc. Selon Trujillo35, les somptueux ternos désirés par les femmes appartenant à la catégorie gente de vestido étaient confectionnés par des équipes de servantes mestizas. Ces dernières vivaient et travaillaient dans la maison de leur patronne sans recevoir de rémunération directe, en échange de quoi elles étaient nourries et habillées, recevaient une instruction religieuse et étaient tenues de prendre des leçons de couture. « Domestic servants felt superior to fellow mestizas and were able to create fancier jipiles and ternos to express the desired status difference36 ».

18 Les femmes de vestido se faisaient confectionner de somptueux ternos pour les porter dans des espaces festifs comme la vaqueria37 et le carnaval, de manière à ce que leurs apparitions publiques revêtent un caractère de licence rituelle et soient interprétées sous forme de plaisanterie. Pour ce faire, le carnaval, en tant que fête du désordre institutionnalisé, constituait un espace tout à fait approprié. Sous cet angle, Millet et Quintal38 considèrent qu'au cours de l'expérience de la métamorphose rendue possible par le monde carnavalesque, les Yucatèques devenaient momentanément riches et pauvres, blanches et mestizas. Mais cette stratégie politique d'exaltation du fait mestizo permettant une métamorphose éphémère demeurait le reflet inversé du quotidien, où une séparation évidente existait toujours entre la catégorie mestizo et la catégorie gente de vestido.

19 Les femmes de la classe dirigeante ont ainsi contribué à faire émerger la figure de la mestiza pomponnée, de concert avec les mestizas qui ont appris à embellir le terno et le huipil d'une façon nouvelle et originale. La technique du point de croix39 a été de plus en plus utilisée pour broder des motifs floraux colorés beaucoup plus contrastés que les motifs qui étaient traditionnellement de forme géométrique et de couleur blanche. À partir des années 1880, les huipiles et les rebozos sont apparus dans un nouvel éventail de couleurs 40.

L'appropriation des tendances de la mode de vestido par les mestizas

20 Un peu avant le début du XXe siècle, la société yucatèque était donc divisée en deux principales classes sociales41. La classe supérieure (commerçants, propriétaires terriens, fonctionnaires) portait des habits européens et était désignée par l'expression gente de vestido. La classe inférieure, quant à elle, portait le costume yucatèque distinctif et ses membres étaient appelés mestizos. Cette différence de style vestimentaire impliquait aussi des marqueurs de différenciation en lien avec l'occupation, la langue et le lieu de résidence. Les professions libérales étaient presque exclusivement réservées aux de vestido, alors que le travail manuel était effectué par ceux qui portaient le costume régional traditionnel. « A man wearing the folk costume was a manual laborer; certainly he was not a clerk or a streetcar conductor. A woman wearing a huipil might be a domestic servant; surely she was not a trained nurse or an office employee42 ». Les systèmes d'habillement étaient également perceptibles à travers la langue et le lieu de résidence. Au centre de la ville ou du village, les gens s'exprimaient la plupart du temps en espagnol et étaient plus souvent habillés à l'européenne, alors qu'en périphérie, la langue maya et la tenue locale étaient presque universelles.

21 Pour ce qui est de cette période, il s'avère fort intéressant d'examiner la vision de Hansen en ce qui a trait aux pratiques vestimentaires relatives à ces deux classes de la population, car cela permet de mettre en évidence la circulation des tendances de la mode et leur appropriation par les mestizos déjà très tôt dans la première moitié du XXe siècle. Au sein de la société yucatèque de ce début de siècle, chaque individu utilisait l'un ou l'autre de ces costumes et était identifié à la classe sociale représentée par son habillement, à l'intérieur d'un système de classes que Hansen qualifie de polarisé. « The clothes of the two classes differed in so many details that the social position of an individual could be perceived by the most casual glance43 ». Selon lui, la classe supérieure suivait la mode internationale avec un certain décalage dans le temps, tandis que le costume de la classe mestizo était demeuré presque immuable. Hansen minimise en fait l'importance significative de l'introduction récente des couleurs pour les ternos, les huipiles et les rebozos, que j'ai soulignée plus tôt.

22 Aux yeux de Hansen, les deux costumes représentaient des systèmes d'habillement séparés et indépendants avec leurs propres canons de beauté. Ainsi, un mestizo vêtu selon son propre style se sentait parfaitement à l'aise, même en présence d'une personne de vestido habillée selon le dernier cri. « There seemed to have been almost no tendency for mestizo clothes to reflect upper-class fashions44 ». C'est là le point central de son argumentation. Cependant, Hansen ne manque pas de remarquer que le caractère immuable du costume de la mestizo et de ses composantes indissociables n'était vrai qu'en partie. Certains de ses informateurs lui auraient dit que des mestizos avaient introduit des broderies en forme de cercles sur leur huipiles après que ce soit devenu la mode chez les de vestido. Aussi, on lui aurait rapporté que le nombre de jupons que les mestizos utilisaient ainsi que la longueur et l'abondance de leurs huipiles suivaient les tendances du style d'habillement de la classe supérieure.

Durant le 20e siècle, les sous-vêtements tendaient à suivie les modes de vestido. À l'occasion des fêtes, les chaussures et les bas des jeunes mestizas étaient comme ceux des de vestido. Les tissus traditionnels étaient le coton et le lin. En 1935, les vêtements de fête des mestizas étaient couramment en soie, parfois même en soie colorée45.

Selon Hansen, l'apparence vestimentaire des mestizas était caractérisée par des canons de beauté si organisés qu'ils constituaient une sorte de code. Les quelques femmes qui apportaient des modifications allant dans le sens de la mode de vestido à des éléments importants de leur habillement étaient critiquées par les autres mestizas autant que si elles avaient adopté du tout au tout les vêtements européens, une pratique qui était sur le point de devenir de plus en plus courante. En effet, un mouvement de changement amené par la révolution mexicaine de 1910 a d'abord couvé à Mérida, où les contacts croissants avec le monde extérieur ont contribué à éroder la distinction mestizo/de vestido. Dans les premières années du XXe siècle, le nombre de personnes qui ont délaissé le port quotidien du costume régional a rapidement augmenté. Vers 1915, les mestizos qui vivaient à Mérida se sont mis à adopter les habits européens à un rythme qui laissait présager la disparition du costume traditionnel de la ville en moins de quelques décennies46.

23 Le contexte était alors bien différent en milieu rural, où le costume régional allait demeurer la norme pendant toute la première moitié du XXe siècle. Dans les années 1960, la majorité des gens qui vivaient à la campagne étaient des mestizos, vêtus à la manière des paysans (campesinos) et des Mayas yucatèques. Considérant l'attachement de ces derniers à la milpa47 et à l'agriculture, plusieurs auteurs48 prévoyaient alors la persistance du style vestimentaire mestizo, ajoutant que ceux qui s'en éloignaient devaient la plupart du temps quitter le village pour travailler. Dans les années 1970, Littlefield constatait que la demande pour les huipiles brodés ne dérougissait pas.

They are worn [the embroidered huipiles] by about half the women of Yucatan as daily costume, and often the only type of dress which they have ever worn. It is true that in each generation a part of the mestizo population changes its dress and habits and becomes catrin (the local term for one who adopts European-style dress), but the mestizo population is nevertheless larger in absolute number than it was a generation ago49.

Mais entre 1960 et 1990, l'ensemble de la péninsule du Yucatan a connu des changements multiples qui ont profondément transformé son économie, comme le déclin de la culture du henequen50, le développement de l'industrie touristique sur la côte caraïbe et l'implantation des maquiladoras51. Dans ce contexte, les communautés mayas ont expérimenté un renouvellement significatif de leurs activités économiques, de sorte que l'agriculture n'est plus la principale stratégie de subsistance, la plupart des familles devant maintenant compter sur plusieurs sources de travail salarié pour subvenir à leurs besoins. Dans les localités rurales, divers changements majeurs, comme l'ouverture des grandes routes reliant la plupart des communautés à Mérida et à d'autres villes, l'installation de l'électricité, de même que l'arrivée de la radio et de la télévision, ont mené à une diminution significative des sphères d'interaction verbale opérant exclusivement dans la langue maya. Ces changements socioculturels au niveau de l'occupation et de la langue se sont accompagnés d'une profonde coupure générationnelle avec le style vestimentaire mestizo.

Fig. 3 Une mestiza préparant les tortillas pour le déjeuner, Cansahcab (Yucatan), 2000. Le modeste huipil de tous les jours qu'elle porte sous un tablier est décoré d'un appliqué industriel. Pour les dimanches et occasions spéciales, les mestizas possèdent un huipil plus élégant, brodé plus densément et délicatement.
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(Photo : Mélissa Gauthier)

Changement social et diversité vestimentaire entre générations : les mestizas, les catrines et leurs huipiles

24 À la campagne, les mestizos qui ont adopté un habillement de style occidental ont été désignés comme catrines et non pas comme gentes de vestido52. Au cours des trente dernières années, les populations locales ont graduellement expérimenté un changement significatif de mestizo à catrin. De nos jours, au nord du Yucatan, les villageois qui présentent les caractéristiques vestimentaires associées aux mestizos et aux mestizas sont de plus en plus vieux et de moins en moins nombreux avec les années. Les caractéristiques vestimentaires définissant les catrines correspondent maintenant à la norme. Aujourd'hui, à peu près aucune jeune femme en deçà de 25 ans n'est identifiée comme mestiza.

25 À l'intérieur d'une même famille, il arrive souvent que les membres de différentes générations conversent entre eux dans des langues différentes et s'habillent selon des codes vestimentaires distincts. En effet, dans la vie de tous les jours, il est devenu très fréquent d'entendre des conversations bilingues où les gens plus âgés s'adressent en maya à des personnes plus jeunes qui leur répondent en espagnol. Ainsi, contrairement à leurs parents qui parlent le maya et s'habillent toujours selon le style vestimentaire mestizo, les enfants, eux, portent presque tous des vêtements de style occidental. L'appellation catrin s'applique donc à présent surtout aux enfants ou aux descendants de mestizos qui portent des vêtements occidentaux malgré leur héritage maya. Tout comme Hervik, je soutiens que la catégorie catrin, parfois considérée comme équivalente de la catégorie gente de vestido53 et correspondant à un groupe ethnique distinct54, forme en fait une sous-catégorie de la catégorie mestizo. Un bref coup d'oeil sur les différents types de huipiles portés de nos jours en milieu rural yucatèque permet de constater que le costume mestizo demeure une composante essentielle des histoires de vie das Yucatèques du monde rural et de comprendre concrètement qui sont les catrines par rapport aux mestizos.

26 Le premier type de huipil destiné à un usage quotidien est revêtu par la mestiza qui ne porte en aucun cas les vêtements de catrin. Ce genre de huipil constitue l'un des divers éléments qui caractérisent la toilette de la mestiza. Le rebozo (châle), la chevelure ramassée en chignon sur la nuque, le justân (jupon) dépassant le huipil d'une quinzaine de centimètres, les bijoux et les couronnes dentaires en or sont tous des éléments indispensables au style vestimentaire de la mestiza. Pour les dimanches et les occasions spéciales, celle-ci possède généralement un huipil plus élégant, brodé plus densément et délicatement, qu'elle agence à un justân et un rebozo plus raflï nés. Au Yucatan, les femmes semblent avoir une préférence marquée pour les rebozos de rayonne tissés à Santa Maria del Rio dans une variété de couleurs qui s'agencent à leur huipiles55.

27 Le second type de huipil est celui que porte occasionnellement la catrin. Il est souvent utilisé sans justân ou avec un jupon porté aussi sous d'autres robes, parfois dans une autre couleur que le blanc. La catrin ne porte pas de rebozo avec son huipil qui présente généralement des motifs floraux plus variées et pas nécessairement géométriques. Et, contrairement au huipil de la mestiza, le sien est plus étroit et plus court. L'expression minihuipil (modalité qui fait référence à une minirobe) est fréquemment utilisée pour signifier la différence de largeur et de longueur entre le huipil de la mestizo et celui de la catrin.

Le huipil de la catrin s'appelle minihuipil, il est étroit, il peut présenter une frise brodée dans le bas comme un justân, il est différent du huipil de le mestizo qui est ample, les catrines ne portent pas le minihuipil tous les jours, le minihuipil est très populaire pour sortir, pour aller à l'église, mais la femme mestiza est plus élégante, paive qu 'elle porte un vêtement plus long avec un justân, c'est plus traditionnel56.

28 Le minihuipil, très utilisé à Mérida dans les années soixante, demeure le plus populaire auprès des jeunes femmes de la campagne. Dans les années 1970, Littlefield57 avait déjà remarqué que la tendance à porter le huipil occasionnellement s'était accrue, depuis que les Yucatèques (de vestido et catrines) avaient observé que les Nord-Américaines y prenaient goût. Pour s'endimancher, les catrines possèdent elles aussi un huipil plus chic qui peut présenter davantage de variantes que celui des mestizos, étant complètement blanc, par exemple.

29 Le troisième type de huipil, le terno, est la tenue de gala que les mestizos et les catrines revêtent pour les jaranas du village. Il peut aussi être porté comme robe de mariée si ses broderies sont blanches. Au huipil est superposé un col carré d'environ trente centimètres de largeur nommé jubon. Le charme de cette pièce profusément décorée de motifs brodés réside dans son décolleté carré qui laisse entrevoir une partie de la poitrine et du dos. une délicate audace. La partie inférieure du huipil, qui couvre le corps de la femme jusqu'à mi-mollet, présente les mêmes broderies que le jubon. Finalement, le huipil de gala est toujours juponné ; le justân qui dépasse du huipil doit arriver juste au-dessus de la cheville. Le terno de la mestiza est habituellement rehaussé par un fin rebozo de Santa Maria et un chapelet en filigrane d'or. Comme le souligne Hervik58, les mestizos n'ont pas toutes accès à ce fastueux huipil, en raison de sa cherté, tandis que les catrines et les femmes de la classe supérieure de Mérida possèdent souvent un terno. « Furthermore, it is worth mentioning that many non-Maya women in Yucatan also dance jarana and dress in the fancy ternos but without the scarf59 ». Dans l'ensemble de la péninsule, les femmes yucatèques portent le terno pour les danses folkloriques même si les jaranas auxquelles on peut assister à Mérida et à Cancun different radicalement de celles qui se tiennent dans les villages.

Fig. 4 Statue d'une mestiza dansant la jarana, Cansahcab (Yucatan), 2000. Le huipil ici représenté est porté par-dessus un justân (jupon).
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(Photo : Mélissa Gauthier)

30 Mon analyse du rôle actuellement attribuable à l'habillement dans le système de différenciation vestimentaire intra-ethnique, au sein des communautés mayas du Nord du Yucatan, laisse donc entrevoir qu'un seul et même groupe ethnique, tel les Mayas yucatèques, peut vraisemblablement présenter deux codes culturels se manifestant clairement dans deux styles vestimentaires.

The mestizo category was the outcome of the fusion of the earlier mestizo/Indian distinction. and the mestizo category which held two alternating cultural codes that were clearly manifested in two styles of clothes, the jipil for daily use by the mestiza, Western clothes and the catrina jipil for the catrina, and both mestizas and catrinas wore the terno for special occasions60.

31 L'étude de la coexistence de différents styles de vêtements à divers moments de l'histoire de la société yucatèque permet d'illustrer les rapports transculturels dans le domaine vestimentaire, car elle révèle, dans le costume mestizo et les divers types de huipiles, l'adaptabilité constante des costumes traditionnels sous l'influence de la mode occidentale.

32 Et comme le huipil et le terno dont l'origine remonte à la période post-colombienne, les tendances de la mode et les vêtements de style occidental font désormais partie intégrante de la culture maya, bien qu'ils soient (comme la plupart des éléments culturels mayas) des éléments adoptés.

New elements could be appropriated without implying the final collapse of the Maya culture. I argue that cultural elements can and do change from being foreign to own, i.e., tape-recorder can become a Maya cultural element. A few examples are the jarana dance, the jipil, the terno and the altered forms of Catholic rituals61.

En analysant les mécanismes d'appropriation des tendances de la mode et des vêtements de style occidental par les Mayas yucatèques sous cet angle, il devient possible de contribuer encore davantage à enrichir l'étude des rapports transculturels dans le champ des pratiques vestimentaires.

NOTES
1 Je remercie Madame Marie-France Labrecque, professeure au Département d'anthropologie de l'Université Laval, pour ses suggestions et ses encouragements qui m'ont beaucoup stimulée au cours de la rédaction de ce texte.
2 La traduction française du terme mestizo est métis. Cependant, comme je le montre dans cet article, l'utilisation de ce terme au Yucatan, contrairement à d'autres parties du Mexique, ne renvoie pas à la connotation biologique qui lui est habituellement associée. Au Yucatan, le terme mestizo est utilisé tant par les Mayas que par les non-Mayas pour désigner l'indigène amérindien et non pas le métis mexicain comme ailleurs au Mexique. C'est la raison pour laquelle j'utilise le terme espagnol tout au long de cet article.
3 Contrairement aux auteurs qui considèrent que les expressions de vestido et catrin sont analogues et qui perçoivent une différence ethnique entre les mestizos et les catrines, j'adhère dans cet article à la thèse centrale défendue par Peter Hervik (dans son Mayan People Within and Beyond Boundaries : Social Categories and Lived Identities in Yucatan (Harwood : Academic Publishers, 1999), selon laquelle l'expression catrin renvoie à une forme spéciale de catégorie sociale qui constitue une sous-catégorie de la catégorie mestizo. L'argument clé soulevé par l'auteur est que les mestizos et les catrines font souvent partie de la même famille et cohabitent côte à côte dans la même maisonnée. « Although this culture might be a complex one comprising different cultural codes or styles, it does not make sense to divide a family into distinct cultures ».
4 Je ferai entre autres référence aux données ethnographiques d'une grande qualité recueillies par Robert Redfield et son équipe dans les années 1930, sans toutefois partager leur vision de la communauté maya ni leur conception linéaire de l'acculturation. Se reporter à Robert Redfield, The Folk Culture of Yucatan (Chicago : University of Chicago Press, 1941).
5 Pour se désigner eux-mêmes, les Mayas utilisaient l'expression masewal, dérivée du mot nahualt macehualli : « Before the conquest it meant poor people, plebeians, eligible for paying tribute but not eligible for political office. » Voir Peter Hervik, op. cit., p. 39 et 56.
6 Ces données ethnographiques recueillies par Asael T. Hansen à Mérida dans les années 1930, alors qu'il faisait équipe avec Redfield, se concentrent dans son article « Change in the Class System of Merida, Yucatan, 1875-1935 », publié dans l'ouvrage de Edward H. Moseley et Edward Davis Terry, Yucatan : A World Apart (Alabama : University of Alabama Press, 1980), p. 122-141.
7 Franciscain né à Tolède en 1524, le frère Diego de Landa est arrivé au Yucatan en 1549. Il a parcouru la péninsule pendant trois décennies et a joué un rôle marquant dans la mission évangélisatrice des Mayas. Il a été nommé évêque du Yucatan en 1572. Son œuvre Relaciôn de las Cosas de Yucatân, écrite vers 1566, est une pièce clé pour la connaissance des anciens Mayas. Il est mort à Mérida en 1579.
8 Sylvanus Griswold Morley, The Ancient Maya (Stanford : Stanford University Press, 1956), p. 172.
9 Traduction libre des Ordonnances de Tomâs Lôpez dans le livre de Fray Diego de Landa Relaciôn de las Cosas de Yucatan (Mexico : Porrua, 1973), p. 216.
10 Le terme Indien est ici utilisé pour marquer le processus d'indianisation que Lucie Dufresne, dans Les Mayas et Cancun (Montréal : Presses de l'Université de Montréal, 1999), p. 42, définit comme « une stratégie d'infériorisation des Mayas, appliquée de façon plus ou moins systématique par les conquérants. Les Mayas deviennent des Indiens ». Aussi, comme le souligne Peter Hervik à la page 24 de son ouvrage déjà cité, l'expression « Indien maya » est une invention coloniale obsolète qu'on devrait éviter d'utiliser aujourd'hui.
11 Nancy Marguerite Farriss, Maya Society Under Colonial Rule: The Collective Enterprise of Survival (Princeton : Princeton University Press, 1984), p. 94. Selon Farriss, cette plainte est très fréquente dans les comptes rendus régionaux présentés à l'évêque Luis de Phïa en 1782-1784.
12 L'encomienda est l'institution coloniale regroupant la population indigène ou des groupes indigènes sous la tutelle d'un conquérant (l'encomendero) à des fins de tributation, d'évangélisation, etc. (voir Alain Breton et Jacques Arnauld, Mayas : la passion des ancêtres, le désir de durer (Paris : Autrement, 1991).
13 Sergio Quezada, Los pies de la Republica : los Mayas peninsulares, 1550-1750 (Mexico : CŒSAS, 1997), p. 192.
14 Nancy Marguerite Farriss, op. cit., p. 97.
15 Jennifer Craik, The Face of Fashion : Cultural Studies in Fashion (Londres et New York : Routledge,1994), p. 27.
16 Peter Hervik, op. cit., p. 39.
17 Ibid.
18 Ce mot est vraisemblablement d'origine nahuatl (huipilli) : « the Maya ypil was similar to the central Mexican huipil, a term borrowed by Spanish from the Nahuatl huipilli; the Maya term was probably borrowed from Nahuatl in precolonial times », Matthew Restall, The Maya World : Yucatec Culture and Society, 1550-1850 (Stanford : Stanford University Press, 1997), p. 184.
19 Le mot justân renvoie possiblement à mie sorte particulière de coton désigné sous l'appellation anglaise fustian. Comme le phonème [f] n'existe pas en langue maya, le mot justân est la prononciation maya du mot espagnol fustan qui signifie « jupon blanc » Voir Peter Hervik, op. cit., p. 56.
20 Op. cit., p. 40.
21 Le mot terno signifie ternaire et fait précisément référence aux trois pièces qui composent l'ensemble porté par la Mestiza : le jubon, le huipil et le justân. Le mot jubon renvoie à une pièce vestimentaire superposée au huipil qui couvre des épaules à la ceinture.
22 Luis A. Millet et Ella Fanny Quintal, « Traje Regional e Identidad », dans Semilla de Maiz, 1994, p. 3. Voir site Web http://mucuy.uady.mx/sitios/mayas/investigaciones/antro/travereg.html.
23 Robert Redfield, op. cit., p. 68.
24 Ibid.
25 Peter Hervik, op. cit., p. 42.
26 Robert Redfield, op. cit., p. 68.
27 P. 69.
28 Le système foncier de l'hacienda a été implanté au Yucatan en 1785. Au sein de ce système, l'hacendado ne pouvait contrôler directement la force de travail des indigènes ; par contre, le contrôle des points d'eau (cenotes) lui permettait d'exiger des indigènes des prestations en travail en échange d'eau.
29 Voir note 5.
30 Peter Hervik, op. cit., p. 44.
31 Les rebelles qui rendaient un culte à la Croix parlante avaient adopté un symbole d'origine catholique, à la suite de plusieurs siècles de christianisation. La fameuse croix serait apparue en 1850 à Chan Santa Cruz, au Quintana Roo. « The Cruz was known to have given new and much needed fighting spirit to the otherwise despairing Indians. » Voir Peter Hervik, op. cit., p. 44. « La croix qui symbolise la lutte maya, sur laquelle n'apparaît pas de Christ, est revêtue d'un huipil, cette robe sac imposée par les autorités religieuses aux femmes mayas et confectionnée dans un carré de coton, qu'elles brodent à l'encolure et au bas », d'après Lucie Dufresne, op. cit., p. 57.
32 Robert Redfield, op. cit., p. 73.
33 Asael T. Hansen, op. cit., p. 123.
34 Lins A. Millet et Ella Fanny Quintal, op. cit., p. 9.
35 Narcisa lïujillo, «Los "Mestizos" de Yucatan », dans Enciclopedia Yucatanense, tome VI, (Mérida : Yucatan Actual, 1977), p. 321-340.
36 Peter Hervik, op. cit., p. 47.
37 L'expression vaquen'a désigne la soirée pendant laquelle on danse des jaranas. Selon Redfield (op. cit., p. 274), la jarana est la version yucatèque des danses folkloriques latino-américaines qui descendent de la danse espagnole appelée jota. Cette expression fait en même temps référence à la corrida organisée pendant les festivités célébrées en honneur du saint patron de la localité. Comme le souligne Redfield (p. 275), la corrida et la jarana sont interreliées « in that the jarana is on such occasions as these usually spoken of as a vaquen'a, and the young men both bullfighters and dancers, are called vaqueras, and the girls, vaqueras ».
38 Luis A. Millet et Ella Fanny Quintal, op. cit., p. 8.
39 Hilo contado en espagnol, xocbilchuyen maya. Voir Lourdes Rejon Patron, « Bordadora de Oficio, una Dimension de la Identidad Maya Femenina », dans Luis A. Ramirez Carrillo (éd.), Géneroy cambio social en Yucatan, Tratados y Memorias de Investigation UCS 2, (Mérida : Universidad Autônoma de Yucatan, 1995), p. 119-132.
40 Peter Hervik, op. cit., p. 47.
41 Asael T. Hansen, op. cit., p. 123.
42 Robert Redfield, A Village That Chose Progress : Chan Kom Revisited (Chicago : University of Chicago Press, 1950), p. 37.
43 Asael T. Hansen, op. cit., p. 123.
44 P. 124.
45 P. 141.
46 P. 128.
47 La milpa renvoie à un ensemble de pratiques agricoles où les cultures sont faites sur brûlis et changent d'emplacement chaque année. On y cultive du maïs associé à des haricots, des cucurbitacées et d'autres plantes. Voir Lucie Dufresne, op. cit., p. 336.
48 Irwin Press, Tradition and Adaptation : Life in a Modem Yucatecan Village (Londres : Greenwood Press, 1975), p. 87.
49 Alice Littlefield, The Hammock Industry of Yucatan, Mexico : A Study in Economic Anthropology, Ph.D., Anthropology, cultural (s.n. : Michigan State University, 1976), p. 51.
50 La fibre de henequen, mieux connue sous le nom de sisal, était traditionnellement cultivée par les Mayas pour des usages domestiques. Au milieu du XIXe siècle, l'invention étasunienne de la moissonneuse-batteuse, qui utilisait la corde de henequen, a assuré une demande croissante defibreset les plantations de henequen se sont répandues sous le système de l'hacienda. Dès lors, le développement de cette monoculture a mobilisé la force de travail de la population maya qui jusque là se consacrait surtout à la culture des champs de maïs (milpas). Suite à la révolution mexicaine (1910-1917), la réforme agraire et le démantèlement du système de l'hacienda, le henequen a été cultivé sur des terres communales (ejidos) et sur des propriétés privées. En 1992, un décret émis par le gouvernement du Yucatan • a fixé l'arrêt de toute production de fibre de sisal dans les ejidos.
51 Maquiladora : usine de sous-traitance à capital national ou étranger.
52 Peter Hervik, op. cit., p. 49, et Marie-France Labrecque, « L'économie politique de la construction des genres chez les Mayas du Nord du Yucatan, Mexique », Anthropologie et Sociétés, vol. 25, n° 1 (2001), p. 106.
53 Asael T. Hansen, op. cit.
54 Richard Thompson, The Winds of Tomorrow : Social Change in a Maya Town (Chicago : University of Chicago Press, 1974).
55 Margot Blum Schevill, dans Textile Traditions of Mesoamerica and the Andes : An Anthology, Margot Blum Schevill, Janet Catherine Berlo et Edward B. Dwyer (éd.) (New York : Garland, 1991), p. 322.
56 Selon les dires d'une brodeuse de huipiles, dans Mélissa Gauthier, « Les habits de l'identité maya yucatèque moderne », mémoire de maîtrise (M.A.) Université Laval, 2002.
57 Alice Littlefield, op. cit., p. 51.
58 Peter Hervik, op. cit., p. 35.
59 P. 105.
60 Op. cit., p. 50.
61 Op. cit., p. 109.