Book Reviews / Comptes rendus de livres

Lynda Villeneuve, Paysage, mythe et territorialité : Charlevoix au XIXe siècle, pour une nouvelle approche du paysage

Georges Gauthier-Larouche
Lynda Villeneuve. Paysage, mythe et territorialité : Charlevoix au XIXe siècle, pour une nouvelle approche du paysage. Québec : Presses de l'Université Laval, 1999. 333 p., ill. ISBN 2-7637-7636-1.

1 Si l'on excepte le premier chapitre, qui expose le sujet, les sources et la méthode, 42 pour 100 de l'ouvrage est consacré à la description géographique du territoire charlevoisien (chapitres 3 et 4) et le reste, 58 pour 100, à son iconographie (chapitres 5 et 6 et, à un moindre degré, le premier chapitre).

2 Les chapitres 3 et 4, qui portent respectivement sur la structure démographique et la structure spatiale de la socio-économie de la vallée du Gouffre, répondent parfaitement aux exigences d'un travail de géographie historique. Tout personne désireuse de connaître ce territoire charlevoisien du XIXe siècle sera ici servie à souhait.

3 Malgré certaines lacunes dans les sources, l'auteure trace un portrait détaillé des paroisses de Baie-Saint-Paul et de Saint-Urbain grâce aux recensements nominatifs de la période 1831-1871. Elle passe en revue les sujets traditionnels de toute étude de la population et de la production agricole d'un territoire. Dix-huit cartes se rapportent à la population, au chapitre 3, et vingt-deux, à la production agricole, au chapitre 4, en plus des vingt-deux tableaux statistiques qui complètent l'analyse.

4 Compte tenu des difficultés inhérentes à la compilation de telles statistiques, on peut affirmer que le résultat est très satisfaisant, malgré l'étendue restreinte du territoire étudié.

5 Les parties les plus intéressantes de l'ouvrage ont trait à l'illustration de ce coin de pays.

6 Le chapitre 2 s'ouvre sur les premières étapes de l'occupation du territoire. L'auteure présente ensuite les textes de l'arpenteur Joseph Bouchette, le récit de voyage de George Heriot et les artistes étrangers qui ont illustré quelques paysages de Charlevoix, tels le même George Heriot, J. Jeremiah Bigsby, ainsi que Arthur et William Roebuck.

7 Ce thème de l'illustration revient ensuite au chapitre 5, où les lecteurs ont droit à des passages instructifs sur le romantisme dans le paysage charlevoisien au cours de la période 1830-1858 et sur le paysage que Joseph Légaré a fait de la basse vallée du Gouffre.

8 Le chapitre 6 continue le chapitre 5 par sa description de l'apogée du romantisme, entre 1862 et 1898. Il contient aussi l'étude sociologique d'un ménage agricole de la paroisse de Saint-Irénée par le Français C.-H.-P. Gauldrée-Boilleau et quelques pages sur le développement touristique à partir de la décennie 1850-1860.

9 Cet ouvrage est en quelque sorte composé de deux volets. L'un, de lecture plutôt aride, concerne la population et le territoire. L'autre réunit quelques textes, récits ou études ainsi que des dessins, aquarelles ou peintures à l'huile qui illustrent ce territoire. A mon sens, ces deux volets cohabitent mal. Somme toute, il n'est pas nécessaire de connaître la composition de la population ou du cheptel pour comprendre l'intérêt que portaient les peintres et dessinateurs au territoire charlevoisien. Certes, les chapitres relatifs à la géographie sont utiles en soi mais, enclavés au milieu des chapitres sur l'iconographie, ils créent une certaine dissonance qui n'empêche toutefois pas l'ouvrage entier de conserver son intérêt.

10 Une difficulté est posée par l'emploi flou de certains mots, tels idéologie, symbole, mythe, utopie, paysage et même représentation, terme associé aussi bien à un texte qu'à un dessin. Cela peut dérouter quiconque serait peu habitué à ce jargon ambigu.

11 C'est d'ailleurs pour cette raison que l'introduction et le début du premier chapitre soulèvent plusieurs questions qui mériteraient des développements trop longs et nuancés pour pouvoir prendre place ici.

12 On peut à la rigueur accepter que les représentations picturales - pour employer les mots de l'auteure - emprisonnent le paysage de Charlevoix dans le passéisme et l'immobilisme alors qu'elles « ne correspondent pas au paysage tel qu'il est reflété par l'examen des relations entre la population et le territoire ». Toutefois, il en est encore ainsi. Lorsqu'un peintre pose son chevalet devant une grange ou une maison traditionnelle, dans une rue ou sur le bord d'une rivière, sa préoccupation est d'ordre plastique et non géographique.

13 C'est pourquoi je me demande s'il suffit de quelques dizaines d'illustrations anciennes et de quelques textes pour affirmer que Charlevoix constitue un « paysage mythique qui transcende l'espace ».