This article discusses the self-image of Canadian society at a specific moment of its history, that is, the advent of Confederation. The analysis is based on two photographs of the provincial delegates taken by photographers George Roberts and Jules-Isaï Livernois in 1864 and a painting by Robert Harris completed during 1883-1884. While describing the history of the preservation of these documents, the author demonstrates how technology, culture and politics are intimately related and how pictures are inherently associated with social events.
Cet article porte sur la représentation que la société canadienne s'est donnée d'elle-même à un moment précis de son histoire, celui de l'établissement de la Confédération. Cette représentation est étudiée à partir de deux photographies des délégués des provinces prises par les photographes George Roberts et Jules-Isaï Livernois en 1864 et d'un tableau réalisé par le peintre Robert Harris en 1883-1884. Tout en décrivant le parcours de la conservation de ces documents, l'auteure montre comment technique, culture et politique sont liées entre elles et comment les images sont fondamentalement partie prenante du discours social.
1 Le présent exercice concerne la représentation que la société canadienne s'est donnée d'ellemême à un moment précis de son édification, celui de l'établissement de la Confédération. La fin du XIXe siècle a fait connaître à l'Amérique du nord, alors britannique, une convergence politique, culturelle et technique. La révolution industrielle a porté fruit et poussé vers la maturité politique cette lointaine dépendance de l'Empire britannique. Tout le monde a alors semblé s'entendre pour considérer comme prépondérante la construction d'un chemin de fer commun et, dans le même mouvement, d'une concorde, d'un contrat social, nonobstant les écarts religieux, linguistiques, idéologiques, démographiques ou même simplement géographiques qui avaient déjà antagonise — et antagoniseraient encore — les divers protagonistes.
2 En septembre et octobre 1864 ont lieu les réunions des délégués des conférences constitutionnelles. La première rassemble vingt-trois délégués à Charlottetown le 1er septembre et, itinérante, déplace les participants à travers les provinces de l'Atlantique jusqu'à la mi-septembre. Tous se donnent rendez-vous à Québec le 10 octobre suivant et là, jusqu'au 27, vingt-neuf délégués du Canada-Uni, de l'île-du-Prince-Edouard, de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve, à huisclos et à marche forcée, composent l'essentiel du projet de loi constitutionnelle qui est ratifié lors d'une troisième et dernière conférence, à Londres, en 1866. La reine Victoria proclame alors que la nouvelle Confédération prendra effet le 1er juillet 1867.
3 À côté de la masse de textes qui documentent cet épisode historique figurent trois — seulement trois — modestes images explicitement représentatives de ces événements et de leurs enjeux. L'étrange destin de ces images et les liens qu'elles entretiennent entre elles valent qu'on leur accorde de l'intérêt. Nous verrons en quoi elles sont un excellent reflet de la convergence politique, culturelle et technique évoquée plus haut, incluant la part des ambivalences et des contradictions que l'apparente réussite du pacte fédératif comptait néanmoins.
4 Ce minuscule corpus compte deux photographies et un tableau. Cependant, le 3 février 1916, un incendie ravage l'édifice du Parlement à Ottawa et le tableau disparaît dans les flammes. Les photos, quant à elles, suivant le lieu, flottent peu ou prou dans l'amnésie commune et c'est donc sur des images à peu près perdues de vue que nous allons porter notre attention.
5 Les trois images sont des représentations de groupes. La première photographie1 (fig. 1) a été prise à Charlottetown, devant la maison du gouverneur, le 1er septembre 18642. George Roberts, le photographe, a installé les délégués sous un beau soleil, dans une pose décontractée. John A. McDonald et George-Etienne Cartier sont même accroupis sur les marches du portique de la façade.
6 La deuxième photographie3 (fig. 2) a été prise par Jules-Isaï Livernois à Québec, devant l'édifice du Parlement du Canada-Uni, le 27 octobre 18644. Elle démontre un important effet de mise en scène. Un tapis a été déroulé devant le bâtiment qui abrite les sessions de travail ; une table est dressée, portant deux encriers sur un plateau. Les délégués sont alignés sur deux rangées, les uns assis dans des fauteuils, les autres debout derrière. À la place d'honneur siège l'éminent président des séances, Étienne-Paschal Taché. Les journaux déplorent depuis des jours un temps froid et maussade5. Les délégués sont engoncés dans leurs manteaux et tiennent la pose.
7 La troisième représentation est une peinture à l'huile, désormais disparue, dont on connaît bien la composition et le dessin grâce au carton préparatoire6 (fig. 3) et aux croquis du peintre Robert Harris qui travailla sur cette œuvre en 1883 et 1884. Savamment composée, la scène rassemble trente-quatre personnages autour d'une grande table, dans la salle des délibérations de Government House. Trois grandes fenêtres cintrées encadrent la vue sur le fleuve Saint-Laurent. Les délégués sont répartis, dans des poses diverses, le long d'une longue table de conférence. Certains sont assis, d'autres debout, devant ou derrière la table. John A. McDonald et George-Etienne Cartier sont placés au centre, à la convergence des lignes de construction. Quelques objets complètent la scène : des rouleaux de papier sur le sol et un plateau portant deux encriers sur la table.
8 Dans les trois images, l'identité des compositions et l'insistance sur l'horizontale sont tout à fait frappantes malgré l'écart géographique ou chronologique qui démarque ces représentations les unes des autres. Par ailleurs, la progression du hiératisme permet de les ranger dans une sorte de séquence, ce qui accentue les liens de l'une à l'autre, indépendamment de la différence des techniques — photographie vs peinture — et du saut temporel de vingt ans qui sépare la peinture des photographies. Dans la photo de septembre 1864, une nonchalance certaine émane des délégués. Ceux-ci se prêtent à la demande d'un photographe tout en profitant du soleil. Chacun s'y trouve à part égale avec les autres et aucun effet hiérarchique particulier ne transparaît. La photo d'octobre 1864, malgré de grandes similitudes avec la précédente, montre les délégués rigoureusement installés dans des poses de convenance. Il s'agit d'une photographie officielle, au plein sens du terme. Cette fois-ci, c'est du sérieux, on refait le monde. Dans le tableau, la scène se passe à l'intérieur — la peinture à l'huile permettant de rendre tous les artifices nécessaires de la lumière — et la disposition des délégués ainsi que leur pose révèlent toute la dimension apologétique voulue par le peintre. Non seulement on a refait le monde, mais ça a été une réussite.
9 Cette séquence correspond tout à fait au cadre événementiel. La photo de Charlottetown représente une conférence qui, au départ, ne devait rassembler que les délégués des provinces de l'Atlantique et auxquels se sont rajoutés, en dernière minute, ceux du Canada-Uni. La photo de Québec représente les délégués à une conférence expressément convenue par les parties, motivée par un objectif précis et réglée par un échéancier rigoureux. La presse rend compte de journées de travail de dix heures, se succédant sans interruption.
10 Le tableau consacre la réalisation du nouveau pacte. L'œuvre a été commandée et payée par l'Etat et les termes du sujet ont été clairement convenus avec le peintre. Il a été prévu, dès le départ, que le tableau serait accroché à l'un des murs de l'édifice du Parlement8.
11 À cette lecture doit s'ajouter une lecture à un autre niveau9. Si l'on accorde de l'attention au canevas des lignes qui supportent les figures, on remarque des récurrences et des spécificités particulières. Les formats sont tous de longs rectangles horizontaux fortement marqués par une disposition le long d'une horizontale. Or, puisqu'il s'agit de photos de groupe, nous avons affaire à des compositions atypiques. Les trois images sont atypiques et atypiques de la même façon : il y a là quelque chose de tout à fait curieux qu'il faut interroger. Le standard d'une photo de groupe peut être illustré par la photo de classe rituelle, dans laquelle les personnages sont étages sur des gradins. Le fonds Livernois compte un grand nombre de photos de groupe, plusieurs datant de l'époque du fils de Jules-Isaï et postérieures d'à peine quelques années à celle de 1864. Le fonds du studio Notman, conservé au Musée McCord à Montréal, compte aussi de nombreux clichés de ce type. Dans la plupart des cas, la composition en gradins est utilisée et les variantes ne présentent pas la solution horizontale dont nous traitons ici. La composition privilégiée trois fois pour représenter les Pères de la Confédération insiste donc sur l'égalité des délégués — ils sont tous au même niveau —, ce qui induit l'égalité des provinces. En construisant cette égalité visuelle, la composition construit aussi une ligne virtuelle qui lie les délégués — l'horizontale plusieurs fois mentionnée —, véritable métaphore de la concorde qui lie les parties à la recherche d'un nouveau contrat social. Cette composition extraordinairement chargée au plan symbolique et idéologique n'est pas un hasard surgi de la main du peintre ou de l'œil du photographe. Ce même besoin d'exprimer visuellement la concorde dans la société civile apparaît, sous les mêmes espèces, dans une des fresques de l'hôtel de ville de Sienne peintes par les frères Lorenzetti au XIVe siècle, intitulée précisément Le bon gouvernement. De nos jours, parmi les représentations de la concorde civile, il y a toutes ces photos officielles des rencontres interprovinciales, qui disposent les dix premiers ministres selon cette même logique, ou encore toutes celles des sommets du G7 et autres rencontres internationales. Livernois, Roberts et Harris avaient fondamentalement compris la philosophie, l'idéal sous-jacents aux conférences constitutionnelles dont George-Etienne Cartier avait lui aussi exprimé sa compréhension.
12 En épilogue, il faut cependant apporter quelques nuances à ce tableau trop parfait. Tout d'abord, si tous les délégués sont égaux entre eux, « certains le sont plus que d'autres », comme le veut la formule. Indéniablement, dans les trois images, John A. McDonald et George-Etienne Cartier occupent des lieux remarquables de la composition. S'il était encore discret dans la photo de Roberts, dans le tableau, McDonald est carrément distingué des autres délégués et Cartier le jouxte immédiatement à la médiane verticale. Étienne-Paschal Taché a légèrement été décalé vers la droite comparativement à la place qu'il occupait dans la photo de Livernois. On sait ce que le destin réserve en débats houleux à l'idée de l'égalité des provinces. Si le Québec est appelé à devenir le champion de la distinction, Terre-Neuve commencera par bouder la Confédération puis, une fois intégré dans celle-ci, grommelera sur son propre caractère distinct bafoué par Ottawa, avec fatalement moins de publicité que son puissant voisin francophone. En découlant, si deux délégués sont plus égaux que d'autres et, de surcroît, si les participants au pacte sont en nombre fluctuant, on peut se demander qui ce nouveau contrat social lie et de quelle façon il le fait exactement. Dans les images apparaissent vingt-cinq, puis vingt-neuf et enfin trente et un délégués. Dans les copies ultérieures — timbres, illustrations de magazines, tableaux récents et autres images de calendrier —, le nombre des personnages monte à trente-trois et trente-neuf avant de redescendre. Les deux éditions du même timbre commémoratif, de 1917 et 1927, comptent l'une, vingt-six délégués, l'autre, trente-quatre11. Pour humoristique et anecdotique que cela puisse apparaître, ceci n'en est pas moins un symptôme de quelque zone trouble concernant les termes du pacte. Enfin, on remarquera, dans la photographie de Livernois et dans le tableau de Harris, un plateau supportant deux encriers, l'un ouvert, l'autre fermé, symbole du contrat à signer. On peut imaginer que, lorsque Harris a peint ces encriers, vingt ans après la proclamation royale, il aurait pu montrer les deux encriers ouverts puisque le pacte était bel et bien signé. Mais il ne l'a pas fait. Le pacte en question a-t-il jamais été signé ? Les événements des cent trente années subséquentes laissent croire que l'on est toujours en train de tenter de débouchonner le deuxième encrier.
13 Ce flottement politique et symbolique exprimé par les images est corroboré par les dimensions culturelles et techniques qui les entourent et que nous allons maintenant prendre en considération. Ces dimensions vont permettre d'évoquer le rôle des représentations au service de ce nouvel édifice symbolique, la Confédération canadienne.
14 Derrière les trois images s'activent trois individus. Voyons le sort que l'histoire a réservé à la mémoire de ces trois producteurs. Existe-t-il une mémoire populaire, une mémoire savante ou quelque légende concernant l'un ou l'autre ?
15 L'analyse des images, telle qu'elle vient d'être exposée, a permis d'élaborer une hypothèse. L'évidente séquence que forment les trois images, orientées diachroniquement et symboliquement, est l'indice de la connaissance que le troisième producteur avait des images antécédentes. Si l'on étudie la démarche du peintre pour concevoir son tableau, il doit être possible de prendre connaissance, au moins en partie, du degré d'exposition et de notoriété des photographes, si tant est qu'ils ne sont connus que par ces seules photographies. Ainsi, en nous renseignant sur les rapports entre photographie et peinture, la démarche suivie par le peintre nous renseignerait par la même occasion sur le travail de la mémoire collective pendant les vingt premières années de la Confédération. La méthode de recherche a consisté à suivre en priorité la piste du peintre tout en surveillant les deux autres. Les consultations nécessaires ont ainsi conduit aux Archives nationales du Canada et à la bibliothèque du Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa, au Centre d'archives de Québec, à Sainte-Foy, et au Confederation Centre of the Arts, à Charlottetown. À l'heure où j'écris ces lignes, j'ai renoncé à un passage à Saint-Jean, Nouveau Brunswick, et cette impossibilité à poursuivre en raison des impératifs du calendrier touvera une justification dans la logique de ce qui va être exposé.
16 Après un rythme régulier de recherche documentaire, nonobstant la maladresse que l'on peut m'imputer, je vois à peine George Roberts surgir des limbes. L'essentiel de l'information rassemblée est redevable aux archivistes des Archives nationales du Canada, à Ottawa. Andrew Rodger mentionne que « George Roberts, artiste et photographe de renom avant 1864, travailla plus tard, parfois seul, parfois avec d'autres, à Saint John et à Halifax. Il voyagea de Saint John à Charlottetown pour prendre sa photographie de la Conférence12 ». Jill Delanay rajoute qu'« il a travaillé à Saint-Jean, N.B. de 1861 à 1868. Il avait un studio qui s'appelait "The Prince of Wales Studio" au coin de King et Germain13 ». Les Archives provinciales du Nouveau-Brunswick ne possèdent aucun document sur le photographe et ont suggéré de consulter le Musée du Nouveau-Brunswick à Saint-Jean. La présente recherche et son orientation spécifique n'ont donc pas donné l'occasion d'en apprendre davantage, ni d'ailleurs de croiser d'autre photographies de George Roberts. Cependant, la consultation des trois fonds Harris (deux à Ottawa, un à Charlottetown) a permis de relever plusieurs mentions de sa photographie de septembre 1864. Il faut ici distinguer entre les témoignages des protagonistes des divers événements et le travail des archivistes. En effet, ces derniers ont correctement répertorié la photographie de Roberts, qui a sa place dans la banque d'images des Archives nationales et figure dans une note non datée et non signée du fonds Harris du Musée des beaux-arts du Canada ainsi que dans la liste des photographies du fonds Harris au Confederation Centre of the Arts, accompagnée d'une reproduction réalisée par l'Office national du film14. Du côté des contemporains de la photographie, nous trouvons sa mention dans la correspondance échangée entre le peintre et les délégués ou leurs familles : « There is an Excellent group of the members, which was taken at the Gouvernment [sic] House at Charlottetown about a month previous to the Quebec Conference15 ». La photo est appelée à devenir la photo de Charlottetown. Nulle part nous ne la trouverons mentionnée comme la photo de Roberts.
17 Né à Longueuil le 22 octobre 1830, Jules-Isaï Benoit, dit Livernois, ouvre une agence de machines à coudre et un studio de daguerréotypie dans la Basse-Ville de Québec en 1854. Il est le fondateur d'un studio qui maintiendra ses activités jusqu'en 1979, sous la direction de quatre générations successives de Livernois. L'historiographe des Livernois est l'historien de l'art Michel Lessard. Auteur d'une importante monographie consacrée au studio16, Lessard est conservateur invité du Musée du Québec à l'occasion d'une exposition rétrospective présentée en 1987, intitulée Livernois, photographe, 120 ans de studio à Québec. Le studio Livernois est certainement à la ville de Québec ce que le studio Notman est à la ville de Montréal. Cependant, l'auteur de la photographie des Pères de la Confédération reste moins connu que ses fils et petit-fils Jules-Ernest et Jules. En effet, mort à 35 ans en 1865, le fondateur a somme toute eu une brève carrière, dont il ne reste de surcroît que peu de traces : un nombre significatif de négatifs de verre, des épreuves, dont celle de la Conférence de 1864, peu ou pas de documents écrits, aucun livre comptable de cette période. L'important travail de Michel Lessard récapitule l'information disponible. Sur la question qui nous intéresse, cependant, il est complètement silencieux. Il n'indique nulle part l'existence de cette prise de vue. Pourtant, Jules-Isaï lui a accordé de l'importance puisque le tirage qu'il en a effectué, titré et signé, est assorti de la protection d'un enregistrement légal, équivalent à un copyright : « Entered according to Act of the Provincial Legislature in the year 1864, by J. B. Livernois, in the Office of the Registrar of the Province of Canada. 4, 5 V. C. 61 s. 617 ». Par ailleurs, on peut déduire les intérêts politiques, sinon même les convictions patriotiques, de Jules-Isaï et de son épouse de plusieurs sources tirées de la presse de l'époque. Le nom des Livernois apparaît dans les listes de membres de sociétés de colonisation et Michel Lessard cite cette annonce publicitaire rédigée par Elisabeth L'Heureux Livernois en 1866, neuf mois après la mort de son mari, pour la promotion d'une mosaïque de portraits de célébrités qu'elle met en vente : « La direction de la maison Livernois espère que ce travail, l'un des plus grands qu'est paru en ce genre, en ce pays, sera accueilli avec faveur et apprécié comme une œuvre patriotique, comme c'était la pensée du fondateur de cet établissement18 ».
18 Cet intérêt ou ce souci manifeste pour la chose publique — et commerciale, bien entendu — n'aura pas d'effet bénéfique sur la mémoire de la postérité. Dans la correspondance de Harris, la photo de Livernois devient la photo de Québec. Un de ses correspondants fait une comparaison entre une photo qu'il joint à sa lettre et celle de Livernois : « You will observe that this [photograph] is very like the one [of] the group taken in Quebec19 ». Pire, celle-ci n'attirera ni les soins, ni la curiosité des archivistes des fonds Harris.
19 Robert Harris appartient à un univers bien distinct de celui de Roberts et Livernois. Artistepeintre, il s'inscrit dans une longue tradition prestigieuse, légitimée depuis plusieurs siècles. Nous avons donc, le concernant, un catalogue dûment établi, un fonds documentaire abondant, des œuvres dans les collections officielles de l'Etat et, bien sûr, un historiographe attitré, Moncrieff Williamson, historien de l'art et premier directeur du Confédération Centre of the Arts à Charlottetown. En conséquence, la plupart des renseignements obtenus dans le cadre de cette recherche, tant pour la photographie que pour les autres aspects à considérer, proviennent bien plus des trois fonds Harris de l'Est du Canada que de tout autre lieu de conservation.
20 Robert Harris, né en 1846 en Ecosse et mort en 1919 à Montréal, a fait ses études dans diverses écoles des beaux-arts en Europe. Membre de l'Académie royale du Canada, il a été un portraitiste prolifique et fort apprécié des élites bourgeoises avec lesquelles il entretenait des relations suivies. En 1883, sous le gouvernement Laurier, alors que John A. McDonald est toujours député, le Parlement vote la commande à Robert Harris d'un tableau commémoratif de la Confédération de 1867. Le principe et le cachet de 4 000 $ étant admis, il apparaît que le tableau aura une fonction référentielle et non pas, par exemple, allégorique. L'œuvre devra donc inclure les portraits de ceux que l'on appelle désormais les Pères de la Confédération, disposés dans une des salles de conférence qu'ils ont occupées et le choix de celle de Québec est retenu.
21 Harris travaille sur le tableau en 1883 et 1884. Il demande à Hector Langevin20 le droit de présenter le tableau au Salon de 1884 à Montréal avant de le livrer à l'édifice du Parlement où il est accroché en mai 1884. En 1916, à l'occasion du fatal incendie déjà évoqué, le tableau est totalement détruit. Au nom du gouvernement, sir Joseph Pope, député et ancien Père de la Confédération, tente d'obtenir que Harris refasse le tableau. Celui-ci, fatigué et âgé, refuse et offre en contrepartie le croquis préparatoire, dessin très élaboré, fouillé dans le détail, qui servit au transfert sur la toile. Acquis par l'État pour la somme de 2 000 $, ce croquis est désormais conservé dans les voûtes du Musée des beaux-arts du Canada, où il est à peu près inaccessible au public et aux chercheurs.
22 L'analyse formelle des photographies et du tableau, telle qu'exposée plus haut, nous amène à émettre l'hypothèse suivante, que l'exploration des archives permet de démontrer : Harris connaissait les clichés de Roberts et Livernois, et le célèbre tableau est exemplaire de cette période de transition pendant laquelle la photographie naissante est devenue une auxiliaire obligée de la peinture, la peinture étant encore cependant et toujours considérée comme le mode majeur de représentation des événements du monde. Autant nos trois images des Pères de la Confédération sont exemplaires d'une mutation politique en train de se faire, autant sont-elles exemplaires d'une mutation technique et culturelle d'une importance aussi conséquente.
23 Étant donné le caractère hautement référentiel de son tableau, il est assez improbable que Harris ait délibérément refusé d'utiliser le support de la photographie. Très vite, j'ai donc trouvé à mon tour ces petits papiers régulièrement évoqués dans la littérature : Harris a écrit à tous les Pères de la Confédération encore vivants en 1883 et aux descendants de ceux qui étaient décédés. Il demandait aux uns et aux autres de remplir une fiche fort pittoresque sur laquelle il fallait indiquer, pour le délégué, la couleur des yeux, des cheveux, le port d'une barbe ou d'une moustache, la calvitie à l'époque, s'il y avait lieu, et autres précisions de ce genre. Plusieurs de ces fiches sont à Ottawa. Leur brouillon est dans les carnets de dessins de Charlottetown et tout cela est fort amusant. Plus important pour cette recherche, le fonds d'Ottawa contient les lettres manuscrites de Harris et les réponses qu'il en a reçues. Il demandait explicitement d'envoyer non seulement la fiche dûment remplie mais aussi un portrait photographique du délégué. Certains correspondants s'excusaient d'envoyer de mauvaises photos ou des photos trop récentes, ou encore envoyaient un cliché à condition que Harris prenne bien soin de le renvoyer ensuite parce que c'était le seul qu'on avait. À l'occasion, les correspondants y allaient de leur commentaire et recommandaient au peintre d'aller voir la photo de Charlottetown ou mentionnaient telle analogie avec la photo de Québec. À cette étape de la recherche, nous avions la conviction que Harris connaissait les photographies de Roberts et Livernois et qu'il avait eu en main des portraits isolés de tous les délégués. Cette conviction fut renforcée par un inventaire trouvé à la bibliothèque du Musée des beaux-arts du Canada et la preuve en fut fournie par le fonds de Charlottetown. Des portraits individuels, souvent issus des studios Notman, de Montréal ou Toronto, ainsi que la photo de Roberts figurent en effet dans les cartons du musée avec les carnets de croquis. Il est tout à fait intéressant de voir comment Harris a parfois servilement utilisé les photographies à sa disposition. Par exemple, dans le cas de George-Etienne Cartier, il avait deux portraits en buste et, dans le tableau, Cartier est peint en buste. Tel autre portrait est orienté vers la droite dans la photographie ; il est aussi orienté vers la droite dans le tableau. Parfois, plus audacieusement, Harris inverse l'orientation, peut-être en utilisant la technique du miroir. La copie la plus convaincante est celle de Thomas D'Arcy McGee. Harris disposait d'une photographie en pied de celui-ci faite par Notman à Montréal. Assis dans un fauteuil, le coude sur la table, des papiers dans l'une des mains, D'arcy McGee regarde au loin. Dans le tableau, D'Arcy McGee est l'un des rares personnages à avoir une pose compliquée, exposée avec détails et très visible à l'avant-plan du tableau. Le peintre a apporté quelques modifications à la position des mains et légèrement accentué l'attitude et la position de la tête. S'il reste quelque doute, celui-ci disparaît lorsque l'on observe les pieds du délégué dans les versions dessinée et photographiée. Comme l'a si bien analysé ailleurs Carlo Ginsburg21, c'est dans les détails insignifiants que se trouvent les meilleurs indices. De fait, ces détails insignifiants que peuvent être les pieds d'un délégué des conférences de 1864 nous permettent avec certitude de repérer le travail scrupuleux du copiste et le rôle déterminant du modèle photographique. Harris a procédé selon la coutume de l'époque et nous reconnaissons là la méthode employée, par exemple, pour le tableau La mort de Lincoln, peint à partir des portraits réalisés par le studio photographique de Matthew Brady22.
24 Il reste cependant une zone mystérieuse. Harris a-t-il eu en main la photo prise par Livernois ? Je n'ai pas trouvé de preuve de ceci dans les sources écrites. Cependant, je peux avancer un argument fourni par l'analyse sémiotique. Sur le plan contextuel, nous savons que, si tant est qu'il ne connaissait pas la photo de Québec, Harris aurait appris son existence par l'un ou l'autre de ses correspondants. D'autre part, le peintre a fait un voyage à Québec en octobre 1883. Les aléas de la recherche ne m'ont pas permis de consulter les lettres qu'il a écrites pendant ce voyage ni de consulter les livres comptables des Livernois pour cette année-là, introuvables au moment de mon passage à Québec23. Une probabilité importante est cependant suggérée par ce voyage. Partant repérer les lieux de son futur tableau, Harris peut fort bien avoir aussi tenté de se procurer la photographie de Livernois. À l'époque, le fils Jules-Ernest tient le studio et sa mère, Elisabeth L'Heureux, veuve Livernois, est toujours en vie. Mon argument repose sur un motif apparaissant dans le tableau, identique à un élément présent dans la photographie de Livernois. Il s'agit du plateau aux deux encriers qui occupe une place stratégique tant dans la photographie que dans le tableau. Son apparence est légèrement différente (changement de la forme des bouteilles, absence de poignée), mais le modèle (plateau à deux bouteilles), sa position (associée au buste de Étienne-Paschal Taché, au centre de la composition) et, surtout, sa fonction symbolique sont les mêmes dans les deux œuvres. De mon point de vue, nous avons une preuve fournie ici par les sources visuelles, non corroborée par une source écrite. J'ajouterai un autre indice trouvé dans les carnets de croquis de 1883, Harris prend des notes en prévision de son voyage à Québec : « Was there any one find [sic] act such as signing of any document which I may use24 ». Ce qu'il cherchait, il l'aurait trouvé dans la photo de Québec. Enfin, rappelons qu'un encrier est ouvert et l'autre fermé. Le rôle documentaire du tableau tel que discuté avec le Parlement et l'usage auxiliaire scrupuleux que Harris fait de la photographie, de mon point de vue, confirment l'argument.
25 J'insiste sur ce lien entre photographie et peinture dans les représentations des Pères de la Confédération car l'étude a fait émerger une énigme paradoxalement fort instructive. Qu'ya-t-il en effet de si important à ce que Harris ait connu ou non la photographie de Livernois ? La difficulté de trouver une réponse hors de tout doute enclenche une discussion fort attrayante. Cette petite enquête menée durant plusieurs mois a rendu significatif le moindre incident qui soit survenu.
26 Tout d'abord, signalons le volume très contrasté de la documentation accessible. Abondants et faciles à obtenir dans le cas de Harris, les documents sont le symptôme de deux choses. D'une part, l'œuvre appartient au registre des élites et de l'Etat, et sa mémoire est donc mieux conservée que celle d'une œuvre anonyme issue de la nouvelle culture de masse dont les studios photographiques sont exemplaires. D'autre part, la peinture appartient à un genre noble de la culture et, comme telle, a eu droit aux soins d'institutions nobles. Dès sa création, l'actuel Musée des beaux-arts du Canada est mis à contribution et pour la réception du tableau et pour l'acquisition du dessin. À l'inverse, les deux photographies conservent miraculeusement une place dans une mémoire fragile. Elles ont été conservées en raison du sujet qu'elles représentent, mais elles appartiennent à un genre récent pour lequel le souci de préservation et de collection n'apparaît que plus tard. Il faudra attendre la thèse de doctorat de Michel Lessard et son énorme travail de compilation pour que le studio Livernois prenne sa place dans le patrimoine. Mais, à ce moment, l'irrémédiable s'est déjà produit. La documentation concernant les tout débuts est inexistante ou disparue et Michel Lessard déplore lui-même la destruction de milliers de négatifs de verre. Cette disparition touche principalement la production du photographe qui nous intéresse, Jules-Isaï. Quant à Roberts, à l'heure ou j'écris ces lignes, l'enquête a été suspendue sans avoir abouti.
27 Signalons maintenant comment ces divers travaux de collection et de conservation ont été faits et commentés. Le même clivage entre deux traditions, l'une ancienne, l'autre récente, se manifeste. Il est tout à fait suprenant de devoir constater que l'historiographe attitré de Harris a littéralement gommé tout rapport à la photographie. C'est à lui que nous devons l'exhumation du fonds Harris du sous-sol du bureau de poste de Charlottetown, l'entretien de ce fonds et l'existence d'une salle Harris permanente au Confederation Centre of the Arts, de même que la monographie renseignant sur la réalisation du tableau de 1884. Moncrieff Williamson a connu beaucoup mieux que moi tout ce que Harris a laissé derrière lui. Il cite complaisamment dans ses écrits25 les fameuses petites fiches si pittoresques mais ne dit pas un mot des photographies. Ne jetons pas l'anathème sur l'historiographe. Lorsqu'un résidant de St. Catharines, en Ontario, écrit au directeur du Musée des beaux-arts du Canada en 1956, demandant si Harris a utilisé des photographies pour faire son tableau, on lui répond qu'on n'en sait rien et on le renvoie poliment à ses préoccupations.
28 Ceci est le symptôme de l'écart de valeur anachronique entre deux genres picturaux fortement jaugés et jugés par la culture. L'importance accordée par la société à la photographie est somme toute fort récente et l'on sait que la complexité de la recherche est encore bien plus grande lorsqu'il s'agit de vidéographie et de production télévisuelle. Lorsqu'on rendra compte de la nécessité de préserver cette forme de la culture visuelle, on découvrira le même gâchis que dans le cas de la photographie27.
29 Ceci est tout à fait remarquable car, de nos jours, la réelle valeur historique, le vrai document d'archives, n'est absolument pas le tableau de Harris, ni son croquis préparatoire, mais bel et bien la photographie de Québec où tout s'est joué. Ou encore, celle de Charlottetown, au formidable caractère prémonitoire. Harris est aujourd'hui un peintre académique et désuet que l'histoire de l'art ne considère plus que comme un peintre mineur. Il y a ici la marque d'un anachronisme de mentalités tout à fait saisissant. Cet anachronisme révèle le changement de statut que, lentement, peinture et photographie connaîtront au XXe siècle.
30 Il est aussi crucial de souligner la manière dont la culture politique impose à son tour une distortion supplémentaire à la pérennité de ces trois images. Dans le cas de Livernois, nous avons la chance d'avoir accès aux travaux d'un autre historien de l'art, Lessard, plus moderne et donc sensible à l'étude des nouvelles techniques de production visuelle, en l'occurence la photographie. Mais cet historien est québécois et nous trouvons chez lui, dans un autre registre, une attitude au moins aussi surprenante que chez le traditionnaliste Williamson. Il semble que personne parmi les nombreux individus consultés par le chercheur, ni probablement Lessard lui-même, n'ait jugé important de signaler l'existence — ou l'oubli — de la photographie de 1864. Dans le cadre du présent travail, rechercher la raison de cette omission n'a pas d'intérêt car, comme sémiologue, je m'intéresse beaucoup plus au symptôme qu'exprime cette absence. Comme par hasard, dans l'histoire québécoise, la photo des délégués de Québec se perd dans les limbes. À l'inverse, comme par hasard, à Charlottetown, un véritable remake28 du tableau de Harris trône dans l'entrée du Confederation Centre of the Arts et la photo de Roberts surgit dans tous les coins, au point qu'on la trouve même sous forme de carte postale. Comme par hasard, le Musée des beaux-arts du Canada possède le croquis de Harris et conserve une copie de la photo de Roberts. Comme par hasard, les Archives nationales du Canada conservent les deux photographies, et de Livernois et de Roberts, sous la rubrique Événements historiques et, bien entendu, tout ce qui concerne la fédération.
31 L'oubli de la photo de Livernois incite à reconnaître cette tendance québécoise à lier le mythe nationaliste à l'exercice rationnel du travail des historiens29. Cet oubli, véritable acte manqué de la culture historique québécoise, a pour conséquence paradoxale de devoir imprimer dans les livres d'histoire des écoles secondaires la photo de Roberts ou de mauvaises copies de l'ancien tableau de Harris. Les élèves sont privés d'un contact direct avec un très important pionnier de la photographie québécoise doué d'une clairvoyance politique aigüe.
32 En ce qui concerne Roberts, la forte publicité donnée à sa photo par l'île-du-Prince-Édouard incite à l'ironie : dans les présentoirs à cartes postales et les magasins de souvenirs, cette image côtoie les effigies d'Anne, de la maison aux pignons verts30. La photo fait carrément partie du folklore touristique de l'île.
33 L'institution des Archives nationales du Canada détient les deux clichés. Mais si on peut tout y apprendre sur la Confédération et beaucoup sur Robert Harris, la recherche concernant Roberts et Livernois trouve là peu de matière à laquelle s'alimenter.
34 Ajoutons maintenant que, en 1962, l'Office national du film réalise Le lion de Québec, Georges-Etienne Cartier [sic)31. Il exhume la photo de Charlottetown et tourne une véritable reconstitution de la prise de vue par Roberts, qui apparaît, joué par un acteur. Le film propose une scène à Québec, puis à Londres. Il se termine sur le tableau mais escamote la photo de Livernois et révèle une cascade de maladresses. Le film sur Cartier a un jumeau : John A. McDonald, l'intuition fantastique32. Le célèbre tandem, inséparable dans les photos et le tableau, est ici disloqué : faut-il compter un seul héros par communauté linguistique ? Ce deuxième film surestime le rôle de Charlottetown alors que, du point de vue de la Chambre des communes, en 1883, c'était la ville de Québec qui devait être mise en évidence. Puisqu'une place tout à fait justifiée est accordée à la reconstitution de la prise de vue de Roberts, on s'attend logiquement à une scène identique placée à Québec. Mais ici, on donne plutôt la place au clergé et aux réactions de l'évêque. C'est faire fi du rôle qu'a joué le Bas-Canada dans l'édification de la Confédération, éliminer la dimension laïque et citoyenne qui animait la collectivité de l'époque et dont la presse contemporaine a fait très clairement écho. Ce film, très régressif, est le produit d'une institution créée par les descendants de cette même Chambre des communes qui décida que les conférences de 1864 devaient passer à l'histoire. Les porte-parole de l'Etat ont eux-mêmes la mémoire courte.
35 Ces deux photographies et cette peinture ont donné l'occasion de constater un certain travail de la mémoire qui pose la problématique du rôle réel des médias dans la représentation de la société. Ces trois productions sont au seuil d'un déploiement qui, on le sait, deviendra un des phénomènes majeurs du XXe siècle : l'invasion de l'espace public par les images. Le développement des médias, croit-on, permet une vaste diffusion de l'information, et la diffusion par l'image témoigne et atteste de la réalité des informations diffusées. Certes, les médias diffusent de l'information mais peut-être devrait-on aussi et surtout les considérer comme des symptômes, des artefacts du débat public et du discours social. À ce titre, l'amnésie qui a à peu près englouti ces trois images ne peut être considérée seulement comme un aléa de l'histoire des techniques mais aussi comme un effet de l'attitude de la société canadienne envers ce qui l'a modelée.
36 De fait, lorsque les moyens de réalisation et de diffusion des images auront atteint des performances autrement plus importantes que celles à la portée de la société du XIXe siècle, l'amélioration des moyens techniques n'impliquera pas, de facto, une amélioration de la mémoire collective. En fin de XXe siècle, les nouveaux Livernois, Roberts et Harris, dans leurs reportages, leurs films et leurs documentaires, laissent découvrir dans un temps beaucoup plus court ce qui vient d'être étudié sur un parcours temporel de cent cinquante années. Par exemple, l'étude de certaines commémorations de la Seconde Guerre mondiale33 a révélé le même problème de mémoire collective, de relation entre la société et les représentations société contemporaine et nous pouvons sentir qu'elle se donne d'elle-même. À ce titre, ce tout petit corpus de deux photographies et une peinture est un véritable paradigme de la construction de l'information dans la société contemporaine et nous pouvons sentir comment les images, quel que soit leur support technique, sont partie prenante du discours social et révélatrices de ses plus fines circonvolutions.
Pour l'aide qu'elles m'ont apportée, je tiens à remercier Cyndie Campbell, de la Bibliothèque du Musée des beaux-arts du Canada, Geneviève Côté, du Confederation Centre of the Arts à Charlottetown, Ghislaine Giroux, du Centre d'archives de Québec et, tout particulièrement, Edwige Munn, des Archives nationales du Canada.