Research Reports / Rapports de recherche

Costumes du monde:

réinterpréter le patrimoine matériel

Gérald Baril
Centre INRS-Culture et Société de l'Institut national de la recherche scientifique

1 Le vêtement suscite un regain d'intérêt au sein de nombreuses disciplines des sciences humaines et sociales, en tant que lieu de convergence de l'esthétique, de la sociabilité, de la psychologie et de la technologie. Un tel renouveau s'explique en partie par les changements importants survenus, surtout depuis les années 1960, à la fois dans l'industrie mondiale de la mode et dans les rapports d'identité et de distinction individuellement entretenus avec le système vestimentaire dans toutes les sociétés du globe. En effet, une nouvelle étape dans la démocratisation des usages vestimentaires, déjà favorisée par l'industrialisation et l'émergence du design, a permis l'ouverture de nouvelles voies d'expression de la dynamique culturelle contemporaine. Comme plusieurs auteurs l'ont observé1, la mode s'est faite multiple, elle a été investie par des vagues sociales de fond.

2 La mode occidentale a régulièrement subi des influences exotiques, mais c'est également dans les années 1960 qu'on assiste à une véritable explosion du phénomène d'emprunt aux cultures du monde. Le mouvement hippie, un certain néoromantisme écologique, l'accès du grand nombre aux régions lointaines, grâce aux vols nolisés, de même que l'influence de l'ethnologie ont été cités comme facteurs de ce mouvement2. On peut ajouter, en termes plus généraux, que la décennie 1960 est une période de décolonisation et d'ouverture, une période de multiplication accélérée des échanges multilatéraux entre les États et les cultures. Depuis, les vêtements traditionnels du monde sont demeurés une source d'inspiration majeure de la mode, mettant concrètement en lumière la richesse de ce patrimoine et faisant apparaître, du même coup, la menace d'appauvrissement que fait peser sur lui la raison économique.

3 Depuis le XVIII siècle, parallèlement à la collecte de vêtements occidentaux, des vêtements de cultures exotiques ont été recueillis, étudiés, photographiés (depuis le milieu du xixe siècle), pour constituer globalement un formidable bassin d'artefacts, de représentations et de savoirs. Ces données, jusqu'à tout récemment dispersées, hétérogènes et peu accessibles, seront bientôt, en principe, à la portée de tous. Grâce notamment à la numérisation des collections des grands musées et à la diffusion de ces immenses richesses sur Internet3, c'est une part importante du patrimoine mondial, dont le patrimoine vestimentaire, qui devient disponible. Pourtant, l'accessibilité réelle à cet univers est encore à construire. Ce n'est pas tout, en effet, d'avoir le monde à sa portée ; encore faut-il détenir les clés permettant de s'y engager en profondeur sans s'y perdre, d'y puiser inspiration et motivation sur le mode du dialogue plutôt que sur celui du pillage.

Fig. 1 Manteau de soirée créé par Marie-Paule Nnlin en 1965, coupé daim le tissu de deux obis (large ceinture extérieure du kimono).
Thumbnail of Figure 1Display large image of Figure 1
(Coll. Musée McCord/McCord Museum M984.173)

4 C'est dans ce contexte que l'École supérieure de mode de Montréal4 a entrepris de constituer un outil-laboratoire sur les vêtements des cultures traditionnelles pour appuyer l'enseignement, la recherche et la création. Ce projet est présenté ici en tant qu'exemple, parmi les multiples instruments qui peuvent naître de l'appropriation des techniques d'imagerie numérique, de gestion informatisée des données et de télécommunication, dans le cadre de programmes visant le développement et la diffusion des savoirs. Après une description générale du projet, sont exposés plus en détail certains traits qui font son originalité, puis les fondements théoriques et disciplinaires de son élaboration. Enfin, le projet est défini comme lieu de rapprochement entre la science et l'art.

Au-delà du costume en Occident : les Costumes du monde

5 Tous les programmes d'enseignement spécialisés en mode vestimentaire comprennent des cours d'histoire du costume en Occident. Reprenant le modèle historique classique, les manuels d'histoire du costume remontent dans les meilleurs des cas aux civilisations anciennes d'Egypte et de Mésopotamie et se concentrent toujours largement sur l'Europe chrétienne. Par ailleurs, les cours d'anthropologie du costume sont rarissimes dans le domaine de la mode, et aucune grande synthèse5 n'a été réalisée, ne serait-ce que sur les costumes représentatifs des principales zones géoculturelles du monde à une époque donnée, par exemple à la fin du ⅩⅨ siècle. Outre la description et l'analyse des techniques traditionnelles d'habillement et de parure corporelle, encore peu de travaux ont porté sur les rapports transculturels dans le domaine vestimentaire, non seulement sur les influences exotiques dans la mode occidentale, mais également sur l'adaptation des costumes traditionnels sous l'influence occidentale dans le milieu culturel d'origine ou dans les communautés émigrées6.

6 C'est donc du constat de sous-développement de la connaissance et des moyens de connaissance sur les vêtements traditionnels du monde qu'est née l'idée d'élaborer, à l'École supérieure de mode de Montréal, un enseignement spécifique sur cet axe, de même que l'idée de lancer le projet Costumes du monde, destiné à rassembler et à organiser des données (notamment des images) pour appuyer l'enseignement dans le domaine. Dès la première étape de réflexion en vue de concrétiser le projet, il est apparu que celui-ci pourrait donner lieu à un outil-laboratoire servant également à appuyer le travail des designers de mode et celui des professionnels du costume de spectacle.

7 À la base du projet, le principe est simple : profiter de la numérisation des grandes collections en cours pour indexer l'ensemble des données ainsi produites dans les musées partout dans le monde, selon les intérêts et les besoins particuliers d'un champ d'étude et de création, en l'occurrence celui du vêtement mode et du costume artistique ou fantaisiste. Concrètement, cela signifie la création d'une banque de données, au sein de laquelle les éléments premiers d'information (images et textes descriptifs), provenant principalement des musées, sont mis en relation et interprétés dans le cadre d'une analyse comparative. Avec le temps, des données d'enquête contemporaines s'ajoutent aux données historiques, permettant les comparaisons dans le sens de la durée. Il ne s'agit plus, dès lors, d'un simple bassin d'images, ou d'un inventaire de formes, mais de la construction d'une manière de voir et de lignes de repère qui guident une éventuelle exploration d'autres bases de données ou un travail d'enquête sur le terrain.

Une mobilisation originale autour du vêtement

8 L'objectif de rendre possible un « regard renouvelé » sur le vêtement, à la lumière de la mise en relation d'une grande quantité de données historiques et contemporaines, ne peut se concrétiser qu'avec la collaboration de plusieurs institutions, par le travail de spécialistes de disciplines complémentaires. Cette mobilisation doit être soutenue par une mise à contribution originale des nouvelles techniques d'imagerie numérique et de gestion informatisée des données.

9 Comme l'ont souligné quelques observateurs, notamment Davallon7,l'« innovation en cours » en ce moment dans les musées, où la virtualisation des objets aura forcément un impact sensible, donnera naissance à des formes de communication et d'organisation encore difficiles à prévoir. Toutefois, il est fort probable que les changements ne se limitent pas aux processus internes à l'institution, ni même aux rapports entretenus avec les publics, mais que se tissent également de nouvelles alliances, par exemple avec les milieux de l'enseignement et de la recherche de même qu'avec divers secteurs de la création artistique.

10 Du côté de l'enseignement universitaire, l'innovation commence également à poindre, au fur et à mesure de l'appropriation des nouvelles possibilités techniques par les professeurs. Entre autres exemples, citons le projet Piero, élaboré au Département d'art et d'archéologie de l'Université Princeton8, où des spécialistes de la documentation et des professeurs ont collaboré pour développer, à partir d'une simple base de données sur une collection de diapositives, un système complexe de référence permettant de resituer des œuvres d'art dans leur contexte architectural originel. On peut citer également le projet Adhémai9 réalisé par le Groupe de recherche sur Montréal du Centre canadien d'architecture, qui permet de visualiser une reconstitution au jour le jour de l'environnement bâti de Montréal, de 1642 au début du XIX siècle. Le même genre de mise en contexte peut être envisagé dans le domaine du vêtement et le projet Costumes du monde est orienté dans cette direction.

11 Si l'on cherche par ailleurs un exemple comparable concernant le costume, on ne voit guère que la Costume Imagebase10 de la bibliothèque du Columbia College à Chicago. Toutefois, cette banque ne diffuse dans Internet que des fiches descriptives très sommaires, les images elles-mêmes n'étant accessibles qu'à la bibliothèque, en raison de l'absence d'entente sur la diffusion avec les ayants droit. C'est pourquoi, en définitive, l'outil du Columbia College est assez éloigné de ce qui est envisagé dans le cadre de Costumes du monde. La Costume Imagebase a été constituée à partir de diapositives déjà rassemblées pour divers besoins reliés à l'enseignement dans cet établissement, ce qui en fait une collection peu raisonnée et pauvre en liens avec d'autres sources similaires. Par contraste, le projet Costumes du monde se construit avec pour objectif d'illustrer divers systèmes vestimentaires, dans un cadre comparatif ouvert. C'est-à-dire que des liens sont établis entre diverses pièces vestimentaires composant un costume de même qu'entre les costumes d'un même système vestimentaire, faisant ainsi apparaître des traits structurels qui permettent les comparaisons plus générales entre les systèmes. La mise au jour de ces relations ne remplace pas les analyses circonscrites, ni ne leur impose une direction ; elle stimule toutefois l'imagination analytique et créative.

12 Considérant à la fois la structuration interne de ses contenus et la multilatéralité des échanges dont il est le carrefour, le projet Costumes du monde pourrait être comparé à une bibliothèque spécialisée qui ne contiendrait qu'un seul livre, toujours en cours de rédaction et de révision, et néanmoins offert à la consultation. Le statut de cette collection d'images et d'informations est toutefois celui d'une collection virtuelle au plein sens du terme. Une telle collection ne remplace évidemment ni les collections muséales ni les costumes en usage. Comme dans tout projet similaire, le témoin matériel original, qu'il s'agisse d'un vêtement, d'une œuvre picturale ou d'un film cinématographique, demeure la référence ultime, à laquelle il faut inévitablement revenir pour alimenter ses représentations et ses interprétations11. C'est pourquoi les images de Costumes du monde renvoient systématiquement aux objets illustrés et aux lieux où ils sont conservés ou en usage. De plus, la banque de Costumes du monde expose à la fois des représentations types, qui sont déjà des interprétations des données, et des variantes qui permettent la relativisation des interprétations. Afin de donner accès à un plus grand nombre de variantes, une série de liens sont proposés à partir de Costumes du monde vers d'autres bases de données, en particulier les sites des musées et les catalogues pertinents.

13 Le projet Costumes du monde participe du mouvement général de diffusion du patrimoine numérisé, mais en tant que regroupement d'intérêts spécialisés autour du vêtement, visant une indexation exhaustive dans ce domaine particulier. Concernant le patrimoine canadien, le travail de mise en valeur assuré par le projet est complémentaire de celui du Réseau canadien d'information sur le patrimoine (RCIP). Des catalogues de musées diffusés par l'entremise du RCIP de même que certaines « expositions virtuelles » du RCIP sont cités en référence dans Costumes du monde. À long terme, ce projet se distingue du RCIP par sa spécialisation thématique, par son orientation interprétative et par le fait que les témoins matériels qui fondent son existence se trouvent dans toutes les régions du globe.

Un contenu évolutif

14 On trouvera donc, dans la banque de données projetée, des images de pièces vestimentaires, des images de costumes et des informations écrites se rapportant à ces images. Afin d'assurer l'atteinte du principal objectif scientifique de la banque, qui concerne la documentation de systèmes vestimentaires, deux grands types d'images composent la collection virtuelle : les images de costumes types et les images de pièces unitaires de vêtement.

15 Un image de costume type est une représentation de costume en tant qu'ensemble de pièces vestimentaires habituellement associées dans un contexte culturel donné. Il peut s'agir de photographies d'archives, d'oeuvres d'art historiques ou d'un travail d'illustration effectué selon les spécifications de Costumes du monde. Une image de pièce unitaire de vêtement est une représentation d'une composante d'un costume type. La pièce peut être représentée seule ou agencée à d'autres pièces du costume type, disposée à plat, sur un support ou sur un mannequin.

16 Les liens entre les images et leur interprétation sont assurés par des données textuelles. Ces données sont présentées sous des rubriques, elles-mêmes regroupées en trois ordres : 1) l'origine, 2) la forme et 3) la fonction.

L'origine

17 Le but de la banque n'étant pas d'illustrer systématiquement les thèmes d'évolution rapide des systèmes vestimentaires, mais plutôt les thèmes d'évolution lente, en d'autres mots, les caractères qui accusent une certaine permanence, les costumes qui y sont illustrés peuvent être de toute période historique. Toutefois, les collections de vêtements comportent très peu de pièces datées d'avant le IX siècle et tout projet documentaire sur le vêtement est tributaire de cet état de fait. Concernant les vêtements « ethniques », la documentation photographique remontera au plus loin à la période de la deuxième moitié du XIX siècle, période qui englobe également les années d'émergence de la science anthropologique. Même si, pendant tout le XIX siècle^ les différences entre les systèmes vestimentaires du monde commencent à s'estomper, elles demeurent bien visibles. Il y a déjà une grande distance entre cette époque, où les frontières culturelles conservent une relative étanchéité, et l'aube du XX siècle, où le monde est devenu une vaste place d'échanges.

18 Sur le plan synchronique, un premier découpage des données correspond à une division du monde en un nombre restreint de zones géoculturelles. À l'intérieur de ces zones, on trouve des unités d'une relative homogénéité culturelle que l'on nomme ethnie, peuple, société ou groupe culturel. La cohésion de ces groupements repose sur un éventail de caractères communs, entre autres un système vestimentaire, c'est-à-dire un ensemble de relations particulières entre des pièces de vêtement de même qu'entre des vêtements et des institutions sociales.

19 L'origine géoculturelle des vêtements établit une première voie de cheminement logique pour l'utilisateur, de la pièce de vêtement à une culture et à une région du monde et, inversement, d'une région du monde à un costume ou même à une pièce de vêtement qui lui est propre.

La forme

20 La forme du vêtement est ici définie à la fois comme une résultante esthétique et comme la mise en œuvre des moyens techniques pour y parvenir. Les données sur la forme constituent la matière la plus importante de la banque de données, tant en volume qu'en effet structurant. C'est la description formelle du vêtement qui permet de le distinguer, de le classifier, de le reproduire dans son intégralité ou d'emprunter des traits qui lui sont propres. C'est également aux différents traits formels que seront rapportées par la suite les significations, la dimension symbolique.

21 Bien que toute la démarche entreprise vise l'exactitude, on doit bien garder à l'esprit que ce n'est pas l'objet réel auquel ce dispositif donne accès, mais bien à une vision, sinon à une reconstruction du vêtement original. Dans cette optique, il reste encore à préciser quelles dimensions (le contexte, le mouvement, les détails infimes...) seront d'abord approfondies. Mettra-t-on l'accent sur une vision « comme sous la loupe » des différents types de tissage et de teinture de la soie des kimonos ou sur la signification des motifs d'inspiration végétale dont ils sont décorés ? Ira-t-on jusqu'à permettre la visualisation globale d'un costume sur un personnage synthétique, doté du phénotype pertinent à la culture et à l'époque concernées et, pourquoi pas, animé des mouvements appropriés ? Les orientations à ce chapitre seront en partie arrêtées en concertation avec les partenaires de recherche et les utilisateurs potentiels de l'outil.

La fonction

22 Les aspects fonctionnels sont soit techniques, soit symboliques. La fonction technique se résume généralement à divers types de protection, tandis que la fonction symbolique se déploie dans une infinité de directions. La description fonctionnelle vise à mettre en relief les liens d'une pièce vestimentaire avec les autres composantes du costume type de même que les liens du costume avec les institutions sociales du groupe dont il provient.

23 Les liens entre les aspects formel, utilitaire, esthétique et symbolique renvoient les uns aux autres dans cette section du dossier informatif. Si l'on prend pour exemple Vamauti, le manteau de la femme inuite, on verra que, chez les Inuits du Cuivre, l'amplitude exagérée du vêtement aux épaules permet à la mère de faire passer son bébé de son dos à son sein sans l'exposer au froid, mais que cette caractéristique est également exploitée esthétiquement. On verra que les excroissances qui pendent à l'avant et à l'arrière du vêtement peuvent servir tantôt de coussin, tantôt de couverture et tantôt de sac pour transporter le bébé ou divers objets. La longueur et l'ampleur du pan arrière peuvent, dans certains groupes, augmenter au fur et à mesure que la jeune fille grandit et acquiert la connaissance de son rôle de femme. Ce pan arrière prend alors une signification particulière pour un jeune chasseur inuit en quête d'une compagne. Certains motifs, formés par des juxtapositions et des appliques de fourrures contrastées, seront spécifiques à une bande. Des objets (peaux, dents, os) seront cousus ou suspendus au vêtement pour conjurer, protéger ou charmer, ou encore pour infléchir le destin d'un enfant à naître.

24 L'ampleur et la teneur de cette section du dossier informatif, encore davantage que celles des sections sur l'origine et la forme, sont tributaires des intérêts de recherche qui émergeront dans le cours de l'évolution du projet.

***

25 À l'intérieur de chaque zone géoculturelle, la banque se subdivise donc en sections, chaque section portant sur le système vestimentaire d'une culture donnée, à une époque donnée. Le projet se réalise par étapes successives, section par section. Considérant la nécessité d'arrêter un choix sur un petit nombre de systèmes vestimentaires à documenter dans une phase initiale de développement, on a retenu le costume japonais, le costume inuit, le costume amérindien et le costume traditionnel euro-canadien. Les critères qui ont présidé à ces choix vont du potentiel d'attrait pour l'utilisateur à la disponibilité des données, en passant par la localisation de la rampe de lancement du projet. Pour le moment, la section Japon est en chantier et la section Inuits est l'objet de discussions avec des partenaires.

Le costume japonais traditionnel du XX siècle

26 Cette section vient en premier dans la programmation, à la fois à cause de la force d'attraction exercée par le kimono et à cause des données de qualité - et formant surtout un ensemble exceptionnellement cohérent - qui ont été repérées au Musée de la civilisation à Québec. Nous avons acquis du Musée, avec une autorisation de diffusion pour des fins d'enseignement et de recherche, plus de 500 images numériques permettant de documenter le costume prescrit (différents kimonos, pièces d'habillement et accessoires) dans les plus importantes circonstances de la vie traditionnelle du Japon au XX siècle. Cette section est en voie de réalisation à titre de prototype de la banque de données.

27 L'utilisateur pourra accéder à ces données par le biais d'un dossier synthèse (voir schéma) où est présenté un costume type, formé d'un agencement de pièces vestimentaires. Ces pièces constituant le costume sont généralement décrites individuellement dans les fiches descriptives. Dans la configuration de type fiche descriptive, où sont présentées les constituantes du costume type de même que des variantes, les informations se présentent comme dans n'importe quelle base de données relative à une collection d'artefacts, c'est-à-dire que chaque objet (pièce de vêtement) est décrit au moyen d'une fiche comprenant un certain nombre de rubriques et un certain nombre d'images (vues de l'objet photographié, patrons, etc.). Dans la configuration en dossier synthèse, par contraste, les informations sont mises en relation et, pour ainsi dire, mises en scène par divers moyens d'imagerie électronique. Enfin, la banque propose aussi des liens vers des sources externes d'information, afin d'élargir encore l'accès à des variantes apparentées au costume type.

28 Le schéma suivant illustre l'organisation de l'information résidente dans Costumes du monde en deux grandes configurations : le dossier synthèse et les fiches descriptives. On voit aussi que les liens vers des sources externes ouvrent la banque sur l'exploration d'une infinité de variantes.

Le costume traditionnel des Inuits

29 Dans le cadre d'un projet d'exploration des cultures non occidentales basé au Canada, il s'impose de prêter attention aux cultures autochtones d'Amérique. Au sein de la zone géoculturelle en question (Amérique du Nord), il a été décidé de débuter avec les Inuits, considérant encore une fois plusieurs facteurs, entre autres le degré élevé d'homogénéité des caractéristiques techniques et esthétiques des productions concernées. Cette section est l'objet de discussions en vue d'une réalisation en partenariat, notamment avec le Musée McCord d'histoire canadienne, dont la collection est bien dotée en ce qui concerne le costume inuit et qui a traité ce thème à plusieurs reprises dans des productions antérieures (par exemple, la remarquable exposition Ivalu). Il est prévu, dans le cadre du partenariat recherché, de déterminer de manière concertée le contenu de la section de même que la meilleure façon de mettre en valeur ce contenu dans le cadre conceptuel du projet.

Un laboratoire de technologie culturelle

30 Lieu d'étude comparative de grands ensembles de faits techniques et esthétiques, le projet Costumes du monde s'inspire d'une branche de l'anthropologie appelée « technologie culturelle ». En anthropologie, la technologie conserve son acception d'origine, la plus proche de l'étymologie du terme (des racines grecques tekhnê, « art, métier », et logos, « discours, théorie »), c'est-à-dire « science ou étude systématique des techniques »12. Dans le Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, Robert Cresswell13 définit la technologie comme « l'étude des activités entreprises par les hommes pour acquérir et transformer des éléments organiques et inorganiques du monde naturel. Ces activités comprennent aussi bien les savoirs et savoir-faire que les gestes et les outils, et s'agencent en des rapports qui sont simultanément techniques et sociaux »14. L'étude des activités techniques considère celles-ci à trois niveaux : 1) les outils, les gestes, les savoirs ; 2) les processus, les chaînes opératoires et les rapports sociaux associés ; 3) l'ensemble des activités techniques d'une société, que l'on nomme habituellement « système technique ». Cresswell ajoute qu'on devrait réserver à cette approche analytique l'expression de « technologie culturelle », pour bien marquer qu'elle se penche toujours sur la technique en tant que constituante d'une culture.

31 L'ensemble des travaux de technologie culturelle doivent beaucoup à André Leroi-Gourhan15, dont Lévi-Strauss a dit : « l'idée directrice a toujours été chez lui d'étudier des rapports plutôt que des choses »16. Leroi-Gourhan considère le patrimoine matériel comme révélateur de la trajectoire de la pensée humaine.

Admettre la réalité du monde de la pensée en face du monde de la matière, affirmer même que le second n 'est vivant que par l'effet du premier, n 'ôte rien au fait que la pensée se traduit en matière organisée et que cette organisation marque directement, dans des modalités variables, tous les états de la vie humaine'17

32 C'est dire que pour lui la pensée exprimée prend diverses formes, se manifeste par la symbolisation, le langage et la technique, le tout constituant la culture. Une telle conception intègre le milieu technique au « capital intellectuel » de l'humanité. La méthode qui en découle, contribution majeure de Leroi-Gourhan, réside dans la mise en évidence de processus, au-delà des typologies, comme en fait foi chez lui le concept de « chaîne opératoire », qui fait apparaître la continuité entre le geste et l'outil. Cet angle sous lequel aborder l'outil, non pas en tant qu'objet producteur en soi de schemes culturels, mais comme élément d'un processus, permet de rendre compte à la fois des aspects matériel et intellectuel de la technique. La description qui résulte de cette vaste entreprise ethnologique dépasse le statisme des études traditionnelles. Par exemple, en classant les techniques en trois grands groupes : celles de fabrication, d'acquisition et de consommation (cette dernière incluant le vêtement), on en brosse un tableau plus dynamique, tenant compte du procès technique. Au-delà de la classification des formes et des procédés, l'identification d'ensembles de chaînes opératoires permet de saisir des comportements techniques qui, à leur tour, renvoient aux rapports entre l'individu et la société. De même, l'observation de faits techniques dans de nombreux groupes différents a permis à Leroi-Gourhan d'exprimer, dès 1945, des vues de plus en plus confirmées par l'ethnologie de la culture contemporaine, à savoir qu'il n'y a pas d'inclination définitive vers l'uniformisation des cultures et que des nouveaux particularismes font équilibre au processus d'universalisation. De la fin des années 1950 à la fin des années 1970, la technologie culturelle a produit, surtout en France, des études en filiation directe avec l'œuvre de Leroi-Gourhan (plusieurs exemples sont cités dans Digard18, notamment Cresswell19). Depuis les années 1980, la technologie s'intègre à d'autres approches à la suite d'une remise en question de l'autonomie relative du système technique20. C'est ainsi que cette approche est elle-même appelée à se renouveler, entre autres dans le cadre de chantiers pluridisciplinaires.

33 La technologie culturelle appliquée au vêtement permet de distinguer divers ordres de variation dans les procédés de fabrication, dans les formes et dans les usages, la mode étant caractérisée par la rapidité de la variation dans l'axe diachronique21. Le survol général des formes vestimentaires du monde effectué par Leroi-Gourhan dans Milieu et techniques22 constitue toujours une référence stimulante, qui permet d'embrasser un très vaste panorama de données. Une équipe œuvrant au sein du Groupe de travail sur le vêtement du Musée de l'Homme23 s'est appuyée sur ce texte fondateur pour proposer un système descriptif qui puisse s'appliquer à toute pièce vestimentaire, quelle que soit son origine. La caractéristique essentielle de ce système est de partir non pas d'un inventaire, comme on le fait logiquement lorsque l'on dispose d'une collection, mais plutôt d'un nombre limité de traits tendanciels déterminant des groupes, à l'intérieur desquels des sous-groupes de plus en plus restreints sont définis par l'identification de traits distinctifs, jusqu'à la pièce de vêtement singulière.

Au départ donc, la tendance universelle à aménager son apparence en couvrant ou mettant en évidence telle ou telle partie de son corps. Le nombre limité des points d'appui possibles opère un clivage facile, puis les modalités de port, c'est- à-dire la pièce de vêtement comme telle, dans ses relations aux autres pièces. La diversité croissante des réponses intègre progressivement les contraintes et les ressources des milieux physiques et culturels jusqu'à la pièce unique caractérisée par sa structure, ses dimensions, ses matériaux, mais aussi par mille détails de couleur, de découpe ou d'assemblage sur lesquels repose, souvent, sa désignation locale24.

34 En somme, une méthode basée sur un nombre restreint de traits universels convient davantage à une entreprise de recension ouverte qu'une méthode basée sur l'énumération des traits particuliers de chaque artefact, comme on le fait normalement dans le contexte de la gestion d'une collection finie. C'est pourquoi cette voie nous semble toute désignée dans le cadre du projet Costumes du inonde. Cet aspect de la méthode est déjà appréciable, mais il y a plus. L'option fondamentale de la technologie culturelle, en tant que mise en perspective d'une technique dans une trame de relations, dans un milieu, dans une culture donnée, débouche sur la saisie du vêtement à la fois comme accomplissement matériel et comme représentation des rapports entre les êtres vêtus. La dimension représentation implique nécessairement la mise à contribution de l'enquête vivante, qui enrichit l'analyse des rapports entre mode et coutume, une voie dont la pertinence a déjà été relevée, notamment par Jocelyne Mathieu25.

Un outil au service de la création

35 Au-delà des objectifs reliés à l'enseignement et à la recherche universitaires, le projet Costumes du inonde est conçu comme un outil en appui aux professionnels de la création et aux artistes, tant pour la production du vêtement mode que pour la réinterprétation du vêtement en costume, dans diverses formes de productions artistiques et ludiques (théâtre, cinéma, jeux électroniques, animation 3D, danse, arts visuels...). Les divers domaines de création concernés se voient ainsi offrir de nouvelles connaissances de même que de nouveaux moyens techniques de les utiliser à leurs fins. Le lien ainsi établi entre la recherche et la création autour du vêtement, grâce en partie à l'utilisation des nouvelles techniques d'imagerie numérique et des systèmes d'information interactifs, permet d'envisager le renforcement d'une expertise montréalaise déjà bien établie, et l'émergence d'un pôle majeur d'excellence au sein d'un réseau international.

36 La mise en valeur du patrimoine, par une mise en disponibilité qui favorise sa réinterprétation, est sans doute le meilleur antidote à la perte de mémoire. La systématisation de cette reformulation, et les conditions propices à la réflexivité qu'elle met en place, pourrait même favoriser un véritable échange dialogique entre les cultures, aucunement garanti par ailleurs dans les termes de l'échange économique. Le rapport entre patrimoine et création pose en effet le problème de ce que d'aucuns ont appelé 1'« appropriation culturelle »26. C'est sous cette formulation que des représentants de communautés culturelles critiquent la propension de la culture blanche dominante à « dérober » dans les cultures dites dominées des éléments qui contribuent à son renouvellement et à sa pérennité. Bien que ces récriminations ne soient pas unanimement partagées dans les communautés ethniques minoritaires, et sachant qu'elles relèvent généralement d'une vision économiste de la culture, elles ne sauraient être tout à fait dépourvues de fondement.

37 N'est-il pas agaçant en effet de constater que les citations dont sont truffées les créations des Gaultier, Galliano ou McQueen sont souvent comprises comme des originalités plutôt que des emprunts ? Ne devrait-on pas être choqué lorsque la coiffure « papillon » des jeunes femmes hopies, associée à un vêtement croisé d'inspiration chinoise, laisse croire que la coiffure est asiatique plutôt qu'amérindienne ? Peut-être. Mais alors le problème ne réside ni dans la citation, ni même dans l'hybridation, mais dans le fait que le brouillage des repères ne permet ni d'apprécier les qualités de la composition, ni de rendre hommage aux sources traditionnelles d'inspiration. De plus, le public a tout autant de chemin à parcourir à ce chapitre que les créateurs.

38 C'est donc dire que la solution ne saurait résider dans une attitude protectionniste de la part des groupes minoritaires. La reconnaissance ne pourra venir que de la connaissance. C'est d'abord en accordant toute l'importance nécessaire à l'étude systématique des traditions vestimentaires, puis à la diffusion des connaissances ainsi produites dans un public de plus en plus large, que pourra se faire la distinction entre le pillage et l'hommage.

Conclusion

39 Le programme général de l'anthropologie, qui consiste à révéler l'unité fondamentale de VHomo sapiens à travers la diversité de ses constructions idéelles et matérielles, est plus que jamais plausible à l'aube du troisième millénaire. D'autant plus que les anthropologues, s'ils se posent toujours en promoteurs du programme, ne le revendiquent plus pour leur usage exclusif. L'heure est à la convergence des perspectives, comme en témoigne entre autres le renouveau annoncé au Musée de l'Homme, à Paris, qui deviendra le Musée des Arts et des Cultures, afin que puissent être réconciliés, selon les mots de Maurice Godelier27, « le plaisir de voir et celui de savoir ». Le rapprochement entre la vision esthétique et la vision ethnologique renvoie ici à la multiplication des échanges entre l'art et la science dans les œuvres reflexives contemporaines.

40 C'est donc dans ce vaste mouvement qu'il faut situer le projet Costumes du monde. L'unité fondamentale, à travers la variation des formes, se vérifie à l'échelle du patrimoine matériel et à l'échelle des cultures. Si l'on peut aujourd'hui parler de réinterprétation du patrimoine matériel, cela tient sans doute en partie aux nouveaux moyens techniques permettant d'y accéder, mais cela devrait tenir surtout à la volonté de comprendre ses implications symboliques.

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SITES WEB
NOTES
1 Herbert Blumer, « Fashion: From Class Differentiation to Collective Selection », dans Sociological Quarterly (n° 10,1969, p. 275-291) ; Elizabeth Wilson, Adorned in Dreams: Fashion and Modernity (Berkeley : University of California Press, 1985 et 1987), 290 p. ; Gilles Lipovetsky, L'empire de l'éphémère : la mode et son destin dans les sociétés modernes (Paris : Gallimard, 1987), 345 p. ; Fred Davis, Fashion, Culture, and Identity (Chicago et Londres : The University of Chicago Press, 1992), 226 p. ; Jennifer Craik, « Exotic Impulses in Techniques of Fashion », dans The Face of Fashion (London : Routledge, 1994, p. 17-43).
2 Françoise Vincent-Ricard, Raison et passion : langages de société, la mode 1940-1990 (Paris : Éditions Textile/Art/Langage, 1983), 234 p.
3 La « publication » des catalogues des grands musées du monde dans le réseau des réseaux est déjà bien entamée. Le Musée canadien des civilisations et le Musée canadien de la guerre annonçaient à la fin de l'année 1998, par la voix de George MacDonald (dans un communiqué du 15 décembre 1998), être les premiers établissements museaux au Canada à « offrir un accès électronique universel à leurs collections » (www.civilisations.ca). Dans une première étape, 25 000 documents ont été mis à la disposition du public, alors que la banque de données commune des deux institutions compte près d'un million de documents. Il faudra donc encore quelques années pour rendre le tout disponible. Par ailleurs, les musées ne mettront peut-être pas tous leur catalogue « en ligne » sur leurs propres bases. Certains profiteront de la mise en commun de ressources que permet un organisme comme le Réseau canadien d'information sur le patrimoine (RCIP). Depuis 1998, le RCIP offre en consultation libre des données d'inventaire sur les collections des musées canadiens (www.rcip.gc.ca).
4 L'École supérieure de mode de Montréal (ESMM) offre depuis 1995 un programme de premier cycle universitaire en gestion et design de la mode. Créée par résolution du Conseil d'administration de l'Université du Québec à Montréal et gérée en partenariat avec le Groupe Collège LaSalle, l'ESMM a pour mission d'instituer une tradition universitaire de formation, de création et de recherche-développement dans le domaine de la mode au Québec. L'ESMM s'applique à former, pour l'industrie de la mode canadienne, des créateurs et des gestionnaires de plus en plus hautement qualifiés, possédant un bagage culturel au spectre large, mais fortement intégré en regard de leur domaine de spécialité.
5 C'est-à-dire une synthèse non seulement descriptive de quelques formes typiques, mais également une synthèse analytique comparative sur les plans technique et symbolique. Ainsi, un ouvrage comme Ethnie Dress (New York : Facts on File, 1995), de Frances Kennett, constitue un joli album d'images, mais demeure muet sur le plan de l'analyse comparative. En ce sens, un travail de synthèse qui pousserait plus avant la démarche entreprise par André Leroi-Gourhan dans Milieu et techniques (Paris : Albin Michel, 1973) reste à faire.
6 Jennifer Craik, op. cit.
7 Jean Davallon, « Les multimédias de musée : une innovation en cours », dans Musées (n° 1, 1998) et La Lettre de l'OCIM (n° 57,1998), p. 6-11.
8 Kirk Alexander, « The Visualization of Art History: The Role of Databases in Visual Thinking », dans Visual Resources (vol. 13,1998, p. 285-297).
9 Centre canadien d'architecture, Groupe de recherche sur Montréal, Adhémar (en ligne), Montréal. Sur Internet : <http://cca.gc.ca/adhemar>.
10 Columbia College, Costume Imagebase (en ligne), Chicago. Sur Internet : <www.lib.colum.edu/ costwais.html>.
11 Pierre Véronneau, « Nouvelles technologies et musées de l'image en mouvement : regard sur la Cinémathèque québécoise », dans Musées (n° 1, 1998) et La Lettre de l'OCIM (n° 57,1998), p. 31-34.
12 Il est plutôt désolant de voir à quelles confusions peuvent mener les glissements sémantiques et la survalorisation de la nouveauté imposés dans l'espace public, et même dans les sciences, par les fabricants d'appareils électroniques. Ainsi, la technique a été vidée de ses dimensions de savoir, d'innovation et même de maîtrise pour être ravalée au rang d'action primaire sur la matière. On ne s'intéresse plus qu'à la « technologie », entendue comme une sorte de supertechnique, plus complexe, plus noble que la technique, qui tiendrait sa plus-value de noblesse du suffixe logia. Derrière la surenchère verbale des expressions « nouvelle technologie », « technologie de pointe » et « haute technologie » se profile une conception réductrice de la dimension technique. On se retrouve ainsi avec une École de technologie supérieure (réseau de l'Université du Québec) qui forme un nouveau type d'ingénieurs désormais appelés « technologues », alors que leur formation, plutôt que d'être plus ouverte sur une culture générale et sur une réflexivité, comme on pourrait le penser, est toute centrée sur 1'« ingénierie appliquée ». Parallèlement, et contre toute logique, les diplômés des programmes professionnels des cégeps sont également appelés « technologues », bénéficiant même d'un Ordre des technologues professionnels du Québec, dûment régi par le Code des professions.
13 Robert Cress well, « Technologie », dans Pierre Bonte et Michel Izard, Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie (Paris : Presses Universitaires de France, 1992, p. 698-701).
14 Ibid., p. 698.
15 André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, Technique et langage (Paris : Albin Michel, 1964), 323 p. ; André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, t. II, La mémoire et les rythmes (Paris : Albin Michel, 1965), 285 p. ; André Leroi-Gourhan, L'homme et la matière (Paris : Albin Michel, 1971), 348 p. ; André Leroi-Gourhan, Milieu et techniques (Paris : Albin Michel, 1973), 475 p.
16 Claude Lévi-Strauss, « ...nous avons lui et moi essayé de faire à peu près là même chose », dans Collectif, André Leroi-Gourhan ou les voies de l'homme (Paris : Albin Michel, 1988, p. 203-204).
17 André Leroi-Gourhan, op. cit. (1964), p. 209.
18 Jean-Pierre Digard, « La technologie en anthropologie : fin de parcours ou nouveau souffle ? », dans L'Homme (vol. 19, n° 1,1979, p. 73-104).
19 Robert Cresswell, « Un pressoir à olives au Liban », dans L'Homme (vol. 5, n° 1,1965, p. 33-63).
20 André Lepage, « L'inscription de la technique », dans Anthropologie et sociétés (vol. 3, n° 2,1989, p. 1-8).
21 Yves Delaporte, « Vêtement », dans Pierre Bonté et Michel Izard, Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie (Paris : Presses Universitaires de France, 1992, p. 739-740).
22 André Leroi-Gourhan, op. cit. (1973).
23 Musée de l'Homme, Groupe de travail sur le vêtement, « Un essai de système descriptif du vêtement », dans L'Ethnographie (nº³5192-93-94,1984, p. 363-373).
24 André Leroi-Gourhan, op. cit. (1973), p. 372.
25 Jocelyne Mathieu, « L'étude du costume en ethnologie », dans Revue d'histoire de la culture matérielle (vol. 37,1993, p. 30-34).
26 Jean-François Gaudreault-Desbiens, « De l'appropriation culturelle ou du délit d'inauthenticité », dans La liberté d'expression entre l'art et le droit (Montréal et Québec : Liber et Les Presses de l'Université Laval, 1996, p. 103-134).
27 Maurice Godelier, « Un musée pour les cultures : entretien avec Maurice Godelier », dans Sciences humaines (hors-série n° 23,1998, p. 19-20).