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Les drapeaux militaires en Nouvelle-France

René Chartrand
Parks Canada

Abstract

The author of this study looks at the meaning and use of military flags in New France, and makes the connection with the Quebec flag of today. A detailed description of all known military flags that were unfurled in New France follows.

Résumé

L'auteur de cette étude se penche d'abord sur la signification et l'utilisation des drapeaux militaires en Nouvelle-France et fait le lien avec le drapeau québécois actuel. Suit une description détaillée de tous les drapeaux militaires connus qui ont été déployés en Nouvelle-France.

1 Les drapeaux portent en eux une symbolique puissante et évocatrice, celle du patriotisme poussé à l'outrance; des militaires ne se font-ils pas tuer au combat pour maintenir leur drapeau bien haut? C'est tout dire de l'importance qu'accordent les hommes au drapeau. Rassemblés sur ce morceau d'étoffe se trouvent l'identification de leur société, l'expression de la fierté du pays, le symbole de ses valeurs les plus profondes et aussi l'affirmation de la supériorité d'une nation par rapport à une autre. Il n'est guère surprenant dès lors que ces insignes deviennent des objets vénérés : les drapeaux appartenant aux corps militaires sont bénis par le clergé et font l'objet de serments solonnels par les officiers et les soldats. Les drapeaux sont aussi synonymes de l'honneur militaire et des traditions chevaleresques; les combattants perdants dont les vainqueurs reconnaissent la vaillance peuvent garder leurs drapeaux : ce sont les « honneurs de la guerre1». Par contre, il n'y a pas de plus gande disgrâce que de devoir abandonner ses drapeaux à l'ennemi sans combat honorable. Et quelle gloire que celle de prendre les drapeaux à l'adversaire dans un combat épique!

2 Mais qu'en était-il au Canada il y a trois siècles, quand ce pays était la Nouvelle-France? Quels étaient les types de drapeaux utilisés par les troupes coloniales et métropolitaines sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV, quelle signification leur prêtait-on et quel usage en faisait-on?

3 Il faut d'abord distinguer le « pavillon » du « drapeau » dans la France de l'Ancien Régime. À cette époque, le pavillon est à peu près l'équivalent de l'actuel drapeau national. On l'arbore sur les navires et sur les fortifications, et il sert parfois à identifier la nationalité d'une expédition militaire. Le plus ancien pavillon français, qui remonte au Moyen Âge et qui était inspiré des armoiries royales, est bleu avec trois fleurs de lis d'or. Durant le XVe siècle apparaît un autre type de pavillon, ayant toujours une croix blanche avec des quartiers habituellement bleus; c'est sans doute un pavillon de ce genre qui flottait sur les premiers établissements de Cartier et de Champlain. Ces pavillons multicolores seront utilisés jusqu'au début du XVIIe siècle.

4 Survient alors l'usage du blanc comme couleur « nationale » de la France quand, à la suite des guerres de religion, un pavillon blanc s'impose, sans ornement, évoquant la pureté. À partir de cette époque, les navires de la Marine royale se mettent à arborer des flammes et des pavillons blancs2. Les résidents de Québec les connaissent bien avant la capture de la colonie par les Anglais, en 1629, car, quand les navires français arrivent à Québec trois ans plus tard pour reprendre possession de la colonie, les habitants de la ville qui « virent arriver ces pavillons blancs sur les mats de nos vaisseaux...ne sçavoient à qui dire leur contentement3». Par la suite, on signale parfois la présence de pavillons blancs lors d'expéditions ou de batailles en Nouvelle-France4. Cependant, il ne s'agit pas de drapeaux « régimentaires » proprement dits, mais du pavillon français qui rallie l'ensemble des combattants. L'attachement des Canadiens à ce symbole ressort clairement dans la fière réponse d'un corsaire canadien et de ses hommes aux Anglais qui les invitaient à changer de camp : « Nous lui répondîmes sans hésiter que nous étions nés sous le pavillon blanc et que nous voulions y mourir5. »

5 Le drapeau, pour sa part, est l'enseigne qui appartient à un corps militaire en particulier. Les divers corps sont identifiés par des drapeaux d'aspects différents, bien qu'ayant certaines caractéristiques communes, par exemple la croix blanche pour ceux des régiments français6. L'usage de drapeaux appartenant spécifiquement à des corps militaires est relativement peu répandu au Canada avant 1755. Mais à compter de cette date, des bataillons de l'armée métropolitaine arrivent en Nouvelle-France, chacun portant ses drapeaux régimentaires. Par la suite, ces drapeaux sont témoins des diverses campagnes; ils sont même plan-tés sur les abattis érigés à la bataille de Carillon, en 1758, témoins de la victoire du marquis de Montcalm contre les troupes anglo-américaines.

6 Deux ans plus tard, la petite armée fran-çaise, entourée par trois armées ennemies, est contrainte de capituler à Montréal. Les Britanniques se montrent intraitables, et les troupes régulières françaises doivent se rendre sans les honneurs accoutumés de la guerre, remettre leurs armes et, surtout, leurs drapeaux; ce sont des conditions extrêmement dures pour l'époque, et même injustes envers une armée qui s'est battue avec tant d'acharnement et de vaillance. Outré, le général Lévis veut se retrancher avec les bataillons français dans l'île Sainte-Hélène, tout près de la ville, pour livrer un dernier combat. Le gouverneur général Vaudreuil refuse, sans doute la mort dans l'âme, voulant éviter un bain de sang inu-tile et protéger les civils contre les éventuels méfaits d'une soldatesque débridée en cas d'assaut général. Lévis se soumet. Cependant, dans la nuit du 7 au 8 septembre, les militaires français tiennent une émouvante cérémonie. Ils allument un bûcher, et les porte-drapeaux de chaque bataillon s'en approchent avec ces symboles sacrés que sont les drapeaux régimentaires et les brûlent...

7 Cependant, le souvenir collectif de ces drapeaux demeure chez les Canadiens français. Le XIXe siècle voit apparaître des légendes plus ou moins fondées concernant les drapeaux fleurdelisés, tel le « Carillon-Sacré-Cœur », légendes auxquelles la population québécoise s'identifie. Ceci débouche, au début du XXe siècle, sur un « drapeau national canadienfrançais » ayant une ressemblance étonnante avec les anciens drapeaux militaires français. Il porte la croix blanche avec les quartiers bleus, chacun ayant une fleur de lis blanche pointée vers le centre. La popularité de ce drapeau est telle qu'en janvier 1948, il est adopté à l'unanimité au Parlement québécois et devient officiellement, avec les fleurs de lis pointant désormais vers le haut, le drapeau du Québec7.

8 Ainsi, disparus durant quelque deux siècles, les insignes héraldiques des anciens régiments français flottent aujourd'hui partout au Québec.

Description des drapeaux des unités présentes en Nouvelle-France

9 Dans l'armée du début du XVIIe siècle, le drapeau « colonel » - il s'agit du drapeau arboré dans la compagnie du colonel d'un régimentdevient entièrement blanc, tant la croix que les quartiers, ce qui dénote la soumission au Roi et l'appartenance du corps aux troupes régulières, et aussi « parce que le Blanc signifie la couleur de France8 ». Les autres compagnies portent le drapeau dit « d'ordonnance », qui distingue et identifie chaque unité. Dans presque tous les corps, le drapeau d'ordonnance a la croix blanche avec les quartiers aux couleurs.

10 Jusqu'au milieu du XVIIe siècle, chaque compagnie d'un bataillon d'infanterie a son drapeau mais, par la suite, ce nombre est réduit à trois par bataillon. En 1749, le nombre de drapeaux est de nouveau abaissé, à deux par bataillon9.

11 Les dimensions des drapeaux d'infanterie connaissent des variations. Au début du XVIIe siècle, ils sont très grands, pouvant mesurer entre 250 et 300 cm au carré, mais ils diminuent graduellement à environ 200 cm au carré vers 1700. Ce rapetissement continue durant le XVIIIe siècle, de sorte que les drapeaux mesurent vers le milieu du siècle environ 162 cm au carré avec la croix à 32 cm10. La presque totalité des drapeaux sont écartelés, c'est-à-dire qu'ils comportent une croix blanche avec quatre quartiers. Le tissu utilisé, tant pour la croix que pour les quartiers, est une toile de soie épaisse : le taffetas. La couture est à œuvre simple. Dans quelques cas, la soie est peinte de fleurs de fis, de devises et d'insignes, habituellement en or ombré de noir. Le revers des drapeaux est toujours identique à l'avers, les motifs étant exactement les mêmes de chaque côté. La soie du drapeau le long de la hampe est cousue en forme de fourreau et fixée par des clous dorés.

Fig. 1 (ci-contre) Les drapeaux d'ordonnance du régiment de Carignan-Salières auraient été identiques à ceux du régiment de Perche, illustrés en 1715. Archives Jean et Raoul Brunon, Musée de l'Armée, Salon-de-Provence.
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Fig. 2 (à l'extrême-droite) Drapeau d'ordonnance des Compagnies franches de la Marine. Reconstitution de Michel Pétard. Ministère de la Défense nationale.
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Fig. 3 (ci-contre) Drapeau d'ordonnance du régiment de La Reine, milieu du XVIIIe siècle. Archives fean et Raoul Brunon, Musée de l'Armée, Salou-de-Provence.
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Fig. 4 (à l'extrême-droite) Drapeau d'ordonnance du régiment de Bourgogne, milieu du XVIIIe siècle. Archives Jean et Raoul Brunon, Musée de l'Armée, Salon-de-Provence.
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12 La cordelière, en soie tressée, est terminée à chaque extrémité par un gland à franges. Elle est attachée au sommet de la hampe, ce qui donne l'effet de deux cordons, le tout aux couleurs du drapeau.

13 À compter de la fin du XVIIe siècle, la « cravate » est nouée à la hampe des drapeaux d'infanterie afin d'éviter les méprises durant les combats. Il s'agit d'une étroite écharpe en taffetas blanc.

14 Quant à la hampe, elle est en bois léger et d'abord assez courte car son talon repose sur la hanche du porte-drapeau, qui tient le drapeau d'une main et l'épée de l'autre. La hampe s'allonge au début du XVIIIe siècle afin de pouvoir reposer à terre, prenant ainsi l'aspect que nous lui connaissons de nos jours. Au sommet De la hampe se trouve une pique dorée et, à la base, un talon de fer ou de cuivre doré.

15 La description des drapeaux ci-dessous est donnée selon la règle héraldique. La hampe est toujours à gauche avec les quatre quartiers numérotés 1, 2, 3 et 4, le premier quartier étant en haut à gauche, le deuxième en haut à droite, le troisième en bas à gauche et le quatrième en bas à droite11. Le choix des couleurs dépend de la livrée du premier colonel, dans les régiments français, et ne change pas par la suite. Par contre, les drapeaux des régiments étrangers au service de la France prennent la livrée de chaque nouveau colonel12.

16 Régiment de Carignan-Salières, Canada, 1665-1668. Le régiment en entier, fort de vingt compagnies, vient au Canada. Ce corps appartient conjointement au prince de Carignan et au marquis de Salières, situation exceptionnelle dans l'armée. En conséquence, il a la singulière distinction de posséder non pas un, mais deux drapeaux blancs. Ces drapeaux colonels sont à quartiers blancs avec la croix blanche, sans ornement. Drapeaux d'ordonnance : croix blanche, quartiers mi-bleus, mi-rouges13. Le nombre exact de drapeaux d'ordonnance est inconnu. Cependant, le nombre élevé de compagnies permet de supposer qu'il y en avait environ quatre ou cinq.

17 Quatre compagnies d'infanterie, chacune provenant d'un régiment différent, débarquent à Québec avec le marquis de Tracy en 1665 et restent deux ans au Canada. Ont-elles chacune leur drapeau d'ordonnance régimentaire? Aucun indice à ce sujet, mais c'est possible. Ces compagnies sont détachées des régiments de Poitou, de Lignières, de Chambellé et d'Orléans. Les drapeaux d'ordonnance d'Orléans sont écartelés, les quartiers 1 et 4 étant bleus, et les 2 et 3, bruns; ceux de Poitou sont apparemment écartelés, avec des quartiers rouges et bleus recroisillonnés d'argent14. Les drapeaux de Lignières et de Chambellé sont inconnus.

18 Compagnies franches de la Marine, Nouvelle-France, 1683-1760. À compter du dernier tiers du XVII siècle et durant presque tout le siècle suivant, c'est le ministère de la Marine qui est responsable des colonies françaises en Amérique et, conséquemment, les troupes coloniales sont « de la Marine » bien que n'ayant à peu près rien à voir avec le service en mer, contrairement aux troupes de la Marine basées en France même. Toutes, tant aux colonies qu'en France, sont des « compagnies franches », c'est-à-dire indépendantes, car n'étant pas enrégimentées. Chaque colonie a son propre établissement de compagnies franches. La Nouvelle-France compte alors trois types de compagnies franches de la Marine : 1) celles du Canada, 2) celles de l'Acadie et de Plaisance, qui deviendront les troupes de l'île Royale après 1713, et 3) celles de la Louisiane15.

19 Les documents concernant les drapeaux de ces troupes sont rares. Les Compagnies franches de la Marine du Canada ne semblent pas avoir eu leurs propres drapeaux avant la formation d'une partie des compagnies en bataillon, en 1757. Avant cette date, il existait cependant un drapeau, vraisemblablement cérémonial, qui avait peut-être l'aspect du drapeau colonel décrit ci-dessous, confié à la garde du capitaine principal des Compagnies franches au Canada16. Les troupes de Louisiane semblent avoir eu des drapeaux au début du XVIIIe siècle, mais les documents sont discrets à ce propos par la suite17. En Acadie, la situation est différente car, dès 1704, on fait « l'emplette d'un drapeau pour les troupes » à Port-Royal, pratique qui continuera quand ces troupes deviendront les Compagnies franches de la Marine de l'île Royale18. Comme celles-ci ont obtenu les honneurs de la guerre lors des capitulations de Port-Royal, en 1710, et de Louisbourg, en 1745, leurs drapeaux ne tombent pas aux mains de l'ennemi. Les compagnies de l'île Royale qui séjournent à Québec de 1747 à 1749 y arrivent avec leurs drapeaux de bataillon, ce qui cause d'ailleurs des tensions avec les militaires du Canada, qui n'en ont pas. Mais les drapeaux des Compagnies franches de l'île Royale sont perdus à la capitulation de Louisbourg, en 1758, et déposés à la cathédrale Saint-Paul, à Londres19.

20 L'aspect de ces drapeaux nous est révélé, en 1737, par une description de la bénédiction et de la remise des drapeaux aux Compagnies franches de la Marine à Brest20. Les uniformes, l'armement et l'organisation étant quasiment identiques dans toutes les compagnies franches, qu'elles soient en métropole ou aux colonies, les drapeaux sont sans doute du même modèle pour toutes ces compagnies, où qu'elles soient. Les drapeaux d'ordonnance sont écartelés; les quartiers (1 et 4 rouges, 2 et 3 bleus) sont semés de fleurs de lis d'or, la croix est blanche avec la devise PER MARE ET TERRAS en lettres d'or et la foudre au centre, et les cordons sont aux couleurs des quartiers. Le drapeau « blanc21» est entièrement blanc, avec les quartiers semés de fleurs de lis, la croix portant la devise PER MARE ET TERRAS en lettres d'or et la foudre au centre22.

21 Régiment suisse de Karrer. Les unités de mercenaires suisses sont régies par leurs propres règlements et usages. Par exemple, chaque compagnie a un drapeau. Le régiment de Karrer est affecté au service du ministère de la Marine afin de renforcer les garnisons des colonies françaises en Amérique. Les soldats de ce régiment en garnison à la forteresse de Louisbourg entre 1724 et 1745 sont détachés de la compagnie colonelle basée en France. En principe, le drapeau colonel reste à Rochefort avec le colonel Karrer et l'essentiel de sa compagnie, de sorte que le détachement posté à Louisbourg n'a pas de drapeaux. La quatrième compagnie du régiment sert en Louisiane, à la Nouvelle-Orléans et à Mobile, de 1732 à 1763. Son drapeau d'ordonnance est typique des régiments suisses au service de la France. Il a la croix blanche et porte les devises FIDELITATE ET HONORE et TERRA ET MARE en lettres d'or. Chaque quartier a six flammes : rouge, bleue, jaune, rouge, bleue, jaune23.

Fig. 5 (ci-contre) Drapeau d'ordonnance du régiment de Béam, milieu du XVIIIe siècle. Archives Jean et Raoul Brunon, Musée de l'Armée. Salon-de-Provence.
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Fig. 6 (à l'extrême-droite) Drapeau d'ordonnance du régiment Royal-Roussillon, milieu du XVIIIe siècle. Archives Jean et Raoul Brunon, Musée de l'Armée, Salon-de-Provence.
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Fig. 7 (ci-contre) Drapeau d'ordonnance du régiment de Berry, milieu du XVIIIe siècle. Archives Jean et Raoul Brunon, Musée de l'Armée, Salon-de-Provence.
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Fig. 8 (à l'extrême-droite) Drapeau d'ordonnance du régiment des Volontaires-Étrangers, milieu du XVIIIe siècle. Archives Jean et Raoul Brunon, Musée de l'Armée, Salon-de-Provence.
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22 Régiment de La Reine. Le deuxième bataillon sert au Canada de 1755 à 1760. Les drapeaux d'ordonnance du bataillon sont écartelés; quartiers 1 et 4 verts, 2 et 3 noirs; croix blanche semée de fleurs de lis d'or et chargée de quatre couronnes d'or coiffées rouge; cordons aux couleurs des quartiers.

23 Régiment de Languedoc. Le deuxième bataillon sert au Canada de 1755 à 1760. Les drapeaux d'ordonnance du bataillon sont écartelés; quar-tiers 1 et 4 violets, 2 et 3 bruns; croix blanche; cordons aux couleurs des quartiers.

24 Régiment de Guyenne. Le deuxième bataillon sert au Canada de 1755 à 1760. Les drapeaux d'ordonnance du bataillon sont écartelés; quartiers 1 et 4 chamois, 2 et 3 verts; croix blanche; cordons aux couleurs des quartiers.

25 Régiment de Béarn. Le deuxième bataillon sert au Canada de 1755 à 1760. Les drapeaux d'ordonnance du bataillon sont écartelés; quartiers 1, 2, 3 et 4 violets à fasce chamois; croix blanche; cordons aux couleurs des quartiers.

26 Régiment d'Artois. Le deuxième bataillon sert à Louisbourg de 1755 à 1758. Les drapeaux d'ordonnance du bataillon sont écartelés; quartiers 1 et 4 jaunes, 2 et 3 bleus; croix blanche; cordons aux couleurs des quartiers.

27 Régiment de Bourgogne. Le deuxième bataillon sert à Louisbourg de 1755 à 1758. Les drapeaux d'ordonnance du bataillon portent la croix de Bourgogne rouge sur fond blanc semé de fleurs de lis or et le cordon rouge et blanc. C'est un des rares régiments de l'armée à ne pas porter la croix blanche avec des quartiers, mais plutôt l'insigne du duché de Bourgogne24.

28 Régiment Royal-Roussillon. Le deuxième bataillon sert au Canada de 1756 à 1760. Les drapeaux d'ordonnance du bataillon sont écartelés; quartiers 1 bleu, 2 rouge, 3 brun, 4 vert; croix blanche semée de fleurs de lis d'or; cordons aux couleurs des quartiers. Une ancienne tradition du 35e régiment britannique veut qu'à la bataille des Plaines d'Abraham, un des drapeaux du Royal-Roussillon ait été capturé par des soldats du 35e, ce qui valut à ce corps le sobriquet de « orange lilies25 ». Les croix des drapeaux du Royal-Roussillon ayant effectivement des fleurs de lis, cette tradition semble véridique.

29 Régiment de La Sarre. Le deuxième bataillon sert au Canada de 1756 à 1760. Les drapeaux d'ordonnance du bataillon sont écartelés; 1 et 4 rouges, 2 et 3 noirs; croix blanche; cordons aux couleurs des quartiers.

30 Régiment de Berry. Le deuxième et le troisième bataillons servent au Canada de 1757 à 1760. Les drapeaux d'ordonnance de chaque bataillon sont écartelés; 1, 2, 3 et 4 chamois à deux fasces rouges; croix blanche; cordons aux couleurs des quartiers.

31 Régiment de Cambis. Le deuxième bataillon sert à Louisbourg en 1758. Les drapeaux d'ordonnance du bataillon sont écartelés; 1 et 4 rouges, 2 et 3 verts; croix blanche; cor-dons aux couleurs des quartiers. Outrés que les Britanniques n'accordent pas les honneurs de la guerre à la garnison de Louisbourg lors de sa reddition, malgré sa belle défense durant le siège de 1758, les soldats de ce régiment s'emparent des drapeaux et les brûlent plutôt que de les rendre.

32 Régiment des Volontaires-Étrangers. Le deuxième bataillon sert à Louisbourg en 1758. Les drapeaux d'ordonnance du bataillon ont les quartiers partie de blanc et de vert, la croix blanche, et les cordons aux couleurs des quartiers.

33 Régiment d'Angoumois. L'unique bataillon de ce régiment sert en Louisiane, surtout à la Nouvelle-Orléans, de 1762 à 1764. Il a un drapeau colonel et un drapeau d'ordonnance. Drapeau colonel : blanc uni. Drapeau d'ordonnance : écartelé; quartiers 1, 2, 3 et 4 tranchésdentelés orange sur violet; croix blanche; cordons aux couleurs des quartiers.

NOTES
1 On trouvera une définition complète des honneurs de la guerre dans André Corvisier, Dictionnaire d'art et d'histoire militaires, Paris, Presses universitaires de France, 1988, p. 138-140.
2 Au sujet de l'évolution du drapeau français, voir Gustave Desjardins, Recherches sur les drapeaux français, Paris, 1874; et Pierre Charrié, Drapeaux et étendards du roi, Paris, Léopard d'or, 1989.
3 Relations des Jésuites, Québec, 1858, Relation de 1632, p. 6. Louis XIV confirmera l'usage du pavillon blanc par décret en 1661.
4 Par exemple, « 1 Pavillon » et « 6 grands pavillons » sont portés par le « Party de Guerre...commandé par M. de Rigaud » en août 1746. (Archives nationales, Colonies, série C11A, vol. 115, fol. 254.) Des drapeaux blancs (« with their white colours ») sont portés par les troupes françaises à la bataille de La Belle Famille, près du fort Niagara. (Public Records Office, War Office 34, vol. 53, E. Massey à J. Amherst, 30 juillet 1759.) À la bataille des Plaines d'Abraham, le 13 septembre 1759, l'officier britannique John Knox rapporte avoir presque pris un drapeau de soie blanche avec trois fleurs de lis au centre entourées de lauriers ou dans un cercle, le tout peint en or. Ce drapeau ne correspond à aucune description connue des drapeaux régimentaires français. (John Knox, The siege of Quebec and the campaigns in North America 1757-1760, présenté par Brian Cornell, Londres, Folio, 1976, p. 292.) Certains drapeaux militaires de facture locale à connotation religieuse, vraisemblablement blancs, sont arborés au Canada comme étendards de combat. En octobre 1690, durant le siège de Québec par William Phips, les troupes et les milices montréalaises arrivent en renfort avec l'archidiacre, M. de la Colombière, arborant sur « son canot un étendait ou étoit peint le saint Nom de Marie, afin d'animer ses guerriers par la confiance de la très sainte Vierge ». En 1711, lorsque la colonie est menacée d'invasion, un « drapeau marqué du nom de MARIE » est présenté au baron de Longueuil pour être porté au combat. Ce drapeau porte également une prière guerrière écrite par « Mademoiselle Le Ber, une vertueuse recluse de Montréal ». (Jeanne-Françoise Juchereau de Saint-Ignace et Marie-Andrée Duplessis de Sainte-Hélène, Les annales de l'Hôtel-Dieu de Québec 1636-1716, Montauban, 1739, réédité à Québec en 1939, p. 252.) Il ne semble pas y avoir eu de drapeau appartenant spécifiquement à des corps de milice en Nouvelle-France. L'ingénieur Franquet mentionne la « bénédiction de trois drapeaux, dont on voulut décorer la milice du parti destiné pour la belle rivière [l'Ohio] », en 1752, mais il s'agit probablement de drapeaux ou de pavillons blancs portés lors d'une expédition et non d'un drapeau « régimentaire ». (Louis Franquet, Voyages et mémoires sur le Canada, Montréal, Elysée, 1974, p. 68.)
5 Robert, Chevalier de Beauchêne, .Aventures du chevalier de Beauchêne, Canadien français élevé chez les Iroquois et qui devint capitaine de flibustiers, 1732, republié à Paris, Librairie commerciale et asiatique, 1969, tome 1, p. 131.
6 Louis Susane, Histoire de l'infanterie française, Paris, 1876, tome 1, p. 44. La croix blanche a été prescrite par Louis XI en juin 1467.
7 Au sujet de l'évolution vers un drapeau national, voir Eugène Achard, Le drapeau canadien, Montréal, Librairie générale canadienne, 1944; Jean-Guy Labarre, Non au drapeau canadien, Montréal, Éditions Actualité, 1962; Jacques Archambault et Eugénie Lévesque, Le drapeau québécois, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1974.
8 Louis de Gaya, Traité des armes, Paris, 1678, p. 132. Le drapeau blanc sera utilisé jusqu'à la Révolution française.
9 Charrié, p. 59. Le nombre sera de nouveau réduit à un par bataillon en 1776, le premier bataillon ayant alors le drapeau colonel blanc.
10 Musée de l'Armée, Château de l'Empéri, Salon-de-Provence, Archives Raoul et Jean Brunon, Fr. 25, dossier concernant un drapeau d'ordonnance du régiment de Normandie, vers 1700, mesurant 2 m au carré avec la \ croix à 34,5 cm; Encyclopédie méthodique, Paris, 1785, article « Drapeaux ».
11 La source principale pour les drapeaux des régiments d'infanterie française ayant servi au Canada entre 1755 et 1760 est le manuscrit « Drapeaux des régiments français et d'autres, 1745-1776 », cote Aij 19, consulté à l'ancienne Bibliothèque du ministère de la Guerre. Nous y avons également consulté les manuscrits « Collection des uniformes et drapeaux des troupes du roi, 1757 », cote Aij 12; « Drapeaux d'infanterie au service de France, 1721 » par Hermand, cote Aij 9; et « Collection des uniformes et évolutions militaires, 1721-1724 », parDelaistre, cote Aij 7. Rebaptisée « des Armées », cette bibliothèque a depuis été fermée, et ses collections ont été dispersées dans d'autres institutions, particulièrement la bibliothèque du Musée de l'Armée à Paris et le Service historique de l'armée de terre au Château de Vincennes. Les couleurs dans ces manuscrits ayant parfois changé, nous avons aussi consulté les descriptions de l'époque, particulièrement Pierre Lemau de la Jaisse, Carte générale du militaire de France, Paris, 1730-1733 et ses Abrégés... jusqu'à 1741; J.V.B., État général des troupes françaises, 1748; État général des troupes françaises, 1753. Des copies du manuscrit de 1721 se trouvent dans la Anne S. K. Brown Military Collection, Brown University, Providence, U.S.A., et des copies de celui de 1745-1776, au Musée de l'Armée, Château de l'Empéri, Salon-de-Provence, Archives Raoul et Jean Brunon.
12 M. de Guignard, L'école de Mars, Paris, 1725, tome 1, p. 736. Pour aider à la compréhension des descriptions, nous utilisons les appellations modernes équivalentes aux couleurs anciennes suivantes : aurore = orange; Isabelle = chamois; feuille-morte = brun.
13 Musée de l'Armée, Château de l'Empéri, Salon-de-Provence, Archives Raoul et Jean Brunon, Recueil de Du Vivier, 1715, drapeau du régiment de Perche. Le régiment de Carignan-Salières est devenu le régiment de Perche en 1690. Cependant, les drapeaux d'ordonnance sont aux couleurs du premier colonel. Il s'agissait des couleurs de la livrée des princes de Carignan : rouge doublé de bleu, galon bleu et blanc. Beneton de Morangue, Traité des marques nationales, Paris, 1739, p. 134. Cette livrée était portée par les tambours du régiment. L'uniforme du régiment de Carignan-Salières porté au Canada, cependant, était brun doublé de gris.
14 Charrié, p. 91.
15 Pour de plus amples détails concernant les diverses compagnies franches coloniales, ainsi que les troupes de la Marine en France, voir René Chartrand, Le patrimoine militaire canadien, tome 1,1000-1754, Montréal, Art Global, 1993, passim.
16 Archives nationales, Colonies, série C11A, vol. 36, fol. 278, M. de Saint-Vincent au président du Conseil de la Marine, 15 Octobre 1716. Il semble s'agir d'un drapeau blanc de commandement, sans doute utilisé uniquement durant les revues et cérémonies officielles.
17 Archives nationales, Colonies, série C13A, vol. 6, fol. 3, Champmeslin au Conseil de la Marine, 3 janvier 1720; ce document signale cinq drapeaux français repris aux Espagnols à Pensacola. Notons que les Compagnies franches de la Marine des Antilles eurent aussi des drapeaux, du moins à la fin du XVIIe siècle, car le ministre de la Marine avait fait envoyer à la Martinique « des drapeaux pour les Compagnies ». (Archives nationales, Colonies, série B, vol. 18, fol. 510, ministre de la Marine au marquis d'Amblimont, 4 septembre 1697.)
18 Archives nationales, Colonies, série C11D, vol. 5, fol. 90, Mémoire de M. de Brouillant concernant l'Acadie, 4 juillet 1705.
19 Archives nationales, Colonies, série B, vol. 87, fol. 198, ministre de la Marine à La Galissonnière et Hocquart, 7 février 1748; Claude de Bonnault, « La correspondance de Madame Bégon, 1748-1753 », Rapport de l'archiviste de la province de Québec, 1935-1936, Québec, 1936, p. 11. La cérémonie du dépôt de 11 drapeaux rendus à Louisbourg, le 6 septembre 1758, est décrite dans The Daily Advertiser (Londres), 11 septembre 1758. L'humidité détruisit la soie des drapeaux déposés à Saint-Paul de sorte que, dès 1820, il n'en restait à peu près rien selon un rapport de 1835 (communication de M. William Y. Carman). Les compagnies de l'île Royale sont envoyées à Rochefort et reçoivent de nouveaux drapeaux à la fin de 1759. Suite à la dissolution des Compagnies franches de l'île Royale l'année suivante, ces drapeaux sont conservés et sont remis, en 1765, aux Troupes Nationales de Cayenne servant en Guyane fran-çaise. (Archives nationales, Colonies, série B, vol. 110, fol. 540, ministre de la Marine à M. de Bonaventure, 6 septembre 1759; Archives nationales, Colonies, série B, vol. 122, fol. 76, ministre de la Marine à M. de L'Éguille, 7 août 1765.)
20 Archives départementales du Finistère, Quimper, 5J 99, « Relation de ce qui s'est passé à la bénidiction des drapeaux de la Marine le 21 juillet 1737 dans l'église de Saint-Louis à Brest ». Communication de M. Bruno Hélias. Avant que cette source soit découverte, une reconstitution montréalaise bien connue avait attribué aux Compagnies franches de la Marine, suivant les conseils de feu Marcel Baldet, un drapeau à croix blanche semée de fleurs de lis or, et aux quartiers bleu céleste chargés d'une ancre d'or. Il s'agissait en fait du drapeau d'ordonnance du régiment d'infanterie de marine de Saint-Malo, qui exista de 1772 à 1774.
21 Les Compagnies franches de la Marine n'ont pas de colonel, n'étant pas enrégimentées. C'est le souverain qui est leur commandant suprême. Leurs tambours portent d'ailleurs la livrée du Roi : bleue doublée de rouge, ornée du galon royal blanc et rouge. Les couleurs de cette livrée sont aussi celles des drapeaux d'ordonnance des compagnies franches.
22 La foudre illustrée est reconstituée selon le modèle arboré sur les étendards des Chevaux-légers de la garde, illustrés par Delaistre (1721-1724) et les planches de Hoffmann sur la maison du Roi dans les années 1780.
23 Les flammes sont l'ornement typique des drapeaux suisses. Le drapeau colonel a les quartiers blancs avec fleurs de lis d'or, et la croix blanche avec la devise FIDELITATE ET HONORE TERRA ET MARE en lettres d'or. Pierre Lemau de la Jaisse, Septième abrégé de la carte du militaire de France sur terre etsurmerjusqu 'en 1740, Paris, 1741,2° partie, p. 126. Ce régiment appartient à la famille de Karrer de 1719 à 1752, puis passe au chevalier d'Hallwyl dont il prend le nom. Les drapeaux (et l'uniforme des tambours) ont dû changer aux couleurs de sa livrée, présentement inconnue, comme le voulait la coutume dans les régiments suisses.
24 Le régiment Royal-Comtois a aussi un drapeau au dessin similaire à la réserve du fond, qui est en taffetas beige.
25 G. D. Martineau, A History of the Royal Sussex Regiment, Chichester, Moore & Tillyer, c. 1954, p. 60. La couleur distinctive du 35e régiment britannique était l'orangé.