Reviews / Comptes rendus

Norman J.G. Pounds, Hearth and Home: A History of Material Culture

Luce Vermette
Service canadien des parcs
Pounds, Norman J. G. Hearth and Home : A History of Material Culture. Bloomington et Indianapolis : Indiana University Press, 1989. X + 437 p. 189 illustrations, 3 tableaux, bibliographie, index. 57,50 $ U.S. ISBN 0-253-32712-1.

1 Le titre de ce livre donne l'impression qu'il y sera question de l'histoire de la culture matérielle, et plus particulièrement du foyer. Cependant, il faut comprendre que le sens de hearth retenu ici est plutôt celui du cœur d'un pays et non pas de l'âtre comme tel. La même observation est valable pour le mot home, dans le contexte adopté par l'auteur. En fait, Norman Pounds consacre une grande partie de son imposant texte aux questions agricoles spécifiquement reliées à la production et à la qualité de l'alimentation. Toutes sortes d'autres considérations s'y rattachent : l'hygiène et les maladies, la vie sociale des villages et la vie privée, la démographie et l'urbanisation des sociétés, la consommation et la notion de progrès. On touche aussi à la production des outils et des vêtements ainsi qu'à la construction des habitations. Mais la relation entre démographie et agriculture n'est jamais très lointaine et on y revient invariablement. C'est manifestement le thème majeur de cet ouvrage.

2 Le début du livre se concentre sur l'évolution préhistorique de l'agriculture à partir du Moyen-Orient, puis sur sa diffusion, particulièrement au temps des Grecs et des Romains, à travers l'Europe. La majeure partie de l'ouvrage, plus de 250 pages, est consacrée à l'Europe préindustrielle. On y trouve de nombreuses descriptions d'objets et de leur utilisation. C'est une source fort utile pour situer l'époque principale de l'introduction et de l'utilisation d'un objet ou d'une technique. Enfin, une cinquantaine de pages traitent des révolutions industrielles et agricoles du XIXe siècle.

3 Les exemples choisis par le professeur Pounds se rapportent principalement à l'Europe du Nord : l'Angleterre, la Scandinavie, l'Allemagne ainsi que l'Europe de l'Est, surtout la Pologne. La France y est aussi relativement bien représentée mais, curieusement, l'Italie post-romaine n'y est guère abordée. Quant aux pays de la péninsule ibérique — pourtant les premiers à diffuser la culture matérielle occidentale en Amérique et en Asie à partir de la fin du XVe siècle — ils sont à peu près ignorés. Les cultures non-européennes font piètre figure dans cette histoire de la culture matérielle et même la Chine est restée figée durant 1500 ans, car ses paysans ont utilisé sensiblement les mêmes types d'instruments agricoles, selon l'auteur. Quant aux sociétés précolombiennes de l'Amérique, mise à part leur contribution à l'alimentation (le maïs, la pomme de terre), l'évolution de leur culture matérielle n'attire pas l'attention, pas plus d'ailleurs que celle des colons européens qui vinrent se joindre à elles. Voici un autre thème majeur de cette étude : tous les non-Européens sont redevables aux importants progrès amorcés dans le nord de l'Europe.

4 Cette étude est essentiellement une démarche personnelle et très empirique de l'auteur, qui donne son interprétation des progrès de la civilisation à travers les progrès de la culture matérielle. Sa très grande familiarité avec les sources de l'Europe du Nord et de l'Est est évidente dans l'articulation des comparaisons et comporte de nombreuses données fort intéressantes. Mais cette démarche personnelle comporte aussi des limites, tant au niveau des sources que des conclusions. Il faut enfin noter que les sources citées proviennent d'ouvrages publiés, ce qui semble indiquer que ce livre n'a pas bénéficié de recherches dans les dépôts d'archives.

5 Curieusement, la dernière phrase de cet ouvrage est un avertissement relativement sévère envers le monde en voie de développement : «Unless the developing world adopts policies broadly similar to those of China and Japan, the spiral of population growth and lagging food production will be on a scale that would have dismayed Thomas Malthus.» Les sombres prédictions de l'auteur de Essay on the Principle of Population, publié en 1798, ne sont pas nécessairement périmées en cette fin du XXe siècle, compte tenu de la situation alimentaire dans le tiers monde, mais il est permis de se demander si ses propos constituent une conclusion à l'histoire de la culture matérielle.