1 Cette étude archéologique retrace la vie matérielle d'un poste de traite fortifié situé dans une région disputée entre la France et l'Angleterre au XVIIe siècle. Les auteurs soutiennent deux thèses qui éclairent la vie des habitants de Pentagouët. L'économie de la région n'est pas contrôlée, comme certains l'ont prétendu, par le Massachusetts; les fouilles soulignent l'arrivée, même en période de guerre, d'une variété des produits en provenance de France, de Hollande et d'Angleterre. Les conditions d'approvisionnement, toujours aléatoires à l'époque, imposent, même s'il est interdit, le libre-échange! La recherche souligne aussi l'ingéniosité des Européens qui doivent, face à la rareté de certains produits et aux difficultés d'approvisionnement, faire preuve de savoirfaire. En recyclant les produits métalliques (fer, cuivre) et en réparant d'autres qui sont brisés, ils peuvent continuer à maintenir leurs habitudes de vie et assurer la viabilité de l'établissement.
2 Durant sa courte existence (1635-1674), le poste est soumis à de nombreuses attaques; sa démolition en 1674 signale la disparition d'un avant-poste assurant la prédominance française de la région.
3 Par la suite, la région est soumise, pour près d'un siècle, aux contrecoups de la politique internationale. Les auteurs réconcilient les découvertes archéologiques, poursuivies durant quatre ans, avec les témoignages (tels les inventaires, et les descriptions orales et picturales) du XVIIe siècle. Les fouilles dégagent la physionomie d'une poste de traite fortifié abritant une vingtaine d'employés, alors que les rapports de l'époque accentuaient surtout les caractéristiques défensives de l'ensemble.
4 Une étude des habitudes alimentaires, des céramiques, et des divers objets utilisés par les habitants souligne leur fidélité aux us et coutumes de l'Europe. L'ouvrage contredit l'inter-prétation traditionnelle selon laquelle les Français adoptent rapidement les usages des Amérindiens. Leur mission est d'établir une autre France; somme toute le «fort at Pentagoet was a European world» (p. 267). Les fouilles archéologiques présentent des individus désireux de conserver leurs habitudes de vie. Même si, par exemple, l'ours fait maintenant partie de la diète alimentaire, il est consommé dans de la vaisselle et sa chair est découpée à l'aide de couteaux apportés d'Europe.
5 L'ouvrage, divisé en dix chapitres, touche tous les aspects de la vie matérielle de l'époque. Après l'introduction, le chapitre deux fait un bref historique du poste de traite. Le chapitre suivant touche l'historique de l'occupation du site et des fouilles archéologiques entreprises à Pentagouët depuis le XVIIe siècle. Les chapitres suivants, plus techniques, abordent successivement la structure (limites et organisation du fort) et les objets de forge. Le chapitre six intitulé «The democratization of a bad habit» examine les origines des différentes pipes trouvées sur le site. Les nombreux fragments de céramique découverts sont l'objet d'étude du chapitre suivant. Le chapitre huit étudie les habitudes alimentaires des occupants du site, tandis que les objets personnels et les habitudes commerciales sont décrits au chapitre suivant. Dans sa conclusion, l'auteur souligne l'importance d'étudier les autres sites acadiens afin d'élaborer une vision «based on real evidence, and not on fantasy» (p. 270).
6 L'ouvrage, fondé sur les résultats d'analyses scientifiques, témoigne du sérieux et de la qualité de la recherche. La minutie des observations archéologiques est traduite par une série de tableaux, d'observations et de mesures chiffrées qui, s'ils alourdissent parfois le texte, sont nécessaires à l'ensemble. Huit appendices intéressants apportent des informations techniques sur l'identification des sols, des céramiques, etc. Une bibliographie de plusieurs pages, de nombreuses illustrations, dessins, graphiques et photos (certaines en couleurs) permettent au lecteur de se familiariser et de visualiser les recherches archéologiques entreprises par l'équipe dirigée par les Faulkner. Des comparaisons avec d'autres sites contemporains tels l'île Sainte-Croix, le fort LaTour de Saint John et l'habitation de Québec permettent d'établir des parallèles et de vérifier des hypothèses. Ainsi l'établissement de Port-Royal de l'île Sainte-Croix est approvisionné de Honfleur au nord de la France, tandis que Pentagouët tire ses fournitures de la région, plus au sud, de La Rochelle.
7 Somme toute, The French at Pentagoet représente le fruit de recherches archéologiques très sérieuses sur un site acadien. L'ouvrage s'adresse, à cause de son caractère technique, à un public spécialisé désireux d'approfondir ses connaissances sur la vie matérielle acadienne, une question où il reste beaucoup à apprendre.