1 À l'apogée de l'Empire austro-hongrois, Vienne dominait la vie culturelle de l'Europe. Ses artistes, architectes, philosophes et scientifiques furent, au début de notre siècle, à l'origine d'un vaste courant historique qui contribua fortement à façonner notre monde actuel. L'écheveau des influences que cette période bouillonnante exerça dans le monde culturel reste à démêler. Des réalisations artistiques remarquables — que l'on songe seulement aux véritables joyaux de l'architecture qui composent la célèbre «Ringstrasse» — ont cependant relégué dans l'ombre un aspect important de l'histoire autrichienne : son passé industriel. Cette dimension occultée de l'Autriche fut révélée aux quelque 150 participants du VI e Colloque international du TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial Heritage) qui a eu lieu dans ce pays en septembre 1987.
2 Créé en 1972, le TICCIH organise des conférences triennales et rassemble pour des visites sur le terrain et des discussions en ateliers des spécialistes qui œuvrent dans le domaine du patrimoine industriel : historiens, muséologues, architectes, archéologues et, à l'occasion, des industriels.
3 La conférence organisée sous les auspices de l'Université technique de Vienne a tenu sa séance inaugurale au palais Hofburg. Les discours de circonstance furent suivis de communications portant sur la situation du patrimoine industriel à l'échelle internationale ainsi que sur la protection du patrimoine industriel en Autriche. Les participants purent ensuite examiner tout à loisir plusieurs beaux exemples d'architecture industrielle (fabrique de piano, fabrique de matériel électrique, fabrique de machines-outils) du quartier Favoriten de Vienne. Une visite à la célèbre Sparkasse de l'architecte Otto Wagner fut aussi l'occasion de prendre connaissance des travaux d'étudiants en architecture qui ont primé au concours national sur le recyclage des anciens réservoirs à gaz de Semmering.
4 De Vienne à Vordernberg en Styrie, où se déroulèrent les séances de travail, nous avons visité de nombreux sites et monuments industriels. Notons particulièrement les cités ouvrières de Felixdorf et Nadelburg. Felixdorf, cité communautaire ouvrière autonome qui comprenait école, garderie et parc fut érigée en 1869 pour loger les ouvriers d'une fabrique de céramique. Le village de Nadelburg fut construit entre 1747 et 1756 sous le règne de l'impératrice Marie-Thérèse en même temps qu'une manufacture d'épingles. Le village qui, à l'origine, était entouré de murs compte encore 45 habitations en voie de restauration, une école, une église et l'une des trois portes de style baroque qui permettait d'en franchir les murs.
5 Vordernberg, lieu des séances de travail, est un petit village d'à peine un millier d'habitants qui était, sous les Habsbourg, le premier centre de production métallurgique en Autriche. Au XIXe siècle, Vordernberg ne comptait pas moins de 14 hauts fourneaux et un atelierécole d'affinerie. Grâce à la restauration et à la mise en valeur de ce riche patrimoine métallurgique Vordernberg est en voie de devenir, au même titre que Ironbridge en Angleterre, l'un des hauts lieux du tourisme industriel en Europe.
6 À Vordernberg, trois ateliers de travail furent consacrés à la problématique du patrimoine industriel sous l'angle du tourisme, du recyclage des bâtiments industriels désuets et des politiques de conservation et de mise en valeur. J'ai présenté une courte communication touchant à la réutilisation des édifices de l'ancienne filature de la Dominion Textile à Montmorency. Elle était intitulée Le patrimoine industriel au service de l'industrie touristique.
7 La conférence se termina à Steyr, ville où la fabrication d'armes domine l'économie depuis l'époque médiévale, par la visite d'un tout nouveau musée, doté de riches collections mises en valeur par des moyens muséographiques d'avant-garde, consacré entièrement au thème du travail. Dans l'enfilade des salles illustrant la transition de la boutique d'artisans au travail en manufacture, l'une retenait particulièrement l'attention : sous un plafond constitué de bombes suspendues, avec à l'arrière-plan un écran géant sur lequel défilaient les troupes d'Hitler, des dalles de granit massives supportaient des dessins exécutés par des prisonniers de camps de concentration, humbles ex-voto, témoins muets des excès de la technologie asservie à la folie d'un homme.
8 La Belgique sera l'hôte de la prochaine rencontre du TICCIH en 1990. D'ici là, Mn,e Louise Trottier, muséologue, agira comme correspon-dante canadienne auprès de cet organisme. Mrae Diane Newell, professeur au département d'histoire de l'université de la Colombie-Britannique, fut élue conseillère au conseil d'administration du TICCIH au cours de l'assemblée générale. Tous ceux qui œuvrent dans le domaine du patrimoine industriel apprendront avec plaisir qu'en 1992 les assises du TICCIH se tiendront au Canada.