Reviews / Compte Rendus

Musée régional Laure-Conan, "Deux cent ans de villégiature dans Charlevoix"

Francine Brousseau
Musée national des postes à Ottawa

Historique et objectifs de l'exposition

Musée régional Laure-Conan, «Deux cents ans de villégiature dans Charlevoix». Conservateur invité: Philippe Dubé. Designer: Paul Hunter. Exposition itinérante. Ouverture: août 1983. Tournée: Musée acadien, Moncton; Provincial Museum of Alberta, Edmonton; Estevan National Exhibition Centre; Northern Life Museum, Fort Smith; Musée national de l'Homme, Ottawa; Art Gallery of Hamilton; Musée McCord, Montréal. Compte rendu rédigé à partir de l'exposition montée au Musée national de l'Homme.*

1 L'idée de cette exposition vient du directeur du Musée régional Laure-Conan, M. François Tremblay. L'objectif global était d'expliquer le phénomène de la villégiature dans Charlevoix, un thème qui s'insère dans une préoccupation plus vaste pour ce musée: l'histoire du tourisme au Canada. Charlevoix étant l'un des premiers centres de villégiature du pays, le musée y a vu un sujet d'intérêt national et a conçu une exposition itinérante apte à voyager partout au Canada.

2 Au cours de recherches réalisées sur une période d un an, le conservateur invité, M. Philippe Dubé, découvre que le sujet est beaucoup plus vaste qu'on ne l'avait pensé. Les recherches qu'il effectue dans Charlevoix, de même qu'ailleurs au Québec, au Canada et aux États-Unis l'obligent à couvrir plus de 200 ans d'histoire. Le projet de recherche comprenait entre autres l'inventaire de 117 villas dans le comté de Charlevoix. La recherche a été menée de façon systématique et la pertinence du choix des objets le démontre.

3 En suivant l'objectif global de départ, les objectifs détaillés se précisent: faire connaître le phénomène par une étude rétrospective, montrer ce que ce phénomène a provoqué et sensibiliser les visiteurs à la valeur des objets. Les concepteurs voulaient traduire l'esprit de la villégiature et du villégiateur à l'aide d'objets présentés sur une trame historique.

Le scénario

4 Le scénario est composé de façon à faire connaître le phénomène et à établir des liens avec l'histoire. Il se déroule de façon cohérente. Chaque section répond à des questions telles, pourquoi? pour qui? par qui? comment? quand? en utilisant des textes, des reproductions de photographies d'époque, des œuvres d'art, des maquettes, des livres, des sources imprimées, du mobilier, des ustensiles, des textiles, des composantes architecturales. L'utilisation d'une telle variété de pièces comme autant de moyens d'expression d'une réalité passée contribue à sensibiliser le public à la qualité des objets, au sens large du mot.

5 L'approche choisie, soit traduire l'esprit de la villégiature et du villégiateur par les objets, est réalisée dans l'exposition grâce au développement de la trame historique et à la description de la vie quotidienne du villégiateur. L'évolution dans le temps et les connaissances que le visiteur acquiert sur le thème lui font ressentir l'esprit du villégiateur.

6 L'exposition comprend six sections qui sont introduites par un court texte. D'abord, le visiteur est plongé dans une ambiance d'été et de villégiature par la grande reproduction d'un tableau montrant les rives du fleuve Saint-Laurent. On apprend ensuite pourquoi et par qui la villégiature s'est développée dans ce coin de pays. Puis, le scénariste nous guide vers Murray Bay...en bateau, comme la plupart des estivants y venaient. Photographies et objets recréent l'atmosphère du voyage en bateau. Nous voyons ensuite les vacanciers de Murray Bay, les plus importants comme les plus anonymes. Nous découvrons les grands hôtels et les pensions de famille; nous apprenons quelles étaient les activités des vacanciers: sports, fêtes, floralies, excursions.

Fig. 1. Robe d'été et ombrelle en toile de lin rehaussée de broderies et de dentelles, vers 1900.
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(Photographe: Jacques Blouin.)

7 Les trois premières sections: Un coin d'Ecosse, Destination Murray Bay et Sports et plaisirs fournissent la description du phénomène et la trame historique. La section Le Charlevoix des Arts s'intègre plus difficilement. Cette section tente de montrer que la splendeur des paysages de Charlevoix, qui a inspiré des artistes, a également attiré des touristes et des villégiateurs. Pour ce faire, il n'aurait pas fallu se limiter aux seules réalisations d'artistes. Les œuvres d'art et les pièces d'art populaire devraient-elles être présentées parce que la tradition artistique et artisanale s'est développée suite à la demande générée par les villégiateurs? Il faut noter que ces formes d'art ont aussi trouvé leur expression dans d'autres régions du pays où il n'y a pas de villégiature. C'est la seule section de l'exposition qui s'éloigne du sujet principal. On y présente cependant des pièces exceptionnelles comme la boîte d'aquarelle et le carnet d'esquisses, de même que le tableau de Bruno Côté.

8 Les deux dernières sections L'harmonie dans la diversité et Des villas sur la falaise auraient pu être interverties. Des villas sur la falaise entre en droite ligne avec les premières sections de l'exposition. On y découvte les styles d'architecture en vogue qui répondent aux besoins et aux ressources des villégiateurs.

9 Avec L'harmonie dans la diversité, le ton change. Bien qu'on y présente aussi un aspect du phénomène, cette section constitue, à défaut d'une autre conclusion évidente, le dénouement de l'exposition. Il ne s'agit cependant pas, physiquement, de la fin de l'exposition. En effet, il y avait bien, au terme du cheminemenr proposé au visiteur, une photographie montrant un bateau qui s'en va et qui aurait pu faire office de conclusion. Cette photographie était cependant difficile à voir et semblait faire partie de la section Destination Murray Bay. La partie L'harmonie dans la diversité proposait une conclusion qui tépondait aux questions: qu'est-ce que le phénomène a provoqué? et quelle a été son importance sur le plan historique? Le texte accompagnant les reproductions de vitraux d'églises de confessions diverses vient étayer le fait qu'un esprit de tolérance régnait à Charlevoix. Les individus qui le pratiquaient provenaient de différents milieux et vivaient dans la coexistence. Cette tolérance a suscité la tradition d'accueil de Charlevoix et elle a soutenu le développement d'une importante industrie touristique, toujours florissante.

10 Le scénario a souffert soit de la forme de la salle, soit du plan de montage adopté par le Musée national de l'Homme, endroit où j'ai examiné l'exposition. Il y avait beaucoup trop d'espace entre les divers éléments du début, tandis que ceux de la fin étaient trop rapprochés. Le cheminement que le visiteur devait adopter n'était pas toujours manifeste.

11 Bien que cette exposition ne soit pas surchargée de textes, quelques-uns auraient cependant gagné à être mis en valeur. À titre d'exemple, le texte accompagnant les vitraux dans la section L'harmonie dans la diversité aura probablement été ignoté par un grand nombre de visiteurs parce qu'il faisait partie d'une étiquette d'identification: la lecture de ce texte était pourtant nécessaire à la compréhension du sujet.

Fig. 2. Vue d'un mur intérieur du camp de pêche «La Roche» construit au coeur du Parc des Laurentides par la famille Blake de Toronto vers 1890. Plusieurs artistes qui sont du nombre des invités ont peint en guise de souvenir leur meilleure prise.
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(Collection: M. et Mme Philip Mackenzie. Photographe: Jacques Blouin.)

12 Le scénario répond globalement aux objectifs fixés. Toutefois, l'exposition étant présentée hors de son cadre régional, il aurait été préférable de localiser d'emblée Charlevoix à l'aide d'une carte géographique et de situer la région dans la province de Québec et dans le Canada au niveau des activités économiques, ainsi que sur les plans historique et sociologique.

L'interprétation

13 L'exposition «Deux cents ans de villégiature dans Charlevoix» représente beaucoup plus qu'un simple scénario, elle réunit principalement et avant tout un choix d'objets au sens large du terme: documents imprimés, textiles, meubles, œuvres d'art, tous présentes dans un décor qui leur rend justice.

14 Le support iconographique est varié: reproduction de tableaux, gravures de l'Opinion publique et du Canadian Illustrated News, annonces publicitaires et affiches. Les photographies d'époque livrent des renseignements à propos des bateaux, des costumes et des voitures que les seuls objets ne peuvent offrir.

15 On utilise la reconstitution d'une façon originale et qui répond bien aux besoins d'une exposition itinérante. Quelques objets, tels un mannequin en robe de soirée et un fauteuil, sont mis en valeur par l'intermédiaire d'une photographie grandeur nature qui représente un salon. Il n'en fallait pas plus pour donner au visiteur l'illusion d'une soirée de bal dans une villa ou un hôtel. Le même effet est obtenu dans la présentation du premier camp de pêche construit dans le parc des Laurentides. On a restauré le mur sur lequel des invités à une partie de pêche avaient peint des poissons. La valeur et le bon état de conservation de ce mur peint en font le clou de l'exposition. La facture des dessins est telle que le visiteur reconnaît volontiers la contribution d'artistes de renom à cette œuvre. On doit féliciter les responsables de l'exposition pour avoir su trouver une pièce aussi pertinente et qui jette un éclairage particulier sur la trame historique.

16 Le designer a fait preuve d'originalité en présentant les reproductions de vitraux. Ces derniers sont reproduits en transparence et encastrés dans un faux mur épousant la forme du modèle. Grâce à cette méthode, on assure un degré certain d'authenticité dans l'exposition d'objets impossibles a déplacer et on atteint cette fin sans avoir recours à l'original.

Fig. 3. Service de thé à pique-nique, vers 1920. Un des exemples du lien direct établi entre une photographie et un objet.
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(Collection privée. Photographe: Jacques Blouin.)

17 La mise en présence d'un article et de sa reproduction photographique facilite l'interprétation d'un objet. Ainsi, le service à thé présenté en vitrine, puis visible sur une photographie d'époque de la famille Taft viennent enrichir les perceptions des visiteurs. Ailleurs, on peut admirer sur un mannequin le fin travail de dentelle de robes qui apparaissent sur une photographie de dames portant ombrelles. Le designer a eu recours à cette technique à quelques reprises, mais on souhaiterait qu'il l'eût fait à volonté. On se surprend à désirer voir les vêtements de tennis, d'équitation et les maillots de bain des années précédentes et qu'on peut distinguer sur les photographies.

18 Le choix des couleurs et des matériaux contribue aussi à créer un milieu approprié: le vert profond des modules évoque la nature; le tartan tendu sur un mur rappelle les Fraser Highlander, le régiment de John Nairne et Malcolm Fraser qui furent les premiers «touristes» de Charlevoix.

19 La façon de présenter les objets respecte la matière. Les textiles, par exemple, pourront subir plusieurs déplacements et montages sans être endommagés. Le dégagement au-dessus des objets dans les vitrines est suffisant, mais ces detniètes ne sont pas toujours à la portée des enfants ou des personnes en fauteuil roulant. On pouvait craindre que la proximité des objets encouragerait leur manipulation, mais les visiteurs exercent une retenue qui est encouragée par une barrière physique, une marche, que la personne s'abstient de gravir ou par une barrière psychologique, un espace, qu'elle s'abstient de franchir. Cette discrétion dans les mesures préventives permettent d'assurer la protection des objets. On a fait preuve d'un excès d'originalité dans la présentation de cerrains objets: mentionnons les têtes de mannequins avant-gardistes et la boîte de l'aquarelliste qui est encadtée comme une œuvre d'art.

20 Par contre, on découvre des objets qui offrent un intérêt particulier tel le journal d'une jeune fille décrivant un tournoi de tennis et qui donne le point de vue d'une estivante et d'une adolescente. Le conservateur a utilisé en abondance les menus, registres de signatures de visiteurs, annonces publicitaires de bateaux ou d'hôtels: ils ouvrent le champ à une foule de renseignements et éliminent les longs panneaux explicatifs. La boîte de l'aquarelliste, la très fine aquarelle exécutée par un artiste estivant, le mur du camp de pêche, la couverture boutonnée de l'île aux Coudres, le fauteuil en bois d'aulne, la peinture naïve d'un artiste de la région, réalisée vers 1935, retiennent tous l'attention.

21 On a fait preuve de discernement dans le choix des illustrations. Citons, à titre d'exemple, la future propriétaire utilisant un escabeau pour apprécier la vue, soulignant le rôle de la nature dans le développement de la villégiature, de même que la photographie d'une promenade en charrette, établissant sobrement les rapports entre les habitants et les touristes.

22 En veillant à la présence d'objets de provenances diverses on a assuré un équilibre entre couleur locale et dimension nationale. De nombreuses pièces ont été puisées au sein de la collection du musée et on peut espérer que le succès de l'exposition ait un effet d'entraînement chez les collectionneurs privés qui ont consenti à prêter leurs œuvres et qui voudraient enrichir certe collection de leurs dons.

Fig. 4. Une dame grimpée sur un escabeau apprécie la vue. On devine que la nature joue un rôle important dans le choix d'un endroit de villégiature.
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(Fonds: Famille Taft, Musée régional Laure-Conan. Photographe: Jacques Blouin.)

23 L'exposition Deux cents ans de villégiature dans Charlevoix répond à des critères élevés et ceux qui l'ont conçue sus citeront l'émulation par la qualité de leur travail. Elle atteint les objectifs pout lesquels elle a été créée, elle éveille la curiosité du visiteur en regard de l'histoire du tourisme au Canada et l'incite à se tendre dans la région de Charlevoix. Enfin, soulignons que cette exposition a reçu le prix de mérite de l'Association des musées canadiens en 1984.

Francine Brousseau
Fig. 5. Le capitaine John Nairne ayant servi dans le 78e régiment des Fraser Highlanders eut en partage, avec l'enseigne Malcolm Fraser, l'ancienne grande seigneurie de La Malbaie qu'il nommera Murray Bay.
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(Photographe: Jacques Bloum)

Quelques mots des conservateurs

24 L'histoire de Charlevoix en tant que lieu de villégiature n'avait jamais été traitée jusqu'à ce jour. L'étude de cet aspect nous a d'ailleurs permis de livrer une matière tout à fait neuve en ce qu'elle dévoile les débuts du tourisme au Canada ou encore l'histoire passionnante du pays visité. Fort d'une recherche menée d'octobre 1980 à juin 1983, le Musée régional Laure-Conan s'est engagé dans une approche pluridisciplinaire - telle que privilégiée par l'ethnologie historique - pour la mise en valeur de cette tranche importante du patrimoine régional. Un scénario qui se développe en six thèmes à servi de base à l'exposition itinérante réalisée sans collection au préalable mais avec LUI souci constant, partagé par toute l'équipe de production, de recréer pour le grand public l'atmosphère de la villégiature à Murray Bay.

Une recherche

25 Charlevoix connaît actuellement la faveur parmi les lieux privilégiés pour le tourisme et la villégiature. Cette récente cote d'amour n'est pas l'effet d'un marketing bien orchestré ou encore la montée d'un mouvement provoqué par les caprices de la mode. Au contraire, sa réputation repose essentiellement sur une ancienne tradition d'accueil qui remonte le fil des deux derniers Siècles.

L'hospitalité dans Charlevoix n'est pas légendaire, elle est historique.

26 Cette longue histoire entre Charlevoix et ses visiteurs n'aurait pu être possible sans le concours fortuit de deux officiers originaires d'Ecosse qui, à partir de 1762, ont développé leur seigneurie de Murray Bay et de Mount Murray en s'adjoignant le courage et l'opiniâtreté des colons d'origine française et écossaise. À l'époque des deux militaires du régiment des Fraser Highlanders, des visiteurs venus d'aussi loin que d'Ecosse séjourneront durant les mois d'été dans ce coin de pays déjà réputé pour la beauté de son site et le pittoresque de la vie qu'on y mène.

27 Plus tard, la navigation à vapeur, avec ses beaux bâtiments de croisière surnommés «palais flottants», accroîtra la fréquence des voyages sur les rives du Saint-Laurent. Cette circulation maritime engendrera l'instauration d'un réseau de petites pensions tout d'abord improvisées chez des familles de Pointe-au-Pic et de Cap-à-1'Aigle. De la petite auberge des débuts modestes à l'hôtel cossu du tournant du siècle, Charlevoix devient vite la mecque des touristes nord-américains qui se font une gloire de séjourner à Murray Bay.

Fig. 6. Murray Bay, en tant que destination à la mode, a reçu pendant plus d'un siècle la flotte complète des Bateaux-Blancs, transformés en de véritables palais flottants pour amener à chaque été de nombreux touristes.
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(Photographe: Jacques Blouin.)

28 La distance géographique ne répugne pas aux familles venues aussi loin que de l'Ohio. Les Taft, par exemple, dont William Howard, élu 27e président des Etats-Unis, parlait de Murray Bay comme d'un «état d'esprit» sur lequel aucun président du monde ne pouvait exercer son pouvoir. Il faut aussi faire mention des Blake, illustre famille torontoise de magistrats et de politiciens, qui ont fait de Charlevoix leur lieu de retraite et de repos. Un des leurs, William Hume Blake, a su immortaliser par son œuvre, la beauté de cette région qui envoûte chacun de ses visiteurs. Il a d'ailleurs enrichi la littérature universelle par la traduction qu'il a faite deMaria Chapdelaine de Louis Hémon. Somme toute, Charlevoix possède cette grande vertu de mettre le voyageur en état d'oraison en lui inspirant poèmes, chansons et peintures. Et c'est ce qui frappe de nombreux artistes depuis l'aquarelliste britannique George Heriot jusqu'au peintre de chez-nous Jean-Paul Lemieux.

29 En plus de l'opulence qu'offre la nature, la région immédiate de La Malbaie donne à voir les plus beaux exemples d'architecture de villégiature, pour la plupart construits à l'aube de ce siècle et que l'on peut qualifier d'être nos châteaux de la Loire. Le caractère de modernité de ces villas est intimement lié à la nouvelle relation que tente d'établir cette architecture saisonnière avec la nature, en introduisant le panorama comme élément et source de plaisir pour l'occupant. Pour cela, les flancs de l'amphithéâtre naturel qui relie Cap-à-l'Aigle à Pointeau-Pic offrent une place de choix à ceux qui veulent se livrer tout entiers à la beauté du paysage tels les premiers visiteurs d'il y a maintenant deux siècles venus admirer l'indéfinissable rencontre des montagnes et de la mer.

Philippe Dubé

Une exposition

La cueillette et la sélection des objets

30 Pour soutenir un scénario extrêmement clair et précis, au delà de 250 objets ont été recueillis par le conservateur invité Philippe Dubé, tant auprès d'individus de la région que dans les collections privées et publiques du Canada et des Etats-Unis. Des témoins de notre histoire ont été retrouvés à Vancouver, à New York, à Ottawa, à Seattle, à Toronto, à Montréal, dans Charlevoix et ailleurs. Les principaux fonds de l'Est des États-Unis et du Canada ont été visités et presque tous ont cédé qui une gravure, une photographie, qui un tableau ou un objet concernant la villégiature. Toutes ces pièces ont été rassemblées au Musée régional dans un entrepôt spécialement aménagé à cet effet.

31 L'approche multidisciplinaire du phénomène et plusieurs aspects tels le caractère itinérant de l'exposition, les normes de conservation, les contraintes du design et évidemment les budgets prévus pour la fabrication de l'exposition nous invitaient maintenant à une sélection très précautionneuse des objets en fonction de nombreux critères:

  • Offrir différents niveaux de lecture pour être accessible au plus large public possible et susciter un intérêt certain chez le visiteur «en général». Cet intérêt n'est pas souvent le même chez le chercheur ou le spécialiste. C'est peut-être cet aspect qui a causé le plus de difficultés durant la sélection.
  • Respecter, tant par sa qualité que par la pertinence de son message, l'atmosphère de la villégiature véhiculée par l'exposition.
  • Posséder une excellente «santé» physique, condition essentielle pour entreprendre sans risque un long voyage.
  • Satisfaire aux contraintes techniques suscitées par le caractère itinérant de l'exposition, en termes principalement de volume et de poids. Ce critère a souvent été oublié au grand désarroi des emballeurs et des transporteurs mais au plus grand profit de l'exposition qui, nulle part, n'a eu l'air d'une exposition itinérante.

32 Cette sélection qui fut menée par le designer de l'exposition, élément extérieur fort bénéfique lorsque bien contrôlé, a laissé près de 125 objets de toutes catégories: originaux sur papier, tableaux, photographies originales et reproductions, plans, maquettes, costumes, pièces de mobilier, livres, textiles. Un des liens entre toutes ces pièces a été assuré par le texte des étiquettes qui, en plus de la désignation, de la date et de la provenance, replacent en quelques mots l'objet dans son contexte, rappelant ainsi continuellement cette atmosphère de villégiature.

33 Nous avons délibérément laissé de côté les techniques audio-visuelles pour des raisons de fragilité et de budget. L'exposition elle-même n'en aurait de toute façon pas bénéficié.

La nature du concept

34 Le design de l'exposition a été réalisé avec l'aide professionnelle de Paul Hunter. N'ayant participé ni à l'élaboration du projet ni à la recherche, son point de vue éminemment pratique et dénué de sentiment a été d'un grand secours lors de la sélection des objets. Il a par contre fallu qu'il assimile une quantité énorme d'informations pour être en mesure de bien saisir l'atmosphère à transmettre et toutes ses nuances.

35 Partant des principes de KISS (Keep it Small and Simple) et de Less is More et de son aversion pour «les socles qui donnent la main» (selon sa propre expression), Paul Hunter a conçu une exposition d'une simplicité déroutante, ce qui est tout à son honneur en ce que son design respecte le contexte et l'atmosphère de dénuement caractéristique de la vie de villégiature. Le vert foncé du mobilier d'exposition rappelle la forêt, attraction principale des villégiateurs et touristes (nature sauvage et grand air) tout en assurant l'uniformité et l'effacement des supports.

36 Chacune des six aires de l'exposition est ponctuée de façon très colorée par des pièces de grandes dimensions (couvertures, agrandissement de photo, etc.) qui attirent le visiteur et le guident d'un chapitre à l'autre. Plusieurs objets sont à l'air libre, pratique qui, si elle expose les pièces à des périls souvent exagérés, donne pourtant une vie toute particulière à l'exposition en favorisant le contact visiteur-objet.

37 Le Centre de Conservation et de Restauration du Québec a assumé la restauration des pièces fragiles ou détériorées. Les maquettes de villas ont été réalisées par le Maître-Couple Enr. de Québec. Jacques Blouin a produit l'ensemble des photographies. La recherche et les textes sont du conservateur invité Philippe Dubé, le design de Paul Hunter, la conception et la réalisation du Musée régional Laure-Conan.

38 En 1980, au moment où nous préparions la toute première ébauche de ce projet de recherche et d'exposition, eussions-nous pu savoir l'envergure que prendrait cette réalisation que jamais nous n'aurions entrepris une telle aventure. Quatre ans après, cette exposition a reçu le Prix de Mérite de l'Association des musées canadiens pour la qualité de la recherche et du design et le Prix de Mérite de l'American Association for State and Local History pour sa collaboration à la connaissance de l'histoire régionale. Ce fut une sage décision que d'aller de l'avant.

Alain Boucher

* Cette exposition a été rendue possible grâce à l'appui des Musées nationaux du Canada, du Conseil des arts du Canada, de l'Office du tourisme du Canada, de même que de l'Association touristique régionale de Charlevoix, de plusieurs ministères du gouvernement du Québec ainsi que d'un groupe de villégiateurs de Murray Bay (La Malbaie).