1 L'exposition, "La poterie au Québec, une histoire de famille", qui a eu lieu au Centre d'exposition Léon Marcotte à Sherbrooke du 13 juillet au 29 août 1982 avait pour but de tracer l'histoire des principales familles de potiers et des compagnies importantes du XIXe siècle au Québec. La recherche effectuée dans le but de préparer cette exposition s'est limitée aux potiers Thibodeau de Saint-Denis-sur-Richelieu, aux Bell de Québec, aux Farrar de Saint-Jean, aux Dion de l'Ancienne-Lorette, à la poterie de Cap-Rouge et à la St. Johns Chinaware Co. Ces familles et ces entreprises furent choisies en raison de leur initiative, de leur importance ou du rôle qu'elles ont joué dans l'histoire artisanale ou industrielle de la poterie québécoise.
2 Une recherche exhaustive a été effectuée dans les bibliothèques de les régions des Cantons de l'Est, de Montréal et de Québec. Pour compléter nos informations, nous avons communiqué avec les différents ministères du gouvernement québécois et avec certains musées du Québec susceptibles d'avoir des pièces et des photo-graphies. De plus, plusieurs enquêtes ont été réalisées auprès de personnes ayant connu ou travaillé avec ces potiers. Le résultat de nos recherches a été publié dans un catalogue d'exposition intitulé "La poterie au Québec, une histoire de famille" qui présente l'historique des quatre familles et des deux compagnies ainsi que la technique utilisée au XIXe siècle. Un diaporama a été réalisé pour expliquer plus en profondeur la technique. Ces données sont fichées, donc facilement accessibles aux chercheurs. Le musée possède également de nombreuses photo-graphies. La présente note se veut un bref aperçu des renseignements recueillis.
3 Au XIXe siècle, Saint-Denis-sur-Richelieu représente le berceau de la poterie au Québec. En 1836, on y fabrique environ la moitié de toutes les pièces de terre cuite d'utilité domestique produites dans le Bas-Canada. Simon Thibodeau, le premier potier à s'établir à Saint-Denis, produit des cruches, des terrines, des bols, des pors de différentes dimensions et de formes diverses. Le déclin de la production à Saint-Denis se situe autour de 1855. Plusieurs potiers s'engagent politiquement lors des troubles de 1837-38 et leur patriotisme leur occasionne de lourdes pertes. Certains s'exilent aux Etats-Unis, d'autres requièrent des dommages et intérêts à la Couronne. On cesse alors la fabrication de quelques produits comme les terrines qui sont remplacées par des bidons de fer blanc.
4 L'histoire de l'industrie Farrar débute avec Mooses Farrar et Isaac Soûle. Ces potiers apportent avec eux les traditions de la Nouvelle-Angleterre, ils introduisent dans la vallée du Richelieu les techniques de fabrication des poteries de grès.
5 Plusieurs membres de la famille Farrar s'occuperont tour à tour de l'industrie et tenteront constamment d'améliorer les techniques de production. Dès leur début, ils utilisent un mélange de glaise importée de Trenton, New Jersey et de terre grise locale.
6 Les Farrar produisent entre autres des poteries émaillées. L'intérêt des Farrar pour ce type de poterie témoigne de leur expérience acquise comme potiers à Fairfax et de leurs relations continues avec les potiers du Vermont. En 1863, ils obtiennent le premier prix à une exposition provinciale pour leurs poteries "Rockhingham" et leur grès. En 1890, l'industrie Farrar sort un nouveau modèle de pot à confiture en grès avec un couvercle de verre relié au pot par une bride de fil de fer. Vers 1900, les Farrar semblent s'ajuster aux besoins du marché et au défi posé par l'industrie naissante de la verrerie mais la popularité du grès décline vers 1910. En 1926, le dernier membre de la famille Farrar meurt. Stratégiquement située dans le Bas-Canada où l'on ne fabriquait pas encore de grès, leur industrie de céramique a évincé les ateliers artisanaux de Saint-Denis. La région de Saint-Jean a abrité pendant 90 ans l'activité de ces ingénieux potiers.
7 En 1873, sous l'impulsion de George Whitefield Farrar prend vie la première et la seule manufacture de vaisselle en terre cuite blanche. La première marchandise sorr de l'usine le 28 août 1874. Le succès remporté attire de nombreux investisseurs et leur confiance est d'autant plus stimulée que la compagnie remporte une médaille à l'Exposition internationale de Philadelphie en 1876.
8 Plusieurs modèles de vaisselle sont conçus à la St. Johns Stone Chinaware: les "Cérès", "Melon" et "Cable". Le motif "Wheat" semble être passé de mode vers 1893, époque où la "vaisselle bleue" jouit d'une grande popularité. La plupart des pièces produites étaient blanches, fabriquées au moule avec des motifs en relief bien définis. Les meilleures pièces sont décorées de bandes de couleurs émaillées, habituellement d'un rouge foncé, d'un bleu royal, de doré et, occasionnellement de bandes vertes ou argent. Après toutes ces années de succès, le feu détruit l'usine le 4 mars 1893- L'assurance ne couvrait que la moitié des dégâts. Un groupe de céramistes français achète la compagnie mais le 6 avril 1899, toute production cesse.
9 Les deux frères William et David sont les premiers potiers d'une famille spécialisée dans la construction navale. Plusieurs prix leur seront décernés au cours de leur carrière; entre autres, les deux premiers prix à l'exposition provinciale de Québec en 1871.
10 En 1850, la ville de Québec travaille à la construction d'un aqueduc et ce projet nécessite l'installation d'un système d'égout. David Bell, grâce à son ingéniosité, conçoit une machine à mouler les conduites de terre cuite. Ces tuyaux d'égout, vernissés à l'intérieur et vitrifiés à l'extérieur, auront un diamètre de 18 pouces. Les tuyaux Bell sont un des éléments du succès de la compagnie; fabriqués avec de la terre d'origine britannique, ils jouissent d'un prestige considérable.
11 Les années 1870 amènent la prospérité au sein de la famille Bell. Grâce à leur ingéniosité et à leur sens des affaires, les Bell réussissent à se tailler une place enviable sur le marché québécois; ils se distinguent par la fabrication de produits originaux et de grande qualité.
12 Henry Howison, John Pye et Zéphirin Chartré fondent la poterie de Cap-Rouge en 1860. Après de graves difficultés financières, la production débute par deux ventes aux enchères en 1862. La compagnie offre à la population toute une gamme de produits: terrines à lait, vases de nuit, bols jaunes, des crachoirs, des plats, des théières, des boîtes à savon.
13 Cependant, malgré toutes les transactions effectuées, la faillite ne peut être évitée. Vers 1890, la production cesse définitivement. Plusieurs propriétaires se sont succédés à la tête de l'entreprise. En dépit des nombreuses facilités offertes par le site de Cap-Rouge, comme le transport fluvial, les ressources forestières pour alimenter les four-neaux, la poterie de Cap-Rouge n'a jamais atteint le succès espéré.
14 Sept membres de la famille Dion exercent le métier de potier aux Saules, petite localité située au confluent des rivières Lorette et Saint-Charles, en banlieue de Québec. La vallée de la Saint-Charles abrite un bon nombre de potiers artisans au XIXe siècle. Antoine Dion s'engage avec prudence dans cette entreprise artisanale; il utilise le bas de sa maison comme atelier et habite le premier étage avec sa famille. Son établissement s'impose peu à peu et, en 1875, rassuré par la vigueur de ses affaires, il décide d'agrandir.
15 Contrairement aux potiers de Saint-Jean et de Cap-Rouge, les Dion n'importeront ni argile, ni main-d'œuvre. L'entreprise restera familiale et emploiera l'argile rouge des environs. Antoine travaillera entouré de ses fils et plus tard de ses petits-fils. Vers 1916, l'histoire de la poterie Dion se termine avec la disparition du marché rural pour les pièces de terre cuite. Le verre et le métal se popularisent et détrônent l'argile.
16 À ceux qui désirent plus de renseignements sur l'histoire de la poterie, le Musée du Séminaire de Sherbrooke offre le catalogue d'exposition "La poterie au Québec, une histoire de famille" pour la somme de $1.00; on y trouve des éléments importants de bibliographie sur le sujet. Pour plus d'informations, s'adresser au Centre d'exposition Léon Marcotte, 222, rue Frontenanc, Sherbrooke, J1H 1J9; tel: (819) 562-7505.