This article on the domestic architecture of New France between 1660 and 1760 is based on two previous monographs studies (Léonidoff, doctoral thesis, Laval University, 1980 and work on the Historical Atlas of Canada: Vols. Ⅰ, Ⅱ, Ⅲ) which deal with the same subject, but are more comprehensive and include the nineteenth century. Statistics for this monograph came from a sample of approximately 5,000 rural and urban dwellings. Most of the information on these structures was found in the notarial archives. The analysis was made possible through the use of a computer and the location of each house is known. Thus, it has been possible to quantify numerous pertinent elements according to the kinds of environments and chronological periods of the houses in question. Although the results of this study are only indicative of certain trends, they are, nevertheless, representative, and when completed with information from other sources, provide one with a more realistic appreciation of domestic architecture than that found in certain monographs on the subject.
Les éléments traités dans cet article se rapportent à l'architecture domestique de la Nouvelle-France entre 1660 et 1760. Ils sont tirés de deux études plus globales (Georges P. Léonidoff Thèse de doctorat. Université Laval, 1980; Atlas historique du Canada vols. I, II, III) portant sur le même sujet mais comprenant le XIX' siècle. Les données de base ont été obtenues à partir d'une étude statistique effectuée sur un échantillonnage de quelque 5 000 habitations urbaines et rurales de la vallée du Saint-Laurent et les informations proviennent pour la plupart des actes notariés. Mentionnons que l'analyse a été réalisée grâce à l'utilisation de l'informatique et que la localisation de chacune des maisons est connue. Ainsi, il a été possible de quantifier de nombreux éléments relatifs à l'habitation suivant le type de milieu et la période auxquels elle appartient. Les recherches de l'auteur ont également permis de mesurer l'incidence de certains paramètres, tels que la promulgation des ordonnances de 1721 et de 1727', sur le choix des matériaux de construction en milieu urbain ainsi que leurs retombées en milieu rural. Une partie de l'article porte sur les différentes techniques utilisées dans la construction de la maison de bois en Nouvelle-France. L'auteur en donne une classification et une quantification suivant le milieu et la période concernés. Notons enfin que les données de cet article tiennent compte de l'influence potentielle du fleuve sur l'évolution des habitations situées sur chacune de ses rives.
Même si les résultats ainsi obtenus n'indiquent que des tendances, ils sont quand même reprsentatifs et, confrontés à d'autres sources, ils permettent d'obtenir une image beaucoup plus réaliste de l'architecture domestique de l'époque que celle que l'on retrouve généralement dans certaines études sur le sujet.
1 Les techniques de construction de la maison de bois en Nouvelle-France demeurent fort méconnues et l'image que l'on se fait de leur origine et de leur évolution reste encore relativement vague ou erronnée sur de nombreux points. Les quelques études sur ce sujet sont pour la plupart trop restrictives et généralisent souvent à partir de données limitées; ce qui nuit considérablement à leur valeur scientifique. Malgré certains efforts d'identification, aucune étude n'est vraiment parvenue à identifier correctement les différentes techniques de construction de la maison de bois et surtout à les quantifier dans l'espace et dans le temps, en dégageant les paramètres susceptibles d'avoir agi sur leur évolution.
2 Bien que dans la vallée du Saint-Laurent la maison de bois occupe une place prépondérante pendant tout le régime français, son importance varie considérablement en fonction de l'époque et du milieu où elle se situe. On doit également faire intervenir des critères d'évaluation différents suivant qu'il s'agisse de maisons urbaines ou rurales, car elles subissent des influences et des contraintes souvent distinctes.
3 Entre 1660; et 1760, la maison de bois représente 86,21 % de l'ensemble des habitations de la vallée laurentienne. Pendant la même période, elle compte pour 51,20 % dans les villes de Montréal, de Québec et de Trois-Rivières réunies. On note cependant des différences importantes en ce qui a trait aux pourcentages des maisons de bois que possèdent alors chacune de ces villes. Plusieurs raisons peuvent être invoquées afin d'expliquer ces différences. On peut citer, parmi les plus significatives, la disponibilité des matériaux de construction et de la main-d'œuvre ainsi que leur coût de revient, les conditions socio-économiques ou les réglementations touchant l'architecture domiciliaire.
4 C'est sans doute l'interaction de l'ensemble de ces éléments qui agit sur l'évolution de l'architecture urbaine et qui contribue à la différencier de celle que l'on retrouve alors en milieu rural. Toutefois, sans les surestimer, on ne doit pas négliger l'importrance des ordonnances dans le choix des matériaux. Celles-ci tentent à divers degrés, de normaliser et de réglementer l'architecture domiciliaire urbaine. Leurs raisons d'être tient principalement à la prévention des incendies qui ravagent périodiquement des quartiers entiers. Rappelons à ce sujet ceux de Québec en 1682 et de Montréal en 1721. C'est à la suite de ce dernier que les intendants Dupuis et Bégon émettent, en 1721 et en 1727, les ordonnances les plus importantes relativement aux habitations urbaines du régime français. Ces ordonnances interdisent, entre autres, l'érection de toute nouvelle construction de bois dans les villes et les gros bourgs du pays. Néanmoins, si l'on excepte Montréal et surtout Québec, on constate qu'elles n'ont que peu d'impact direct partout ailleurs.
5 Ainsi, si l'on tient compte de la date de 1727 comme facteur d'incidence pendant la période 1660-1760 afin de mesurer les tendances évolutives des maisons de bois et de pierre en milieu urbain, on constate qu'entre 1660 et 1727 Montréal compte 64,36 % de maisons de bois et 31,38 % de pierre, les autres étant en matériaux composites (bois et pierre). Pendant la même période, Québec comprend alors 55,77 % de maisons de bois et 37,02 % de pierre. Par contre, entre 1728 et 1760, on relève 48,47 % de maisons de bois à Montréal et 50,19 % de pierre. Québec possède quant à elle, 24, 60 % de maisons de bois et 73,78 % de pierre. Trois-Rivières, dont la région est peu pourvue en pierre, comprend alors 93,75 % de maisons de bois. Cependant, 1727 ne paraît pas marquer un changement brutal dans la façon de construire; il semble que ce soit plutôt une date charnière dans un mouvement amorcé quelque temps plus tôt. Ce début de changement se constate à Québec dès la fin du XVIIe siècle.
6 On relève également une certraine relation entre l'augmentation du nombre de maisons de pierre en milieu urbain et l'augmentation en milieu rural. Ainsi, dans la région de Montréal, comprenant la rive nord du fleuve Saint-Laurent, l'île de Montréal et l'île Jésus, le nombre de maisons de pierre passe de 9,18% entre 1660 et 1727 à 16,87 % entre 1728 et 1760. Quant à la rive nord de la région de Québec, incluant l'île d'Orléans, les maisons de pierre augmentent pendant les mêmes périodes de 5,42 % à 33,11 % , alors que de l'autre côté du fleuve, sur la rive sud, on dénombre 4,17 % de maisons de pierre entre 1660 et 1727 et 13,02 % entre 1728 et 1760.
7 D'une façon générale, on constate que les principales concentrations de maisons de pierre en milieu rural se situent davantage à la périphérie des villes, à proximité des endroits où se trouvent des carrières. Dans la région de Québec, la rive nord du fleuve est tout à fait significative de ce phénomène. La plus grande densité de maisons de pierre se remarque effectivement aux endroits où l'on retrouve des carrières comme à Beauport, Château-Richer ou Neuville. De nombreux marchés de construction des XVIIe et XVIIIe siècles, montrent qu'on y extrayait de la pierre dès la fin du XVIIe siècle;2 dans la plupart des cas, ils impliquent des maisons urbaines.
8 Même si au XIXe siècle le nombre des maisons rurales de bois a tendance à s'accroître par rapport à celui des maisons de pierre, on remarque tout de même dans certaines paroisses une augmentation du nombre des maisons de pierre dans les années 1850. Ainsi, le recensement des Canadas de 1851-18523 montre que sur 36 comtés recensés au Québec, seulement 6 comprennent plus de 8 % de maisons de pierre. Dans le comté de Québec, par exemple, la paroisse de Beauport qui possède plusieurs carrières détient 73,09 % de maisons de pierre alors que le comté n'en comprend qu'un total de 12 % . Si on exclue cette paroisse, le taux tombe à 3,0 %. Exception faite de ces 6 comtés, la maison de bois prédomine partout ailleurs avec des pourcentages approchant ou dépassant les 90 % . Notons que même si l'on retrouve souvent à ces endroits de la pierre en quantité suffisante pour construire la plupart des habitations, ce matériau reste sous-exploité.
9 Un certain nombre d'éléments nous incite à penser que c'est par un effet d'entraînement lié surtout aux besoins de la ville que les principaux groupements de maisons rurales en pierre se retrouvent à sa périphérie. De même, c'est probablement la facilité de se procurer ce matériau près des villes, et par conséquent, son prix de revient moindre, qui ont incité les habitants à l'employer. Il semble aussi que l'on doive faire intervnir, à des degrés divers, des facteurs socio-économiques et culturels pour expliquer la présence de la maison de pierre en milieu rural. En effet, sauf à quelques endroits, le bois s'avère le matériau de construction le plus abondant et le meilleur marché. De plus, contrairement à la maison de pierre, l'érection de celle de bois n'exige pas une main-d'œuvre spécialisée et peut aisément être réalisée par son propriétaire avec l'aide de ses proches. Notons cependant qu'à l'opposé de celle située en milieu rural, la maison urbaine de bois se voit la plupart du temps érigée par une main-d'œuvre engagée et rémunérée à cet effet et il n'est pas rare que ce soit un char-pentier-menuisier qui effectue les travaux.
10 L'étude statistique des volumétries moyennes des maisons de bois et de pierre semble, en termes de ten-dances, corroborer en grande partie l'influence de facteurs socio-économiques et culturels dans le choix du matériau de construction de la maison. Par exemple, entre 1728 et 1760, sur la rive nord du fleuve dans la région de Québec où l'on observe la plus grande densité de maisons de pierre à cette époque, celles-ci mesurent en moyenne 11,04 mètres de long par 7,15 mètres de large alors que les maisons de bois n'ont que 8,44 mètres de long par 6,23 mèrres de large. À la même période, dans la région de Montréal, sur la même rive du fleuve, en incluant les îles de Montréal et Jésus, les maisons rurales de pierre mesu-rent 11,95 mètres de long par 9,74 mètres de large et les maisons de bois que 8,33 mètres de longueur par 6,83 mètres de largeur. Bien que les dimensions moyennes de ces deux types de maisons aient augmenté par rapport à la période précédente (1660-1727), les écarts entre leurs dimensions restent sensiblement les mêmes à l'intérieur de chaque région.
11 En milieu urbain, on constate également des différences entre les dimensions des maisons de bois et de pierre. Elles sont toutefois beaucoup moins marquées qu'en milieu rural, parce que ces deux types de construction se trouvent assujetties à l'expansion de leur surface au sol, c'est-à-dire à la dimension des lots disponibles. Ces maisons ne peuvent donc, la plupart du temps, se développer qu'en profondeur ou en hauteur. A ce titre, les différences volumétriques entre les maisons de bois et de pierre y sont particulièrement explicites et représentatives des facteurs socio-économiques qui contribuent grandement à les distinguer. Ainsi à Montréal, entre 1728 et 1760, 51,51% des maisons de pierre possèdent un étage audessus du rez-de-chaussée alors que celles en. bois ne représentent que 4,48 % A Québec, à la même période, on compte 50,65 % de maisons de pierre ayant un étage au-dessus du rez-de-chaussée et 7,87 % plus de deux étages. Quant à celles de bois, seulement 3,85 % d'entre elles ont un étage au-dessus du rez-de-chaussée. En milieu rural, à la même époque, si l'on excepte les bourgs, les maisons de pierre possédant un étage n'excèdent pas 2,0 % et celles de bois, sauf de rares exceptions, ne comprennent qu'un rez-de-chaussée.
12 On doit également souligner que les maisons rurales des régions de Québec et de Montréal, présentent des différences dans la forme de leur plan. Dans la région de Québec, celui-ci tend à être rectangulaire, alors qu'il se rapproche du carré dans la région de Montréal. Ces nuances sont particulièrement évidentes pour les maisons de pierre. Cependant, il semble difficile, a priori, d'expliquer ces distinctions; il s'avère peu probable qu'elles tiennent, comme certains l'affirment encore, à des influences bretonnes dans la région de Montréal et normandes dans celle de Québec. Néamoins, on ne peut nier que l'on doive très certainement en trouver l'origine dans la tradition de bâtir en bois dans ces deux régions.
13 L'étude évolutive des maisons urbaines et rurales de chaque région permet de constater qu'il semble exister un rapport entre la forme des maisons de pierre que l'on y retrouve et celle des maisons de bois qui paraît liée plus directement aux techniques de construction utilisées. Alors que les maisons de bois à structures squelettiques (voir la définition à la page 24) prédominent sur la rive nord du fleuve dans la région de Québec jusqu'en 1760, ce sont les structures massives (voir la définition à la page 25) qui prévalent dans celle de Montréal. Cette différence dans les techniques de construction est particulièrement évidente à Montréal et à Québec entre 1660 et 1727. Dans la première ville, les maisons à structures squelettiques comprennent 13,68 % de celles en bois tandis que Québec en possède 84,49% . Les différences propres à chacune de ces techniques sont cependant plus marquées en milieu rural où la forme de la maison ne subit pas les mêmes contraintes qu'en milieu urbain. D'autre part, la forme primaire de la maison de bois à ossature squelettique aura, grâce à ses possibilités techniques, tendance à se développer en longueur plutôt qu'en profondeur. Par contre, celle du même type mais possédant une structure massive, se trouvera limitée par la longueur des troncs constituant ses murs. Son plan dans ses dimensions extrêmes se rapprochera du carré.
14 Entre 1660 et 1727, le rapport longueur/largeur des maisons de pierre des régions de Montréal et de Québec se trouve à peu près identique et, en termes de moyennes statistiques, la forme de leur plan diffère peu. Par ailleurs, celle des maisons de bois présente des divergences significatives que l'on ne peut s'empêcher de rattacher aux différentes techniques de construction. Pour la seconde période (1728-1760), la maison de pierre de la région montréalaise possède sensiblement le même rapport longueur/largeur que la maison de bois de la région de Québec, alors que ce rapport appliqué aux maisons de pierre des deux régions présente des différences beaucoup plus marquées.
15 Bien entendu, il demeure évident que l'on doive faire intervenir d'autres paramètres afin d'expliquer l'évolution de la forme du plan des maisons de bois et de pierre à l'intérieur des deux régions. Néanmoins, on constate que cette forme tend à conserver les caractéristiques qui étaient inhérentes à chaque type de maison suivant le matériau utilisé. Force nous est également d'accepter l'importance du rôle d'une certaine «traditiion de construire» à l'intérieur des deux régions pour expliquer les différences morphologiques qu'elles ont conservées au cours de leur évolution. Bien que plusieurs autres hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ces différences, il semble que l'on doive rejeter définitivement celle de l'influence bretonne pour expliquer la forme de la maison de pierre de la région de Montréal. Certaines notions que l'on véhicule relativement aux maisons de pierre et de bois de la vallée du Saint-Laurent méritent d'être révisées et, pour y parvenir de façon satisfaisante, de nouvelles avenues de recherche devront être explorées.
16 Le principal écueil auquel on se heurte dans l'étude des techniques de construction de la maison de bois en Nouvelle-France, tient surtout aux difficultés d'interpréter la terminologie de l'époque. On constate en effet à ce sujet, un manque d'uniformité apparent qui déroute le néophyte. Cependant, l'analyse minutieuse de plusieurs milliers d'actes notariés et du vocabulaire technique utilisé par plusieurs notaires démontre qu'il n'en est rien. Contrairement à ce que l'on serait enclin à penser et malgré de nombreuses variantes pour décrire la même chose, le vocabulaire notarial s'avère généralement très précis et cohérent. Il est évident que l'on rencontre quelques exceptions mais elles ne nuisent en rien à l'inter-prétation générale. De plus, la terminologie utilisée par des témoins contemporains de l'époque pour décrire occasionnellement certaines techniques de construction, semble reprendre le vocabulaire usuel qui était alors utilisé.
17 L'analyse attentive de la documentation notariale portant sur quelque 5 000 maisons de bois, dont on possède la localisation precise, permet grâce, entre autre, à l'utilisation de l'informatique, d'en établir une «catégorisation» relativement précise. On a également évalué l'importance de certains paramètres inhérents, par exemple, au type de milieu auquel appartenaient les maisons ou encore le rôle du fleuve dans la diffusion de certaines techniques d'une rive à l'autre. Les résultats obtenus ont ensuite été confrontés aux autres sources disponibles.
18 On parvient ainsi à diviser les maisons de bois en différentes catégories structurales. La première regroupe les structures squelettiques. Il s'agit d'une catégorie structurale qui peur s'identifier comme possédant des murs érigés suivant le système dit à pans de bois. Celui-ci comprend une ossature s'articulant à partir de poteaux verticaux qui soutiennent la toiture. Dans tous les cas, les maisons construites suivant ce procédé possèdent des poteaux corniers. Suivant le mode de remplissage utilisé afin de remplir les vides entre les poteaux, cette catégorie se subdivise en deux sections principales. La première regroupe les techniques àdominante verticale, c'est-à-dire dont les éléments constituant le remplissage sont majoritairement disposés «debouts». Ces techniques, suivant le vocabulaire de l'époque, comprennent: le colombage, les poteaux, les pieux et les madriers. Il en existe une autre que l'on petit qualifier de composite et qui, a l'intérieur d'un même pan de mur, utilise de façon conjointe, plusieurs techniques à dominante verticale, comme par exemple le colombage et les poteaux. Il existe bien entendu plusieurs variantes dans le vocabulaire et dans la réalisation de chacune de ces techniques.
19 La seconde grande section des structures squelettiques est celle dont les éléments de remplissage entre les poteaux sont disposés majoritairement dans une position horizontale. Elle est dite alors àdominante horizontale. Elle implique différentes techniques: le pièce sur pièce à coulisse, les pieux en coulisse et les madriers en coulisse. Ces techniques possèdent plusieurs variables dans leur realisation et dans la façon de les nommer. On doit également ajouter une sous-catégorie dite composite qui comprend un mélange de deux ou plusieurs techniques à dominante horizontale à l'intérieur d'un même pan de mur telle que, par exemple, le pièce sur pièce à coulisse et les pieux à coulisse.
20 On note enfin une sous-categorie de structure squelettique, laquelle s'avère être de type composite. Elle contient à l'intérieur d'un même pan de mur une section à dominante verticale et l'autre à dominante horizontale comme par exemple le pièce sur pièce à coulisse et le colombage.
21 La seconde grande catégorie structurale, les structures massive, conttairement à la précédente, ne répond pas aux mêmes principes structuraux que ceux qui régissent le pan de bois. Les murs sont auto-portants et ils ne nécessi-tent pas de poteaux verticaux. Son type le plus simple comprend la maison en bois rond, aux murs constitués de troncs empilés et possédant des assemblages d'angle à enfourchement croisé. Entte également dans cette catégorie la maison en pièce sur pièce dont les angles peuvent être assemblés à queue d'aronde. D'une façon générale, ce type de structure inclue toutes celles qui ne possèdent pas de poteaux corniers. Elle comprend aussi les constructions de bois qui possèdent occasionnellement dans leurs murs des poteaux d'assemblage verticaux. Cependant, ceux-ci ne se trouvent jamais aux angles mais aux ouvertures ou au centre d'un mur lorsqu'il est trop long pour permettre l'utilisation d'une seule pièce de bois. Bien que certains pourraient vouloir rattacher cette variante aux structures composites, c'est-à-dire utilisant une section de mur en structure squelettique et l'autre en structure massive (sans poteaux intermédiaires verticaux), il s'avère que les poteaux dans cette variable ne possèdent pas de caractère structural mais sont surtout accessoires à la «formulation» d'un assemblage plus simple et efficace; ce qui tendrait à rattacher cette variante aux structures massives. Ce procédé est particulièrement commun en Nouvelle-France et il savère pratiquement impossible de le distinguer des structures ne comprenant aucun poteau intermédiaire vertical tant il apparaît courant. Seuls les marchés de construction permettent d'en notet la présence. La catégorie relative aux structures massives regroupe les techniques de construction suivantes: le pièce sur pièce, le madrier pièce sur pièce et le pieu sur pieu. Ces techniques possèdent également plusieurs variantes dénominatives et de réalisation, particulièrement reliées aux assemblages d'angle.
22 Enfin, on relève une dernière catégorie structurale: la structure composite. Ce procédé utilise, dans une même maison ou dans un même mur, une section de structure squelettique et l'autre massive, comme par exemple le pièce sur pièce à assemblage d'angle à queue d'aronde et le colombage. On doit mentionner que chacune de ces catégories et sous-catégories structurales, ainsi que les techniques qui s'y rattachent, comprennent un certain pourcentage de maisons qui possèdent une section en pierre. Ces dernières se rencontrent presqu'exclusivement en milieu urbain et il n'est pas rare que ce soit le rez-dechaussée qui soit en pierre et le premier étage en bois.
23 Il serait trop long de détailler chacune des techniques utilisées dans la construction de la maison de bois en Nouvelle-France. La plupart d'entre elles ont d'ailleurs été identifiées correctement par les historiens de l'architecture et sont relativement connues - quoique quelques-uns ignorent encore l'origine de certaines techniques, par exemple, celle des pieux et des poteaux debout, qu'ils soient sur soles ou en terre. La technique où semble régner la plus grande confusion se rapporte au pièce sur pièce. En effet, presque tous les chercheurs identifient le pièce sur pièce comme étant une technique basée sur l'assemblage de ses parties constituantes, sur l'utilisation de poteaux verticaux rainures entre lesquels s'ajustent et coulissent les tenons de pièces horizontales. C'est ce que l'on appelle communément le pièce sur piece à coulisse.
24 Le dépouillement de plusieurs milliers d'actes notariés permet de constater qu'il s'agit d'un terme générique qui toutefois, lorsqu'il est utilisé seul, se rapporterait à un type de construction sensiblement distinct de celui du piece sur pièce à coulisse. Sinon, pourquoi aurait-on pris la peine de les distinguer si souvent? Il est en effet pour le moins étrange qu'un notaire utilise dans un même acte plusieurs qualificatifs pour désigner des édifices qui sont sensés être érigés suivant la même technique. On peut, à titre d'exemple, citer le notaire Bénigne Basset, lequel stipule dans un acte de 1692: «... une grande maison partye de pièce sur pièce et partye en coullice...».5 De nombreux autres exemples se retrouvent dans des actes rédiges soit le même jour, soit à quelques jours d'intervalle. Ainsi en 1671, Romain Becquet mentionne dans un marché de construction une «cabane en pièce sur pièce»,6 et quelques jours plus tard, dans un autre, «une maison en pièce sur pièce en coulisse».7
25 Plusieurs variantes existent dans la façon de désigner le pièce sur pièce à coulisse. L'une d'elle l'identifie comme «pièce sur pièce à poteaux» et une autre comme «char-pente de pièce sur pièce»; on y ajoute parfois le qualificatif «poteaux». Dans de nombreux actes relatifs à des constructions en pièce sur pièce, le notaire Dubreuil, de Québec, semble effectuer une distinction entre le pièce sur pièce et le pièce sur pièce à coulisse. Il désigne toujours ce dernier par l'expression «charpente de pièce sur pièce» ajoutant parfois le terme «poteaux». Lorsqu'il lui arrive d'oublier occasionnellement le qualificatif de «char-pente», il prend soin de l'ajouter en addenda. L'analyse de marchés où la technique mentionnée par ce notaire est simplement identifiée comme étant le pièce sur pièce ne révèle pas la présence de poteaux, si ce n'est aux ouvertures.8Ces nuancés ont de quoi surprendre, surtout dans des marchés de construction où l'on décrit la plupart du temps minutieusement chacune des composantes devant servir à la construction. A.J.H. Richardson émet d'ailleurs certains doutes quant à la signification que l'on donne au terme «pièce sur pièce».9 Robert L. Séguin, quant à lui, identifie le pièce sur pièce comme une technique pos-sédant des assemblages d'angle en queue d'aronde.10Il rejoint en cela les témoignages de plusieurs contemporains du début du XIXe siècle, comme John Lambert qui relate, en 1806, que les assemblages d'angle des maisons rurales en pièce sur pièce sont à queue d'aronde.11Si cela était, on se demande comment et pour-quoi le changement serait intervenu aussi rapidement après la conquête. Il semble également assez significatif que la plupart des constructions en pièce sur pièce identifiées comme pouvant remonter au régime français possèdent un tel type d'assemblage d'angle.
26 Si tout porte à croire que le pièce sur pièce et le pièce sur pièce à coulisse constituent deux techniques distinctes, on relève cependant plusieurs variantes de pièce sur pièce. L'une d'elles implique l'utilisation de poteaux dans les longs pans, dépendamment de la longueur de ceux-ci. On ne constate cependant aucune présence de poteaux dans les angles. De nombreux marchés illustrent ce procédé. Ainsi, le notaire Basset mentionne dans l'un deux en 1665:
Les poteaux se trouvent ici disposés face à face, chacun au centre des deux longs pans constituant les façades. En 1734, le notaire Lepailleur nous fournit un autre exemple de cette variante:
Ce type de construction se rencontre encore couramment dans des bâtiments en pièce sur pièce. Dans ces habitations les angles y sont généralement assemblés à queue d'aronde.
27 Il se peut que le Français Joutel, qui accompagnait l'explorateur La Salle en 1685 dans une région située aujourd'hui au Texas, décrive également une telle variante. Il mentionne à propos de deux maisons en bois érigées alors par les Français:
Le mode de construction que Joutel identifie comme étant celui «à la mode de Canada» est inconstestablement le pièce sur pièce à coulisse, ce qu'attestent plusieurs marchés de construction. Il s'avère cependant que cette dernière technique n'est pas, sous le régime français, propre aux habitants du Canada et que, de plus, elle ne serait pas la plus communément utilisée en ce pays, du moins si l'on se fie à la documentation existante.
28 Parmi les différentes façons d'assembler les angles dans les édifices en pièce sur pièce, on mentionne souvent, comme Joutel, l'emploi de chevilles. Plusieurs documents attestent leur usage. Ainsi ce marché passé en 1674:
L'assemblage des angles ne se trouve pas toujours nécessairement assuré par l'emploi du queue d'aronde. En 1686, par exemple, le chevalier de Troyes décrir les bâtiments de fort Albany, édifiés par les Anglais de la Compagnie de la Baie d'Hudson, à la Baie James, comme étant «construit de pièce sur pièce».16 W. A. Kenyon rapporte que les fouilles archéologiques effectuées sur le site révèlent que les principaux bâtiments étaient:
29 Enfin, en 1749, le botaniste suédois Pehr Kalm, de passage dans la région de Québec, décrit ainsi l'assemblage des angles des habitations rurales en bois:
Il ajoute plus loin:
Il ne semble pas que Kalm décrive en ces termes, le pièce sur pièce à coulisse, d'autant qu'il mentionne ailleurs l'existence de constructions de charpente. Il apparaît évi-dent qu'il fait ainsi référence à un procédé de construction différent.
30 On pourrait multiplier les exemples. Tous cependant portent à croire que le pièce sur pièce et le pièce sur pièce à coulisse représentent des éléments distincts qui possèdent l'un et l'autre plusieurs variantes. Il apparaît également qu'ils appartiennent à des catégories structurales différentes. La première se rattacherait aux structures massives bien que pouvant comporter occasionnellement des poteaux d'assemblage verticaux. La seconde, quant à elle, appartient aux structures squelettiques à dominante horizontale.
31 Le pièce sur pièce à coulisse et le pièce sur pièce se retrouvent en Europe dès l'Antiquité. Ainsi, le pièce sur pièce à coulisse, ou sa variante plus rustre le pieu sur pieu en coulisse, se rencontrait à Biskupin en Pologne dès le VIIe avant J.C. On le retrouve également en Angleterre, dans plusieurs habitats anglo-saxons tel celui de Maxey où des fouilles archéologiques en ont révélé la présence entre 650 et 850 de notte ère.20 Il est également commun à des sites saxons de Belgique et d'Allemagne.21Mentionnons qu'il est toujours présent dans certaines régions de ce dernier pays. On rencontre aussi plusieurs varianres de pièce sur pièce à coulisse dans les pays Scandinaves depuis l'époque des Vikings. Plusieurs exemples existent encore au Danemark22ainsi qu'en Suède et en Norvège.23D'une façon générale, cette technique est commune à toute l'Europe centrale jusqu'en Roumanie. On la rencontre aussi en Russie. En France, en dehors de la Savoie et du Dauphiné, il est plus malaisé de retrouver un tel procédé de construction. Non pas qu'il est limité aux seuls endroits où l'on en a jusqu'ici constaté la présence, mais surtout parce que les recherches sur d'autre lieux font gravement défaut. Il est vraisemblable que son aire de ré-partition ancienne s'agrandisse considérablement lorsque des recherches plus poussées auronr été menées. On retrouve toutefois des constructions en pièce sur pièce à coulisse dans les Pyrénées Atlantiques, dans les vallées reculées du Pays Basque24ainsi que dans les Landes.25Viollet-Le-Duc semble en mentionner l'existence en Bresse au milieu du ⅪⅩe siècle.26 John I. Rempel croit en avoir décelé la présence en Normandie.27 Par ailleurs, la célèbre tapisserie de Bayeux semble en montrer quelques exemplaires. Toutefois, la partie qui illustrerait cette technique se rapporterait à des maisons de la région d'Hastings en Angleterre.28
32 Bien que le pièce sur pièce à coulisse ne soit pas commun aux régions d'où proviennent la plupart des colons qui se sont établis en Nouvelle-France, il était néanmoins connu d'un petit nombre d'entre eux d'origine germanique, tels que les Suisses ou les Alsaciens. On ne doit pas oublier également à ce sujet, l'influence que purent exercer les militaires de tous les pays qui participèrent à la prise de possession des Amériques. Il est en effet prouvé aujourd'hui qu'ils utilisaient de façon relativement courante les techniques de construction en pièce sur pièce dans leurs fortifications de campagne, lorsque ces dernières se situaient dans des régions boisées. Ce pouvait être aussi bien des structures massives que squelettiques.
33 On retrouve en Nouvelle-Angleterre plusieurs mentions de constructions en pièce sur pièce à coulisse dès les premiers établissements anglais, comme à l'embouchure de la rivière Kennebec (Maine) en 1607.29 C. A. Weslager confirme également l'utilisation de cette technique dans quelques-unes des premières habitations de Virginie.30 Plus tard, les populations d'origine Scandinave qui s'établirent à compter de 1638 dans le Delaware, puis les Germaniques à partir de 1683 en Pennsylvanie, contribueront grandement à diffuser les différentes techniques de construction de la maison de bois en Nouvelle-Angleterre.
34 Les structures massives construites à l'aide de troncs ou madriers empilés, s'avèrent beaucoup plus répandues et anciennes que les structures squelettiques, de type pièce sur pièce à coulisse. On en retrouve aussi bien en Asie que partout en Europe, à l'intérieur des limites de la grande forêt septentrionale et parfois au-delà. Des fouilles archéologiques attestent leur présence à l'époque néolithique. En Alaska, les Inuits de la période «Thulé», qui commence en l'an 3 000 avant Jésus-Christ, utilisaient cette technique dans leurs habitats souterrains d'hiver.31Des fouilles effectuées à Rieslen en Suisse ont prouvé que des constructions remontant à l'époque du bronze possédaient déjà des assemblages à tenon et mortaise.32
35 Les Romains mentionnent que des tribus germaniques telles que les Usipètes, les Tencteri et les Sueby posédaient des habitations en troncs empilés.33 Au premier siècle avant Jésus-Christ, Vitruve décrit une cabane se rattachant à ce type structural et appartenant aux Colchis, peuplade habitant alors le royaume du Pont34 — cet endroit se trouve aujourd'hui en Russie sur le rivage est de la mer Noire.
36 Les structures massives en pièce sur pièce ou pieu sur pieu ainsi que leurs multiples variantes se rencontrent dans toute la forêt septentrionale européenne où les résineux dominent. Elles s'avancent toutefois moins à l'ouest que les structures squelettiques du type pièce sur pièce à coulisse, si l'on excepte certains ilôts. Christian Norberg-Schulz résume assez bien les différentes aires de répartition de la maison de bois en Europe:
37 En France, les structures massives se trouvent presqu'exclusivement limitées aux régions de l'Est, en allant des Alpes jusqu'aux Vosges. On ne les rencontre plus ailleurs, même s'il est vtaisemblable qu'elles ont pu se trouver autrefois beaucoup plus à l'ouesr qu'elles ne le sont actuellement. Il existe cependant une exception qui ne manque pas d'intriguer les chercheurs. En effet, on retrouve des maisons en structure massive «pièce sur pièce» où se mêlent parfois des sections squelettiques, dans l'Agenais (sud-ouest de la France, près de Toulouse) qui est une région peu pourvue en arbres. La présence d'un tel type d'habitat à cet endroit remonterait tout au plus, pour certains, aux XVIe et XVIIe siècles. Pour d'autres, ce serait plus ancien.36 P. Deffontaines mentionne l'existence de structures semblables à Béruges près de Poitiers.37
38 Tous ces éléments tendent à laisser croire que la maison de bois en pièce sur pièce à ossature squelettique ou massive aurait très bien pu se trouver jadis en France, sur un territoire beaucoup plus vaste que celui que l'on admet généralement. En effet, de nombreux documents anciens antérieurs au XVIe siècle mais toutefois imprécis, mentionnent l'existence de maisons entièrement faites de bois dans des régions comme le Bordelais ou les Flandres, pour ne citer que celles-là. Bien que probablement peu usuels au XVIe siècle, ces types de construction pouvaient cependant se trouver en plus grand nombre qu'elles ne l'étaient au début du XIXe siècle, époque où l'on commence à en avoir de bonnes descriptions. Il n'est donc pas impossible que les colons qui vinrent s'établir au Canada au VIIe siècle, en aient eu connaissance. De plus on ne doit pas oublier la possibilité de certains contacts avec les populations germano-scandinaves établies en Nouvelle-Angleterre.
39 Plusieurs recherches tendent aujourd'hui à démontrer que la Nouvelle-France n'a pas évolué de façon aussi fermée que ce que l'on avait coutume de croire jusqu'il y a peu de temps. Il se dégage clairement de l'étude de diffé-rents types d'habitats de bois en Europe que toutes les techniques qui furent utilisées en Amérique étaient connues sur le vieux continent aux XVIe et XVIIe siècles. Tout au plus rettouve-t-on en Nouvelle-France certaines adaptations mineures liées à un contexte particulier ou certaines préférences pour un rype par rapport à un autre.
40 Les maisons de bois du régime français des régions de Montréal et de Québec diffèrent sur nombre de leurs aspects relatifs aux types structuraux auxquels elles appartiennent ainsi qu'aux techniques qui ont servi à les ériger.
41 Entre 1660 et 1727, on dénombre pour l'ensemble des maisons rurales de bois de la rive nord du fleuve Saint-Laurent, incluant les îles Jésus et de Montréal, 4,76% de structures squelettiques à dominante verticale et 8,33 % à dominante horizontale. 86,91 % des maisons de bois se trouvenr en structures massives pièce sur pièce. Celles de la rive nord de la région de Québec, incluant l'île d'Orléans, affichent un certain contraste pat rapport à la région de Montréal: 55,07% des maisons ont une structure squelettique dont 35,83 % à dominante verticale et 17,64 % à dominante horizontale. Notons que pour 1,07 % des structures squelettiques on ne connaît pas le type de dominante qui les caractérise. 0,53 % des structures squelertiques sont de type composite, c'est-à-dire qu'elles comprennent une section à dominante verticale et l'autre horizontale. Les structures massives comptent pour 40,64 % dès habitations. 4,29 % sont des structures composites. Mentionnons que 25,13 % du total des habitations rurales de bois de cette région se trouvent être en colombage. À la même époque, on n'en compte que 15,87 % sur la rive sud. L'influence de Québec explique en grande partie cette différence.
42 Entre 1660 et 1727, les maisons montréalaises en bois comprennent 13,68 % de structures squelettiques dont 3,41 % à dominante verticale et 4,29 % à dominante horizontale. Les autres types de structure squelettique comptent pour 5,98 % (à dominante indéterminée ou comprenant une section en pierre). 85,47 % des maisons sont en structures massives pièce sur pièce et 0,85 % appartiennent à des structures composites. Il est intéressant de souligner que l'on ne rencontre pas de maisons de colombage érigées uniquement au moyen de cette technique. Québec présente à la même époque une image inversée. En effet, 84,49 % de ses maisons de bois sont en structures squelettiques. De ce type de structure, 55,81% sont à dominante verticale et seulement 10,85 % à dominante horizontale. Mentionnons que pour 17,83 % des structures squelettiques, on ne connaît pas le type de dominante pour l'ensemble de la maison. 15,51 % des habitations possèdent des structures massives en pièce sur pièce. Rappelons que 55,77 % des maisons de Québec sont alors en bois. Il est significatif de constatet que 44,96% de ces dernières sont en colombage. Ce qui veut dire qu'environ le quart de la ville possède des habitations érigées en colombage.
43 Si l'on considère le même territoire qu'à la période précédente, pour la région montréalaise on relève 30,77 % de maisons de bois en structures squelettiques dont 26,15 % à dominante verticale et 3,85 % à dominante horizontale. 66,92 % des habitations sont en structures massives et 2,31 % appartiennent à des structures composites. Seulement 1,54 % des maisons de bois sont en colombage. La technique la plus importante employée dans les structures squelettiques est représentée par le pieu qui compte pour 26,15 % des habitats. La rive nord de la région de Québec, incluant l'île d'Orléans comprend, quantàelle, 57,0 % de structures squelettiques, soit à peu près la même chose qu'à la période précédente. 41,94 % d'entre elles sont à dominante verticale et 11,83 % à dominante horizontale. 41,93 % des habitations possèdent des structures massives et 1,07 % des composites. Le colombage compte pour 34,41 % des habitations de bois, soit une augmentation de quelque 10,0 % sur la période précédente. À la même époque, la rive sud de cette région ne comprend que 12,69% de maisons en colombage.
44 Sur un pourcentage de 48,47 % de maisons de bois, Montréal comprend alors 2,08 % de structures squelettiques et 95,84 % de structures massives pièce sur pièce. 2,08 % des maisons appartiennent à des structures composites. À la même époque, Québec voit chuter le nombre de ses maisons de bois puisque celles-ci ne comptent plus que pour 24,60 % du total des habitations. 26,86 % d'entre elles appartiennent aux structures squelettiques, dont 17,97 % sont à dominante verticale et 3,37 % à dominatne horizontale. 71,91 % des maisons de bois sont en structures massives dont 1,12 % comprennent une section en pierre; on doit tenir compte de la diminution considérable des maisons de bois en interprétant cette donnée. 1,13 % des maisons appartiennent à des structures composites. Le colombage ne compte que pour 14,60 % des maisons de bois restantes.
45 Il y aurait beaucoup à tirer de l'interprétation de toutes ces données qui ne repésentent qu'une infime partie de celles que nous possédons sur l'habitat de la vallée du Saint-Laurent. Toutefois, un des faits les plus significatifs se rapporte peut-être à la maison de colombage. On s'aperçoit en effet que l'image que l'on véhicule à ce sujet se trouve quelque peu erronnée et qu'elle mérite d'être révisée. L'étude de la répartition de la maison de colombage à l'intérieur de toute la vallée du Saint-Laurent entre 1660 et 1800 démontre que ce type de construction est essentiellement limité à la région de Québec. C'est là qu'il possède sa plus grande densité sur la rive nord du fleuve, principalement sur la côte de Beaupré et à l'île d'Orléans. Pendant la première période (1660-1727), si l'on excepte cette région on n'en retrouve que quelques exemplaires dispersés sur l'ensemble du territoire. On constate également que la maison de colombage est alors surtout concentrée dans la ville de Québec. Pendant la deuxième période (1728-1760), on rencontre ce type d'habitation en de plus nombreux endroits, ce qui est dû sans doute en grande partie au déplacement de population provenant de la région de Québec. Cependant, il se trouve partout largement minoritaire. On constate même une certaine diminution sur la rive sud dans la région de Québec, deuxième endroit en importance après la rive nord. La seule et unique augmentation se produit dans les alentours de Québec, principalement sur la côte de Beaupré. Si l'on considère la période 1760-1800 que nous avons également étudiée, on constate que la maison de colombage ne subsiste nulle part ailleurs que sur la rive nord à proximité de Québec. Elle n'y compte plus cependant que pour 5,99 % des maisons de bois.
46 Bien entendu ces chiffres ne dénotent qu'une tendance générale, parce qu'ils sont obtenus à partir d'échantillonnages qui, même teprésentatifs, ne peuvent exprimer une situation absolue. Aussi se peut-il que certains spécimens isolés aient subsistes ou été érigés ailleurs pendant cette période. Nos recherches démontrent également que le concept généralement admis de l'inadaptation au climat de ce type de construction afin d'expliquer son abandon progressif mérite d'être révisé.
47 L'étude de l'architecture domestique implique pour être menée à bien la considération d'une multitude de paramètres relevant de plusieurs disciplines. Ce n'est seulement qu'au moyen d'une approche globale que l'on parvient à comprendre et à suivre les mécanismes qui régissent l'évolution de l'habitation. Max Sorre écrivait fort justement à propos des précautions à prendre lors de l'étude de la maison rurale:
À quelques nuances près, les propos de Max Sorre pour-raient s'appliquer à la maison urbaine.
48 Nos recherches porrant sut l'architecture domestique du Québec démontrent l'importance de considérer tous les facteurs et la nécessité d'une approche multidisciplinaire. On s'aperçoit, par ailleurs, que la plupart des études relatives à l'architecture domestique québécoise sont entreprises de manière trop restrictive en ne retenant que certains aspects du problème, ce qui les amène souvenr à tirer des conclusions erronnées. Une approche plus globale de la question aboutit à des résultats quelque peu diffé-rents qui ne correspondent pas Toujours à l'image «idéalisée» que l'on se fait de ce type d'architecture et de son évolution.
49 Une telle orientation de la recherche, permet une meilleure définirion de l'architecture domestique, plus conforme à la réalité. Elle permet également de constater que l'importance que l'on a accordé au climat dans l'évolution de l'habitation au Quebec a été surestimée et, bien que l'on ne doive pas rejeter l'impact de ce facteur, il doit être fortement nuancé. Il appert en effet que de nombreux éléments relatifs â l'évolution de l'habitat au Québec, que l'on avait jusqu'ici attribués à une adaptation au climat, tiennent en fait à d'autres circonstances telles que, par exemple, à des facteurs d'ordre socio-économiques ou culturels.
50 On ne peut que souhaiter que d'autres chercheurs se penchent sur l'étude de l'habitat. Pour ce faire, de nouvelles perspectives de recherche devront être explorées et les méthodes qui ont jusqu'ici été employées, devront être renouvelées. On a pu croire un temps que tout avait été dit sur le sujet, mais les recherches menées depuis quelques années tendent à démontrer qu'une bonne partie de ce que l'on connaît devrait être réexaminée sur de nouvelles bases.