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Profil de la main-d'oeuvre forestière en Mauricie d'après le recensement de 1861

Claire-Andrée Fortin
Université du Québec à Trois-Rivières

Around the 1850s, the forests in the St. Maurice Valley became the site of intensive activity; felling increased dramatically and the number of sawmills multiplied, and this meant that more and more manpower was needed. Where were the men found? Were the workers in the lumber camps young or old, single or married? Using the 1861 census as his sole source, the author throws new light on the characteristics of this workforce, especially with regard to the workers from Saint-Stanislas.

Vers les années 1850, la forêt mauricienne devient le théâtre d'une activité intense; la coupe du bois s'intensifie et les scieries se multiplient de sorte qu'une main-d'oeuvre de plus en plus nombreuse est nécessaire. Où recrute-t-on ces hommes? Jeunes, vieux, célibataires et mariés montent-ils également dans les chantiers? A l'aide d'une source unique, le recensement de 1861, l'auteur apporte un nouvel éclairage sur les caractéristiques de cette main-d'oeuvre et tout particulièrement sur les travailleurs forestiers provenant de Saint-Stanislas.

1 Les travailleurs forestiers du XIXe siècle et du début du XXe siècle sont encore particulièrement mal connus. Travaillant en petits groupes, éloignés les uns des autres, ils sont tenus à l'écart du monde syndical jusqu'au milieu du XXe siècle. Pour la majorité de ces hommes, le travail en forêt n'est à cette époque qu'une activité saisonnière, complémentaire de l'agriculture et destinée à arrondir le revenu de la famille. Faute d'étude en profondeur, il a longtemps pesé sur eux une vision romanesque faisant du bûcheron un type, un symbole de force et de bravoure, ce qui a contribué pour beaucoup à caricaturer ses conditions de travail et de vie en forêt.

2 Cette étude que nous présentons vise à mieux faire connaître cette catégorie de travailleurs dans le contexte de la Mauricie au début de la seconde moitié du XIXe siècle, époque où l'exploitation forestière traverse une phase d'expansion rapide. Elle s'appuie essentiellement sur le recensement nominatif de 1861 effectué dans les chantiers de la Mauricie1 qui s'avère une source précieuse pour l'étude du milieu forestier de cette période.

3 Sur chaque individu, nous avons retenu les détails suivants: nom, emploi au chantier,2 lieu de naissance,3 lieu de résidence, âge, état civil, niveau d'alphabétisation. Le recensement indique également la nature des bâtiments (construction en planche ou en bois rond, nombre d'étages), le nombre de personnes qui y habitent et enfin, le nombre et l'espèce des animaux avec leur valeur marchande en dollars.

4 Nous analyserons ces données en traitant d'abord de questions plus générales concernant le chantier lui-même, le nombre d'hommes qui y travaillent, les animaux de trait, leur nombre et leur espèce. En deuxième lieu, nous examinerons les données concernant les lieux de résidence, l'âge et l'état civil de l'ensemble des travailleurs recensés. Nous aborderons dans cette même foulée les renseignements ayant trait aux contremaîtres pour ensuite étudier un milieu spécifique, la paroisse de Saint-Stanislas-de-la-Rivière-des-Envies qui se présente comme un important réservoir de main-d'oeuvre pour l'exploitation de la forêt mauricienne au siècle dernier.

I - Les chantiers

1. Le nombre d'hommes

5 L'introduction de recenseur annonçait qu'il avait dénombré 1 226 personnes réparties dans 75 chantiers. Après un examen attentif de l'ensemble du recensement, nous nous sommes rendus compte qu'il ne s'agissait pas uniquement de chantiers de coupe de bois et que le recenseur avait également dû visiter des cabanes de colons qui étaient situées en dehors des territoires organisés. Il fallut donc opérer une sélection fondée sur certains indices tels que la profession déclarée par les occupants, la nature du bâtiment qu'ils habitaient, le lieu déclaré de résidence permanente, la présence d'une femme ou d'enfants en bas âge et enfin, l'absence de chevaux ou d'autres animaux de trait. Cette sélection a réduit le total à 60 chantiers et 1,126 personnes. A partir de ces chiffres nous avons établi la moyenne de travailleurs par camp à 18 hommes. Cette moyenne rend cependant bien mal compte de la réalité, car pas plus de dix chantiers ne s'en rapprochent à deux hommes près. Il existe un écart très grand entre le plus petit chantier où l'on retrouve deux hommes et le plus gros qui en compte soixante. Le tableau I illustre bien cette situation. La moitié des chantiers ont cependant entre 10 et 20 hommes, et les très gros demeurent l'exception. Dans la catégorie des chantiers de 35 hommes et plus, seulement trois en ont plus de 50. Voilà qui nuance les descriptions du père Guinard4 pour la Gatineau et de Thomas Boucher5 pour la Mauricie qui témoignent cependant tous deux d'une période un peu postérieure, soit les années 1890, où les chantiers regroupent, dans le premier cas entte 75 et 100 hommes et dans le deuxième une soixantaine. Nos données confirment plutôt l'existence d'une grande diversité dans la taille des chantiers de coupe, laquelle s'explique par une structure d'exploitation complexe. Des recherches récentes6 ont démontré qu'il existe plusieurs niveaux de sous-traitance dans les opérations de coupe du bois au XIXe siècle. On trouvera donc des employeurs de diverses tailles, du grand entrepreneur comme George Baptist au petit sous-ttaitant ayant un contrat de quelques centaines de billots, en passant par des soustraitants comme Alexis Proteau7 de Saint-Stanislas dont l'importance des contrats justifie l'embauche d'une quarantaine d'hommes.

TABLEAU I Distribution des chantiers selon le nombre d'hommes
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6 D'autres facteurs interviennent également pour expliquer de telles variations, comme par exemple la densité de matière ligneuse d'une concession, les distances de char-royage, etc. On ne saurait donc tracer un portrait type des chantiers de coupe du bois au XIXe siècle en Mauricie.

2. Les animaux

7 Dans les 60 chantiers recensés, il se touvait 351 chevaux et 52 bovins. Ces derniers semblent être peu utilisés en forêt comparativement aux chevaux qui sont partout en assez grand nombre. Ces différences s'expliquent sans doute par le nature des chantiers: le transport de grosses pièces de bois exige la force du boeuf alors que la rapidité du cheval convient mieux dans le cas de pièces plus petites à transporter sur de longues distances.

Fig. 1. Le ferrage d'un boeuf dans un chantier de la Mauricie.
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(Photo: Groupe de recherche sur la Mauricie.)

8 Il est difficile d'établir une relation entre le nombre d'hommes et la quantité d'animaux requise pour la bonne marche d'un chantier. Le rapport animal/homme connaît des variations considérables d'un chantier à l'autre. Ainsi trouve-t-on dans certains d'entre eux presqu'autant d'animaux que d'hommes alors que dans certains autres il y en a peu ou pas. Par exemple, l'un de ces chantiers compte 43 chevaux pour 58 travailleurs. S'agit-il d'un dépôt ayant une écurie assez grande pour abriter les chevaux de chantiers voisins? Rien ne nous permet de répondre à cette question, mais il semble peu probable que tous ces chevaux soient affectés au même chantier. Au XXe siècle, une équipe de travailleurs est constitué de 2 bûcherons et d'un charretier.8 Sur cette base, on pourrait croire que les besoins d'un chantier de 58 hommes au XIXe siècle équivalaient à 19 chevaux.

II — La main-d'oeuvre

1. L'origine géographique

9 C'est au tournant des années 1850 que la forêt mauricienne devient le théâtre d'une activité intense. Les scieries se multiplient sur tout le territoire et la coupe du bois va en s'intensifiant. Ceci génère un grand besoin de main-d'oeuvre en forêt. Où recrute-t-on ces hommes? La Mauricie constitue-t-elle un réservoir suffisant ou doit-on puiser dans des régions plus éloignées? Quel est l'apport des villes et des villages à cette main-d'oeuvre qui pénètre dans l'espace forestier mauricien? Le recensement de 1861 permet de répondre à ces questions.

10 Le tableau il nous permet de constater que la région de Trois-Rivières fournit à elle seule 82.6% de la main-d'oeuvre dans les chantiers recensés. Ceci confirme le caractère régional du réseau d'exploitation forestière mauricien qui s'articule principalement autour de trois axes fluviaux: les rivières Saint-Maurice, Batiscan et Rivière-du-Loup. Les agglomérations riveraines ou situées à proximité du Saint-Maurice retiennent la part la plus substantielle du total. Mais ce qu'il est surtout intéressant de noter, c'est la contribution presque aussi importante de la Batiscanie d'où proviennent près du tiers (33.1%) des travailleurs dénombrés. Par contre, ceux de la zone de la Rivière-du-Loup sont relativement peu nombreux (3.9%).

TABLEAU II Lieux de résidence par régions
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11 Parmi les faits notables dans la sous-région de la Batiscanie, il importe de mentionner l'apport très considérable de la paroisse de Saint-Stanislas. Avec 2 378 habitants en 1861,9 elle fournit 194 travailleurs à la forêt mauricienne, soit un peu plus de 17% de l'ensemble. Un autre fait qui n'apparaît pas au tableau II mérite l'attention. Un total de 171 personnes (15.1%) résident dans des territoires non organisés,10 c'est-à-dire en dehors des limites des paroisses. Si l'on ajoute à ce chiffre la participation des paroisses de Saint-Narcisse, Saint-Tite et Saint-Stanislas où les terres sont encore à l'état de défrichement,11 on obtient une proportion de plus du tiers (36%) des travail-leurs qui résident sur des territoires situés en marge des vieilles paroisses. Ceci donne une idée de la relation intime entre colonisation et exploitation forestière à cette époque.

12 Les lieux de provenance permerrenr de constater que le milieu urbain a une représentation assez importante dans la main-d'oeuvre forestière. En effet, les villes de Québec, Montréal et Trois-Rivières ensemble contribuent pour 21.2% du total. La participation du monde rural demeure cependant massive (78.8%), mais ceci ne signifie pas pour autant que ces ruraux sont tous cultivateurs. Les noyaux villageois des paroisses rurales fournissent un certain contingent de forestiers qu'il n'est pas possible d'identifier à la paysannerie. C'est le cas de Saint-Stanislas où la scierie Price embauche des journaliers que l'on retrouve probablement en forêt durant la saison froide.

2. Âge et état civil

13 Le recensement permet enfin de répondre à plusieurs questions concernant l'âge et l'état civil des travailleurs forestiers pour lesquels, à notre connaissance, il n'y avait pas de données précises.

14 Les garçons de 15 ans et moins sont rares dans les chantiers comparativement à la situation dans les manufactures au ⅪⅩe siècle. Ceci n'étonne guère si l'on considère la difficulté du travail en forêt à cette époque. Le seul fait de devoir parcourir à pied des distances atteignant 70 ou 80 kilomètres, parfois plus, pour se rendre à leur lieu de travail constitue déjà un obstacle majeur pour cette catégorie d'âge.

15 Les hommes âgés de 61 ans et plus sont eux aussi pratiquement absents de la forêt. Ce fait est intéressant. Les personnes que nous avons interrogées et qui témoignaient des années 1930 nous ont affirmé qu'à cet âge les hommes n'avaient pas terminé leur carrière et qu'ils allaient au chantier tant que leur force et leur santé le leur permettaient. La grande majorité de la main-d'oeuvre (55.8%) se recrute donc chez les jeunes hommes âgés de 16 à 25 ans, alors qu'après 40 ans, il semble qu'on aille beaucoup moins en forêt. Le groupe des 16-20 ans représente à lui seul plus du quart de l'ensemble, ce qui est considérable. Par ailleurs, seulement le tiers des personnes recensées dans les chantiers sont des chefs de famille alors que les autres sont célibataires (62.1%).

TABLEAU III L'âge des travailleurs
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TABLEAU Ⅳ État civil des travailleurs forestiers
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3. Les contremaîtres

16 Si peu de distinction sont faites dans les recensements en ce qui à trait à l'occupation des hommes dans les chantiers,12 nous avons au moins pu isoler de la masse les contremaîtres et effectuer quelques comparaisons avec l'ensemble.

TABLEAU V Âge des contremaîtres
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17 En ce qui a trait à l'état civil, le tableau VI révèle la même inversion. Par rapport à l'ensemble des travailleurs (tableau IV) où dominaient les célibataires (62.1%), les contremaîtres sont mariés dans une proportion de 73.8%, de sorte que, si l'on peut dire que les hommes de 36 ans et plus (19.9%) ayant des responsabilités familiales (33.7%) sont peu nombreux dans les chantiers, on peut également affirmer que lorsqu'ils y sont, plusieurs d'entre eux y détiennent des postes de direction. Ainsi, 23.1% des hommes âgés de 46 à 60 ans dans les chantiers sont des contremaîtres.

TABLEAU VI Etat civil des contremaîtres
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TABLEAU VII Lieux de résidence des contremaîtres par régions*
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18 Suivant le mouvement général, les contremaîtres sont en majorité (82%) issus de la région de Trois-Rivières. On constate également que la sous-région batiscanaise est fort bien représentée chez les contremaîtres avec au-delà de 39% du total. Dans un tableau plus détaillé, on pourrait observer que la paroisse de Saint-Stanislas se distingue encore ici en fournissant aux chantiers 11 de leur 61 contremaîtres, soit environ 1 sur 5. De plus, sur les 7 chantiers ou il n'y a pas de contremaître déclaré, 5 sont entièrement composés d'hommes provenant de cette paroisse.

19 En débordant le cadre du recensement, il est possible d'ajouter à la connaissance que nous avons des contremaîtres. Par exemple, nous avons confronté la liste des contremaîtres recensés en 1861 avec la liste des personnes ayant eu des activités de sous-traitance13 dans la région pendant la période. Il en ressort qu'un contremaître sur trois a effectivement été sous-traitant et, ce qui est fort intéressant, dans la majorité des cas avant 1860. Il y a peutêtre donc une relation entre le fait d'être sous-traitant et celui de devenir contremaître. C'est une hypothèse que nous pouvons étayer à ce stade de la recherche mais qui mériterait d'être approfondie davantage. Dans le cas de Saint-Stanislas, des 11 contremaîtres qui en sont originaires, 7 ont eu des activités de sous-traitance avant 1860.

20 Pour mieux apprécier la portée de ces constatations, reportons-nous maintenant à Saint-Stanislas en utilisant parallèlement les données du recensement dans les chantiers et celles du recensement de la paroisse.

III — Le cas de Saint-Stanislas

21 Si l'érection canonique de Saint-Stanislas-de-la-Rivière-des-Envies date de 1833, l'occupation humaine y est par contre plus ancienne. Selon Roland Saint-Amand, le premier établissement est probablement antérieur à 1783.14 En 1790, on dénombre 194 personnes15 à l'établissement situé à la confluence des rivières des Envies et Batiscan. Cependant, ce n'est qu'avec le XIXe siècle que des vagues successives de colonisation donneront à cette paroisse son caractère définitif. Plusieurs fois amputée au profit de Saint-Narcisse, de Saint-Tite et d'autres paroisses environnantes, elle est le point de départ du peuplement du bassin de la Rivière-des-Envies. La population atteint son maximum de 3 428 habitants en 1882.16

22 L'activité économique la plus importante avec l'agriculture y est sans contredit l'exploitation forestière. C'est en 1834 que William Price acquiert une scierie dans la paroisse et que démarre l'exploitation de la forêt batiscanaise qui marquera le développement de la région pendant tout le XIXe siècle.

23 L'apport de main-d'oeuvre forestière provenant de Saint-Stanislas est assez spectaculaire, représentant 17% des 1 126 travailleurs recensés dans les chantiers. Cette contribution est également significative si on l'examine en regard de la population de la paroisse. Le recensement de 1861 nous apprend que sur une population totale de 2 378 habitants, 1 197 sont de sexe masculin. La composition par groupes d'âge de la population masculine se présente comme suit:

TABLEAU VIII Âge de la population masculine de Saint-Stanislas*
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24 Comme on peut le constater, il s'agit d'une population jeune dont un peu plus de la moitié a 15 ans ou moins. Les hommes âgés de 61 ans et plus constituent tout juste 4% de la population. En ne considérant que la population masculine de 16 à 60 ans, on obtient le nombre de 544 hommes. En procédant de la même façon avec les travailleurs de Saint-Stanislas recensés dans les chantiers nous obtenons 184 personnes. Ainsi nous pouvons affirmer que 33-8% de la population masculine âgé de 16 à 60 ans de Saint-Stanislas a passé l'hiver ou une partie de l'hiver dans les chantiers. C'est une proportion très importante. Et il ne s'agit là que d'un minimum basé sur les données du recensement des chantiers mauriciens dont sont exclus évidemment tous ceux qui, au cours de l'hiver 1860 se sont déplacés vers des chantiers situés à l'extérieur des limites du district de recensement. On peut imaginer l'impact que produisait l'exploitation de la forêt sur cette petite communauté. Pendant la saison morte, le village devait se présenter un peu comme en temps de guerre, n'abritant que femmes, enfants et vieillards. Dans un tel contexte, les femmes devaient jouer un rôle important dans la famille et dans la communauté. Le prêtre y avait-il plus d'emprise? Ce sont là des questions auxquelles nous tenterons d'apporter un éclairage dans une recherche ultérieure.

25 Pour l'instant, confrontons en terme d'âge les travail-leurs recensés dans les chantiers et la population masculine de la paroisse.

TABLEAU IX Les habitants de Saint-Stanislas dans les chantiers par catégories d'âge
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26 À partir de ce tableau, nous sommes beaucoup mieux en mesure d'évaluer l'impact de l'exploitation forestière dans la paroisse en terme de main-d'oeuvre. Le groupe des 16 ans à 25 ans est particulièrement important avec 43.8% de ses effectifs qui vont en forêt pendant l'hiver 1860. Mais ce qui est plus marquant encore, c'est l'importance que prend le travail en forêt chez les personnes de 36 à 45 ans. Si on se base uniquement sur la place qu'ils occupent à l'intérieur du groupe de Saint-Stanislas recensé dans les chantiers, on a l'impression qu'ils sont peu nombreux (17.5%). Il en est bien autrement si on les replace dans le contexte de la paroisse. Sur les 81 personnes de sexe masculin qui font partie de ce groupe d'âge à Saint-Stanislas, 33 se trouvent en forêt en I860, ce qui représente 40.7% . Par contre, les hommes de 45 ans et plus sont beaucoup moins nombreux dans les chantiers. Seulement 10.7% des personnes âgées de 46 à 60 ans vont en forêt à Saint-Stanislas et ce pourcentage tombe à moins de la moitié (4.1%) chez les 61 ans et plus, de sorte qu'il est désormais possible d'affirmer que tant chez les résidents de cette paroisse que dans l'ensemble des travailleurs recensés (tableau Ⅲ), les hommes de plus de 45 ans ne constituent pas le 1/10 de la main-d'oeuvre forestière.

27 L'ensemble des travailleurs de Saint-Stanislas recensés dans les chantiers et âgés de plus de 35 ans pourrait constituer un échantillon fort intéressant pour une étude sur les relations qu'entretiennent les agriculteurs avec la forêt. C'est un aspect qui méritera notre attention dans la poursuite de cette recherche.

28 Cette analyse des données du recensement de 1861 nous permet de franchir un pas important vers une meilleure connaissance des travailleurs forestiers en Mauricie au XIXe siècle. Après en avoir identifié une cohorte, il nous reste maintenant à mieux les situer dans leur milieu social ce qui constitue le véritable enjeu de notre recherche.

NOTES
1 Comme l'indique la note du recenseur, ces chantiers sont situés sur un espace de 150 milles le long de la rivière Saint-Maurice et de 120 milles le long de la Bastican. Le recenseur mentionne également que certains chantiers sont situés sur des tributaires de ces rivières mais il ne confirme pas qu'il les a visités et qu'ils sont inclus dans le recensement.
2 Dans la très grande majorité des cas, on ne distingue que deux types d'emplois: foreman ou labourer.
3 Il ne s'agit pas du village ou de la paroisse mais de la province ou du pays.
4 Serge Bouchard, Mémoires d'un simple missionnaire, le père Joseph-Étienne Guinard, o.m.i., (Québec, Ministère des affaires culturelles, coll. Civilisation du Québec, 1980), p.92.
5 Thomas Boucher, Mauricie d'autrefois, (Trois-Rivières, Bien Public, 1952), 206 p.
6 En particulier celles de Benoît Gauthier sur la soustraitance en Mauricie dont on trouvera un aperçu dans ce numéro.
7 Considéré comme l'un des plus gros sous-traitants dans larégion, ses activités ont été maintenues presque sans interruption de 1846 à 1875. Nous le retrouvons dans le recensement des chantiers en 1861. Il se déclare «contracteur» dans un chantier de 39 hommes.
8 D'après les témoignages d'anciens forestiers que nous avons interrogés.
9 Jean Roy et al., Les populations municipales et paroissiales de la Mauricie, dossier statistique, 1850-1971, (Trois-Rivières, publication du Groupe de recherche sur la Mauricie, Université du Québec à Trois-Rivières, Cahier n° 3, 1980), p.194.
10 Dans le tableau II, ces personnes sont comprises dans la sous-région de Saint-Maurice.
11 Le cas de Saint-Stanislas est plus complexe car l'occupation humaine y est plus ancienne même s'il ne s'agissait encore que d'un noyau avant la poussée colonisatrice du XIXe siècle.
12 Voir note 2.
13 Nous nous sommes référés aux contrats de billots répertoriés par Benoît Gauthier et à l'index des noms qui en est issu. Ces contrats se situent entre 1837 et 1880. Bien que la liste ne soit pas encore complète, ceci donne un aperçu des rapports entre sous-traitance et exploitation forestière au sens du recrutement de la main-d'oeuvre.
14 Roland Saint-Amand, Les Laurentides batiscanaises: une géographie de l'exploitation des ressources naturelles, (MA, Université Laval, 1969), p.58.
15 Recensement du Canada, Statistique du Canada, vol IV, (Ottawa, Imprimeur I.B. Taylor, 1876), p.6.
16 Jean Roy et al., op. cit., p. 194.