1 Même si on note un intérêt plus marqué ces dernières années pour la recherche sur les aspects matériels de l'industrie forestière au Canada, les travaux accomplis diffèrent énormément quant à la méthodologie utilisée et la profondeur de l'analyse. Il reste donc beaucoup à faire et nous espérons que la publication de ce numéro du Bulletin d'histoire de la culture matérielle, entièrement consacré au secteur forestier, incitera les chercheurs à poursuivre leurs études dans le domaine.
2 À la fin du numéro se trouvent une note de recherche, un compte rendu d'exposition et des rapports sur les collections qui donnent de nouvelles perspectives à l'étude de l'histoire des aspects matériels du secteur forestier. Le rapport de recherche nous renseigne sur l'importante collaboration entre le Musée national de l'Homme et le British Columbia Museum en ce qui concerne l'étude de la scierie de Georgetown, en service de 1875 à 1969.
3 Est-il nécessaire ici de rappeler que les chercheurs en histoire de la culture matérielle utilisent généralement les vestiges matériels du passé qui contribuent le plus à déter-miner les rapports entre les gens et leur environnement. Certes, les sources historiques traditionnelles (écrites, visuelles et orales) sont tout aussi nécessaires les unes que les autres dans cette recherche, mais on considère que l'examen d'objets peut faire connaître des détails qu'aucune autre source ne peut révéler. Certains des articles publiés dans ce numéro spécial reflètent cette tendance mais d'autres approches sont aussi présentées. C'est ainsi que certaines recherches se concentrent sur l'évolution de certaines machines servant à l'exploitation forestière alors que d'autres mettent l'emphase sur les conditions de vie et de travail des bûcherons du XIXe siècle.
4 De Colombie Britannique nous provient un article concernant les progrès et les inventions dans le domaine des machines utilisées pour la fabrication du bardeau entre 1900 et 1925; à partir de cette dernière date, ces machines avaient atteint un tel degré de perfectionnement qu'elles n'ont connu depuis que de rares modifications importantes. De cette même province, on trouvera une étude sur l'utilisation des locomotives servant à l'exploitation forestière, principalement dans l'île de Vancouver, étude qui nous renseigne également sur l'état de leur préservation. Différent des précédents, un article en provenance de l'Ontario nous décrit les conditions de travail et de vie des bûcherons de la région des lacs Kawartha entre 1850 et 1855.
5 Du Québec nous proviennent les premiers résultats d'un vaste projet sur l'exploitation forestière et le développement régional en Mauricie. Certains des articles reproduits ici traitent directement des conditions de vie et de travail des bûcherons mais d'autres débordent le champ conventionnel de la culture matérielle et poussent leur investigation sur l'infrastructure matérielle et juridique qui a profondément marqué la vie quotidienne des travailleurs forestiers.
6 En rassemblant cet éventail d'articles et en les publiant dans un même numéro, les rédacteurs reconnaissent que l'histoire de la culture matérielle du secteur forestier en est à ses premiers balbutiements. La dissimilitude des articles présentés ici le laisse voir assez bien. Si ce n'est le champ de recherche — le secteur forestier — il y a loin semble-t-il entre l'article de R. Griffin sur la machinerie servant à la fabrication des bardeaux en Colombie Britannique et celui de C. Curtis sur la vie dans les chantiers de la région de Kawartha en Ontario. Pourquoi alors réunir tous ces articles, dont certains s'attaquent directement aux produits de l'homme, ce qui à première vue constitue le sujet d'étude de la culture matérielle, alors que d'autres abordent directement l'homme ou encore les structures dans lesquelles l'homme a oeuvré? Poser la question, c'est soulever non seulement l'épineux problème de l'objet et de la méthode de l'histoire de la culture matérielle mais aussi celui du concept. Faut-il en effet se confiner à la méthode des archéologues qui sont trop souvent réduits à utiliser les seuls témoins matériels comme documents de base ou faut-il aller plus loin et considérer les objets comme de simples témoins parmis d'autres d'une culture donnée? Si on opte pour la seconde, on entre dès lors dans le champ de l'histoire culturelle où conceptions et approches se multi-plient. Il n'est évidemment pas question de faire le point sur ces différentes approches mais à tout le moins pouvonsnous souhaiter aux adeptes de l'histoire de la culture matérielle de lorgner non seulement du côté des anthropologues, des archéologues et des folkloristes où la littérature est de plus en plus abondante mais aussi du côté des marxistes où culture matérielle et mode de production sont indissociables et aussi, du côté de Fernand Braudel1 pour qui la vie matérielle est si englobante qu'elle ne peut s'entendre comme un tout exclusif, sans l'étude des structures de l'échange c'est-à-dire, de l'économie.
7 On cherche en vain au Canada des débats sérieux sur la notion de culture en relation avec ses aspects matériels.2 Un effort est donc à faire en ce sens, d'autant plus que ce champ de recherche préoccupe de plus en plus les musées et les institutions d'enseignement et de recherche.
8 Although these has been growing research interest in the material history of the forest industry in Canada, the work accomplished to date varies widely in scope, methodology, and degree of analysis — and much remains to be done. It is hoped that the publication of this issue of the Material History Bulletin, devoted entirely to the forest industry, will stimulate further work in the field.
9 Material history studies use the physical evidence of the past to help determine how people dealt with their environments. Certainly, traditional historical sources — documentary, visual, oral — are equally necessary in this research, though the examination of artifacts may point out details that no other source can reveal.
10 The articles published in this thematic issue relate to the major logging and lumbering regions of Canada and range from in-depth studies of the evolution of lumbering machinery to the working conditions and lifestyles of nineteenth-century shantymen. From British Columbia comes an article on innovation and invention in shingle milling machinery from 1900 to 1925 when the machinery reached such a level of sophistication that few substantial changes have been made in the succeeding years. Also from British Columbia is a study of the use of logging locomotives, mainly on Vancouver Island, and their preservation record. An article from eastern Canada portrays the living and working conditions of shantymen in the years 1850-55 in the Kawartha Lakes area of Ontario.
11 From Quebec come the first results of an extensive study on logging and regional development in the St. Maurice Valley. Some of the articles focus on the living and working conditions of shantymen, while others transcend the traditional boundaries of material history, delving into the material and judicial infrastructure which had a profound effect on the loggers' everyday lives.
12 A research note, an exhibit review, and reports on collections are included at the end and add other perspectives to the study of the material history of the forest industry. The research note reports on a major collaboration between the National Museum of Man and the British Columbia Provincial Museum in studying the Georgetown Mill, in operation from 1875 to 1969. Another provides data on the products and operations of four Nova Scotia manufacturers of sawmill machinery, 1880-1920.
13 In assembling such a wide range of articles and publishing them in the same issue, the editors recognize that the material history of the forest industry is still in its infancy. The dissimilarity between the articles presented here makes this quite evident. Even though the general field of research is the same, Griffin's article on shingle milling machinery in British Columbia, for example, is very different in kind from that dealing with life in the lumber camps of the Kawartha Lakes. Why, then, compile these articles, some of which focus on the objects — which at first sight would seem to be the main field of study in material history — while others deal with the people who used them or the conditions which produced them?
14 In asking this question, we raise not only the thorny problems of the objective and methodology of research but also that of the concept of material history itself. Should we limit ourselves to the method used by archaeologists, who all too often had to rely on artifacts as their sole sources of reference, or should we go further and treat these artifacts as simply one among many sources of information on a given culture? If we opt for the second approach, we enter the field of cultural history where concepts and approaches are much more numerous. Obviously, it is not a question of undertaking a detailed study of these different approaches but rather of encouraging material history researchers to examine not only the anthropological, archaeological, and folkloric aspects, for which the literature is becoming more and more abundant, but also the Marxist viewpoint in which material culture and methods of production are indissociable. Also to be considered is the approach of Fernand Braudel,1 for whom material life is so all-embracing that it cannot be understood without studying the structures of exchange, i.e., the economy.
15 There has been no serious discussion in Canada of the concept of culture in relation to its material aspects.3 Such a debate is needed, especially since museums and institutions of learning and research are paying greater attention to this field of inquiry.