1 Céline Mérette a préparé cette exposition pour le Service des expositions itinérantes du Musée du Québec. Il s'agit d'une exposition présentant tous les aspects de ce métier tel qu'on le connaissait dans la période traditionnelle. Des outils et du mobilier de l'artisan jusqu'au produit fini, la chaussure, en passant par des images illustrant la technologie de l'artisan-créateur, rien ou presque n'a été omis afin de faire connaître ce "petit" métier mieux connu de nos ancêtres.
2 Métier du cuir par excellence, la cordonnerie a pour objet la réparation mais aussi et surtout la fabrication des chaussures. A l'époque ou toutes les catégories de chaussures étaient de fabrication manuelle, aussi bien celles que l'on portait au travail, en forêt, au champ ou à la pêche, que les souliers fins chaussés par les demoiselles le dimanche matin pour se rendre à la messe, l'importance du travail de l'artisan qui s'adonnait à cette pratique prenait une dimension assez considérable. De plus, la technique du cordonnier traditionnel se complétait souvent d'une pratique connexe qui était celle de la sellerie, art de confectionner et d'entretenir les attelages d'animaux.
3 Pour faire état d'un métier comme celui-là, Céline Mérette a choisi de le présenter sous divers angles.
4 On trouve d'abord dans l'exposition les outils du cordonnier. De l'alêne pour coudre au ligneul jusqu'à l'emporte-pièce en passant par le marteau et le tranchet, chaque extension de la main de l'artisan prend place dans les vitrines.
5 On y trouve également des modèles, des formes et des patrons destinés à reproduire les chaussures en dimensions précises et exactes, ainsi que du mobilier directement relié au travail de l'artisan comme le banc de cordonnier et la machine à coudre.
6 On y trouve enfin des chaussures. Une gamme extrêmement variée de modèles montre la diversité du travail d'artisans doués qui transformaient le cuir en souliers de boeuf, en bottes sauvages, en bottes de drave, en "noeuds" de boeuf, en souliers fins et même en bottes-culottes pour pêcheurs. Le tout présente en fait l'essentiel de ce qui se portait aux pieds dans la société traditionnelle, autant pour le travail que pour la vie religieuse et sociale.
7 Toutes ces pièces de culture matérielle qui forment en quelque sorte le noyau muséologique de l'exposition, proviennent en très grande partie des réserves du Musée national du Québec. Lorsqu'on connaît les richesses, voire les trésors de ces collections (d'outils surtout), on ne s'étonne pas que Céline Mérette ait eu l'embarras du choix pour son travail de démonstration. Quelques objets, notamment des chaussures, sont des prêts consentis par des collections privées.
8 L'ethnologue Mérette a cependant voulu aller plus loin que le simple regroupement spatial d'objets reliés à la cordonnerie. Grâce à une série d'images sélectionnées avec soin dans divers fonds d'archives dont celui du Centre d'études sur la langue, les arts et les traditions populaires (CÉLAT) de l'Université Laval, et celui de l'Inventaire des Biens culturels, elle a voulu prêter un peu de vie à une exposition quand même relativement statique. Ces images tentent en particulier de dévoiler certains aspects de la technique de l'artisan. On y voit, entre autres, des artisans d'autrefois pris sur le vif dans leur boutique, de même que de véritables artisans-cordonniers d'aujourd'hui qui montrent comment le travail de confection se faisait à l'époque en reprenant, pour l'appareil-photo, la gestuelle d'antan.
9 Loin de se borner â l'emploi de simples photographies illustrant le travail de l'artisan-cordonnier, cette ethnologue du Musée du Québec est allée jusqu'à inviter des artisans âgés qui ont connu l'époque de transition traditionnelle/pré-industrielle du début du siècle et, surtout, des artisans qui se servirent autrefois des outils de l'exposition pour réaliser des chaussures également en montre à cette exposition. Elle en a invités lors de présentations, d'ouvertures ou lors même du déroulement de l'exposition en province.
10 Nous avons eu la chance d'assister à une de ces séances, au passage de l'exposition à Baie-Comeau, où un cordonnier de 82 ans était venu de Grandes-Bergeronnes pour servir de personne-ressource, et nous avons apprécié vivement les explications simples mais passionnées que donna l'artisan aux néophytes.
11 Conçue pour perpétuer l'exposition (en raison de sa courte durée) une brochure l'accompagne. Celle-ci explique les grands traits qui caractérisent le métier. Un aperçu historique précède diverses considérations essentielles sur l'enseigne, la boutique, les gens du métier, l'apprentissage, la production artisanale, l'emprunt des techniques industrielles et les paiements. Largement illustrée de dessins et de photographies anciennes et actuelles, la brochure comporte de plus une brève bibliographie. Elle est un document bien fait et sans prétention qui saura en compléter d'autres.
12 Malgré une présentation d'ensemble soignée, cette exposition a éprouvé de petits problêmes de parcours. Justement à cause du fait qu'elle ait été préparée pour se déplacer, elle a rencontré les difficultés inhérentes à ce genre d'exposition, soit le transport lui-même avec les risques de bris qu'il présente, le montage et le démontage fréquent et surtout l'adaptation nouvelle à faire à chaque fois, selon la salle où se tient l'exposition.
13 Par ailleurs, on peut déplorer une certaine faiblesse du côté des identifications des objets contenus dans les vitrines. En effet, les plaques sur lesquelles on lit le nom et la fonction des objets se trouvaient sur la base des vitrines, de sorte qu'il fallait se plier littéralement en deux ou s'accroupir pour en prendre connaissance.
14 Enfin, l'identification d'une série de photographies a laissé une mauvaise impression. Certaines de ces images, faussement attribuées à l'origine, ont été corrigées à la main par la suite. Ces ratures, bien que nécessaires, auraient pu être éliminées en cours de route, en remplaçant tout simplement les cartons d'identification altérés. Compte tenu de la période de temps assez longue que met une telle exposition à faire le tour de la province, ce mauvais coup d'oeil aurait dû disparaître.
15 La "Cordonnerie traditionnelle" de Céline Mérette a circulé dans les centres et les musées régionaux au cours de 1978 et de 1979. Dans un sens, cette formule, qui présente de petits inconvénients, n'en demeure pas moins privilégiée puisqu'elle permet une diffusion exceptionnelle de l'exposition et des connaissances que celle-ci véhicule.
16 Somme toute, il faut féliciter celle qui a préparé et documenté cette exposition. Non seulement a-t-elle su toucher à tous les aspects directement reliés au métier, qu'il s'agisse de la matière de base, du produit fini, de l'outil ou du geste de l'artisan, mais elle a su innover en invitant un représentant du milieu pour ajouter un élément dynamique qui complète parfaitement un événement comme celui-là.