1 Depuis un an et demi déjà, le Musée d'Archéologie de l'Est du Québec collabore à la production de films ethnographiques qui pourraient devenir des instruments précieux pour la connaissance populaire de l'évolution du milieu et de l'histoire locale. Le but de cet article est d'expliciter l'objectif poursuivi et de montrer comment on peut dégager quelques ressources contenues directement ou indirectement dans les témoignages enregistrés.
2 En premier lieu, rappelons que le film est â la fois un instrument de conservation et de diffusion et, qu'à cet égard, il est jugé à sa valeur propre sans qu'on doive sous-estimer d'autres moyens de communication.
3 Voici dans quel contexte les recherches sont menées: les travaux d'implantation du Musée ont permis en trois ans de déceler un nombre élevé de ressources et d'informateurs de premier ordre pour interpréter l'occupation du territoire.
4 Soit à cause de l'éloignement physique des centres urbains, soit à cause de l'évolution socio-économique particulière, l'Est du Québec est apparu comme une terre privilégiée pour la cueillette de données de caractères ethnologiques ou archéologiques. Devant ce potentiel, et pressés comme ailleurs par l'urgence de sauver des traditions en péril, nous avons mis de l'avant un programme d'enregistrement sur film des principaux témoignages de la culture matérielle.
5 La première valeur du médium est de contenir et de transmettre la série de gestes, le savoir-faire personnel de l'acteur, fruit d'une transmission familiale autant que de l'intervention ou de l'évolution technique.
6 Sur le plan strict de l'ethnographie, le Musée a ainsi accumulé tous les renseignements essentiels à la compréhension d'une activité de transformation ou d'acquisition: pêche, ferblanterie, fibres textiles, sellerie, cordonnerie, etc..., en même temps que les gestes qui les accompagnaient. C'est toutefois à un niveau supérieur d'interprétation que les efforts se dirigent maintenant.
7 Comment peut-on, en effet, dépasser le stade archivistique du témoignage? Malgré toute son humanité et sa part de génie individuel, l'informateur enregistré représente, à sa façon, une image culturelle collective qu'il nous faut replacer dans un continuum humain et écologique, faute de quoi vont se perpétuer les impressions fausses que l'étude du passé relève d'un romantisme attardé et que la planification de l'avenir n'a pas à tenir compte du savoir-faire et de l'acquis culturel.
8 En d'autres mots, le défi consiste à conscientiser les gens face au déroulement historique, à les sensibiliser au rôle et a la place qu'ils occupent dans le temps, enfin et surtout, à leur faire reconnaître l'action déterminante qu'ils ont ou pourraient avoir sur leur milieu.
9 C'est peut-être une illusion mais, nous croyons encore que, malgré beaucoup d'abrutissements, l'homme participe â un éco-système et qu'il peut y harmoniser ses besoins. Pour susciter cet éveil, nous avons d'abord pris le document filmé intitulé: "La pêche à l'anguille", (couleur, 16mm, 29 min.) tourné à l'automne 1974, a Saint-André de Kamouraska. Il s'agit essentiellement du témoignage illustrant la technique d'installation des pièges à anguilles telle qu'elle a été pratiquée entre 1830 et 1940 ou environ, de Rivière-Ouelle à Cacouna (et possiblement ailleurs au Québec). Toutes les opérations de mise-en-place des fascines, des bourolles et des ansillons de même que tous les instruments, de la charette â banc jusqu'à l'arrache-piquet constituent des témoignages authentiques du génie local et de la connaissance profonde du milieu naturel.
10 Après plusieurs visionnements, d'autres réalités, moins évidentes, nous sont apparues dans le document. C'est autour d'elles que nous avons approfondi la recherche du contexte visant a situer ce témoignage ethnographique en particulier. Ces réalités sous-jacentes peuvent se regrouper comme suit:
11 Bien que tous ces aspects fassent partie du film, aucun n'y est développé à fond, ni n'est relié à d'autres réalités qui contiennent pourtant leur part de vérité; la raison en est simple: l'informateur n'est ni ethnologue, ni historien, il ne possède, au mieux, que l'intuition de la lourde signification des gestes qu'il accomplit. C'est donc une compréhension du climat ou du contexte qu'il nous faut avoir: en somme, une vision arrière, (recul) et une vision avant.
12 Ainsi, le document global en voie de production comprendra un commentaire d'introduction et une séquence d'images fixes et d'illustrations visant à préparer le spectateur (ou l'écolier) à profiter du film au maximum. En maîtrisant plus de renseignements, on ne peut qu'aboutir a développer un meilleur sens du déroulement des faits.
13 On y traite:
Chacun des sujets est issu d'un point de repère visuel ou d'un commentaire verbal contenus dans le film: nous n'avons qu'enrichi un corpus de base.
14 A titre d'expérience, pour débuter, ce projet de communication globale fera l'objet de remaniements par suite des commentaires reçus. Car, plusieurs autres films déjà tournés pourraient recevoir semblable intégration.
15 Nous savons qu'un outil idéal de communication pourrait voir le jour avec des moyens financiers plus considérables; mais nous savons aussi que trop de témoignages ou de documents déjà enregistrés dorment malheureusement, faute d'avoir été situés ou expliqués aux destinataires.
16 Le film ethnographique a toujours un sens qu'il faut retrouver si, par hasard, il nous échappe!1