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L’Évolution de l’action collective de la jeunesse francophone au Nouveau-Brunswick :

le cas de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick1

Eric Forgues
Université de Montréal
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Résumé

L’étude que nous présentons dans cet article porte sur la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB), qui s’appelait Activités-Jeunesse lors de sa création en 1971. Dans le texte qui suit, nous analysons l’évolution de cet organisme qui a permis de canaliser l’action collective d’une partie de la jeunesse acadienne et d’y donner forme depuis sa création en 1971. La FJFNB nous semble représentative des organismes qui sont créés à partir des années 1970, à la suite de l’intervention de l’État canadien dans le domaine des langues officielles, ainsi que de la relation qui s’amorce entre l’État et les organismes acadiens et francophones au lendemain de l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969. Suivre son évolution sur ses 50 années d’existence, c’est aussi suivre l’évolution de cette relation et mieux comprendre les rapports qui se tissent entre l’État canadien et les groupes d’intérêts dans le domaine des langues officielles. Le texte qui suit est une synthèse des données que nous avons recueillies pour saisir l’évolution de l’organisme. Il fait suite à une démarche exploratoire qui s’inscrit dans la continuité de nos travaux sur l’intervention du gouvernement canadien dans les milieux francophones minoritaires. Nous avons voulu comprendre comment l’organisme jeunesse est devenu un acteur social reconnu dans le milieu associatif acadien, comment il a défini son rôle et qu’il se positionne dans l’espace communautaire acadien, de même que son rôle dans le développement d’une gouvernance communautaire au Nouveau-Brunswick et dans sa relation avec l’État canadien. Par ailleurs, l’analyse des données nous a permis de décrire les apprentissages que permet de réaliser l’engagement des jeunes au sein de l’organisme.

Abstract

The study presented in this article deals with the Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB), which was known as Activités-Jeunesse when it was created in 1971. In the following text, we analyze the evolution of this organization, which has channelled and given shape to the collective action of a segment of Acadian youth since its creation in 1971. We find the FJFNB to be representative of organizations created in the 1970s, following the intervention of the Canadian State in the area of official languages, as well as the budding relationship between the State and Acadian and Francophone organizations after the Official Languages Act was adopted in 1969. Following its evolution over its 50 years of existence means also following the evolution of this relationship and better understanding the links that formed between the Canadian State and official language interest groups. The following text synthesizes the data we gathered on the organization’s evolution. It follows previous work on interventions by the Canadian government in minority Francophone milieus. We wished to understand how this youth organization became a recognized social player among Acadian associations, how it defined its role and positions itself in the Acadian community, along with its role in developing community governance in New Brunswick and its relationship with the Canadian State. Data analysis also allowed us to describe the lessons learned to engage youth in the organization.

Nous voulions conquérir le monde, être des jeunes sans complexes et égaux aux jeunes de la communauté anglophone, marquer notre présence comme Canadiens français à l’instar des Québécois. (e1)2

Introduction

1 L’étude que nous présentons dans cet article a été produite dans le cadre des activités prévues pour souligner le 50e anniversaire de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB) en 2021, qui s’appelait au départ Activités-Jeunesse. Dans ce texte de synthèse, nous analysons l’évolution de cet organisme qui a permis de canaliser l’action collective d’une partie de la jeunesse acadienne et d’y donner forme depuis sa création en 1971. Né dans un contexte d’effervescence de la jeunesse étudiante à l’échelle locale et nationale3, l’organisme a offert aux jeunes francophones de la province un espace et des ressources afin de leur permettre de s’engager et de jouer un rôle actif dans leur communauté.

2 L’organisme à l’étude nous semble représentatif de la vague d’organismes qui sont créés à partir des années 1970, dans la foulée de l’intervention de l’État canadien dans le domaine des langues officielles, ainsi que de la relation qui s’amorce entre l’État et les organismes acadiens et francophones au lendemain de l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969. Suivre son évolution sur ses 50 années d’existence, c’est aussi suivre l’évolution de cette relation et mieux comprendre les rapports qui se tissent entre l’État canadien et les groupes d’intérêts dans le domaine des langues officielles. Pour Alan Cairns4, l’État canadien tend à s’encastrer dans la société en développant des relations avec les groupes d’intérêts à mesure que la société canadienne devient de plus en plus plurielle et fragmentée. De fait, la pluralisation croissante de la société se produit concomitamment avec l’extension du champ d’intervention de l’État fédéral.

L’État contemporain manœuvre dans un réseau politique touffu toujours plus vaste résultant de sa propre création et interagit avec une société qui lui est liée par un réseau complexe d’avantages, de relations de dépendance et de coercition.5

3 Le programme du Secrétariat d’État qui se met en place pour financer des activités d’animation sociale contribue ainsi à la création de groupes d’intérêts et de futurs leaders.6 C’est le cas dans le domaine des langues officielles, comme en témoigne la création de l’organisme jeunesse qui fait l’objet de la présente étude. En 1969, le Secrétariat d’État met sur pied un programme pour aider les communautés de langue officielle en situation minoritaire « à se doter des infrastructures et des instruments dont elles avaient besoin pour garantir leur croissance et leur vitalité ».7 Appelé Activités-Jeunesse et administré par la Direction de l’action socioculturelle, ce programme a contribué à financer la création d’organismes et les a aidés à « élargir leurs activités et à jouer un rôle positif dans le renouvellement culturel et le soutien des collectivités minoritaires les plus isolées ». Les objectifs du programme d’animation sont de « transformer en actes, de façon efficace, toutes les capacités créatrices, souvent insoupçonnées et encore passives, des individus et groupes ».8 Ces objectifs contribueront à définir ceux de l’organisme jeunesse, voire sa raison d’être.

4 La présente étude de ce cas9 vise à enrichir notre compréhension de l’action collective des acteurs acadiens qui prend forme notamment dans le cadre de l’appui financier du gouvernement canadien. Le texte qui suit est une synthèse des données que nous avons recueillies pour saisir l’évolution de l’organisme. Il fait suite à une démarche exploratoire qui s’inscrit dans la continuité de nos travaux sur l’intervention du gouvernement canadien dans les milieux francophones minoritaires.10

5 Notre étude vise à prendre en compte les perceptions et les savoirs des acteurs afin de mieux comprendre le sens qu’ils donnent à leurs actions et leurs perceptions à l’égard de l’organisme et de son environnement social et politique. Elle s’appuie sur l’analyse de documents, d’archives et d’entretiens auprès d’anciens dirigeants et présidents de l’organisme (N=10).11

6 Nous avons cherché à comprendre comment l’organisme jeunesse est devenu un acteur social reconnu dans le milieu associatif acadien. À cette fin, nous avons concentré notre analyse sur la manière dont il a défini son rôle et dont il se positionne dans l’espace communautaire acadien, sur sa reconnaissance par les autres organismes, sur son rôle dans le développement d’une gouvernance communautaire au Nouveau-Brunswick et sur sa relation avec l’État canadien. L’analyse a notamment visé à décrire la création de l’organisme, sa raison d’être et ses objectifs, la quête de reconnaissance de l’organisme et de la jeunesse, les apprentissages que permet de réaliser l’engagement des jeunes au sein de l’organisme et leurs efforts pour promouvoir une plus grande concertation communautaire des organismes acadiens.

Un nouveau cadre pour l’action collective de la jeunesse

La création de l’organisme

7 L’organisme que nous avons étudié voit le jour en 1971 sous le nom d’Activités-Jeunesse, prenant ainsi le nom du programme gouvernemental qui l’appuyait. Sa création résulte d’un ralliement de la jeunesse francophone qui s’est tenu à l’Institut de Memramcook, lui-même faisant suite à un autre ralliement de la jeunesse acadienne qui s’était tenu en 1966. L’organisation en 1971 de cet événement né de l’initiative de la Société Nationale de l’Acadie (SNA), devait se faire sans l’ingérence d’adultes.12 Déjà s’exprimait un principe, celui d’une organisation « par et pour » les jeunes, qui orientera l’action de l’organisme jusqu’à aujourd’hui.13 La SNA poursuit ses efforts auprès des jeunes pour les encourager à se rassembler, ce qui se produit en 1971. Elle embauche un ancien stagiaire du Secrétariat d’État qui a bénéficié d’une formation en animation socioculturelle.14 Par l’intermédiaire de ce nouvel employé, la SNA cherche à établir des liens avec les jeunes. Celui-ci est la première personne à assumer la direction de l’organisme nouvellement créé. Jusqu’à aujourd’hui, l’organisme, qui a changé de nom depuis, est affilié à la SNA.

Évolution des objectifs de l’organisme

8 Lors de sa création, les objectifs de l’organisme se formulaient ainsi :

  • sensibiliser la jeunesse au fait acadien,
  • favoriser l’engagement des jeunes sur le plan culturel, social, politique, éducatif et économique,
  • faciliter la communication et les échanges entre les jeunes acadiens et acadiennes de la province du N.-B..15

9 En 1982, on inclut dans ce dernier objectif l’idée de favoriser la communication avec les francophones en dehors de la province, et on ajoute un nouvel objectif qui est de « favoriser la promotion et l’exercice des droits chez la jeunesse acadienne ».16

10 En 1984, les buts sont modifiés à nouveau :

  • favoriser la promotion et l’exercice des droits chez les jeunes acadiens du Nouveau-Brunswick;
  • sensibiliser la jeunesse aux différentes réalités acadiennes du Nouveau-Brunswick;
  • favoriser l’implication et la reconnaissance des jeunes sur les plans politique, économique, communautaire, social, éducatif et culturel;
  • faciliter la communication et les échanges entre les jeunes et tous les autres membres de la communauté acadienne de la province et de l’extérieur;
  • viser la reconnaissance de fait d’Activités-Jeunesse (1980) Inc. comme intervenant auprès de la jeunesse acadienne du Nouveau-Brunswick.

L’idée de la reconnaissance des jeunes et de l’organisme comme interlocuteur de la jeunesse acadienne apparaît dans ces buts. Comme nous le verrons plus loin, cela témoigne d’une volonté de l’organisme de clairement se positionner comme porte-parole de la jeunesse acadienne à partir des années 1980. En 1988, Activités-Jeunesse se fusionne à la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick, qui s’est incorporé en 1987. Dans les Statuts et règlements (version amendée de 1991), les buts de l’organisme se lisent comme suit :

  • revendiquer les droits et les intérêts de la jeunesse francophone et acadienne du Nouveau-Brunswick;
  • être le porte-parole officiel des jeunes francophones, acadiens et acadiennes de la province du N.-B. auprès des différents organismes et instances gouvernementales;
  • voir à la formation d’associations de jeunes dans les communautés où celles-ci et ceux-ci ne sont pas représentés.es;
  • être un forum où les jeunes peuvent s’entretenir librement sur les plans politiques, économiques, social, communautaire, sportif, éducatif et culturel;
  • promouvoir la langue française.

Nous constatons une certaine évolution dans la manière dont l’organisme définit ses buts. La dernière formulation des buts de l’organisme, toujours valide en 2020, montre que l’organisme entend revendiquer les droits et les intérêts des jeunes francophones et acadiens de la province, tout en voulant être reconnu comme porte-parole officiel de la jeunesse francophone et acadienne auprès des organismes et des diverses instances gouvernementales. Cette redéfinition des buts reflète, comme nous le verrons, une évolution du statut et de l’action de l’organisme dans la société civile acadienne.

La construction de l’action collective de la jeunesse acadienne

11 Le noyau fort des membres de l’organisme est composé d’élèves des écoles secondaires de la province. Des comités d’Activités-Jeunesse sont formés dans les écoles francophones. En 1975, il y a un comité dans 17 des 18 écoles secondaires francophones de la province. L’année suivante, il y a un comité dans chacune des écoles. En 2020, la FJFNB est présente dans les 22 écoles secondaires francophones de la province. Des conseils régionaux chapeautent les comités locaux.

12 Activités-Jeunesse est gouverné par un conseil d’administration et est constitué en société en 1980. De 1985 à 1987, l’organisme réfléchit à la possibilité de regrouper plus largement les organismes jeunesse francophones dans une fédération. En 1985, il forme un comité afin d’explorer cette possibilité. Ces efforts se concrétisent par la tenue d’une « conférence jeunesse » à Shippagan en 1986, où on recommande de fédérer les groupes de jeunes francophones de la province. On crée la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick en 1987, avec laquelle Activités-Jeunesse fusionne en 1988.

13 La FJFNB divise la province en cinq régions (Nord, Nord-Ouest, Nord-Est, Sud et Sud-Est) où l’animation est assurée par des agents régionaux et dont le secrétariat central encourage une certaine autonomie dans leur organisation et la définition de leurs projets. Des défis apparaîtront pour arrimer cette structure avec celle des conseils étudiants dans les écoles secondaires francophones, dont les élèves, rappelons-le, constituent le noyau fort du membership.17

14 La FJFNB fait des efforts pour inclure des groupes de jeunes en dehors des écoles secondaires, par exemple en encourageant les villes à créer des comités de jeunesse, en intégrant des jeunes militants des partis politiques ou les associations étudiantes des collèges et des universités. Malgré des tentatives pour regrouper l’ensemble des jeunes de 15 à 24 ans, l’organisme parviendra difficilement à atteindre cet objectif.18

L’appui du gouvernement canadien

15 Au départ, l’animation socioculturelle est au cœur des activités de l’organisme.19 Lancé en 1969 par le Secrétariat d’État, le programme d’animation constitue « une méthode d’intervention afin d’amener les minorités francophones à travers le pays à prendre conscience de leur situation socioéconomique et culturelle et de définir des actions pour la corriger le cas échéant ».20 Se voulant démocratique, ce type d’intervention vise à former des citoyens qui travaillent ensuite avec les populations pour définir leurs besoins et mettre en place des projets pour y répondre.21 Cette approche s’inscrit « pleinement dans l’idéologie de participation qui était en passe de balayer une partie du monde occidental à la fin des années 1960 ».22

16 Du côté de l’organisme à l’étude, les activités d’animation visent à favoriser l’engagement de la jeunesse et l’exploitation de son plein potentiel. L’approche semble contraster avec le style d’engagement de l’époque précédente. Comme on peut le lire dans un document de 1979, « Activités-Jeunesse accorde beaucoup d’importance au travail d’animation dans les régions. C’est là sa priorité de toujours. Sans cela, nous ne pourrions concevoir la raison d’être d’une association telle que la nôtre. »23 Il s’agit pour l’organisme de contribuer au « réveil » en cours chez les jeunes en leur « permettant de participer et d’organiser des projets et des activités », de favoriser « une prise en main de leurs responsabilités » afin qu’ils démontrent « de plus en plus leur sens de leadership ».24 Les stages de formation, les sessions de formation sur le leadership et les ralliements de jeunes sont des moyens utilisés pour renforcer la capacité d’action de l’organisme et de ses membres afin de leur permettre de remplir leur mission.

17 L’organisme vise à sensibiliser les jeunes à leur identité linguistique, à favoriser les échanges entre les jeunes et à encourager leur participation (ou leur engagement) dans la société. « Ces projets [de l’organisme à ses débuts] avaient pour but la formation et la prise de conscience des jeunes envers leur identité et l’importance de langue française » (e1).25

18 Le thème de l’engagement est lié à celui du leadership qui, sans être un objectif explicite, revient souvent dans le discours des anciens dirigeants : « La formation des jeunes leaders n’était pas en soi un objectif, mais un résultat qui ressortait de nos objectifs » (e10). De fait, des formations étaient et sont toujours offertes afin de développer le leadership des membres. Ainsi, l’activité Animaction, mise en place par l’organisme en 2007, vise à offrir aux jeunes intéressés une formation « en animation et en gestion de groupe qui leur permet d’acquérir les outils, les connaissances et les habiletés nécessaires pour remplir leur rôle d’animateur ».26 Comme on peut le constater, ce type d’activités vise également à développer les compétences des jeunes pour qu’ils œuvrent au sein de l’organisme.

19 Lorsque nous demandons quelles sont les qualités d’un leader, voici en résumé ce que nous répondent d’anciens dirigeants de l’organisme : Un leader a une bonne compréhension de la situation et une vision de la stratégie à suivre. Il est à l’écoute des personnes avec qui il travaille à la réalisation des objectifs et a ainsi la souplesse pour s’adapter aux personnes et aux situations. Enfin, il est pour plusieurs répondants un exemple ou un modèle qui prêche par ses actions.

20 Un répondant explique que l’expérience acquise dans l’organisme et les activités de formation offertes par celui-ci permettaient de développer un « sentiment de confiance en soi, le sens du devoir et de la communauté. À cet effet, même les élites acadiennes avaient du respect pour nous et nous laissaient de l’espace » (e1). Notons le lien qui est fait entre le développement du leadership chez les jeunes membres de l’organisme et la reconnaissance dont ils jouissaient de la part des membres de l’élite acadienne, c’est-à-dire les autres acteurs acadiens.

21 Certains répondants soulignent fièrement que plusieurs membres de l’organisme ont exercé un leadership dans la société acadienne après leur passage dans l’organisme : « après 50 ans aujourd’hui, on peut remarquer que, parmi les leaders de la communauté acadienne, la plupart sont passés par l’Activités-Jeunesse » (e4). Des répondants précisent cependant que l’objectif n’était pas de former de futurs leaders, mais bien de former des jeunes afin qu’ils puissent exercer leur leadership maintenant.

[…] on ne formait pas de leaders futurs, mais les leaders d’aujourd’hui (e10).
L’emphase était mise sur la participation. On ne se taguait pas de l’étiquette de leaders [...] On voulait vivre le présent. J’ai jamais été mordu de considérer la jeunesse comme les futurs leaders de demain. Une partie de notre discours voulait assumer notre âge et vivre dans la société actuellement. Les jeunes se voyaient pas en stage d’apprentissage, ils étaient là pour vivre une expérience de pouvoir. D’ailleurs, le plus grand cadeau d’Activités-Jeunesse était d’être géré, conçu par les jeunes. Bref, l’objectif et l’expérience étaient d’exercer le pouvoir aujourd’hui […]; l’objectif était de vivre un leadership présent (e5).

22 D’ailleurs, comme un leitmotiv, un principe oriente l’action de l’organisme tout au long de son existence : les projets doivent être organisés « par et pour » les jeunes. Pour jouer un rôle dans la communauté, les jeunes revendiquent une autonomie dans la conception et la mise en œuvre des projets qu’ils réalisent. Il s’agit d’un principe qui sous-tend l’ensemble des activités de l’organisme et qui apparaît comme une condition essentielle à la reconnaissance des jeunes comme des citoyens responsables et des acteurs qui contribuent activement à la société.

23 Cette autonomie est encouragée dès le départ par la Direction de l’action socioculturelle, qui finance l’organisme.27 Le programme d’animation que celle-ci est chargée d’administrer promeut la formation d’animateurs « qui soient à même d’inciter les groupements intéressés à prendre des décisions d’ordre autonome; d’assurer la cohésion parmi les intéressés; d’orienter les chefs et organisateurs et, enfin, d’amener une participation individuelle, en particulier, et collective, en général ».28

24 Le principe du « par et pour » peut bénéficier de l’éclairage qu’offre la notion d’« habilitation » qui, comme le précise Rémi Léger, s’inscrit dans une philosophie de l’intervention sociale et communautaire qui allie les aspirations d’un groupe avec le pouvoir d’agir de ce groupe et qui vise à développer « la capacité d’agir sur les choses que [les personnes ou les collectivités concernées] considèrent importantes; le gain de pouvoir cherche ici à rendre compatibles leur réalité et leurs aspirations ».29 C’est donc dans une démarche de renforcement du pouvoir autant en amont qu’en aval que l’organisme met sur pied plusieurs projets. En amont, car il défend ce principe du « par et pour » dès le départ, mais aussi en aval, car les projets sont autant de moyens pour renforcer la capacité d’action de l’organisme et de ses membres.

25 C’est en suivant ce principe du « par et pour » que l’organisme cherche à remplir sa mission grâce à une diversité d’actions et de projets qu’il organise, tels que de nombreuses activités de rassemblement (appelées au départ ralliements), de formation (sur le leadership, sur le fonctionnement d’un organisme ou d’une radio étudiante), des colloques ou des conférences sur les thèmes d’importance du moment, thèmes qui sont également traités dans les journaux ou les bulletins qu’il publie. L’organisme s’est engagé dans le secteur des arts et de la culture dès ses débuts, et ce, jusqu’à aujourd’hui. Les projets de l’organisme sont trop nombreux pour tous les présenter. En voici quelques-uns parmi les principaux.

Place aux jeunes

26 À partir de 1977, une réflexion est menée au sein de l’organisme pour établir une charte des droits des jeunes. Cet exercice aboutit d’abord à un rapport qui est présenté au public afin d’obtenir des réactions mais, faute d’intérêt, on suspend l’initiative.30 Celle-ci renaît en 1980 pour fusionner avec un autre projet en 1983, celui de créer des maisons des jeunes dans le but d’offrir aux jeunes un espace physique dans la collectivité pour leur permettre de se rassembler en dehors de l’école. Nommée « Place aux jeunes », cette initiative reprend le titre d’un rapport publié en 1981 qui visait, de manière générale, à analyser la situation des jeunes et à formuler des recommandations pour que ceux-ci puissent prendre leur place dans la société et pour qu’on reconnaisse leurs besoins, voire leurs droits.31 Le projet s’inscrit dans une volonté d’amener les jeunes à exercer une plus grande maîtrise de leur sort, comme en témoigne un rapport du comité Maison des jeunes qui fait le constat du « peu d’autorité que [sic] les jeunes disposent sur leur propre sort ».32 Contrairement aux divers projets et services mis en place par des adultes pour des jeunes, la maison des jeunes serait créée et gérée par et pour les jeunes. Cette initiative aura peu de résultats concrets en dehors d’une maison des jeunes qui sera créée à Rogersville dans les années 1980.

Journaux et bulletins

27 L’organisme crée et gère plusieurs organes de communication pour informer les membres de ses activités et ainsi assurer une certaine cohésion entre les conseils locaux. Ces outils de communication servent également à véhiculer des prises de position dans l’espace public et à participer à des débats. Par exemple, de 1972 à 1976, Activités-Jeunesse publie un périodique qui s’appelle Eurêka. En 1979, le périodique Le Mashqoui est créé et est diffusé dans les écoles secondaires francophones jusqu’en 1985. Conformément à la volonté d’atteindre l’ensemble de la jeunesse, un bulletin remplace Le Mashqoui, soit le Zélé, qui est diffusé de 1986 à 1988. Par la suite, de 1991 à 1999, Le Placoteux diffuse les informations relativement aux activités de l’organisme. Pendant cette dernière période, les jeunes membres peuvent exprimer leurs opinions dans une chronique jeunesse du journal L’Acadie Nouvelle. À partir de 1995 jusqu’en 2002, la FJFNB publie deux fois par année le journal ZapAdo, qui permet de traiter des sujets qui intéressent et préoccupent les jeunes membres. Enfin, résultant des efforts des organismes de jeunesse de l’ensemble des provinces de l’Atlantique, le périodique La Rumeur est créé en 2006.

28 Le contenu de ces outils de communication est produit par des membres. Aujourd’hui, en plus de son site web, l’organisme utilise plusieurs médias sociaux pour communiquer avec ses membres (Facebook, Instagram, YouTube, Twitter, LinkedIn).33 On reconnaît l’importance de ces divers outils de communication dans le fait qu’ils servent non seulement à diffuser des informations concernant les activités de l’organisme, mais aussi à exprimer les opinions et les points de vue de la jeunesse dans l’espace public, tout en étant l’occasion pour les jeunes membres de parfaire leurs compétences dans le travail de rédaction, d’édition et de réflexion sur des enjeux qui les concernent.

Semaine de la fierté française

29 Organisée annuellement depuis 1975 dans la foulée du succès d’une activité semblable organisée en 1974, cette semaine vise à sensibiliser la jeunesse au fait français, à faire connaître les organismes sociaux francophones et à promouvoir la langue française. En 1978–1979, les écoles de niveaux intermédiaire et primaire demandent à participer à la semaine de la fierté française. Déjà, on envisage la possibilité d’étendre cette activité à l’échelle provinciale pour que la Semaine de la fierté française soit célébrée non seulement par tous les jeunes, mais aussi par toute la communauté.34 Dans le bilan annuel de 1980–1981, on peut lire que cette semaine n’est « pas comme les autres, car simultanément dans les 19 polyvalentes arrive ce coup de foudre de fierté.35 C’est pourquoi cette semaine de fierté acadienne est devenue au fil des années la marque de fabrique de l’association. »

30 Le thème de cette activité est de fait repris en 1989 par le gouvernement provincial, qui l’étend à l’ensemble des écoles francophones de la province.36 Notons également qu’une « semaine » de la francophonie, qui a lieu maintenant durant tout le mois de mars, s’organise à l’échelle de la francophonie canadienne. La Semaine nationale de la francophonie en est à sa 28e édition en 2020.37

Accros de la chanson

31 Ce projet est lancé en 2005 après un premier concours musical tenu en 2003. Il vise à promouvoir la chanson francophone. Plusieurs artistes professionnels acadiens, comme Lisa LeBlanc, Jean-Marc Couture, Caroline Savoie, les Hay Babies, ont participé au concours.38 D’anciens dirigeants de l’organisme soulignent l’importance de cette initiative :

Accros de la chanson est un pilier du développement de la musique en Acadie… (e9).
Accros de la chanson était un projet utile pour donner une visibilité de la FJFNB et de la jeunesse dans les médias traditionnels (Radio-Canada), dans les journaux. Il y avait toujours des activités afférentes et des lancements à faire... Accros de la chanson et Animaction sont des projets phares (e10).
Accros de la chanson a permis de bâtir une confiance aux jeunes et leur montrer qu’ils sont capables et c’est possible de le faire en français au Nouveau-Brunswick (e11).

32 Toujours actif en 2020, ce concours vise à encourager « les jeunes à développer leur identité culturelle et à s’épanouir musicalement en français ».39

Un lieu d’apprentissage

33 À ses débuts, l’organisme organise surtout des sessions de formation sur le leadership et sur l’animation socioculturelle. Au cours des années, nous pouvons observer une certaine professionnalisation de l’organisation, en ce sens que son fonctionnement et sa gestion reposent de plus en plus sur des compétences qui sont transmises au moment de l’entrée en fonction des employés permanents. L’apprentissage du fonctionnement d’une assemblée générale annuelle (AGA) et d’un conseil d’administration (CA) se fait « sur le tas » et avec l’aide de mentors jusque dans les années 1980. Nous avons demandé aux anciens dirigeants des années 1970 et 1980 s’ils recevaient de la formation sur la gouvernance et le fonctionnement organisationnels. Voici deux réponses obtenues :

Non. Tout de même, j’étais déjà président dans mon école pendant deux ans, et certains professeurs m’ont encadré et associé aux règles de procédure au sein des assemblées délibérantes. Également, nous avions des ateliers de fins de semaine (e1).
[…] nous recevions des documents afférents au CA, je n’ai pas de souvenir d’une formation formelle, peut-être une espèce d’encadrement et de soutien pour comprendre l’organisation. J’ai eu une formation en leadership avec le FJCF [Fédération de la jeunesse canadienne-française] (e6).

34 Les répondants nous disent que, à partir des années 1990, l’apprentissage du fonctionnement de l’organisme reposait davantage sur des activités de formation structurées :

Nous avions développé un cahier de formation pour chaque employé qui entre en poste. Il devait passer du temps avec tous les autres employés de l’organisme. Le président devait passer et présenter l’organisme et les finances de l’organisme, puis l’adjoint pour la question de ressources humaines; chaque employé présentait ses dossiers au nouvel employé; ça durait comme trois jours intensément (e10).
[…] c’était la première chose que l’on faisait, on apprenait le fonctionnement de l’AGA du CA, les médias sociaux, la communication de la FJFNB… Parfois on recourait à des experts ou les employés de l’organisme pour ce faire. Ils nous apprenaient le rôle afférent au poste, le rôle d’employés, les politiques et les procédures (e11).

35 Des documents étaient préparés pour informer les nouveaux dirigeants et employés du fonctionnement de l’organisme : « […] il y avait du matériel qu’il fallait qu’ils lisent pour comprendre les politiques et les procédures de l’organisme et son fonctionnement » (e11). Au dire des répondants, leur expérience dans l’organisme a été l’occasion de faire des apprentissages et de développer des compétences. Certains mentionnent qu’ils ont appris à traiter avec un conseil d’administration, à diriger des réunions, à gérer un budget, à rédiger des demandes de financement et des rapports d’activités. Des répondants disent qu’ils ont appris à connaître le fonctionnement de l’appareil gouvernemental, tant fédéral que provincial, en faisant du lobbying et en communiquant avec des élus. À ce sujet, un participant mentionne que le fait de défendre une cause particulière, comme celle de la reconnaissance des droits des LGTBQ+ ou du vote à 16 ans, par exemple, l’a amené à s’informer de ces problématiques et enjeux sociaux.

36 Dans le cadre de ses activités, l’organisme offre aux jeunes un espace pour développer leurs qualités de citoyens et de leadership afin de leur permettre de s’engager dans la société en utilisant des moyens démocratiques. La participation à des discussions, voire à des débats sur les orientations que devrait prendre l’organisme, par exemple, est un exercice qui permet de développer certaines habiletés relatives à la prise de décisions dans un contexte de délibération où des divergences de points de vue s’expriment.

Il y avait des intérêts divergents, mais nous avons appris à travailler ensemble avec des jeunes venants des horizons différents à force de discuter (e4).
Oui, nous avions beaucoup des débats, souvent les jeunes étaient particulièrement articulés, capables de débattre de leurs idées, les soutenir, les partager. Comparativement aux adultes, ils étaient capables de débattre des questions (e7).
[...] un signe que l’organisme fonctionne normalement : les jeunes faisaient des propositions qui étaient présentées à l’AGA et plus tard ils votaient selon les priorités (e9).
Oui, il y avait des débats, mais on aboutissait toujours à un consensus. Ceux qui présidaient les assemblées délibérantes avaient de compétences pour nous guider dans les décisions (e11).

37 Des participants disent avoir développé des compétences leur permettant de participer à des activités communicationnelles et délibératives lorsque venait le temps de prendre des décisions. Ces compétences ont trait à la prise de parole en public, au respect du point de vue des autres et à l’établissement de consensus lors de délibérations collectives. Certains mentionnent le travail de communication auprès des médias et comme porte-parole de l’organisme. Le fait de devoir défendre un point de vue qui pouvait faire l’objet de critiques a également été source d’apprentissage.

Devenir un acteur social

Une voix à faire entendre

38 L’organisme aura tôt fait de lutter pour faire entendre la voix des jeunes et faire reconnaître la jeunesse acadienne dans la société acadienne et néo-brunswickoise. C’est un objectif présent dès le départ. Au lendemain du ralliement de 1971, il apparaît « urgent de donner aux jeunesses francophones une place de premier plan dans les associations provinciales et un rôle déterminant dans le processus de développement des communautés francophones ».40 À cette fin, il importe pour l’organisme de faire reconnaître les jeunes non pas comme des citoyens de l’avenir, comme une relève, mais comme des citoyens actuels. « Bien, je suis jeune aujourd’hui et je veux vivre en tant que jeune aujourd’hui. […] Nous ne sommes pas les enfants d’hier ni les adultes de demain, nous sommes les jeunes d’aujourd’hui. »41 Cela rejoint les propos de répondants présentés précédemment (e5 et e10).

39 Les militants de l’organisme cherchent à se faire reconnaître auprès des adultes comme des égaux et à montrer qu’ils ont des compétences au même titre que les adultes. Ce positionnement à l’égard des adultes revient à plusieurs reprises dans les discours des anciens militants. Un répondant qui militait récemment dans l’organisme mentionne qu’un défi constant de l’organisme est de « prouver que les jeunes sont autant capables que les adultes » (e11).

40 Les méthodes employées par les jeunes pour faire entendre leur voix évoluent avec les années. Les propos suivants d’un dirigeant des années 1970 illustrent l’approche qui prévalait dans des années : « […] dans le temps [au début de l’organisme], les jeunes avaient un souci d’indépendance. Dès le départ, ils voulaient de la liberté… On était des contestataires, on voulait avoir notre place au soleil » (e3). Par contraste, les propos d’un dirigeant des années 2010 laissent paraître un changement dans les méthodes utilisées :

Nous avons fait du lobbying. Notre plus gros dossier était le vote à 16 ans. Nous avions même influencé les votes de certains députés sur la question. On formait des comités qui allaient présenter des mémoires sur des questions précises au gouvernement. À notre époque, nous considérions très pertinent et impactant le fait d’aller négocier avec les décideurs, autant que de manifester dans les rues. Une grande différence avec la logique du début d’Activités-Jeunesse (e10).

41 Ainsi, l’approche de la contestation a peu à peu cédé la place à une approche qui mise davantage sur le lobbying et les contacts directs avec les décideurs. Si cette approche est moins visible, elle apparaît plus efficace.

Le positionnement de l’organisme

42 L’approche misant sur le lobbying se traduit dans le positionnement de l’organisme, qui a évolué depuis sa création. En 1981, nous pouvons lire ce qui suit dans le mot du président du bilan annuel de 1980–1981 : « [Activités-Jeunesse] n’a toutefois pas la prétention d’être représentative de toute la jeunesse acadienne de cette province. Elle se veut plutôt une association dirigée par des jeunes et rendant service aux jeunes. »42 Lors de l’assemblée générale annuelle (AGA) de 1983–1984, l’organisme décide de promouvoir la « reconnaissance officielle d’Activités-Jeunesse (1980) inc. comme intervenant auprès de la jeunesse acadienne du Nouveau-Brunswick ».43 Dans la constitution de la fédération constituée en société en 1987, on lit que les premiers buts de l’organisme sont : « a) Revendiquer les droits et intérêts de la jeunesse francophone du N.-B.; b) être le porte-parole officiel des jeunes francophones, Acadiens et Acadiennes de la province du N.-B. auprès des différents organismes et instances gouvernementales. » En se présentant comme le « porte-parole officiel des jeunes francophones », l’organisme redéfinit son positionnement dans la communauté acadienne. À ses débuts, l’organisme cherchait davantage à servir, à canaliser et à outiller le mouvement de la jeunesse francophone. Désormais, l’organisme se considère comme porte-parole officiel et comme un défenseur des droits et des intérêts des jeunes. Les propos d’un ancien dirigeant expriment ce changement de positionnement : « […] à l’époque, il s’agissait plus d’un mouvement, mais aujourd’hui, on sent que ça devient plus une structure » (e5).

43 Ce repositionnement en tant que porte-parole officiel des jeunes francophones doit cependant être reconnu par la communauté. Cela apparaît comme un objectif de l’organisme en 1988, comme on peut le lire dans un document de programmation pour l’année 1988–1989. L’organisme mentionne qu’il devra obtenir cette reconnaissance des autres associations, de la communauté francophone et des divers ordres de gouvernement.44

Prendre sa place auprès de ses pairs

44 L’organisme cherche aussi à se faire reconnaître des autres organismes acadiens. Dans son rapport annuel de 1975–1976, l’organisme souligne l’appui qu’il reçoit de la Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick (SANB). « En plus de nous fournir ses services de secrétariat, la S.A.N.B. est sans doute l’organisme qui nous montre le plus son support tant matériellement que financièrement. » (p. 16). L’organisme reconnaît l’importance de demeurer en contact avec l’organisme porte-parole des Acadiens et des Acadiennes.

45 Cependant, en 1976, alors qu’on explore la possibilité de le fusionner avec la SANB, l’organisme jeunesse déplore le « paternalisme » des autres organismes « qui ne donnent une place à la jeunesse que lorsqu’elle peut servir leurs besoins ».45 On peut voir dans cet extrait la volonté qu’Activités-Jeunesse soit mieux reconnu par ses partenaires. Par exemple, Activités-Jeunesse refuse de participer à l’AGA de la SNA en 1987, car elle a lieu en même temps que celle de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) et parce qu’on ne lui accorde qu’une heure sur toute la durée de l’AGA, ce qui lui paraît insuffisant pour aborder les enjeux de la jeunesse.46 En 2000, les organismes jeunesse francophones de l’Atlantique créent la Commission jeunesse de l’Acadie. « [Ces organismes] ressentent le besoin de connaître et de prendre vraiment la place qui leur revient au sein de la Société Nationale de l’Acadie. »47

46 L’organisme parvient progressivement à faire sa place dans la société civile acadienne. Il est invité, par exemple, à participer à des consultations nationales et provinciales. Ainsi, au début des années 1980, l’organisme participe à la Commission royale d’enquête sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, de même qu’au suivi du rapport Vers l’égalité des langues officielles au Nouveau-Brunswick (communément appelé rapport Poirier-Bastarache). Il est actif dans la mobilisation des acteurs acadiens à la suite de la fermeture du quotidien L’Évangéline en 1982. De fait, l’organisme est un promoteur des pratiques de concertation qui se développent dans le milieu communautaire acadien dans les années 1980. Pour un ancien dirigeant dans ces années, l’objectif était de « créer des instances dans la gouvernance de la société avec un élément d’inclusion de la jeunesse » (e5). De fait, l’organisme atteint son objectif : « Nous avons gagné le respect de nous inclure à la table; ce n’était pas parfait, mais bien » (e5). Aujourd’hui, l’organisme est reconnu comme un interlocuteur incontournable dans la société civile acadienne lorsque vient le temps de représenter les jeunes Acadiens et francophones.

La promotion de la gouvernance communautaire

47 Avec les années, l’organisme multiplie ses relations de collaboration avec d’autres organismes. Notons qu’il était affilié à la SNA dès sa création. Il est membre fondateur de la FJCF, qui regroupe les organismes jeunesse du Canada qui se trouvent en contexte francophone minoritaire. L’organisme est membre du Conseil économique du Nouveau-Brunswick et participe activement, en y envoyant plusieurs membres, à l’AGA de la SANB dès les années 1970. Il travaille aussi de près avec le Conseil de promotion et de diffusion de la culture (CPDC), organisme créé en 1971 pour « promouvoir et diffuser la culture acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick ».48 En 1976, de concert avec le CPDC, l’organisme jeunesse déplore le peu de communication, de concertation et de coordination avec la SANB. On réalise une étude de faisabilité et de souhaitabilité d’une fusion entre les trois organismes. Parmi les constats de cette étude, on relève un « dédoublement des tâches de trois organismes travaillant dans le même but, pour le même peuple ».49 Malgré ce dédoublement, on déplore néanmoins que la SANB « ne représente à peu près pas le secteur jeunesse en Acadie ».50 Les avantages d’une telle fusion, selon le CPDC et l’organisme de jeunesse, seraient une meilleure représentativité de la SANB, une influence accrue des organismes, une meilleure coordination de leurs actions, l’assurance d’une relève et une plus grande visibilité pour la SANB. La SANB, qui agit déjà dans trois secteurs, soit l’éducation, la communication et le secteur socioéconomique, agirait désormais dans cinq (5) secteurs en y ajoutant la culture et la jeunesse. Ce projet ne se concrétisera pas, mais cette réflexion révèle que, dès les années 1970, l’organisme jeunesse ressent le besoin de mieux se concerter et de se regrouper avec les autres organismes. La réflexion qui est alors menée contribuera à maintenir les liens avec la SANB : l’organisme jeunesse tient la SANB informée de ses activités. La SANB appuie l’organisme jeunesse dans sa demande au gouvernement provincial d’annuler sa décision de cesser de financer l’organisme en 1979. Dans un plan d’action quinquennal (1978–1983) présenté en 1977, la SANB mentionne la contribution d’Activités-Jeunesse à la réalisation de plusieurs des objectifs. De plus, la SANB y indique que la collaboration entre les organismes est nécessaire pour la mise en œuvre de ce plan.51

48 La fermeture du journal L’Évangéline en 1982 incite plusieurs organismes acadiens à se mobiliser et à se concerter afin de trouver une solution. L’organisme jeunesse prend part de façon active à ces efforts et semble y exercer un certain leadership.52 En 1983, l’organisme jeunesse veut poursuivre les efforts en ce sens et revient à la charge auprès de la SANB en lui demandant de mener une meilleure concertation des organismes acadiens.53 Il souhaite que la SANB tienne une réunion des directeurs généraux de ces organismes.54 Activités-Jeunesse semble avoir été entendu. Dans le plan d’action quinquennal 1984–1989 de la SANB, on peut lire que « … la S.A.N.B. a pour objectif général de réunir les intervenants et, par le biais de forums où le pluralisme est respecté, de favoriser l’émergence d’un leadership collectif par lequel la concertation devient le moteur de l’action ».55

49 L’organisme jeunesse participe donc aux efforts de concertation qui sont menés dans la communauté acadienne. Dans son bilan annuel de 1985–1986, l’organisme dit vouloir élargir ses relations de collaboration avec des organismes francophones. Il est intéressant de noter que, dans ce bilan annuel, le directeur général conclut en soulignant que « cette tendance à la coopération semble de plus en plus acceptée, encouragée et sollicitée ».56

50 La FJFNB siège au Forum de concertation des organismes acadiens du Nouveau-Brunswick, qui se met en place à la fin des années 1980. L’organisme siège par ailleurs à plusieurs comités afin d’élaborer ou de réaliser des projets. Un répondant actif dans l’organisme dans les années 2000 affirme que tous les projets se faisaient en collaboration avec d’autres organismes : « […] nous étions experts de la jeunesse, mais pas des experts pour toutes les thématiques précises. À chaque fois qu’on organisait une thématique, on collaborait avec des organismes qui gravitaient autour du thème en question » (e9).

51 Au début des années 1990, l’organisme recense près d’une dizaine de collaborations avec d’autres organismes. Dans les années 2010, l’organisme siège à plus d’une vingtaine de comités réunissant d’autres organismes, voire plus d’une trentaine dans les années 2012 à 2015.57 Cela reflète les pratiques de collaboration inter-organisationnelle qui se sont développées à mesure que le nombre d’organismes acadiens augmentait.58 L’organisme a donc joué un rôle dans la mise en place d’un mode de gouvernance communautaire59 fondé sur la concertation et la collaboration entre les organismes acadiens et francophones.60

La relation avec les bailleurs de fonds

Le financement de l’organisme

52 À ses débuts, le financement de l’organisme ne semblait pas problématique. Comme le souligne un répondant, « c’était l’époque de l’État-providence marqué par beaucoup de programmes et ressources disponibles » (e1). Mais le financement est devenu assez rapidement problématique, « une question de vie ou de mort, un processus annuel » (e5). Les demandes de financement devaient être « originales » et les bailleurs de fonds devaient faire confiance à la direction générale (e5). Un répondant mentionne que la stratégie consistait à faire des « demandes très solides avec des budgets réalistes » (e9). Cela a permis à l’organisme de se forger une bonne réputation (e9) et de se servir par la suite de cette réputation (e11). Les propos d’un autre répondant révèlent l’importance du lobbying auprès des gouvernements : « […] beaucoup de lobbying, il fallait nourrir et développer nos relations avec le politique, pas seulement en demande de crise ou financement. Grâce à cela, nos budgets ont doublé » (e5).

53 Préparer des demandes de financement qui concilient les aspirations des jeunes et les objectifs des programmes gouvernementaux peut représenter un défi. Un répondant décrit son travail en ce sens : « J’avais chaque année ma grille de bailleurs de fonds. L’une de mes forces était de prendre les recommandations des jeunes et faire un lien avec les bailleurs de fonds soit du Nouveau-Brunswick ou mieux du Canada » (e10). De plus, le fait que les demandes de financement s’appuyaient sur des besoins définis lors des AGA pouvait favoriser leur approbation (e11).

54 Un document de discussion présenté en 1983 dans le cadre d’une réunion extraordinaire sur « La politique fédérale en matière linguistique » montre à quel point les dirigeants et le personnel de l’organisme sont attentifs aux orientations du programme qui le finance et aux changements qui y sont apportés.61 Leur réflexion se situe dans un contexte où un nouveau programme voit le jour, le Programme des communautés de langue officielle (PCLO), en remplacement de la Direction des groupes minoritaires de langue officielle, « qui a permis à notre association de croître depuis cinq (5) ans ».62 Après avoir étudié en détail le nouveau programme, on s’inquiète de ne pas être admissible au financement. On envisage comme stratégie de revaloriser le rôle de l’organisme et de diversifier ses sources de financement, sinon, l’organisme risque « d’être face à un programme de P.C.L.O. qui ne nous réserve aucune place ».63 Cette stratégie répond en fait à une nouvelle attente du programme afin de réduire ses coûts.64 Toutefois, le projet de diversifier ses sources de financement, voire de s’autofinancer n’a pas donné les résultats voulus : « On voulait bien organiser des campagnes de financement, mais notre institution n’avait pas la capacité de développer la philanthropie, qui est un art » (e5). L’organisme, qui cumule un déficit, connaît une baisse de son financement du gouvernement fédéral au milieu des années 1980.

55 Une autre raison qui motive les membres de l’organisme à s’autofinancer est l’indépendance qui en résulterait pour l’organisme : « On voulait mettre en place un projet nous permettant de devenir autosuffisants, devenir autonomes et avoir le plein contrôle de notre message et pas être figés dans nos revendications » (e7). Le financement accordé par le gouvernement canadien semble donc limiter la liberté et l’indépendance de l’organisme lorsque vient le temps pour lui de jouer son rôle de porte-parole.

Les défis résidaient dans le fait qu’au niveau de l’évolution des organismes acadiens, on était des porte-paroles politiques et on devait aussi livrer des services. Ainsi, parfois, il était trop risqué de critiquer des décisions des gouvernements qui nous subventionnent (e9).

56 La restructuration de l’organisme (afin de réduire ses dépenses), une augmentation de son membership65 et une participation accrue des jeunes à ses activités semblent améliorer la relation entre l’organisme et le principal bailleur de fonds.

À mon départ, je me rappelle d’une relation de confiance établie avec les bailleurs de fonds. Cela s’est accru par le fait, d’une part, de la forte participation de jeunes aux activités, ce qui n’était pas le cas au départ, d’autre part, la présence au sein des écoles et le changement du membership (e7).

57 Le financement s’accompagne d’un processus de reddition de comptes qui permet de vérifier si les projets financés donnent des résultats : « La plus grande question était de savoir si nos projets en valaient la chandelle. Les redditions de comptes étaient faites avec un document qui retraçait le taux de participation et de satisfaction pour prouver la pertinence du projet » (e5). Le processus de reddition de comptes deviendra de plus en plus rigoureux, comme le laisse entendre le témoignage suivant : « […] on avait facilement accès aux politiciens et ce n’était pas très rigoureux, une approche différente d’aujourd’hui » (e6).

Les programmes gouvernementaux et le « par et pour » les jeunes

58 À ses débuts, l’organisme était financé en fonction des besoins et de projets définis par les jeunes. Les objectifs des programmes étaient définis largement : « Le programme de financement était assez ouvert en termes d’objectifs. Nous étions les seuls à juger de nos priorités » (e1). Lorsque nous avons demandé si les programmes gouvernementaux pouvaient exercer une influence sur les activités de l’organisme, un répondant est catégorique : « Jamais, jamais, jamais! Il [Le gouvernement fédéral] n’avait pas le droit de se mettre là-dedans, même pas le droit de commentaires » (e3). Un répondant fait tout de même remarquer que le gouvernement pouvait refuser de financer un projet qui ne cadrait pas avec son programme (e4). Un autre répondant va en ce sens en mentionnant que « […] logiquement parlant, par le financement on est orienté. Toutefois, il ne nous est pas arrivé de renoncer à un projet par pression d’un bailleur de fonds et on faisait ce que les jeunes voulaient » (e9). Ainsi, on tente de maintenir le cap sur ce qui a été décidé lors des AGA : « Ils [les bailleurs de fonds] avaient certainement une influence, mais la FJFNB ne se basait pas sur leurs demandes pour réaliser des activités, mais [visait] à atteindre les résultats reliés aux demandes de l’AGA » (e11). Un répondant précise que, « [à] l’époque [années 1980], le gouvernement fédéral était à l’écoute si les jeunes avaient des idées qui suscit[ai]ent l’engagement et l’éveil citoyens » (e5). Un autre répondant mentionne que certains représentants des bailleurs de fonds n’étaient pas toujours sensibles à la dimension linguistique et aux langues officielles. « Nous nous sommes souvent heurtés aux bailleurs de fonds qui n’étaient pas de la logique francophone et qui n’avaient aucun lien avec les langues officielles » (e10). Ce répondant mentionne qu’un bailleur de fonds ne remboursait que l’argent réellement dépensé, « ce qui nous conduisait vers le crédit, que l’on devait rembourser avec intérêt… Un fond mal adapté aux organisations communautaires » (e10). Un répondant qui a été actif plus récemment dans l’organisme affirme que le financement des projets offert en vertu des programmes était parfois conditionnel au respect de conditions qui se sont faites de plus en plus précises : « […] certains bailleurs étaient très exigeants, par exemple pour l’établissement de rapports, des clauses de pourcentage dédié aux ressources humaines souvent, de quotas par rapport au genre ou aux francophiles » (e11).

59 La relation entre l’organisme et le gouvernement canadien fait en sorte que si l’organisme défend le principe du « par et pour », il doit tout de même s’insérer dans les objectifs des programmes fédéraux pour être financé. Autrement dit, il conserve une autonomie dans la définition de ses priorités et l’organisation des projets, mais il s’assure que ses projets reflètent rigoureusement les objectifs visés par les programmes gouvernementaux. C’est là une condition pour se faire financer. L’indépendance de l’organisme s’observe dans les revendications et les demandes qu’il formule, comme le vote à 16 ans, qui est une revendication de l’organisme depuis le début des années 2010. Cependant, l’organisme demeure perméable aux préoccupations du moment au sein de l’appareil gouvernemental et de la société. Par exemple, alors que la question des droits et libertés est un sujet d’actualité politique important dans les années 1970 et 1980, l’organisme est financé par le gouvernement canadien pour mener une réflexion et des discussions collectives sur cette question, afin de sensibiliser les jeunes à leurs droits. Cette réflexion donne lieu à l’élaboration d’une charte des droits et libertés des élèves.

Conclusion

60 Notre étude de cas montre que l’organisme constitue un lieu d’apprentissage pour ses bénévoles et ses employés. En permettant à des jeunes d’exercer un leadership, il a servi d’incubateur pour de nombreux leaders de la communauté acadienne. Mais l’organisme offre surtout un espace qui permet aux jeunes acadiens d’exprimer leurs idées et d’en débattre, d’exprimer leur identité et de développer des compétences à travers des activités de formation sur le leadership, des activités citoyennes et divers projets socioculturels.

61 L’organisme crée plusieurs occasions pour les jeunes francophones de participer à des activités qui favorisent leur conscientisation à des enjeux (sociaux, linguistiques, identitaires, droits des jeunes, etc.) qui les touchent. Pour Allard, Landry et Deveau, qui ont surtout mis l’accent sur la dimension linguistique de l’effet conscientisant de certaines expériences : « Toute expérience qui amène une meilleure compréhension et une plus grande sensibilisation à l’égard de son groupe ethnolinguistique, de sa langue ou de sa culture, peut être assimilée à un vécu ethnolangagier dit conscientisant. »66 De telles expériences tendent à favoriser une forme d’engagement dans la communauté autour des thèmes qui sont abordés dans le cadre des activités de l’organisme, ayant en toile de fond le fait de pouvoir vivre et s’épanouir en français. L’action collective de l’organisme et de ses membres se déploie donc grâce à l’organisation par le personnel d’activités, auxquelles participent de nombreux jeunes. Ce faisant, les jeunes francophones développent des compétences pour agir dans le cadre de l’organisme et plus largement dans la communauté.

62 Nous avons vu que l’action collective de la jeunesse francophone au Nouveau-Brunswick s’est structurée dès ses débuts avec l’aide de l’État canadien. Dans son analyse de la montée de l’Étatprovidence au Canada, Andrew affirme que le financement des groupes de langue officielle en situation minoritaire a créé entre ces groupes « des contacts d’un bout à l’autre du pays et a donc tissé des liens “pan-canadiens” et, bien sûr, des liens avec le gouvernement fédéral ».67 Étant membre de la FJCF, l’organisme est en contact avec les autres organismes jeunesse francophones à l’échelle pancanadienne. Quant à ses liens avec le gouvernement canadien, la relation qui se tisse entre ce dernier et l’organisme jeunesse illustre ce que Fournis constate à l’égard de la société civile des communautés de langue officielle en situation minoritaire : « les communautés ne relèvent plus d’une société civile par définition distincte de l’État, mais sont bien des instruments de politique publique par lesquels l’État exerce une influence effective dans la société ».68 De fait, à l’instar des communautés, l’organisme jeunesse est « une illustration forte d’une dynamique d’institutionnalisation où l’action collective et l’État se renforcent mutuellement ».69 Nous pouvons parler en quelque sorte d’une coconstruction de l’action collective de la jeunesse francophone. Ainsi, même si l’État canadien exerce une influence indéniable sur le développement et l’existence de l’organisme, les jeunes membres jouissent d’une certaine autonomie dans la définition de leurs projets et dans leur organisation. Défendue dès le départ au nom du principe du « par et pour » les jeunes, cette autonomie a pu s’actualiser à mesure que les actions et les réalisations de l’organisme ont montré son savoir-faire en matière organisationnelle, et sa capacité de prendre position sur des enjeux collectifs et d’exercer un leadership dans la société civile acadienne. C’est ce qui a sans doute aidé l’organisme à être reconnu comme un acteur communautaire au même titre que les organismes dirigés par des adultes. Mais, comme nous pouvons le constater, le principe du « par et pour » doit se négocier dans le cadre administratif gouvernemental, qui vient baliser l’autonomie de l’organisme.

63 Nous pouvons nous demander d’ailleurs, et cela serait une piste de recherche à explorer, si cette relation de dépendance financière envers le gouvernement canadien explique pourquoi l’organisme jeunesse n’a pas réussi à élargir son membership auprès des autres groupes jeunesse, sachant que les associations étudiantes par exemple sont plus autonomes financièrement. Le désir de celles-ci de préserver leur autonomie serait une explication possible, mais cela reste à vérifier. Le présent texte de synthèse constitue une première analyse qui mériterait d’être poursuivie et approfondie. Un sondage, des entretiens et/ou des groupes de discussion auprès des membres de l’organisme pourraient compléter notre analyse en permettant de connaître leur sentiment d’appartenance, leurs aspirations, leurs valeurs, leurs inquiétudes et leurs espoirs envers leur avenir et l’avenir de leur communauté. Cette analyse pourrait également nous aider à mieux comprendre leurs expériences dans le cadre des activités organisées par la FJFNB et l’effet de ces expériences sur le plan identitaire, leurs compétences et leur engagement social. Des entretiens auprès d’anciens dirigeants d’autres organismes pourraient nous aider à mieux comprendre le développement de la gouvernance communautaire en contexte acadien. Mais déjà, nous espérons que cette première analyse descriptive offre des pistes pour comprendre la naissance et le développement d’un acteur acadien dans le secteur de la jeunesse.

Éric Forgues a obtenu son doctorat en sociologie à l’Université de Montréal. Depuis 2012, il est le directeur général de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, où il avait été directeur adjoint et chercheur de 2003 à 2012. Ses travaux portent notamment sur le développement des communautés en contexte minoritaire, la gouvernance, la prise en compte de la langue dans l’organisation des services publics, l’engagement linguistique, et, depuis peu, sur les évènements culturels, la mémoire et l’identité en contexte minoritaire.
Notes
1 La présente étude n’aurait pas été possible sans le travail de deux stagiaires et du personnel de la FJFNB. Notre analyse a bénéficié du travail de recension et d’analyse des archives effectué par l’organisme lui-même et par Philippe Volpé dans le cadre d’un stage qu’il a effectué à l’Institut d’études acadiennes. Les entretiens ont été réalisés par Nathalie Namukoma Salibaya dans le cadre d’un stage à l’ICRML qui a été financé en partie par la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick.
2 Il s’agit du code du participant aux entretiens.
3 Joel Belliveau, Le « moment 68 » et la réinvention de l’Acadie, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2014, 362 p.
4 Alan C. Cairns, « The Embedded State: State-Society Relations in Canada », dans Keith Banting (dir.), State and Society: Canada in Comparative Perspective, Royal Commission Research Studies, Toronto, University of Toronto Press for Supply and Services Canada, 1986, vol. 31, p. 55.
5 Ibid., p. 57. Traduction de : « The contemporary state manoeuvres in an ever more extensive policy thicket of its own creation, interacting with a society that is tied to the state by a complex network of benefits, dependent relationships and coercion. »
6 Barry Cooper, « Some Implications of the Embedded State in Canada », dans Gerald Kernerman et Philip Resnick, Insiders and Outsiders: Alan Cairns and the Reshaping of Canadian Citizenship, Vancouver-Toronto, UBC Press, 2005, p. 104–116. Leslie Pal, Interests of State: The Politics of Language, Multiculturalism and Feminism in Canada, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1993, 352 p.
7 Canada, Appui aux langues officielles : Approche du ministère du Patrimoine canadien (1970–2003), Ottawa, Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux, 2006, p. 23.
8 Principes directeurs et Règlements de la Direction de l’action socioculturelle, 1969, p. 7 (référence lue dans René-Jean Ravault, La francophonie clandestine : ou, De l’aide du Secrétariat d’État aux communautés francophones hors-Québec de 1968 à 1976, Ottawa, Université Saint-Paul, 1977, p. 92).
9 Voir entre autres Jacques Hamel, Étude de cas et sciences sociales, Paris, L’Harmattan, 1997, 124 p.
10 Éric Forgues, « La gouvernance de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick », Cahiers du MIMMOC (Mémoire(s), identité(s), marginalité(s) dans le monde occidental contemporain), 2014; Éric Forgues et Ornellia-N.J. Mouyabi Mampoumbou, « Les apprentissages en gouvernance communautaire », dans Linda Cardinal et Éric Forgues, Gouvernance communautaire et innovations au sein de la francophonie néobrunswickoise et ontarienne, Québec, Presses de l’Université Laval, 2015, p. 97–120; Éric Forgues, Le développement économique des communautés francophones en situation minoritaire, Moncton, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, 2008. Rapport de recherche; Éric Forgues, Du conflit au compromis linguistique, Moncton, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, 2007. Rapport de recherche.
11 Un ancien dirigeant a été interviewé deux fois, pour un total de 11 entretiens.
12 Philippe Volpé, À la frontière des mondes : jeunesse étudiante et mouvements d’Action catholique en Acadie de la première moitié du 20e siècle, Ottawa, Université d’Ottawa, 2019a, p. 360. Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales à titre d’exigence partielle en vue de l’obtention du doctorat en histoire.
13 Philippe Volpé montre dans sa thèse que cette aspiration avait déjà commencé à s’exprimer dans les mouvements de la jeunesse catholique. Ibid., p. 203–204.
14 Patrimoine canadien sera créé en 1993 avec la fusion du Secrétariat d’État, du ministère des Communications et du ministère du Multiculturalisme et de la Citoyenneté : Canada, Appui aux langues officielles : Approche du ministère du Patrimoine canadien (1970–2003), Ottawa, 2006, série « Nouvelles perspectives canadiennes ».
15 Historique FJFNB (1971–2001). Document interne.
16 Activités-Jeunesse, Règlements 1982. Document interne.
17 FJFNB, Rapport annuel 1988–1989.
18 Philippe Volpé, La Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick : 50 ans d’actions par et pour les jeunes, 2019b. Rapport présenté à la FJFNB, document interne.
19 L’animation socioculturelle constituait une catégorie d’activités que finançait le Secrétariat d’État.
20 Michel Bock, « “Jeter les bases d’une ‘politique franco-ontarienne” : le Comité franco-ontarien d’enquête culturelle à l’heure des grandes ruptures (1967–1970) », Cahiers Charlevoix, 2012, vol. 9, p. 61–106. Sur Internet : <https://doi.org/10.7202/1039313ar>.
21 Stéphane Savard, « Pour “Une politique globale, précise, cohérente et définitive de développement” : les leaders franco-ontariens et les encadrements politiques fédéraux, 1968-1984, Politique et Sociétés, 2008, vol. 27, nº 1, p. 129–155. Sur Internet : <https://doi.org/10.7202/018050ar>.
22 Rachid Bagaoui et Donald A. Dennie, « Le développement économique communautaire : nouveau départ pour le mouvement associatif franco-ontarien? », Reflets, 1999, vol. 5, nº 1, p. 75–94. Sur Internet : <https://doi.org/10.7202/026250ar>.
23 Plan d’action 1979–1980, Prévisions budgétaires, document interne.
24 Lettre de demande de subvention adressée au Secrétariat d’État, le 3 avril 1974, document interne.
25 Nous indiquons ainsi le code de l’entretien.
26 Animaction. Sur Internet : <https://www.fjfnb.nb.ca/animaction>.
27 Principes directeurs et Règlements de la Direction de l’action socioculturelle, 1969, p. 11 (cité dans Ravault, op. cit., p. 95).
28 Ravault, op. cit., p. 99.
29 Rémi Léger, « De la reconnaissance à l’habilitation de la francophonie canadienne », Francophonies d’Amérique, 2014, nº 37, p. 26. Sur Internet : <https://doi.org/10.7202/1033972ar>.
30 Ibid.
31 Volpé, 2019b, loc. cit.
32 Activités-Jeunesse, Vers une stratégie de l’implication communautaire, mai 1983, p. 5. Rapport du Comité provincial « Maison des jeunes » 1982–1983, document interne.
33 Les liens vers les comptes de l’organisme sur ces médias sociaux sont accessibles sur son site Web <www.fjfnb.nb.ca>.
34 Historique, document interne.
35 De 1981 à 1988, l’organisme produit un « bilan annuel ».
37 Sur Internet : <https://www.acelf.ca/semaine-nationale-francophonie/description.php>. L’article de Selma Zaiane-Ghalia, dans le présent numéro, aborde spécifiquement cette activité.
38 À propos, notre histoire. Sur Internet : <https://www.accrosdelachanson.ca/a-propos>.
39 À propos, notre histoire, Ibid.
40 Ralliement de la jeunesse francophone Nouveau-Brunswick, avril 1971, p. 4. Document interne.
41 Intervention d’un jeune lors du Congrès Coopération-Jeunesse de 1985, dans Mario Nadeau, Racine visite la Charte canadienne des droits et libertés, Activités-Jeunesse inc., 1986.
42 Activités-Jeunesse, Bilan annuel 1980–1981, 1981. Document interne.
43 Historique FJFNB (1971-1991). Document interne.
44 FJFNB, Programmation annuelle, 1988–1989. Document interne.
45 Projet de fusionnement (C.P.D.C.–A.-J.), Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson, fonds 42, SANB, 42.2.8-Administration 1978, Université de Moncton. Document interne.
46 Lettre au secrétaire général de la SNA datée du 29 juin 1987. Document interne.
47 FJFNB, Historique. Document interne.
48 Cet organisme existe toujours sous le nom de Conseil provincial des sociétés culturelles. Extrait de l’historique du Conseil provincial des sociétés culturelles. Sur Internet : <http://www.cpscnb.com/node/23>.
49 Projet de fusionnement (C.P.D.C.–A.-J.), Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson, fonds 42, SANB, 42.2.8-Administration 1978, Université de Moncton. Document interne.
50 Ibid.
51 SANB, Le plan d’action, mai 1977.
52 Bilan annuel 1983–1984. Mot du directeur général.
53 Lettre du 11 octobre 1983 adressée à Aurèle Thériault, signée par Joseph Labelle, directeur général d’Activités-Jeunesse. Document interne.
54 Lettre du 3 octobre 1983 de la SANB en réponse à une lettre antérieure du directeur général d’Activités-Jeunesse.
55 SANB, Pour un nouveau contrat social, Plan d’action 1984–1989, 1984, p. 4. Document de travail.
56 Activités-Jeunesse, Bilan annuel 1985–1986, p. 8.
57 Données recueillies dans les rapports annuels de l’organisme.
58 Sur ce thème, voir nos travaux Éric Forgues et Ornellia N.J. Mouyabi Mampoumbou, op. cit.; Éric Forgues et Sylvain St-Onge, Portrait de la gouvernance des organismes acadiens et francophones au Nouveau-Brunswick, Cahier de recherche, Ottawa, Université d’Ottawa, ARUC Les savoirs de la gouvernance communautaire, 2011.
59 Éric Forgues, « La gouvernance de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick », Cahiers du MIMMOC (Mémoire(s), identité(s), marginalité(s) dans le monde occidental contemporain), 2014. Sur Internet : <https://journals.openedition.org/mimmoc/1558>.
60 Plusieurs travaux ont porté sur la forme récente du modèle de gouvernance communautaire, mais rares sont ceux qui ont analysé la naissance et les débuts des pratiques de collaboration, de concertation et de prise de décisions collective en Acadie; voir cependant Greg Allain, « Fragmentation ou vitalité? Regard sociologique sur l’Acadie actuelle et ses réseaux associatifs », dans Simon Langlois et Jocelyn Létourneau, Aspects de la nouvelle francophonie canadienne, Québec, Presses de l’Université Laval, 2004, p. 231–254.
61 La politique fédérale en matière linguistique, le P.C.L.O. et Activités-Jeunesse, document de discussion présenté à la réunion extraordinaire du personnel d’Activités-Jeunesse, 17 novembre 1983.
62 Ibid .
63 Ibid.
64 Au début des années 1980, le Canada est en récession et veut réduire ses dépenses. Le Programme des communautés de langue officielle est ciblé par les réductions budgétaires du gouvernement fédéral et le Secrétariat d’État encourage la diversification du financement chez les organismes qu’il finance : Daniel Savas, « L’impact des politiques d’aide du Secrétariat d’État sur l’évolution financière de la Fédération des Franco-Colombiens », dans Monique Bournot-Trites, William Bruneau et Robert Roy, Les outils de la francophonie, Vancouver/Winnipeg, Centre d’études franco-canadiennes de l’Ouest, 1988, p. 18–20.
65 Notons que le membership aurait triplé dans les années 1984 et 1985 (Historique FJFNB, 1971–1991, document interne.
66 Réal Allard, Rodrique Landry et Kenneth Deveau, « Conscientisation ethnolangagière et comportement engagé en milieu minoritaire », Francophonies d’Amérique, 2005, nº 20, p. 98. Sur Internet : <https://doi.org/10.7202/1005339ar>.
67 Caroline Andrew, « La politique sociale et la construction du pays », dans Caroline Andrew, Dislocation et permanence. L’invention du Canada au quotidien, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1999, p. 218.
68 Yann Fournis, « L’institutionnalisation des communautés minoritaires au Canada : des communautés politiques aux politiques communautaires? », Politique et Sociétés, vol. 36, nº 3, 2017, p. 109.
69 Ibid., p. 96.