Invited Essay

Taxes et impôts: Changeons le discours!

Jean-Claude Basque

1 Au cours du dernier siècle, le niveau de vie de l’ensemble de la population a augmenté de façon significative. Un des piliers de cet accomplissement a été la mise en place d’un mode de taxation basé en grande partie sur le revenu et la consommation. Cette taxation, tant fédérale que provinciale qui s’applique aux entreprises et aux individus, nous a donné les ressources économiques nécessaires pour développer des services publics et des protections pour l’ensemble de la population.

2 C’est grâce à ce système de taxation que nous avons présentement un système national de santé publique, l’aide sociale, l’éducation primaire et secondaire gratuite, le Régime de pension du Canada, des programmes comme l’assurance-chômage, la protection contre les accidentés de travail, la sécurité de la vieillesse, l’allocation canadienne pour enfants, le logement social et j’en passe.

3 Ce même système de taxation permet de mettre en place une panoplie de services publics qui profite directement aux citoyens. Selon le document : Canada’s Quiet Bargain : The Benefits of Public Spending du Centre canadien des politiques alternatives,1 les bienfaits des services publics sont responsables pour au moins 50% du revenu total de deux tiers des ménages canadiens. Pour les ménages ayant un revenu médian, les bienfaits des services publics seraient de près de 63% de leur revenu total. C’est un accomplissement énorme.

4 Toutefois, il y a toujours eu des groupes dans notre société qui demandent à réduire la proportion de leur contribution financière au trésor public, ce qui nuirait grandement à l’amélioration des conditions sociales de l’ensemble de la population. Cette opposition semble prendre de l’ampleur depuis un certain nombre d’années.

5 La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante est certainement l’un de ces groupes.

6 Dans un article du Financial Post, signé par Don Kelly, le président et directeur général soutient:

For nearly the entire 48-year history of the Canadian Federation of Independent Business, small business owners have ranked lowering the total tax burden as their No. 1 priority. Many owners of small firms report their success, expansion, innovation and opportunity for job creation are restrained by the new and existing forms of taxes that many governments are introducing or raising.2

7 Pourtant, lorsqu’on consulte les données de Statistique Canada pour le Nouveau-Brunswick, le nombre de salariés dans les petites entreprises (moins de 99 employés) a augmenté de 6 297 salariés entre 2001– 2018 et non diminué (Annexe 1). Cet argument ne tient donc pas la route.

8 Personnellement, j’ai un point de vue très différent de celui de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et des autres porte-paroles des employeurs qui demandent une réduction de leur contribution financière à l’État. Je crois fermement que les taxes et les impôts qu’on paie collectivement sont la clé du bon fonctionnement de notre société et permettent, tant aux entreprises qu’aux citoyens, d’avoir des services et des programmes publics qui aident à la prospérité de la province et de ses citoyens.

9 Pour appuyer mon propos, je voudrais souligner certains bienfaits sociaux de cette contribution financière des citoyens et des entreprises.

10 Au Nouveau-Brunswick, nos taxes et nos impôts défraient les coûts de notre système de santé. En effet, c’est grâce au revenu des taxes et des impôts que nous avons un nombre important de cliniques et d’hôpitaux disséminés de façon stratégique partout dans la province et que sont payés les salaires des médecins, des infirmières et du personnel de soutien qui les accompagnent dans leur travail. Il en est de même pour le coût de toutes les analyses ordonnées par les médecins, qu’il s’agisse d’un bilan sanguin ou d’investigations plus coûteuses comme le tomodensitogramme ou l’IRM. Ce revenu assure aussi l’immunisation de nos enfants. Il défraie les coûts pour le service d’ambulances qui nous transportent à l’hôpital en cas de maladie ou d’accident. C’est encore ce revenu qui permet d’avoir un Programme d’obtention d’organes et de tissus du N.-B., un Programme de santé périnatale du N.-B., un Centre de cardiologie du N.-B. à l’Hôpital régional de Saint-Jean, un Centre de réadaptation Stan Cassidy, et j’en passe. De plus, à l’heure actuelle, tous ces services et d’autres encore nous sont offerts gratuitement, et oui, parce que nous payons des taxes et des impôts.

11 Au Nouveau-Brunswick, un système d’éducation entièrement financé par nos taxes et nos impôts permet à nos enfants de recevoir une éducation gratuite, de la maternelle à la douzième année dans des écoles publiques. Ce revenu permet de payer les enseignants, les aide-enseignants, les spécialistes et autres professionnels qui œuvrent auprès de nos enfants. Il paie le personnel de soutien qui assure la bonne marche de nos écoles partout dans la province. Il permet de défrayer le coût des autobus scolaires et le salaire des conducteurs qui assurent le transport de nos enfants de la maison à l’école. Ce revenu subventionne des places en garderie pour aider financièrement les parents et permet d’avoir des programmes dans les deux langues officielles. Il subventionne les collèges communautaires et les universités et offre un soutien financier aux étudiants à faible revenu. Et tout ça, tous ces services, sont gratuits aujourd’hui, parce que nous payons des taxes et des impôts.

12 Au Nouveau-Brunswick, nos taxes et nos impôts nous procurent un réseau routier qui couvre toute la province. Ces routes sont déneigées l’hiver et entretenues à l’année. Les esprits critiques s’en plaignent, parfois avec raison, mais il reste qu’on peut parcourir ces routes aujourd’hui et se rendre, sans poste de péage, n’importe où dans la province, et oui, parce que nous payons des taxes et des impôts.

13 Au Nouveau-Brunswick, nos taxes et nos impôts financent notre système de justice. Le revenu des taxes et des impôts va aux palais de justice, aux prisons et aux divers services tels que les poursuites pénales, le Cabinet du procureur général et le Bureau de l’intervenant public. Il permet de rémunérer les juges, les procureurs de la Couronne, les policiers, les shérifs et les gardiens, tous chargés d’assurer la protection des citoyens et de veiller à ce que justice soit rendue. Et tout cela, nous l’avons gratuitement, parce qu’encore une fois, eh oui, nous payons des taxes et des impôts.

14 Au Nouveau-Brunswick, ce sont nos taxes et nos impôts qui font en sorte que nous avons des logements sociaux, du soutien financier et des programmes pour venir en aide aux plus démunis de notre société et ceci, parce que nous avons des taxes et des impôts.

15 Au Nouveau-Brunswick, ce sont aussi nos taxes et nos impôts qui défraient les coûts pour la sécurité publique et pour l’Organisation des mesures d’urgence. Ce sont ces mêmes argents qui nous permettent de gérer des secteurs comme l’agriculture, la pêche, le tourisme, la protection de l’environnement, pour ne nommer que ceux-là. Cet argent assure aussi l’entretien de tous les immeubles provinciaux à travers la province. Et oui, nous profitons de tous ces services parce que nous payons des taxes et des impôts.

16 Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement accorde chaque année des millions de dollars pour le développement économique en fournissant une aide financière ou des services aux entreprises, grâce à la Société de développement régional, le Conseil de développement régional, le Fonds de développement économique et d’innovation pour la région de Miramichi et celui pour le nord du N.-B. De plus, au niveau fédéral, nous avons aussi des programmes similaires qui transfèrent des milliards de dollars du secteur public au secteur privé. Dans un document de recherche de la School of Public Policy Publications of the University of Calgary, on peut lire :

The federal government and the four largest provinces in Canada spend about $29 billion a year on business subsidies, delivered through program spending, the tax system, government business enterprises and direct investments by government. These subsidies represent almost half of the corporate income tax revenue collected by the five jurisdictions.3

Le monde des affaires semble oublier que cette aide provient encore une fois de nos taxes et nos impôts.

17 Alors, quand je lis ou j’entends dire que nous payons trop en taxes et en impôts, ça m’énerve. Ça m’énerve parce qu’on ne dit jamais ce qu’on reçoit en échange de cette contribution financière. Ce qu’on reçoit c’est une société où il fait bon vivre, une société où les gens sont plus égaux qu’à bien d’autres endroits sur la terre parce que justement, nous partageons collectivement le fardeau de nous prendre soin les uns les autres. Personnellement, je n’aimerais pas vivre autrement et c’est sans doute pareil pour vous.

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Jean-Claude Basque, un activiste syndical et social, est présentement coordonnateur provincial bénévole du Front commun pour la justice sociale du Nouveau-Brunswick.

Annexe

Annexe 1. Emploi pour l’ensemble des salariés selon la taille d’entreprise, données annuelles, 2001 à 2018. Nouveau-Brunswick.

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