Le présent article met en évidence les particularités du nouveau flux d’immigrants français et belges qui choisissent le Nouveau-Brunswick comme terre d’accueil. Ces nouveaux arrivants remettent en cause la prévalence du facteur économique comme motif de départ volontaire des migrants. Ils ont quitté des emplois bien rémunérés et sont à la recherche d’une qualité de vie qu’ils pensent trouver dans les petites villes paisibles, sécuritaires et propices à la vie familiale de notre province. Toutefois, au fil du temps, incapables de vivre indéfiniment de leurs économies, ils doivent faire face à la réalité : trouver un emploi de qualité qui correspond à leurs diplômes et compétences et préserver l’unité de leurs familles.
This article sheds light on the particularities of the new influx of immigrants arriving to New Brunswick from France and Belgium. These recent arrivals are calling into question the idea that migrants leave their country primarily for economic reasons. Although they previously held well-paid jobs in Europe, they chose to relocate to the calm, safe and family-friendly small cities of our province where they expect a better lifestyle. Over time, however, they are forced to face the fact that they cannot survive indefinitely on their savings. They must find suitable employment that corresponds to their qualifications and diplomas, and thereby maintain their family unity.
1 Depuis le début de la décennie 2010, nous notons l’engouement d’immigrants français et belges francophones pour s’installer au Nouveau-Brunswick, notamment dans la région du Grand Moncton. Les motivations et le rationnel qui consignent ces derniers aux profils migratoires atypiques posent plusieurs défis théoriques. Ils remettent en cause la prévalence de recherche d’emplois ou de revenus élevés comme motifs d’émigration/immigration. Ces mêmes facteurs ont été mis en évidence, de façon plus ou moins implicite, par des spécialistes des dynamiques migratoires en provenance de diverses disciplines (économie, sociologie, géographie, démographie, psychologie, etc.).
2 Cet article est issu d’une série d’entrevues semi-dirigées avec neuf immigrants français et sept immigrants belges. Du point de vue méthodologique, le Grand Moncton a été notre lieu d’enquête témoin2. Nous y avons mené la plupart des entrevues (13). Les villes de Bathurst (deux entrevues) et Saint-Jean (une entrevue) ont été considérées à titre contrastif afin de faire ressortir, s’il y a lieu, des régularités et variations parmi les caractéristiques sociodémographiques des immigrants qui ont fait partie de l’étude. Les interviewés3 ont été contactés grâce à une Française et un Belge qui représentent des nœuds de réseaux4 dans leurs communautés respectives et qui travaillent à l’Université de Moncton. Ils sont très impliqués dans les associations française et belge du Grand Moncton et ils sont en contact avec les nouveaux arrivants et immigrants potentiels de leur pays d’origine respectif. Les questions posées portaient sur les statuts socioéconomiques des interviewés, leurs parcours migratoires, les motivations de leur départ, leur choix du Nouveau-Brunswick comme province d’établissement, leur rapport à l’emploi et leurs stratégies d’insertion dans le marché local du travail.
3 De façon paradoxale, ces immigrants ont les mêmes caractéristiques sociodémographiques et professionnelles : ils sont âgés entre 34-64 ans. Plus précisément, l’âge médian des participants à cette étude est de 39 ans. Ils arrivent en famille (enfants et conjoints) avec au moins un enfant d’âge scolaire et au plus, quatre enfants. Ils partagent un rejet commun des grandes métropoles canadiennes (Montréal- Toronto-Vancouver) et ils valorisent la vie familiale et le temps consacré aux enfants. Quoique francophones, ils considèrent le français et l’anglais comme des outils, voire des capitaux linguistiques et ils tiennent à ce que leurs enfants deviennent bilingues5. Le dernier point commun à tous ces immigrants : les facteurs répulsifs qui les amènent à quitter la France ou la Belgique ne sont pas économiques. Ils étaient bien insérés professionnellement dans le marché primaire du travail6 ouest- européen grâce à leurs études. De plus, un bon nombre parmi eux, avaient atteint des échelons économiques de carrière qui dépassaient 100 000$ par an. Leurs attentes, qu’ils qualifient eux-mêmes de réalistes, sont basses par rapport au marché du travail monctonien. Toutefois, ils sont motivés à recommencer leur vie dans un endroit paisible et bucolique.
4 L’objectif de cet article est double7 : 1) démontrer en quoi l’immigration récente de Français et de Belges au Nouveau-Brunswick et plus spécifiquement dans le Grand Moncton constitue un défi, voire une remise en cause du rationnel économique et matériel de la migration (recherche d’emplois, recherche de salaires plus élevés, calcul coûts/bénéfices) et 2) mettre en évidence de nouveaux facteurs répulsifs et attractifs comme fondement de l’immigration d’une classe moyenne européenne « aisée » qui est motivée d’immigrer dans les Maritimes pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’argent.
5 Pour atteindre notre objectif, cet article est structuré en trois parties : dans un premier temps, il s’agit de rappeler la prédominance d’une recherche de gains économico-matériels (emplois, salaires, meilleur niveau de vie, etc.) comme motif ou facteur d’émigration/d’immigration. Ce facteur fait partie de la littérature sur les dynamiques migratoires et sa minimisation selon les profils sociodémographiques d’immigrants Français et Belges au Nouveau-Brunswick. Nous verrons ensuite les motivations de leur immigration pour enfin restituer leurs attitudes et les stratégies d’adaptation dans nos villes rurales.
6 Ravenstein (1889) a été le premier à vouloir mettre en évidence les « lois » de fonctionnement des dynamiques migratoires. Son célèbre article d’inspiration positiviste part de constats empiriques quantitatifs8. En effet, il avance des généralisations qui seraient valables pour tous les contextes migratoires. Ces « lois » considérées comme des régularités regroupent des facteurs de mobilité en tant que tels, mais aussi comme des constantes observées dans les flux migratoires. Ces constantes ont été largement commentées et réinterprétées par des auteurs comme Everett Lee (1966) à la lumière des nouvelles connaissances émises sur les migrations. Elles sont toujours actuelles et pertinentes, malgré une augmentation substantielle des flux migratoires internes et internationaux dans le contexte de la mondialisation. Des auteurs en provenance de disciplines telles l’économie, la psychologie ou la démographie ont voulu mettre en évidence d’autres régularités des dynamiques migratoires en s’appuyant sur des perspectives spécifiques à leurs disciplines.
7 Parmi les régularités les plus souvent identifiées, nous notons la recherche d’emplois, les salaires élevés, la distance entre les migrants et leurs destinations, l’existence de courants et contre-courants migratoires, le rôle et l’importance des réseaux pour la migration, la psychologie individuelle (propension de certains individus à prendre des risques et à migrer), les caractéristiques sociodémographiques des migrants (âge, statut matrimonial, etc.) et leur milieu de vie (les habitants de milieux urbains migreraient moins que ceux des milieux ruraux).
8 Une lecture attentive et critique des régularités diverses permet d’en dégager une constante : la prédominance du facteur économique comme dénominateur commun, plus ou moins explicite, pour déclencher les migrations peu importe le facteur considéré, l’échelle d’analyse retenue (macro, micro ou méso) ou la discipline considérée (géographie, sociologie, démographie, économie, etc.). Cette lecture permet donc de regrouper les régularités de la mobilité en deux catégories : les régularités économiques implicites et les régularités économiques explicites.
9 Ces régularités économiques implicites se réfèrent à la distance, à l’existence de contre- courants migratoires, aux caractéristiques sociodémographiques des migrants, ainsi qu’à leur personnalité. Elles sont implicites dans la mesure où les constantes mentionnées comportent une forte dimension économico-matérielle sous-jacente (recherche d’emplois, de salaires plus élevés, un meilleur mode de vie, etc.).
10 Parmi ces constantes, la distance est le premier élément identifié par Ravenstein (1889) qui établit un lien entre la distance parcourue par les migrants et leur lieu de destination. Selon Ravenstein, les migrants franchissent de longues distances pour se diriger de préférence, vers les grands centres commerciaux et industriels et non vers les milieux ruraux puisqu’ils sont attirés par les emplois disponibles. Aussi, la distance ne serait qu’une expression spatiale du facteur économique puisque les migrants voyagent de longues distances. En effet, ils prévoient des chances de réussir l’insertion dans le marché du travail en se dirigeant vers des grandes métropoles où les offres d’emplois sont importantes et diversifiées. Très tôt dans ses recherches Ravenstein (1889) avait identifié la présence du facteur économique comme principal motif de départ:
11 Cette régularité spatiale a été mise à jour et « réactualisée » de manière plus explicite par Stouffer (1940) qui établit les liens avec le facteur économique en soulignant les opportunités intermédiaires susceptibles de modifier les trajectoires des migrants et leurs choix de lieu d’accueil. Pour Stouffer, les facteurs attractifs et répulsifs à l’origine des dynamiques migratoires s’avèrent insuffisants pour expliquer la distribution géographique des migrants. Selon lui, toute migration serait le résultat d’un arbitrage entre les opportunités offertes par les régions de départs et les régions potentielles d’immigration.
12 Stouffer (1940) considère que ces opportunités sont essentiellement économiques. Les individus considérés rationnels migrent vers les régions où les opportunités économiques sont les meilleures (emplois, salaires élevés, meilleur niveau de vie, etc.). L’auteur innove cependant, en formulant la théorie d’opportunités intermédiaires : le constat selon lequel une grande distance entre l’espace de départ et l’espace d’arrivée peut entraîner le choix, par les migrants potentiels, de s’installer entre deux espaces (situés entre les régions de départ et d’arrivée). Ils y trouvent des opportunités économiques accessibles, quoique moins visibles pour la majorité des migrants qui se dirigent vers les grands centres urbains plus connus.
13 Le facteur économique à l’origine du contre-courant migratoire. Une autre régularité mise en évidence par Ravenstein (1889) est l’existence d’un contre-courant migratoire engendré par n’importe quel courant migratoire important. Ce contre-courant s’explique par des raisons essentiellement économiques. Des migrants, après avoir accumulé des capitaux de connaissances et d’expérience, peuvent ainsi retourner dans leur pays d’origine pour se lancer en affaires, développer de nouveaux secteurs économiques ou proposer leurs compétences rares et recherchées à des entreprises sur place (c’est le cas d’étudiants étrangers qui retournent dans leur pays d’origine).
14 Les caractéristiques sociodémographiques des migrants. Certains auteurs insistent sur les caractéristiques sociodémographiques des migrants ou des migrants potentiels (âge, statut matrimonial, etc.). Lorsque c’est le cas, ces caractéristiques sont toujours associées au facteur économique. Pour Michael S. Teitelbaum (2008), les migrants sont généralement de jeunes adultes en début de carrière professionnelle ou à la recherche d’un emploi, donc plus mobiles puisqu’ils n’ont pas encore fondé de famille.
15 Ce surcroît de mobilité observé dans plusieurs contextes chez les jeunes de 18 à 30 ans et surtout dans les pays en voie de développement s’expliquerait par la combinaison de l’âge avec des variables telles que la rareté de l’emploi, la non-concordance entre les systèmes d’enseignement et de formation et avec les emplois disponibles sur le marché du travail. Un autre facteur favorisant la mobilité des jeunes est leur quête de transition au statut d’adulte dans le sens sociologique du terme9.
16 Ce surcroît de mobilité des jeunes répond évidemment à une demande de main-d’œuvre des sociétés d’accueil et aux marchés du travail souvent très segmentés. Ainsi, les jeunes, souvent venus de pays en voie de développement, occupent des postes du marché secondaire du travail (Piore 1979), où ils peuvent s’insérer sans disposer, au préalable, d’une formation spécialisée (agriculture, usine de fabrication ou de transformation de produits divers, services à la personne, etc.).
17 Quand la psychologie sociale entre en jeu. Paradoxalement10 le déterminisme économique est présent, en filigrane, dans les travaux des psychologues sociaux qui se sont intéressés aux dynamiques migratoires à l’échelle individuelle. Un tel déterminisme est présent à la fois dans l’analyse des conditions objectives d’existence des migrants potentiels, selon leurs motivations et aussi dans la description et l’analyse du processus décisionnel de migrer.
18 Étienne Piquet (2013) précise que selon les conditions économiques de vie « […] c’est pendant longtemps le deficiency model qui a prévalu. Ce dernier postule que les personnes qui prennent la décision de migrer ont moins de ressources personnelles et sociales que le reste de la population, sont mal adaptées et souffrent de leur position sociale dans leur pays. » (Piquet 148) Une telle conclusion a été invalidée par des recherches ultérieures démontrant que les potentiels économiques des migrants de la mondialisation ont, en général, plus de ressources que les non-migrants grâce à un cumul de capitaux financiers, sociaux (réseaux de relations) et culturels (formations, diplômes, expérience professionnelle). Ce cumul leur assurerait une sélection positive dans les marchés du travail des pays de destination (Chiswick 2008).
19 Bonka Boneva et ali. (1998) ont étudié les motivations des migrants et non migrants. En s’inspirant de David McClelland (1961) ils postulent que la motivation humaine est basée sur des objectifs de réussite, de pouvoir ou d’affiliation. Ils concluent que dans un contexte sociétal donné, la différence fondamentale entre migrants et non migrants est que les premiers ont un désir plus élevé de réussite et d’acquisition de pouvoirs que les derniers dont le désir d’affiliation exerce un poids prépondérant qui les empêche de quitter leurs proches pour se lancer dans l’aventure migratoire.
20 Des psychologues sociaux plus contemporains comme Eugene Tartakovsky et Shahom H. Schwartz (2001) ont identifié trois motivations d’émigrer : la préservation (recherche de sécurité), le développement personnel et le matérialisme (amélioration financière). Ils précisent toutefois, que ces motivations sont des conditions explicatives nécessaires, mais non suffisantes du passage à l’acte d’émigrer. Les valeurs et la personnalité des individus interviennent aussi pour favoriser ou décourager les migrants potentiels.
21 D’autres psychologues qui se sont penchés sur le processus décisionnel d’émigrer stipulent que le processus se forme en fonction des attentes et des valeurs de l’acte migratoire. Gordon F. De Jong et James T. Fawcet (1981) relèvent sept catégories d’attente menant à la prise de décision migratoire : la richesse, le statut, le confort, la stimulation (avoir des activités plaisantes), l’autonomie, l’affiliation (rejoindre d’autres personnes) et la moralité (croire à une bonne manière de vivre). Selon ces auteurs, d’autres facteurs interviennent également dans la décision ou non de migrer, notamment les traits de personnalités des individus (la propension de certains à prendre plus de risques que d’autres), la structure des opportunités dans les pays d’accueil potentiels et enfin, les valeurs sociétales de la société de référence qui peut avoir une conception positive ou négative de l’émigration.
22 D’autres auteurs ont tenté de formuler des théories sur les dynamiques migratoires dans lesquelles apparaissent, de manière plus explicite, les facteurs économiques à l’origine des flux migratoires. Pour les économistes néoclassiques12, la régularité fondamentale qui émerge dans l’étude des dynamiques migratoires est le calcul économique rationnel des salaires que font les migrants (et non-migrants) en vue de leur insertion dans le marché du travail. Les individus qui font partie de ce courant sont considérés avant tout comme des travailleurs/calculateurs rationnels. Ils migrent pour des raisons essentiellement économiques et leur migration ne serait rien d’autre qu’un mécanisme de redistribution du travail (Sjaastad 1962; Harris et Todaro 1970; Todaro 1976).
23 Pour les néoclassiques également, les migrants se dirigent vers les pays ou régions dont le rapport travail/capital est bas, les salaires élevés, leurs compétences reconnues et mieux rémunérées. Ainsi, leur décision de migrer se base sur le calcul coût/bénéfice et rendement de la migration, en autres mots, la différence entre les gains attendus dans le pays d’arrivée et les gains attendus dans le pays de départ.
24 La théorie de la nouvelle économie des migrations13, met en évidence des régularités reliées aux caractéristiques familiales des migrants et leur âge. Ici, l’unité d’analyse est le ménage à revenu moyen (ni assez riche, ni assez pauvre) qui cherche à minimiser ses risques et maximiser ses opportunités en envoyant en migration certains de ses membres. Leur but est de diversifier les sources de revenus sans dépendre exclusivement du marché local du travail. De toute évidence, on envoie en migration des jeunes membres de la famille capables de vendre leur force de travail aux employeurs potentiels. Leurs remises permettent alors aux familles qu’ils ont quittées de vivre de façon décente voire de se lancer dans l’entrepreneuriat.
25 Des économistes du travail, comme Michaël Piore (1979), qui ont centré davantage leurs analyses sur la structure du marché du travail des pays d’immigration, soulignent l’existence d’un double marché du travail. En effet, le marché primaire du travail offre des emplois bien rémunérés, stables avec des protections sociales non négligeables. Les employés sont souvent des nationaux. Dans le marché secondaire du travail cependant, l’ensemble des emplois est souvent dénommé le three D : dirty, dusty and dangerous (crasseux, poussiéreux et dangereux). Si les nationaux n’en veulent pas, des immigrants y sont dirigés. Les salaires sont bas, quoique supérieurs à ceux gagnés par les migrants pour un travail similaire dans leurs pays d’origine. Selon cette lecture, les flux migratoires perdurent en raison du manque de main-d’œuvre dans le second marché du travail.
26 Ces régularités toujours d’actualité mettent l’accent de manière plus ou moins explicite sur la prédominance du facteur économique comme motif d’émigration/immigration. La plupart des études qui portent sur les dynamiques migratoires confirment leur pertinence. Toutefois, nous nous sommes intéressés aux immigrants français et belges selon leurs profils et leurs choix de destination. Ces facteurs remettent en cause les régularités identifiées par la plupart des chercheurs, notamment la prédominance du facteur économique comme motif de départ et le choix du lieu d’installation.
27 Une des premières évidences remises en cause est le choix de destination : Bathurst14, Saint- Jean15 et principalement Moncton16, sont des villes de taille moyenne éloignées des trois principales métropoles canadiennes (Montréal-Toronto-Vancouver) qui attirent environ 80% des migrants internationaux au pays. Or, les immigrants de la France et de la Belgique n’empruntent pas les « autoroutes migratoires » qui mènent aux marchés du travail plus larges et diversifiés des grands centres urbains. Au contraire : ils éprouvent une certaine aversion pour la grande ville; un rejet imprévu à priori. La plupart d’entre eux ont envisagé de s’y installer puis ils y ont renoncé selon les attentes qui font l’objet de notre article.
28 Pour ces migrants, les espaces ruraux et les villes rurales moyennes du Nouveau-Brunswick offrent à la fois un mode de vie différent, une densité de population et un environnement bucolique moins stressants. Ces territoires offrent l’accès réel aux zones naturelles où ils peuvent élever leurs enfants tout en évitant le stress d’une organisation urbaine hors de leurs schémas mentaux17. Sylvie18, une, secrétaire administrative française à l’Université de Moncton, est âgée de 40 ans et a immigré dans le Grand Moncton avec son conjoint et sa fille de 13 ans en août 2015 affirme :
29 Christine, une Française qui habitait d’Annecy (74 000 habitants) et qui a immigré à Moncton en décembre 2015 avec son conjoint et ses trois enfants (neuf ans, cinq ans et trois ans), abonde dans le même sens :
30 Monique (41 ans) une Belge venue de Liège explique son choix et celui de son conjoint avec leurs trois enfants (neuf ans, six ans et deux ans) de s’établir à Moncton :
31 Dans les cas de Sylvie, Christine et Monique, le point commun est le souhait de recréer plus ou moins la tranquillité et le calme de la vie en campagne qu’elles auraient connue en France et en Belgique dans leur tendre jeunesse19. Toutes les trois ont immigré avec leur conjoint et leurs enfants d’âge scolaire et elles ont comme objectif de vivre dans un environnement calme et sécuritaire.
32 Le choix de Moncton s’explique aussi par une certaine nostalgie que nous retrouvons dans les propos de Jacques, le conjoint de Monique :
33 Les immigrants français et belges que nous avons rencontrés partagent une autre caractéristique : ils étaient bien insérés professionnellement dans leur pays d’origine grâce aux capitaux culturels qu’ils avaient acquis aux universités ou institutions de formation professionnelle post secondaires. Ni le motif économique, ni le chômage n’est la raison principale de leur émigration. Jacques décrit son parcours scolaire et professionnel ainsi :
34 Quant à Monique, la conjointe de Jacques, elle a eu une riche carrière en Belgique dans le domaine de la santé :
35 Marie, une Française âgée de 35 ans et originaire de Grenoble est installée à Moncton depuis décembre 2015 avec son conjoint et leurs deux enfants (sept ans et quatre ans). Elle est titulaire d’un Brevet de Technicien Supérieur (BTS) en commerce international et elle a détenu un poste en marketing-communication chez de très grandes entreprises suisses. Selon elle :
36 Ces immigrants français et belges arrivés récemment à Moncton défient donc les régularités migratoires souvent identifiées par les auteurs. Ils ne sont pas jeunes. Ils auraient dû aspirer logiquement à la stabilité résidentielle puisqu’ils occupaient des postes permanents et bien rémunérés, donc bien insérés dans le marché primaire du travail européen. De plus, le fait d’avoir des enfants d’âge scolaire aurait dû constituer un facteur supplémentaire servant à bloquer leur mobilité. Au contraire, un désir de vivre autre chose jumelé au stress environnemental perçu semble pousser ces Français et Belges vers le Nouveau-Brunswick et plus spécifiquement à Moncton.
37 Le premier motif de départ vers le Canada évoqué par certains immigrants atypiques est le désir de sortir des « sentiers battus » et vivre autre chose que les simples routines de l’environnement quotidien. Pour bon nombre d’entre eux, il s’agit d’une quête de sens, par rapport à l’emploi et l’intégration sociale dont ils ne perçoivent plus la valeur ajoutée au bien commun. Dans les propos des interviewés, il transparaît parfois un désir de sortir de la zone de confort. De ce fait, Marie expose le principal motif de son départ vers le Canada avec son conjoint et leurs enfants :
38 Les migrants sont souvent incompris par leur entourage et leurs proches. Ce goût de l’aventure génère parfois des malentendus, des sentiments d’abandon et de ruptures dans leur famille, comme le souligne Anna, une Française originaire de La Rochelle :
On retrouve le même goût de l’aventure chez Jacques et sa conjointe Monique :
39 Toutefois, le goût de l’aventure hors des sentiers battus est souvent associé à un stress environnemental plus ou moins intense qui sert de motif de départ vers le Nouveau-Brunswick. Plusieurs facteurs répulsifs qui agissent comme des « stresseurs » sont cités par nos interviewés (l’insécurité, l’injustice fiscale, les valeurs et le rejet des professionnels de la politique et leurs programmes). Corollairement, ils expriment un attrait pour les « valeurs canadiennes » qu’ils jugent inclusives et communautaires. Ils partagent ces valeurs et désirent les transmettre à leurs enfants.
40 Si l’insécurité est souvent évoquée comme motif de départ, on doit préciser qu’il s’agit plutôt du sentiment d’insécurité. Il découle d’un ensemble de perceptions subjectives et collectives qui sont partagées par un certain nombre d’individus. Par contre, loin de refléter une réalité objective, le sentiment d’insécurité contribue à la construction et à la réalisation d’une réalité perçue ou représentée (ici la réalité insécure) et qui entraîne des conséquences réelles (l’émigration, par exemple). Il pourrait donc être ici question du processus social que Merton (1965) désignait par la notion de « prophétie créatrice ».
41 Les immigrants français et belges évoquent souvent la prévalence d’actes terroristes20, d’actes criminels « communs », ainsi que des actes de violence ordinaire entre individus, comme les raisons de l’insécurité de leur environnement. Monique offre la perception suivante du degré d’insécurité dans son environnement :
Jacques, abonde dans le même sens :
Noëlle, une Française qui était professeur de sport et maître en natation en région parisienne ressentait l’insécurité surtout en milieu de travail :
42 Ce sont surtout les immigrants de la France qui se plaignent de l’injustice fiscale. Ils se considèrent des membres de la classe moyenne victimes d’une surtaxation par l’État au profit des familles de classes populaires qui, selon eux, valorisent moins le travail et l’éducation des enfants. Arrivé à Moncton en janvier 2014, Guy, originaire de Besançon, affirme :
43 Il faut préciser que le sentiment d’injustice fiscale est assez répandu chez les immigrants français que nous avons rencontrés lors de recherches précédentes. Des entrepreneurs français rencontrés dans la région du Grand Moncton l’évoquent également comme motif d’émigration puisque pour eux, la surtaxation asphyxie les petites entreprises existantes et décourage la création de nouvelles entreprises. Notons que les médias français, souvent de droite, transmettent ce sentiment d’injustice fiscale éprouvé surtout par certains riches. Ils paient l’impôt sur leur fortune et dénoncent cette mesure considérée une extorsion qui pousse à l’exil fiscal certaines personnalités du milieu artistique ou des affaires21.
44 Parfois, les motifs d’émigration peuvent se situer dans un point de vue axiologique. C’est le cas de Rahma, une Franco-Libanaise qui se définit comme une progressiste, donc ouverte à la diversité ethnoculturelle. Malgré un emploi bien rémunéré au sein d’une entreprise américaine spécialisée dans le domaine de l’édition, elle a décidé de quitter la région parisienne avec son conjoint et ses deux enfants pour le Québec d’abord, puis le Nouveau-Brunswick.
45 Cette catégorie d’immigrants franco-belges est composée d’individus qui sont tous bien insérés professionnellement dans les marchés primaires du travail de leurs pays respectifs, avec des salaires décents doublés d’un accès à la propriété. Ainsi, les besoins primaires (salaires, alimentation, sécurité physique) ne sont pas des motifs de départ de leurs pays d’origine. Ils cherchent autre chose. Comme le souligne Jacques :
46 C’est comme si quand tous leurs besoins professionnels et financiers étaient satisfaits, ces familles françaises et belges éprouvaient aussi le besoin de « sécuriser » l’avenir de leurs enfants en leur offrant un cadre de vie tolérant, sécuritaire et bilingue. Il en est ainsi parce que ces migrants ont le sentiment que l’Europe est au bord d’un déclin à la fois du point de vue de la coexistence et du point de vue de la sécurité. Pour ces immigrants atypiques, une sorte d’anomie paraît s’emparer du vieux continent. De plus, le sentiment d’une situation politico-économique et sociale qui se dégrade progressivement compromet l’avenir de leurs enfants à qui ils veulent transmettre un futur prometteur et un capital linguistique qui passe par la maîtrise des deux langues officielles du Canada. De telles lectures du contexte européen favorisent le choix du Nouveau-Brunswick et plus spécifiquement de Moncton comme terre d’accueil.
47 Un dernier motif de départ vers le Nouveau-Brunswick est la prise en compte de l’avenir des enfants. C’est comme si, puisque leur échelle de besoins est largement satisfaite, ces immigrants français et belges ressentent le besoin d’assurer la sécurité éthique et surtout l’acquisition d’un capital linguistique par leurs enfants. Ils veulent en faire de parfaits bilingues. Pour ces francophones, les langues française et anglaise sont des outils, voire des capitaux linguistiques à mettre à la disposition de leurs enfants. Ils sont donc éloignés du contexte de la défense d’une identité francophone. Pour ce faire, la ville de Moncton offre un meilleur cadre de succès.
48 Pour Sylvie qui a immigré avec son conjoint et sa fille de 15 ans, l’immigration à Moncton est aussi la concrétisation d’un projet de « bilinguisation » familiale : « […] Le projet c’est nous, mais c’est pour notre fille pour plus tard. Pour nous c’est important de devenir bilingue. » (Transcription de l’extrait d’entretien 5, locuteur 5)
49 Pour Nicolas, un ingénieur français de 53 ans et spécialisé dans la conception de matériaux pour le traitement de l’air et la ventilation résidentielle, le choix de Moncton comme lieu d’installation s’explique essentiellement par des raisons linguistiques. Lui et sa conjointe veulent que leurs deux enfants deviennent bilingues. Toutefois, après six ans de résidence à Moncton, il pense que Halifax aurait pu être un meilleur choix, vu l’anglais soutenu qui y est pratiqué. Selon lui :
50 Une fois arrivé au Nouveau-Brunswick, il faut se refaire une vie. Même si les facteurs inhérents de l’emploi et les revenus ne sont pas les motifs essentiels du départ de ces migrants français et belges, ils n’ont pas les moyens de vivre indéfiniment de leurs économies plus ou moins substantielles ramenées d’Europe. La plupart d’entre eux, bien informés des réalités économiques des Maritimes, ajustent leurs attentes par rapport au marché du travail tandis que certains se lancent en affaires ou opèrent une reconversion professionnelle.
51 Ces immigrants français et belges sont généralement très autonomes et sollicitent peu les services d’agences d’établissement et d’intégration d’immigrants pour se trouver un emploi. Ayant développé de fortes compétences en recherche sur Internet, ils se débrouillent pour postuler pour des emplois disponibles. Il faut ajouter que les compétences d’usage d’Internet sont doublées d’une quête d’information utile effectuée avant l’installation dans les Maritimes. Le plus souvent, ils viennent en voyage exploratoire pour se familiariser avec la nouvelle société d’accueil, ce qui leur permet d’ajuster leurs attentes de sorte à éviter des déceptions.
52 Pour Angélique, une Française âgée de 33 ans et originaire de Rambouillet en région Parisienne, dont le conjoint est spécialisé dans la construction et la recherche d’information sur les tendances du marché du travail, la prospection d’emploi se faisait déjà sur Internet depuis la France :
53 Sylvie a tellement accumulé d’informations pertinentes pour les nouveaux immigrants qu’elle est devenue une véritable ressource de réseaux, se substituant pratiquement aux organismes d’accueil et d’intégration. Parce qu’elle aime partager ses expériences, elle anime une page Facebook destinée à informer et sensibiliser les nouveaux arrivants français désireux de s’établir dans les Maritimes :
54 Sylvie est titulaire d’un Brevet de Technicien Supérieur et d’assistante de gestion PME/PMI. Elle travaillait comme secrétaire dans l’entreprise privée de la ville de Niort. Pourtant, une fois à Moncton, elle n’a pas hésité à travailler dans une garderie pendant six mois, avant de trouver un emploi comme secrétaire administrative à l’Université de Moncton. Pour elle, l’immigration est « comme une naissance », un processus au cours duquel l’immigrant doit abandonner les repères de son pays d’origine et s’adapter au pays d’accueil au lieu de s’attendre à ce que ce dernier s’adapte à lui. Ce qui, selon elle, n’arrive jamais. Aussi précise-t-elle :
55 Quant à Marie qui avait un poste en Marketing et Communication dans la multinationale américaine Procter & Gamble, elle n’a jamais nourri l’espoir de retrouver un travail de meilleure qualité avec un salaire supérieur :
56 Pour certains immigrants français et belges, créer sa propre entreprise constitue un moyen, à la fois, d’éviter les frustrations qui peuvent résulter de l’échec d’une insertion dans le marché primaire du travail et d’atteindre l’autonomie économique. De ce fait, Michelle, une Belge âgée de 53 ans et son conjoint du même âge ont immigré à Moncton en 2015 et n’ont pas hésité à réactiver une tradition entrepreneuriale familiale. Ils ont gardé la même spécialisation, soit la location de châteaux gonflables pour des évènements organisés par les municipalités environnantes de Moncton telles que Bouctouche, Memramcook, Dorchester et Port Elgin.
57 Il faut préciser qu’ils ont décidé d’emprunter la voie entrepreneuriale après avoir subi plusieurs échecs d’insertion dans le marché du travail. Michelle n’a jamais réussi à retrouver un poste de secrétaire (elle était secrétaire juridique dans une banque bruxelloise). Elle a dû enchaîner des emplois précaires et payés souvent au salaire minimum : vendeuse dans une station d’essence Irving à Cap-Pelé, gardienne d’enfants et vendeuse de billets au guichet du théâtre Capitol à Moncton. Son conjoint, un ancien entraîneur de basket, n’a pas réussi non plus à trouver un emploi rémunéré dans ce sport peu prisé dans les Maritimes au profit du hockey. C’est alors qu’ils se sont résolus à réactiver la tradition entrepreneuriale familiale du conjoint.
58 Marie, détentrice d’un diplôme en commerce international a été dans un premier temps, secrétaire aux Services aux étudiantes et étudiants internationaux et à la mobilité étudiante de l’Université de Moncton. Elle illustre parfaitement le cas de nouveaux immigrants incapables d’attendre indéfiniment un emploi qui correspond à leurs qualifications et qui souhaitent simultanément avoir des horaires flexibles parce qu’ils ont de jeunes enfants. Ainsi, ils décident de se lancer en affaires. Marie a déménagé de Moncton à Shédiac Bridge (situé à environ 25 minutes de Moncton). Elle a décidé d’investir dans le domaine de la communication pour réunir les communautés anglophones, francophones et autochtones dans un même magazine publicitaire de marketing et d’informations, pour mettre ainsi à profit ses compétences apprises dans le cadre de son BTS en Commerce international. Comme elle le souligne :
59 Les immigrants français et belges qui choisissent le Nouveau-Brunswick et principalement Moncton comme communauté d’accueil ont des profils particuliers, avons-nous souligné. Le rationnel qui les anime représente un défi aux « lois migratoires ». Toutefois, avec le temps, le principe de réalité qui en émerge entraîne chez certains le découragement de rester dans la province. Or, selon le coordonnateur de l’association des Belges de Moncton :
60 Ce principe de réalité fait surgir la problématique de la rétention des Français et des Belges au Nouveau-Brunswick. Il en découle les éléments objectifs suivants : la fermeture des ordres professionnels, l’absence de reconnaissance des diplômes et l’attrait des jeunes pour les grands centres.
61 Anna, une Belge qui était infirmière durant une quinzaine d’années, est en train de répondre à l’appel du Québec cet hiver. Ses raisons : on lui a demandé de refaire une formation de deux années au Nouveau-Brunswick afin d’intégrer l’Ordre des infirmiers. Le Québec mène actuellement une campagne agressive de recrutement d’infirmiers et lui a proposé un stage rémunéré de six mois et un poste d’infirmier.
62 Cette absence de reconnaissance des diplômes et la fermeture des ordres professionnels ne touchent pas seulement au domaine de la santé. En effet, selon ce Belge qui travaille pour la réussite des entrepreneurs de Moncton :
63 En fait, le principe de réalité se manifeste autrement aussi : l’attrait des jeunes pour les grands centres canadiennes et européennes. Les immigrants belges et français rencontrés ont un âge médian de 39 ans. Ils arrivent avec des enfants dont les plus âgés peuvent être de jeunes adultes (entre 15 et 21 ans). L’attrait des grands centres pour les jeunes entraîne soit le déménagement des familles entières, soit des séparations que les parents vivent plus ou moins difficilement. Aussi pour ce Belge rencontré à Bathurst qui a deux filles âgées de 17 ans et 21 ans :
64 Les caractéristiques des migrants français et belges ainsi que leur choix de l’Acadie du Nouveau- Brunswick comme société d’accueil permettent de mettre en évidence plusieurs éléments : le poids négligeable du facteur économique comme motif de départ, un âge médian situé autour de 39 ans, un rejet des grandes métropoles et une quête de la satisfaction de besoins assez élevés selon l’échelle des besoins de Maslow. En autres mots, ils ont un besoin de justice fiscale, de vivre dans un environnement paisible et un besoin linguistique -- surtout les enfants -- de maîtriser l’anglais.
65 Il faut préciser que ces caractéristiques communes identifiées plus haut semblent représenter des tendances lourdes. Elles ne se limitent pas aux cas anecdotiques, comme le souligne le contact belge considéré comme une ressource de réseaux. Au cours d’une conversation post interview elle affirme : « Je peux te mettre en contact avec 100 familles belges, tu trouveras les mêmes résultats. Nous venons ici pour la qualité de vie et nous avions tous de bons boulots en Belgique, au Luxembourg ou en France. » (Transcription de l’extrait d’entretien 1, locuteur 1)
66 Les données qualitatives confirment aussi l’avantage concurrentiel du Nouveau-Brunswick et principalement de Moncton en termes d’attraction pour ces immigrants français et Belges qui ont des profils atypiques, mais qui sont séduits par le bilinguisme. Pour eux, la langue est un outil qu’ils voudraient faire acquérir à leurs enfants afin de leur permettre de maximiser leurs chances de réussir l’insertion professionnelle dans notre planète mondialisée.
67 Cet avantage concurrentiel en termes d’attrait d’un profil particulier d’immigrants devrait être consolidé de manière volontariste pour relever les défis qu’ils envisagent : l’absence de reconnaissances des diplômes, des expériences et compétences acquises à l’étranger, les garderies que certains trouvent chères par rapport au pays d’origine (ce dernier renseignement est ressorti durant nos conversations informelles), et l’absence de loisirs pour les jeunes adultes.
68 Malgré ces défis, un constat est établi que le Nouveau-Brunswick et ses villes rurales seraient en train d’offrir quelque chose de différent dans le contexte d’une mondialisation urbanisée. Celle-ci est dominée par des flux migratoires dont les déclencheurs sont principalement de nature économique ou conflictuelle. L’attrait de la province exercé sur un profil d’immigrants européens constitue un cas qui défie les régularités migratoires jusqu’à maintenant centrées sur le facteur économico-matériel.