Research Notes and Reviews

Solidarités provinciales : histoire de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick

Provincial Solidarities: A History of the New Brunswick Federation of Labour

Jean Sauvageau
St. Thomas University

Frank, David. (2013). Solidarités provinciales : histoire de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick. (R. Ouellette, trad.). Edmonton, AB: Athabasca UP. 324 pages. ISBN : 978–1-927356–29–6. $27.95.

Frank, David. (2013). Provincial Solidarities: A History of the New Brunswick Federation of Labour. Edmonton, AB: Athabasca UP. 280 pages. ISBN: 978–1-927356–23–4. $27.95.

1 Avec Solidarités provinciales, le professeur David Frank du Département d’histoire de la University of New Brunswick propose un ouvrage original, retraçant cent ans d’histoire du Nouveau- Brunswick, du point de vue des travailleurs et travailleuses de cette province. Ce type d’histoire sociale est encore trop rare, particulièrement en ce qui a trait au Nouveau-Brunswick et au mouvement syndical. Le livre est le produit d’un projet entrepris sous l’égide du défunt Groupe de recherche en histoire du travail au Nouveau-Brunswick (GRHTNB 2005–2011). Le GRHTNB rassemblait des chercheurs de la UNB et de l’Université de Moncton en partenariat avec des organismes du monde syndical néo- brunswickois. Soulignons d’entrée de jeu que le livre est publié simultanément en anglais et en français par Athabasca University Press, en formats papier et électronique. Il convient ici de donner une mention spéciale à l’impeccable traduction française de Réjean Ouellette.

2 Comme son titre l’indique, le livre de David Frank relate les premiers cent ans d’histoire de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick (FTTNB). La FTTNB est une centrale syndicale regroupant divers syndicats locaux à travers la province. La création d’une telle fédération répondait au principe de base du syndicalisme voulant que le véritable pouvoir des travailleuses et travailleurs dans une société capitaliste réside dans le nombre et la solidarité. Les chapitres retracent cette histoire dans l’ordre chronologique classique. L’ouvrage est agrémenté de plusieurs photos et de reproductions d’images d’époque de même qu’un index des sujets et des noms propres à la fin.

3 Au fil de la lecture l’on se rend compte, sans grande surprise il est vrai, qu’à ses débuts, le syndicalisme au Nouveau-Brunswick était surtout une affaire d’hommes blancs anglophones ; les femmes, les acadiens francophones et les minorités visibles étaient plutôt rares dans les rangs de la FTTNB. La situation changera lentement à partir des années 1960–1970.

4 Le chapitre introductif, « Atisans de l’histoire », révèle l’angle d’approche de l’auteur : « cet ouvrage n’est pas un livre de théorie sociale ou historique, mais les considérations sociales et historiques demeurent des préoccupations sous-jacentes de notre exploration de l’histoire d’une institution de travailleurs qui fait également partie d’un mouvement social plus large » (14 version française).

5 Le chapitre 1, « Un fait accompli », couvre la période 1913–1929. On y apprend que la réunion de fondation de la Fédération a eu lieu à Saint-Jean, le 16 septembre 1913. Une vingtaine de délégués, des hommes, pour la plupart de Saint-Jean et de Moncton, y assistent. La formation officielle de la Fédération se réalisait deux ans après le début des négociations en ce sens entre divers syndicats locaux de la province. C’est au cours d’une de ces réunions de négociation en 1912 que le charpentier, James Sugrue, qui allait devenir le premier président de la FTTNB, y allait d’une déclaration qui a, malheureusement, retenu toute sa pertinence cent ans plus tard : « À long terme, nous espérons améliorer les conditions ici à tel point que les gens ne partiront plus pour l’Ouest pour y trouver de meilleurs salaires et des journées de travail moins longues » (21 version française). Le chômage, le sous-emploi et la compensation des accidentés du travail, la journée de travail de huit heures, un salaire minimal garanti et l’interdiction du recours aux briseurs de grève figuraient parmi les premières préoccupations de la Fédération. Surtout, montre Frank, la plupart d’entre elles allaient demeurer d’actualité jusqu’à aujourd’hui.

6 Le chapitre 2, « Ce qui nous a été promis », couvre la période 1930–1939. La Grande dépression constituera un défi de taille pour le mouvement syndicale dans tout l’hémisphère ouest. Le Professeur Frank montre que le Nouveau-Brunswick ne sera pas épargné. La Fédération connaîtra une diminution marquée du nombre de ses membres, passant par exemple de 3 700 en 1931 à 2 911 en 1934. L’année 1937 allait voir une grève d’une dizaine de jours se tenir dans les industries situées tout au long de la rivière Miramichi regroupant autant des travailleurs syndiqués que non-syndiqués. Le mouvement connu un succès relatif avec la négociation d’un salaire minimum garanti de 28¢ l’heure et d’une journée de travail de neuf heures.

7 Le chapitre 3, « Une province digne des héros », couvre la période 1940–1956. Les années de la Deuxième guerre mondiale firent en sorte que les syndicats de la province ont fait la promotion d’une politique d’apaisement sur le plan des revendications. Ils allèrent même jusqu’à garantir qu’aucune action radicale ne serait entreprises afin de ne pas nuire à l’effort de guerre. Autre fait intéressant, le milieu des années 1940 allait voir l’intérêt envers la Co-operative Commonwealth Federation (CCF), le prédécesseur du Nouveau parti démocratique, augmenter. Conséquemment, les tentatives de cohabitation entre le parti et les syndicats allaient se multiplier. L’après-guerre, avec son climat d’expansion économique, verra une augmentation du nombre de grève à travers le pays, les syndicats voulant s’assurer que leurs membres allaient recevoir leur juste part de cette nouvelle prospérité. Le Nouveau-Brunswick sera toutefois en reste sur ce plan, les syndicats préférant poursuivre la politique d’apaisement mise de l’avant pendant la guerre.

8 Chapter 4, “The New Unionism,” covers the period 1957–75. This is a period considered as particularly prolific for the expansion of industries and the rise in the standard of living in North America. There were great hopes that the gloominess of the Great Depression and the worries of the Second World War were things of the past. People preferred to believe that an unending era of full employment had finally come. New Brunswickers wanted to be part of these better times, to finally close the chronic wage and employment gaps that had existed for so long between them and the rest of the country. In this light, reports Frank, unions were becoming a more important part of the provincial labour landscape. For example, union density went from 17.2% to 31.1% between 1958 and 1975. The new unionism of the 1960s saw the broadening of the federation and the inclusion of more women, Francophone Acadians, and ethnic minority representatives within its ranks. But again, the unions of the province would show the limits of their ideological commitments to confronting capitalism head-on. The New Brunswick wing of the Canadian Waffle socialist movement attempted to have the manifesto “For a Socialist New Brunswick” adopted by the provincial NDP, but many union leaders chose to leave the meeting in protest instead. Likewise, calls for the nationalization of mining, pulp and paper, and fishing industries fell mostly on union leadership deaf ears.

9 Chapter 5, “On the Line,” covers the period 1976–97. The mid-seventies saw the federal government of P.E. Trudeau impose legislated limits to wage and price increases in an attempt to control inflation. This was considered by the unions as an unwarranted restriction on collective bargaining rights, and set the stage for one of the most surreal episodes in the labour history of New Brunswick. In November 1975, the Irving Pulp and Paper Mill in Saint John had reached an agreement with the union representing its employees. That agreement guaranteed a 23.8% increase in the first year of the contract, far above the limit of 8% imposed by the federal legislation. What’s more, the Anti-Inflation Board decided that the mill workers were nonetheless entitled to a 14% increase. The Irving company appealed the board’s ruling while continuing to pay the higher wages. The company was eventually forced to comply with the federal law and was fined $250,000 for its failure to abide by the wage control legislated limits!

10 Another issue that started to become noticeable by the 1970s, an issue more in tune with the common negative sentiments directed at unions throughout the country, was the use of back-to-work legislation to quickly bring strikes to an end. In New Brunswick, however, the NBFL was keeping up with other concerns, which included the establishment of an ad hoc committee on the environment in 1990, along with increases in female and Francophone Acadian participation in the affairs of the federation.

11 Frank’s epilogue treats these social changes and concerns, covering the period from 1998 to today. He shows unions in NB trying to adjust to a late-capitalist society in which casual employment is more and more common. In a province like New Brunswick, where many people experienced more than their share of economic setbacks and stagnation, the citizenry become increasingly resentful of the advantages union members have gained for themselves over the years. Citizens' inability to see that the advantages gained by some have positive repercussions for the well-being of others, even when they are not themselves members of a union, is clearly laid out by Frank as one of the contemporary challenges for the union movement. To illustrate, he shows how talk of a possible strike attracts virulent comments from the media, politicians, and, now, the public, the dominant rhetoric questioning the relevance of unions at a time when the workforce is said to require maximum flexibility and mobility, and when stability of employment was once the guarantor of strong unions. It is in such an environment that the NBFL has to find a way forward, to attract and retain more members, and be successful at improving everyone’s lot.

12 Dans l’ensemble, il est des plus rafraîchissants de lire une histoire du travail qui ne tombe pas dans l’anti-syndicalisme primaire, comme on est trop souvent habitué de le voir dans les médias grand public de la province. L’auteur est favorable aux positions syndicales, mais l’ouvrage n’en constitue pas pour autant une hagiographie complaisante de la FTTNB. Le ton adopté par Frank se veut descriptif, non-théorique et dépourvu de jargon académique. Il participe d’un projet éducatif populaire dans une province qui a rarement accordé un traitement juste et équitable au mouvement syndical.

13 Frank makes it apparent that the federation has always struggled to secure its footing in a province where full-time, permanent employment has long been a contentious issue. As such, it had, of necessity, to swing between pragmatism and a more militant orientation. Nevertheless, Provincial Solidarities demonstrates that the workers of the province took their responsibilities seriously as concerned and conscientious citizens, most notably with respect to the economic and environmental health of New Brunswick. It is well known, for instance, and increasingly evident in New Brunswick, that unions helped achieve a more equal distribution of social wealth and endeavoured to build and maintain a strong middle class (see http://www.canadianlabour.ca/about-clc/new-brunswick and http://www.ufcw.ca/index.php?option=com_content&view=article&id=29&Itemid=49&lang=en). One wonders where New Brunswick would be now if local unions and the NBFL had succeeded in increasing their membership and if they had been more militant in their positions and actions.

14 Ce qu’il conviendrait de faire, à la suite de Frank, serait d’entreprendre une recherche empirique et théorique qui situerait le Nouveau-Brunswick dans le contexte canadien et mondial en ce qui a trait à la valeur concrète d’une plus ou moins forte densité syndicale, du nombre de jours de grève et d’un militantisme plus ou moins revendicateur comparativement au conditions économiques, social et politiques de la province.

15 The book, an important one for New Brunswick, will be of interest to historians, sociologists, and political scientists, and it is well suited for undergraduate courses on labour, economic, and political issues. That the book was released in the province’s two official languages makes it doubly significant for the people whose history it recounts.

Jean Sauvageau teaches in the Department of Criminology and Criminal Justice at St. Thomas University. He is president of the Federation of New Brunswick Faculty Associations.