Le Canada accueille en moyenne 250 000 à 260 000 immigrants permanents chaque année. Toutefois, 80% des immigrants choisissent de vivre dans les provinces de l’Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique. En fait, ce n’est pas surprenant puisque les trois métropoles du pays: Toronto, Montréal et Vancouver sont dans ces trois provinces et la plupart des immigrants internationaux choisissent les grandes villes comme lieux de résidence.
La volonté récente des petites provinces des maritimes, à prédominance rurales, d’attirer et de retenir une part du flux des immigrants qui s’installent au Canada, fait face à de nombreux défis. Depuis le début des années 2000, le Nouveau-Brunswick use de ses droits constitutionnels pour sélectionner des immigrants entrepreneurs à qui elle propose le rôle de dynamiseurs pour rehausser son contexte économique morose. Pour ce faire, une « gouvernementalité » subtile de l’immigration a été mise en place afin de ne pas heurter les sensibilités des habitants de cette province pauvre.
Canada receives on average between 250,000 and 260,000 permanent immigrants annually, of which 80% settle in large cities in Ontario, Quebec, and British Columbia. Recent efforts by smaller, rural provinces such as New Brunswick to attract and retain a share of this influx have met serious challenges. The province has been using its constitutional right to select immigrant entrepreneurs in order to boost its gloomy economy. In face of the numerous challenges posed by its economic and demographic situation, a subtle "governmentality" of immigration has been put in place, which this article explores.
1 Une vaste littérature1 anglo-saxonne et française est consacrée à l’entrepreneuriat immigrant. Cette dernière, malgré sa richesse, est néanmoins caractérisée par des similarités à la fois contextuelles et conceptuelles. Au niveau contextuel, cette littérature traite essentiellement d’immigration vers les centres urbains, voire métropolitains comme Paris (Ma Mung et Guillon 1986; Guillon et Taboada- Leonetti 1986), Amsterdam (Rath et Kloosterman 2001), Los Angeles (Light, Sabagh, Bozorgmehr et Der-Martirosian 1992; Yoon 1997) New York (Light et Rosenstein 1995) et Chicago (Gold 2010), qui servent de cadres d’étude.
2 Ces études ont également en commun de s’intéresser aux milieux dotés d’une importante population immigrante déjà établie. Or, ces immigrants, surtout des ouvriers, revêtaient le « bleu de chauffe2 » et travaillaient dans les usines ou dans la construction. Toutefois, certains réussiront à se détacher de la condition de salarié pour créer de petites entreprises dans une diversité de domaines comme la restauration, l’habillement ou la construction.
3 Cette homogénéité relative des contextes étudiés a entraîné d’importantes similitudes conceptuelles. En effet, la majorité des études sur l’entrepreneuriat des immigrants s’intéresse au succès des entrepreneurs immigrants et rarement à leur échec. Cet intérêt pour le succès entrepreneurial immigrant a, en partie, déterminé les approches et les concepts utilisés par les auteurs.
4 En ce qui a trait aux approches, le succès entrepreneurial est souvent attribué soit aux ressources culturelles du groupe ethnique auquel appartiennent les entrepreneurs (Ma Mung et Guillon 1986 ; Light et al. 1992) soit à l’environnement socio-économique dans lequel opèrent ces immigrants (Auvolat et Benattig 1988; Bonacich 1973). Les ressources culturelles font référence aux traditions migratoires et commerçantes et au savoir-faire qui permettent à certains groupes ethniques ou nationaux de réussir leurs activités entrepreneuriales et de contribuer au développement d’un commerce transnational entre leur pays d’accueil et leur pays d’origine3 (Head et Ries 1998).
5 En ce qui a trait à l’environnement socioéconomique du pays d’accueil, nous nous sommes attardés aux quelques caractéristiques favorisant le succès, entre autres, l’absence de barrières juridiques à l’entrepreneuriat immigrant, un taux d’imposition bas, la possibilité pour les immigrants d’y explorer de nouveaux marchés et l’existence d’une masse critique de consommateurs multiethniques.
6 Enfin, un nombre important de concepts a été opérationnalisé afin de saisir le success story de ces entrepreneurs, tels que le commerce ethnique4 au quotidien (Raulin 2000), l’enclave ethnique5 , l’autonomie du groupe ethnique (Ma Mung 1999) et la ville en réseaux (Tarrius 1992; Tarrius et Missaoui 1995).
7 Cet article n’est pas le récit d’un success story d’immigrants entrepreneurs. Il ne s’intéresse pas aux grandes villes multiethniques disposant de territoires ou d’enclaves ethniques, mais à une province rurale où l’immigration est un phénomène récent et encore marginal. D’une part, ce texte présente une restitution de la stratégie néo-brunswickoise d’attraction et de rétention d’immigrants entrepreneurs. D’autre part, il propose un compte rendu des obstacles structurels défavorables au succès entrepreneurial des immigrants. Il s’agira d’étudier dans le contexte d’une économie stagnante, l’entrepreneuriat immigrant sur un territoire rural où les habitudes de consommation sont relativement homogènes. En ce sens, la connaissance des contextes européen6 et nord-américain permettra de déployer une démarche contrastive pour aboutir à quelques tendances et généralisations.
8 Nous nous appuyons sur des données empiriques provenant des entrevues semi dirigées et qui ont été menées directement auprès d’immigrants entrepreneurs et des coordonnateurs du programme de mentorat dans les villes de Moncton, Saint John et Fredericton. Nous utilisons aussi des extraits des discours d’élus tels ceux du maire de Fredericton.
9 Nos propos s’articulent donc autour de trois points : en premier lieu, nous présenterons la nouvelle gouvernementalité de l’immigration au Nouveau-Brunswick. Par la suite, nous repasserons les obstacles structurels au succès de l’entrepreneuriat immigrant et enfin, nous examinerons les facettes de la vulnérabilité entrepreneuriale qui découle logiquement d’un tel contexte.
10 Contrairement au Québec qui, depuis le milieu des années 1970, joue un rôle très actif dans la sélection de ses immigrants autant pour des raisons linguistiques que des raisons identitaires, le Nouveau-Brunswick n’a commencé à exercer ses compétences en matière d’immigration qu’au début des années 2000. Ainsi, l’objectif pour cette province est d’attirer sa part du flux d’immigrants qui arrivent au Canada. L’immigration est perçue comme un moyen de freiner les effets négatifs d’une imminente tempête démographique8 attribuée à l’émigration de jeunes travailleurs vers l’ouest du pays, à l’insuffisance des naissances et au vieillissement de la population (Passaris 2012).
11 Toutefois, la question migratoire est potentiellement sensible dans un contexte économique difficile et dans un milieu où les deux communautés linguistiques officielles entretiennent des relations tendues en ce qui a trait au maintien de leur équilibre démographique. De ce fait, la province est tenue de mettre en place une gouvernementalité assez novatrice de l’immigration et centrée sur des incitatifs particuliers en vue d’exercer un contrôle relatif sur le type d’immigrant qu’elle reçoit et sur les comportements qu’elle attend d’eux.
12 Alors que la sélection de travailleurs qualifiés permanents et temporaires est privilégiée dans les provinces centrales (Québec, Ontario) et celles de l’ouest (Alberta, Manitoba, Saskatchewan et Colombie-Britannique), toutes en croissance économique grâce à l’exploitation de leurs ressources minières et naturelles, au Nouveau-Brunswick, le Programme des candidats de la province9 accorde la priorité aux immigrants entrepreneurs. La province accueille en moyenne 2000 immigrants permanents par année et 60 % des immigrants reçus s’y établissent à titre d’entrepreneurs.
13 La priorité accordée à la sélection de cette catégorie d’immigrants est inédite. Dans d’autres contextes, la venue d’immigrants entrepreneurs n’est pas encouragée, de prime abord. Ces derniers émergent au sein de communautés immigrantes et ils s’insèrent principalement dans le marché secondaire du travail.10
14 La sélection d’immigrants entrepreneurs, qui repose sur un système à points, se fait prioritairement en Corée du Sud et en Chine. Elle recourt à des critères tels que l’âge, la maîtrise du français ou de l’anglais, l’expérience de gestion des affaires, les ressources financières et la familiarité avec le milieu des affaires néo-brunswickois.11
15 La logique à la base de tels critères de sélection est la suivante : des immigrants utiles, industrieux et entreprenants s’intègrent facilement tout en favorisant la croissance économique et la création d’emplois12 (Shane 2009). Pour l’État néo-brunswickois, il ne s’agit pas de créer un contexte socioéconomique favorable à l’emploi et à l’immigration des travailleurs de sorte à laisser agir les lois du marché du travail, mais plutôt, de recruter des immigrants qui, « mis à jour », encadrés et socialisés dans le cadre d’un programme de mentorat, se chargeront de créer des emplois et de dynamiser ce « contexte socioéconomique morose ».
16 Une autre innovation provinciale en vue d’attirer des immigrants entrepreneurs se situe sur le plan institutionnel. Elle se caractérise par la gestion « cachée » de l’immigration et la mise en place d’un programme de mentorat des immigrants qui n’a pas son équivalent ailleurs.13
17 Le Nouveau-Brunswick veut avoir « sa part » d’immigrants pour des raisons démographiques et économiques. Paradoxalement, il n’existe pas de ministère provincial de l’immigration. C’est la Division de la croissance démographique, elle-même rattachée au ministère de l’Éducation postsecondaire, Formation et Travail, qui assure la gestion de l’immigration.
18 Cette situation serait due à la sensibilité de la question migratoire dans une province pauvre. Le Nouveau-Brunswick est confronté à des taux de chômage avoisinant 11 % et à l’exode de ses jeunes actifs vers l’Alberta. Ainsi, ce marasme économique peut facilement rendre explosif le dossier de l’immigration (Belkhodja 2011). D’ailleurs, on note parfois dans l’opinion publique néo-brunswickoise des questions du genre suivant : « pourquoi faire venir des immigrants alors que nous les locaux et surtout les jeunes de la province on n’arrive pas à trouver des emplois ici?14 ».
19 Mise à part la situation socioéconomique difficile, la question linguistique peut également soulever l’opposition des francophones de la province par rapport à l’immigration. Ces francophones sont majoritaires dans les comtés ruraux dont les taux de chômage peuvent atteindre plus de 14 % et ils sont préoccupés par le maintien de leur poids démographique dans la province. La communauté perçoit l’immigration à la fois comme une solution potentielle à l’exode de sa population et également comme une menace dans la mesure où la majorité des immigrants intègre la société anglophone. En effet, selon les chiffres du ministère de l’Éducation postsecondaire, Formation et Travail, parmi les 2000 immigrants qui s’installent dans la province annuellement, moins de 100 sont des francophones. La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, le principal groupe de la défense des intérêts et des acquis de la minorité francophone, a fait de l’immigration l’une de ses priorités et elle exerce des pressions pour accroitre la proportion d’immigrants francophones.
20 Selon Chedly Belkhodja (2011), la délicatesse du dossier de l’immigration explique l’absence d’un ministère de l’immigration. Officieusement, la Division de la croissance démographique fonctionne comme un véritable ministère de l’immigration tout en se donnant comme objectifs officiels de favoriser le retour des jeunes néo-brunswickois chez eux, de favoriser l’augmentation des naissances et de recruter des immigrants qualifiés et des gens d’affaires de l’international. Elle sélectionne de préférence, des immigrants entrepreneurs et elle finance un programme de mentorat des immigrants.
21 Parallèlement au processus de sélection des « bons immigrants entrepreneurs », le gouvernement du Nouveau-Brunswick assure, depuis 2009, le financement d’un programme de mentorat des immigrants entrepreneurs. Ce programme a d’abord été mis en place dans la ville de Fredericton, puis a été étendu dans les villes de Moncton (2010), Saint-Jean (2010) Bathurst (2012) et Edmundston (2012). Son but est de « mettre à jour » les immigrants et les socialiser au milieu des affaires locales afin de les retenir dans la province et garantir leur succès en affaires.
22 Le programme fonctionne avec la coordination de la Division de la croissance démographique chargée de recruter des mentors bénévoles pour ensuite les jumeler aux mentorés (nouveaux arrivants entrepreneurs). Les mentors sont des entrepreneurs locaux à la retraite, des fonctionnaires sensibles à la cause de la diversité culturelle, des avocats et des comptables qui rencontrent les nouveaux immigrants entrepreneurs pendant un minimum de 4 heures par mois pour une durée de 6 mois. L’objectif est de les socialiser au milieu des affaires locales. À ces rencontres s’ajoutent des sessions de cours15 de 6 mois durant lesquels les nouveaux arrivants sont formés à la communication interculturelle visant à les doter de compétences relationnelles (mener un réseautage efficace, choisir les bons partenaires en affaires), de savoir-être (bien se présenter dans le milieu des affaires) et de savoirs pratiques (ouverture de comptes bancaires, contraction de prêts, règlementation fiscale fédérale et provinciale).
23 Ces formations sont assurées par des professionnels bénévoles encore en activité, tels que des avocats, comptables, banquiers, assureurs ou spécialistes de la gestion des ressources humaines en milieux de travail multiethnique. Ces professionnels sont souvent motivés par la possibilité de nouer des relations d’affaires avec les nouveaux immigrants entrepreneurs. Toutefois, une autre catégorie de mentors souvent à la retraite s’engage dans le programme de mentorat et ce, pour deux raisons : l’amour de la diversité culturelle et le don en retour à la communauté. C’est le cas de Peter Grant, ancien propriétaire d’un bar à Fredericton :
24 Dans une province pauvre et rurale qui reçoit environ 40 % de ses revenus grâce à des transferts fédéraux, toute une stratégie de communication est déployée par le ministère de l’Éducation postsecondaire, Formation et Travail pour justifier la pertinence du financement d’un tel programme. Il s’agit de faire accepter l’idée que les immigrants entrepreneurs peuvent aider la province à créer des emplois, à augmenter sa population et à assurer sa croissance économique.
25 Le gouvernement néo-brunswickois, par l’intermédiaire du ministre de l’Éducation Postsecondaire, Formation et Travail tente avec un succès relatif, de faire comprendre à ses résidents que faute de capitaux et de technologies ainsi que d’une masse critique de population active (le vieillissement de la population et l’exode des jeunes et l’insuffisance des naissances posant des défis majeurs), la seule manière d’assurer le succès économique de la province est de stimuler la croissance démographique et favoriser la création d’entreprises par les immigrants entrepreneurs qui viennent avec leurs familles et leurs capitaux.
26 Une telle entreprise de communication met de l’avant les bienfaits de la diversité culturelle pour la province, mais elle souligne aussi l’avantage pour les immigrants de rester dans une province rurale et paisible. Ainsi, selon le ministre de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail qui s’adressait aux mentors et aux entrepreneurs immigrants engagés dans le programme de mentorat de Moncton :
27 Quant au maire de Fredericton, Brad Woodside, qui s’adressait aux immigrants entrepreneurs lors d’une cérémonie de remise des certificats de suivi du programme de mentorat :
28 Un tel discours connaît un succès relatif, surtout auprès des immigrants entrepreneurs coréens. Ces derniers sont le plus souvent de la classe moyenne coréenne en quête d’une reproduction de leur classe sociale. Leur choix du Nouveau-Brunswick comme province d’accueil s’explique essentiellement par des raisons familiales et éducatives. Leurs enfants peuvent bénéficier d’une éducation bilingue, à moindre coût et dans un environnement pédagogique moins stressant (Ley 2010; Belkhodja 2011).
29 Anne, une immigrante coréenne qui gère un kiosque les samedis au marché de Moncton explique ainsi les raisons de l’immigration de sa famille au Nouveau-Brunswick :
30 Le Nouveau-Brunswick mise donc sur une gouvernementalité innovante de l’immigration, sur l’attrait de ses beaux paysages, son environnement sécuritaire et paisible, les avantages de son système éducatif bilingue, son programme de mentorat et non pas directement sur un environnement dynamique des affaires pour attirer et retenir des immigrants entrepreneurs. S’il en est ainsi, c’est que le gouvernement provincial est plus ou moins conscient des obstacles structurels auxquels font face les immigrants entrepreneurs au Nouveau-Brunswick. Une comparaison du contexte néo-brunswickois avec ceux français et étatsunien où se développe l’entrepreneuriat immigrant permet l’identification d’obstacles structurels tels que la déconnexion entre le marché du travail et l’entrepreneuriat immigrant et une temporalité inversée entre l’installation de communautés immigrantes et l’entrepreneuriat.
31 La littérature établit un lien très fort entre le travail salarié et les activités entrepreneuriales immigrantes. Typiquement (mais pas toujours) les entrepreneurs immigrants arrivent dans leur société d’accueil en tant que salariés et c’est en tant que salariés qu’ils transitent alors vers l’entrepreneuriat (Ma Mung et Guillon 1986; Sall 2007; Yoon 1997; Light 1972, 1979).
32 Le désir de mobilité sociale et la volonté de sortir du salariat pour se lancer en activités entrepreneuriales s’expliquent, en réalité, par le fait que les immigrants sont souvent cantonnés dans le marché secondaire du travail, largement délaissé par les nationaux (Piore 1979; Noiseux 2012). C’est à partir du marché secondaire du travail dont les emplois sont souvent, mais pas toujours, dirty, dusty et dangerous que des immigrants arrivent à réunir le capital nécessaire pour créer leurs entreprises. Les motifs de ces immigrants entrepreneurs quittant ce marché secondaire sont variés : désir de mobilité sociale puisque les salaires y sont bas et les conditions de travail mauvaises (Yoon 1997), volonté de créer son propre emploi en tant que travailleur indépendant (Ma Mung 1999), opportunité de satisfaire aux besoins d’un marché potentiel de consommateurs (Sall 2007) et désir de reprendre des affaires dans le pays d’accueil.
33 Dans les contextes européens et étatsuniens où se développe l’entrepreneuriat des immigrants, un secteur secondaire très solide a émergé, surtout au sortir de la Seconde Guerre mondiale et il a nécessité le recrutement massif d’immigrants dont certains deviendront des entrepreneurs grâce au capital financier réuni à partir de leur emploi salarié et à leurs capitaux sociaux (faire appel à la main-d’œuvre familiale, mais aussi à la clientèle composée de compatriotes). Même si le secteur secondaire est partout en déclin, les services recrutent de plus en plus d’immigrants dans ces espaces attractifs permettant à certains de réunir un capital pour créer de petites entreprises familiales.
34 Une brève analyse du marché du travail des provinces maritimes en général et du Nouveau- Brunswick en particulier, montre que nous avons affaire à un marché de l’emploi extrêmement exigu (Savoie 2006; Service Canada 2013; APEC 2009). Le secteur secondaire qui aurait pu servir de tremplin et de premier emploi pour ces immigrants entrepreneurs, leur permettant de réunir le capital nécessaire, ou du moins une partie du capital et de se rendre crédibles aux yeux des banques pour obtenir du crédit, n’a jamais été un grand pourvoyeur d’emplois. Le marché du travail de la province repose, en grande partie, sur des emplois saisonniers des secteurs primaires (la pêche, l’agriculture, l’hôtellerie et les produits forestiers). Or, ces secteurs en déclin ne permettent pas le recrutement d’une masse critique d’immigrants permanents. La province fait plutôt appel aux immigrants temporaires dont les effectifs annuels dépassent ceux des immigrants reçus.16
35 L’exiguïté du marché du travail explique le rôle historique des provinces maritimes en général et du Nouveau-Brunswick en particulier comme lieu transitoire pour les immigrants (Conrad et Steel 2005). L’incapacité pour le Nouveau-Brunswick de retenir ses immigrants en fait une province blanche et homogène du point de vue des goûts et des normes de consommation. À son tour, cette absence de diversité contribue notamment à décourager les nouveaux immigrants en provenance d’Asie et d’Afrique de s’y installer et d’y mener des activités entrepreneuriales ethniques et non ethniques. En effet, ils n’y trouvent pas une base communautaire leur permettant de profiter de leur ethnicité. Aussi se contentent-ils souvent de reprendre des commerces existants comme des dépanneurs et des stations- service.
36 Un autre obstacle structurel est lié au temps nécessaire au démarrage et au décollage de l’entrepreneuriat immigrant. Comparativement aux contextes auxquels s’intéresse généralement la littérature, le développement de l’entrepreneuriat des immigrants au Nouveau-Brunswick entretient un rapport particulier au temps, qu’on pourrait appeler « inversé ». Une analyse du développement de l’entrepreneuriat des immigrants dans d’autres contextes comme celui français, allemand ou étatsunien montre que pour se mettre en place et se développer, l’entrepreneuriat des immigrants requiert un temps considérable pour plusieurs raisons : la nécessité de réunir un capital pour l’immigrant entrepreneur qui, le plus souvent, était un salarié (Yoon 1997; Sall 2007; Marie 1992), la nécessité de déterminer le type de services ou de produits pertinents à offrir à la clientèle et la disponibilité d’une clientèle viable et solvable constituée, en partie de communautés immigrantes qui ont eu le temps de se consolider.
37 Pour l’immigrant entrepreneur, réunir un capital prend longtemps, puisque ce futur entrepreneur est le plus souvent inséré dans le marché secondaire du travail à faible salaire. En plus de réunir le capital, il doit obtenir une connaissance minimale de la société d’accueil et ses goûts afin de déterminer le créneau pertinent où investir. Pour ce faire, il lui faut bâtir un capital social pour accéder aux informations pertinentes concernant non seulement le créneau où investir, mais aussi les normes et lois locales régissant l’entrepreneuriat dans le contexte local. Enfin, la constitution d’une clientèle fidèle et communautaire requiert aussi une longue période pour l’installation d’une immigration familiale consommatrice par excellence ainsi que des produits et services du pays d’origine fournis par l’entrepreneur du même groupe ethnique.
38 Au Nouveau-Brunswick, cette période de temps importante et essentielle au développement de l’entrepreneuriat des immigrants pose problème. La province n’a jamais connu de grandes vagues d’immigration et plus récemment, elle n’a pas attiré les récents flux d’immigrants asiatiques et africains au pays (qui se dirigent essentiellement vers les provinces centrales et vers l’ouest du pays). Le gouvernement provincial cherche donc à opérer un rattrapage en sélectionnant directement des immigrants entrepreneurs provenant des pays comme la Chine et surtout la Corée du Sud (Belkhodja 2011). Toutefois, ces immigrants qui sont sélectionnés sur la base de leur capital financier et de leur projet d’entreprise ou de leur plan d’affaires sont tenus de monter une entreprise dans un délai de deux ans sous peine de perdre leur résidence permanente et leur caution de 75 000 dollars : ils sont donc dans l’urgence. Cette urgence fait que, sans réfléchir, ils se précipitent vers des lieux communs : achat d’un dépanneur existant ou restauration, ce qui mène à une concurrence pour attirer une clientèle limitée en termes de nombre et de pouvoir d’achat, et inévitablement à l’échec.
39 Logiquement, le contexte structurel défavorable à l’entrepreneuriat entraine une vulnérabilité des activités entrepreneuriales immigrantes. Le concept de vulnérabilité se réfère aux difficultés et obstacles rencontrés par les immigrants entrepreneurs pour démarrer leurs entreprises, mais aussi pour les faire prospérer. Ce concept permet de démarquer le discours binaire sur l’entrepreneuriat des immigrants (discours du succès ou de l’échec). Il permet de rendre compte d’un entre-deux menant au succès improbable ou à l’échec probable de l’entreprise. La vulnérabilité des immigrants entrepreneurs peut être interne ou externe, ou les deux à la fois. Ces deux types de vulnérabilité constituent autant d’obstacles à la réussite entrepreneuriale au Nouveau-Brunswick.
40 La vulnérabilité entrepreneuriale interne d’un groupe ethnique se réfère à des caractéristiques démographiques (quantitatives et qualitatives) propres au groupe en question, plaçant ce dernier dans une situation défavorable par rapport à la réussite entrepreneuriale. Au Nouveau-Brunswick, les nouveaux immigrants entrepreneurs (Chinois, Coréens, Africains du sud du Sahara et Maghrébins) sont dans cette situation de vulnérabilité entrepreneuriale interne.
41 Du point de vue quantitatif, les nouveaux immigrants entrepreneurs font face à la problématique de l’inexistence d’une masse critique de consommateurs. Les communautés ethniques n’atteignent pas de masse critique dans la province. Des quelques 2000 immigrants permanents que le Nouveau- Brunswick attire en moyenne par année, une bonne partie réémigre vers les trois métropoles du pays (Montréal, Toronto, Vancouver). Malgré les efforts récents de recrutement par le biais du Programme des candidats de la province17 , le Nouveau-Brunswick continue de faire face à un sérieux problème de rétention de ses immigrants. La faible présence numérique de leurs compatriotes prive ces entrepreneurs d’une clientèle ethnique et de la possibilité de la mise en place d’un commerce de type communautaire.
42 Quant aux caractéristiques qualitatives des nouveaux groupes ethniques, elles désignent leur composition en termes de classes sociales. La vulnérabilité entrepreneuriale interne d’une communauté immigrante peut être causée par le manque de diversification des classes sociales en son sein, ce qui va à l’encontre de la sociologie marxiste classique qui considère que les classes sociales sont constamment en lutte à cause de leurs intérêts antagoniques.
43 Une approche contrastive permet de constater que, partout où se développe l’entrepreneuriat des immigrants, il existe au sein des groupes ethniques une diversification des classes sociales et une immigration de type familial favorisant l’échange entre la classe d’entrepreneurs et les classes moyennes et populaires du groupe en question. Ces classes salariées, nostalgiques du pays d’origine, deviennent consommatrices auprès des commerçants du groupe qui leur proposent des produits du pays d’origine. Aussi assistons-nous dans ces cas à l’émergence de dispositifs commerciaux à la fois de type ethnique et exotique (Ma Mung 1996; Tarrius 1992). Dans le cas où les entrepreneurs d’un même groupe ethnique localisent leurs entreprises dans un même espace, on aurait l’existence d’enclaves ethniques. C’est le cas des Cubains à Miami, par exemple (Portes et Wilson 1980; Light et Gold 2000).
44 Dans le contexte néo-brunswickois, la vulnérabilité communautaire due au manque de diversification des classes sociales des communautés immigrantes est essentiellement liée au mécanisme de sélection des immigrants. Un tel mécanisme ne favorise pas la diversification des classes des sociales au sein des groupes immigrants. Ces derniers, plutôt que d’être composés de groupes et d’individus échangeant des biens entre eux, comportent surtout des collections d’individus en concurrence pour un petit marché. Les immigrants coréens, chinois et iraniens qui arrivent dans la province sont tous des entrepreneurs qui se précipitent d’ouvrir ou d’acheter des dépanneurs et des restaurants. Les Congolais sont pratiquement tous des réfugiés et des demandeurs d’asile et ils constituent une communauté vulnérable en termes qualitatifs et quantitatifs. Quant aux autres Africains présents dans la province, ils sont souvent des étudiants avec un faible pouvoir d’achat, même s’ils manifestent le désir de consommer des produits alimentaires et parfois vestimentaires du pays d’origine. D’ailleurs, la seule mesure prévue par le gouvernement pour favoriser la rétention des étudiants internationaux est de mettre sur pied un projet pilote les aidant à monter leur propre entreprise.
45 La saturation du marché est vite atteinte à cause de l’absence de clientèle immigrante combinée au faible pouvoir d’achat de la population de la province faisant partie de celles au Canada parmi les plus touchées par la pauvreté, le chômage et le travail à temps partiel. Ces éléments précédemment cités permettent donc de constater la concurrence des immigrants entrepreneurs dans un marché exigu.
46 À la vulnérabilité entrepreneuriale interne s’ajoute une vulnérabilité entrepreneuriale externe en raison de l’environnement dans lequel opèrent les immigrants entrepreneurs. Ce sont l’environnement juridico-institutionnel ainsi que les caractéristiques de la clientèle visée qui sont souvent en cause.
47 Un environnement juridico-politique dans lequel existent des discriminations et des inégalités sociales institutionnalisées peut fragiliser une communauté et ses entrepreneurs. Le cas des Noirs des États-Unis illustre ce type de vulnérabilité externe. Au sortir de l’esclavage, ils avaient des entreprises dans la construction, le drainage et le nettoyage à sec qui ont disparu à cause des mécanismes de ségrégation raciale qui éloignaient la clientèle blanche. De plus, ils ont été victimes de discrimination de la part des banques et des compagnies d’assurances américaines qui leur refusaient souvent des prêts (Gold 2010).
48 Une autre cause de vulnérabilité entrepreneuriale des immigrants entrepreneurs est le fait de se retrouver devant une clientèle pauvre et dans un environnement instable. C’est le cas des entrepreneurs coréens qui se sont retrouvés dans les ghettos noirs américains à cause du prix de l’immobilier élevé dans les autres quartiers blancs où réside une clientèle à fort pouvoir d’achat. Ces Coréens sont perçus par les Noirs comme des exploiteurs et des commerçants racistes, de sorte que les relations entre ces deux communautés à Los Angeles sont conflictuelles en permanence. Les commerces coréens sont victimes de vols à mains armées et de boycotts périodiques de la part de leaders noirs qui empêchent leurs coethniques d’acheter chez les Coréens. En 1990, lors des émeutes de Los Angeles, les commerces coréens furent pillés et brûlés par les jeunes noirs et latinos en proteste contre le racisme de la police (Yoon 1997).
49 Dans les provinces maritimes, en général, les causes de la vulnérabilité entrepreneuriale externe se trouvent dans un environnement non pas hostile et discriminatoire, mais qui manque de diversité. Ce déficit de diversité est largement dû à la composition ethnique des flux migratoires depuis la fondation de la province en 1784. À part les peuples fondateurs de souche française et britannique (de la Grande- Bretagne, mais aussi des Loyalistes et des Américains), d’autres groupes ethniques proviennent de l’Irlande, de l’Écosse, du Danemark, de la Hollande et d’Allemagne. Nous sommes ici en présence d’une ethnicité silencieuse (Hoonard 1991). Il existe bel et bien des groupes ethnolinguistiques, mais de couleur blanche et, essentiellement, protestants ou catholiques ou de souche européenne avec à peu près les mêmes goûts et les mêmes habitudes de consommation. Les immigrants africains et asiatiques sont arrivés seulement depuis le début des années 2000.
50 Ce paysage ethnique « blanc et silencieux » ne favorise pas l’émergence d’un commerce immigrant de type exotique ou ethnique. Les gens des Maritimes ne sont pas, le plus souvent, habitués au goût des produits proposés par les entrepreneurs africains ou asiatiques. Nous sommes ici en face de communautés non pas homogènes, mais qui partagent des goûts et des habitudes alimentaires et vestimentaires assez similaires. L’absence de diversité, combinée à une faible présence numérique d’immigrants au cours des dernières décennies, entraîne un manque d’encastrement des entreprises créées par les immigrants.
51 Le marché visé par les nouveaux entrepreneurs immigrants dans les provinces maritimes et surtout au Nouveau-Brunswick est limité. Les entrepreneurs immigrants, comme tout entrepreneur opérant dans un marché, sont en concurrence dans un champ commercial (Sall 2010). Dans ce champ existent des hiérarchies et des concurrences. Le but est d’attirer le maximum de clients et d’y occuper une position. Au Nouveau-Brunswick, la vulnérabilité entrepreneuriale fait que seuls quelques immigrants entrepreneurs réussissent à s’imposer dans un marché très vite saturé à cause d’un manque de clients.
52 À Moncton, par exemple, ce sont des restaurateurs comme Asian Garden (restaurant indien), le Tajmahal (restaurant indien) et Red Satay (restaurant vietnamien) qui réussissent à s’en sortir. À Campbellton il existe un seul restaurant vietnamien qui opère suffisamment pour un marché de consommateurs limité. Le contexte néo-brunswickois et plus largement celui des maritimes est caractérisé par la vulnérabilité interne et externe des nouveaux immigrants entrepreneurs.
53 Malgré cette vulnérabilité, on note une légère croissance du nombre d’immigrants entrepreneurs. Pour beaucoup d’entre eux, les avantages comparatifs du Nouveau-Brunswick résident dans sa qualité de vie, ses paysages, son environnement simplifié des affaires et un système éducatif bilingue dont peuvent bénéficier leurs enfants. Antoine, originaire de France et gérant d’une auberge à Bathurst, appartient à ce groupe :
54 Le Nouveau-Brunswick, largement défavorisé par sa faible capacité d’attraction et de rétention d’une masse critique d’immigrants compte sur une gouvernementalité subtile de l’immigration, sur sa qualité de vie et sur son bilinguisme pour changer son destin socioéconomique de province pauvre. La province favorise le recrutement d’immigrants entrepreneurs. À ces derniers sont assignés des tâches spécifiques : stimuler une économie provinciale morose en créant des emplois pour ainsi contribuer à la croissance démographique.
55 Or, le succès mitigé d’une telle politique soulève un certain nombre de questions, lesquelles nécessiteraient des études approfondies afin de trouver des réponses satisfaisantes. Parmi ces interrogations, les plus urgentes semblent être les suivantes : le Nouveau-Brunswick est-il en train de sélectionner les bons immigrants, c’est-à-dire des immigrants qui pourraient l’aider à créer des emplois et à éviter une tempête démographique probable? Comment la province pourrait-elle éliminer la vulnérabilité entrepreneuriale de ses immigrants entrepreneurs et assurer ainsi leur rétention?
56 La réponse à la première question semble claire. Si le Nouveau-Brunswick veut éviter une tempête démographique probable, il devrait, peut-être paradoxalement, favoriser la venue d’immigrants appartenant à des classes populaires qui ne vont pas avoir le même modèle familial de limitation des naissances que les néo-brunswickois de souche. Cette catégorie d’immigrants est moins mobile et elle développerait plus facilement un ancrage dans la province, grâce à la socialisation de ses enfants. De plus, elle pourrait facilement occuper les emplois dans le marché secondaire du travail local (usines de poisson, agriculture, construction). Les expériences des pays comme la France, les États-Unis ou la Grande-Bretagne démontrent d’ailleurs que certains immigrants provenant de classes populaires transitent plus tard vers l’entrepreneuriat après avoir réuni le capital nécessaire en tant que salariés. C’est grâce à ces immigrants provenant souvent de pays pauvres et de classes populaires que l’entrepreneuriat immigrant s’est développé dans ces pays.
57 Quant à la seconde question, sa solution résiderait peut-être dans la révision des mécanismes de sélection. En effet, le Nouveau-Brunswick, à cause de l’exiguïté de son marché du travail veut favoriser la venue d’immigrants entrepreneurs qui n’entreront pas en concurrence avec les travailleurs locaux puisqu’ils créeront eux-mêmes des emplois au lieu d’en rechercher. Toutefois, en sélectionnant uniquement des immigrants entrepreneurs, la province ne favorise pas la diversification des classes sociales au sein des groupes ethniques et elle ne permet pas ainsi l’émergence d’un entrepreneuriat ethnique ou communautaire qui élargirait la clientèle de ces entrepreneurs. Une autre solution résiderait aussi dans la simplification de l’obtention de la résidence permanente pour les étudiants internationaux finissants et les travailleurs étrangers temporaires peu qualifiés. Une telle mesure permettrait d’assurer une plus grande croissance démographique et une diversité de consommateurs.
58 Cependant, ces deux solutions proposées (favoriser la venue d’immigrants appartenant à des classes populaires et simplifier l’accès à la résidence permanente d’étudiants internationaux et de travailleurs étrangers temporaires peu qualifiés) pourraient soulever deux objections. La première : les immigrants entreraient en concurrence avec la main d’œuvre native. La seconde : ils quitteraient la province une fois la résidence permanente acquise.
59 La première objection méconnait la dimension identitaire attachée à l’emploi chez la main d’œuvre native. Cette dernière, quand bien même au chômage, ne veut pas occuper des emplois dans le marché secondaire du travail local. Une telle attitude s’explique par le lien très étroit entre l’identité et le type d’emploi occupé par les natifs. C’est ce lien étroit qui explique le paradoxe de la non-concordance. Au Nouveau-Brunswick, ce dernier se traduit par des taux de chômage élevés combinés à une pénurie de main d’œuvre dans les secteurs du marché du travail où on ne demande pas beaucoup de qualifications, par exemple (conditionnement des produits de la mer, agriculture, hôtellerie, centres d’appels). Une telle non-concordance explique le recours aux travailleurs étrangers temporaires. Les travailleurs natifs, avec peu de qualifications, préfèrent occuper des emplois dans l’ouest du pays ou se débrouiller autrement.
60 Quant à la seconde objection, elle est en partie justifiée. Actuellement, le Nouveau-Brunswick et les provinces maritimes, constituent en général, non pas des sociétés d’accueil d’une masse critique d’immigrants, mais des espaces de transition vers l’Ouest. Cette donnée structurelle n’est cependant pas incontournable, car certains immigrants veulent y rester définitivement et choisissent les provinces maritimes comme lieux de résidence. Tous ne partent pas vers le Centre et l’Ouest du pays. Ainsi, la facilité d’accès à la résidence permanente pour les étudiants et les travailleurs temporaires qualifiés et la sélection des immigrants de milieux populaires demeurent des solutions qui permettraient d’éviter ou d’atténuer une éventuelle tempête démographique néo-brunswickoise.
Leyla Sall est professeur de sociologie au l’Université de Moncton à Moncton, Nouveau-Brunswick.
Mathieu Wade est doctorant en sociologie à l’Université du Québec à Montréal, Québec.