L’épée et la plume :
La persistance du thème de la Déportation acadienne en littérature

Robert Viau
Université du Nouveau-Brunswick

1 DE 1755 À 1762, L’ACADIE A ÉTÉ VIDÉE de ses premiers habitants européens. L’iniquité de cette déportation de sujets britanniques d’origine acadienne et la conduite brutale des troupes anglo-américaines ont fait en sorte que les manuels d’antan n’évoquaient pas sans horreur ce qu’on a appelé par euphémisme le « Grand Dérangement ». Aussi ne faut-il pas s’étonner que la Déportation, après avoir fait couler beaucoup de larmes et de sang, ait fait couler beaucoup d’encre. Deux cent cinquante ans après le départ du premier navire anglais chargé de prisonniers du bassin des Mines, la Déportation demeure un thème littéraire qui continue de fasciner les auteurs. En cette année de commémoration du Grand Dérangement, cet article1 se veut à la fois un résumé et une mise à jour de notre livre Les Grands Dérangements : la Déportation des Acadiens en littératures acadienne, québécoise et française2, paru en 1997. Dans les pages qui suivent, nous insisterons sur l’évolution du thème littéraire de la Déportation et sur son importance dans la construction d’une mémoire collective.

Premiers écrits américains

2 Fait assez surprenant, ce sont des Américains de la Nouvelle-Angleterre qui les premiers rédigèrent dans les années 1840 des œuvres littéraires traitant de la Déportation. Dans celles-ci, les Américains, fiers de leur indépendance récemment acquise, cherchent à se démarquer des Britanniques et minimisent leur rôle dans l’expédition de 1755. Quelques pages déconcertantes découlent de cette quête exacerbée d’affirmation nationale.

3 * The 250th anniversary of the Acadian Deportation stimulated a significant amount of intellectual activity in the region. The papers published here were given at forums at the University of New Brunswick in Fredericton. Professors Robert Viau and Chantal Richard of the UNB French Department presented their papers as part of the Alphée-Belliveau lecture series in October and November 2005. John Mack Faragher, director of the Centre for the Study of Frontiers and Borders at Yale University, presented his paper at a public lecture sponsored by the Milton F. Gregg Centre for the Study of War and Society in February 2006.

4 * Le 250e anniversaire de la Déportation des Acadiens a donné lieu à une activité intellectuelle considérable dans la région. Les articles publiés dans ce numéro ont été présentés lors de forums tenus à l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB) à Fredericton. Les professeurs Robert Viau at Chantal Richard, du Département de français de l’UNB, ont présenté leurs articles dans le cadre des conférences Alphée-Belliveau en octobre et en novembre 2005. John Mack Faragher, directeur du Centre for the Study of Frontiers and Borders de l’Université Yale, a présenté son article lors d’une conférence publique parrainée par le Milton F. Gregg Centre for the Study of War and Society en février 2006.

5 En 1841, dans The Neutral French; or, The Exiles of Nova Scotia3, Catherine Read Williams évoque les crimes commis par les Britanniques lors de la Déportation. Cependant, dans ce roman qui ne pourrait qu’horripiler Pélagie-la-Charrette, les exilés acadiens s’adaptent à leur nouvelle situation en Nouvelle-Angleterre, refusent de retourner en Acadie et s’intègrent à la société américaine. Lorsque survient la guerre d’Indépendance, les Acadiens, à titre de néo-Américains, participent activement à l’émancipation de leur nouvelle nation. Dieu, « qui tient dans ses mains les destinées des nations, avait eu, d’après Williams, des desseins bienveillants pour les Acadiens4 » en les transplantant plus au sud pour qu’ils se revivifient « dans le seul pays où se trouve la vraie liberté5 ». Dans cette œuvre écrite sur un ton déclamatoire, le récit de la Déportation se mue en apologie de la liberté américaine et permet à l’auteur d’étaler sa foi patriotique, républicaine et antibritannique.

6 De même, l’œuvre la plus notoire sur la Déportation révèle davantage la mentalité yankee du milieu du 19e siècle que les préoccupations des Acadiens. Certes, dans la première partie d’Evangeline: A Tale of Acadie6 (1847), Henry Wadsworth Longfellow décrit les Acadiens comme des villageois religieux et paisibles, imbus de toutes les vertus chrétiennes et civiques. À Grand-Pré, les classes sociales n’existent pas et les mœurs sont empreintes de pureté et de simplicité. L’Acadie est ainsi associée à l’Arcadie, le pays du bonheur calme et serein dans la poésie bucolique grecque et latine, et au Paradis terrestre. Cette société a été détruite sans aucune raison valable par la couronne d’Angleterre. Sous la houlette de leur pasteur, les Acadiens ont accepté cette tragédie avec une force et une résignation chrétiennes.

7 Cependant, il faut noter que l’incendie de Grand-Pré et la mort et l’enterrement de Benoît Bellefontaine, qui représente le vieux monde qui doit être abandonné, inscrivent Evangeline dans la veine des poèmes qui chantent les origines de la nation américaine. L’éden de l’Acadie est reconstitué dans les bayous de la Louisiane. Basile Lajeunesse se métamorphose en un cow-boy riche et prospère qui apprécie à juste titre la démocratie américaine. Ce self-made man incarne le rêve américain : les États-Unis sont un pays jeune où tout immigrant, quelles que soient ses origines, s’il met du cœur à l’ouvrage, peut s’enrichir en peu de temps. De même, en décrivant les pérégrinations d’Évangéline à travers les États-Unis, Longfellow transforme la quête de l’Acadienne en symbole de la marche des Américains vers l’Ouest. Évangéline traverse le continent et se rend jusqu’aux limites mêmes de la frontière américaine de 1847. À la fin de sa vie, elle s’installe à Philadelphie où elle retrouve Gabriel, meurt et est enterrée. Basile, Gabriel et Évangéline sont devenus des Américains. En fin de compte, le poème est-il « a tale of Acadie » ou « a tale of America »?

8 Le roman de Williams et le poème de Longfellow ont le mérite d’inaugurer une longue série d’œuvres littéraires portant sur la Déportation. Mais ces premières œuvres dépeignent un peuple qui s’est laissé déporter sans résistance et qui a été assimilé. Pour les auteurs canadiens-français, une telle conception de l’histoire acadienne est inacceptable.

Premiers écrits canadiens-français

9 Au 19e siècle, au Québec, la lecture est le passe-temps favori de l’élite qui dévore les feuilletons, surtout quand l’hiver isole le pays de l’Europe. N’ayant pas de nouveaux romans à se mettre sous la dent, les lecteurs réclament des feuilletons mélodramatiques qui font dresser les cheveux sur la tête ou verser quelques larmes. Les propriétaires de journaux connaissent cet engouement et l’exploitent en vue d’accroître le tirage de leurs hebdomadaires. Des récits qui s’inspirent de la Déportation sont publiés, car ils offrent au lecteur une forte dose de péripéties mouvementées et de sensations fortes.

10 Pendant l’hiver 1862-1863, Le Cap au diable est publié dans La Gazette des campagnes. Dans ce feuilleton, l’auteur insiste sur l’honnêteté foncière des Acadiens et démontre que ceux-ci ont toujours été de fidèles sujets du roi d’Angleterre. Le jour de la convocation, les villageois se sont rendus à l’église sans aucune méfiance, « avec un esprit tout chevaleresque, se confiant à la loyauté anglaise7 ». Ce sont les Anglais qui ont abusé de l’honnêteté des Acadiens pour les attirer dans un guet-apens. L’auteur jette le blâme sur les Anglais pour tant de souffrances imméritées. Les tourments moraux d’abord : séparation des familles, incertitude du sort d’une épouse ou d’un enfant, longues et décevantes recherches... Puis les misères physiques : naufrage de navires, détresse des survivants, maladie et mort... Pourtant, à la fin du récit, parce que la famille du héros a su garder sa foi chrétienne malgré les épreuves qu’elle a subies, elle recevra plus qu’elle n’a perdu. Comme l’explique un prêtre, Dieu a rendu Lazare à ses sœurs alors que tous le croyaient mort et a remis avec usure à Job « ce qu’il croyait perdu pour toujours8 ». Les Acadiens seront récompensés de la même façon, pour autant qu’ils aient la foi.

11 De même, dans un deuxième feuilleton, « L’Acadien Baptiste Gaudet9 », publié la même année dans le Courrier de Saint-Hyacinthe, l’auteur écrit que les Acadiens ont été déportés pour des motifs religieux, parce qu’ils refusaient d’abandonner le culte de la Vierge et des saints, et de prêter un serment par lequel ils niaient la présence réelle dans l’hostie. Lorsqu’un officier britannique demande au maire de Grand-Pré, Pierre Gaudet, de prêter serment, celui-ci s’écrie : « Je n’voulions pas. » Il est aussitôt abattu et les Acadiens sont embarqués sur les navires. L’auteur clôt son récit en soulignant la grandeur de ces Acadiens qui ont donné généreusement leur vie pour Dieu et la patrie.

12 Nous sommes à l’époque où sévit l’ultramontanisme, où le clergé catholique exerce un pouvoir monolithique au Québec. À partir des années 1860, les écrivains sont de plus en plus contraints par les censeurs et par les critiques à tenir compte des normes morales conservatrices et catholiques de la société. La littérature se met au service du patriotisme canadien-français et de l’Église catholique, et se veut « essentiellement croyante et religieuse10 ». Désormais, la mission de l’homme de lettres, comme le souligne l’abbé Henri-Raymond Casgrain, est de promouvoir le bien, de magnifier la vertu et de combattre le vice. Les récits qui portent sur la Déportation participent à cette mission morale et littéraire.

1865

13 L’année 1865 marque véritablement le triomphe, en littérature canadienne-française, du thème de la Déportation. Cette année-là, un jeune poète débutant, Pamphile Lemay, publie une traduction libre d’Evangeline, et les premiers chapitres de Jacques et Marie, de Napoléon Bourassa, paraissent dans La Revue canadienne.

14 Commençons par la traduction de Lemay. S’agit-il vraiment d’une traduction? Le texte de Lemay est deux fois plus long que le texte original11. Lemay développe certains vers lapidaires et leur donne un souffle nouveau en accord avec l’âme canadienne-française. Il ajoute même des vers qui soulignent la « conduite barbare12 » des Anglais et les malheurs des Acadiens. Cette traduction/adaptation de Lemay sur les « horreurs » que « vit la rive tranquille13 » de la Gaspareau a été largement diffusée et explique l’interprétation particulière du poème que l’on fera de ce côté-ci de la frontière. En effet, l’œuvre de Longfellow, telle que traduite par Lemay, a été perçue au Canada français comme suintant des « pages d’histoire vengeresses ». Comme l’indique l’historien Édouard Richard, elle s’élève telle « la Némésis qui devait venger les victimes et clouer, au pilori de l’histoire, Lawrence et ses complices14 ».

15 En juillet 1865 commence à paraître un des meilleurs feuilletons historiques du 19e siècle, Jacques et Marie, de Napoléon Bourassa. En rappelant les actions héroïques des Acadiens et leur courage dans l’adversité, l’auteur cherche à empreindre cette nationalité d’un caractère qui la fasse respecter par ceux qui considèrent les Acadiens comme un peuple déchu. Bourassa présente quantité d’informations historiques, reproduit et traduit des documents officiels. Son roman est davantage fondé sur les faits historiques que les feuilletons précédents.

16 Le roman de Bourassa reprend les thèmes traditionnels de la Déportation : le traquenard de Winslow15, le démembrement des familles, le départ des Acadiens qui s’éloignent en entonnant des cantiques, l’incendie des villages... Mais à la différence des auteurs précédents, Bourassa évoque aussi le sort des Acadiens qui ont quitté leurs terres en « emportant leur haine pour les persécuteurs16 ». Dans ce groupe, nous retrouvons Jacques Hébert, qui suit son père à la baie de Beaubassin et combat sous le drapeau de la France. Tel un ange vengeur, il massacre les officiers anglais en train de célébrer par une orgie bachique la déportation des habitants de Grand-Pré. Pendant la guerre de Sept Ans, Jacques combat sur tous les fronts. Sa fiancée, Marie Landry, fait preuve elle aussi de patriotisme et de courage lorsqu’elle refuse l’offre du lieutenant Gordon de l’épouser en échange de la libération de ses parents. Mais le lieutenant Gordon n’est pas un personnage banal. Dégoûté des actes déloyaux commis par ses compatriotes et pleinement conscient de ses torts, il est prêt à renier sa religion et sa nation pour s’intégrer au peuple qu’il a persécuté. Sur le champ de bataille de Sainte-Foy, Gordon, agonisant, se convertit au catholicisme et indique à Jacques où se trouve sa fiancée. À la fin du roman, c’est donc le sentiment de culpabilité qui prédomine et qui pousse ce personnage anglais à chercher à obtenir le pardon des offensés et à souhaiter une forme de réparation.

17 Mais les Acadiens peuvent-ils pardonner? Cette question revient à maintes reprises. M. Hébert, moribond, ne veut pas leur pardonner. Indigné, il proteste car, ditil, les Anglais « ont chassé les miens dans les bois et sur les mers, ils les ont jetés en pâture aux bêtes féroces et aux poissons, ils ont mêlé leurs cendres à toutes les terres étrangères, ils ont voulu les vendre comme des esclaves, et ils sont restés triomphants dans leur crime! et leur pardonner?... non, jamais, jamais17! » Mais l’auteur veille au grain; Napoléon Bourassa, bien qu’il soit nationaliste, est avant tout ultramontain. Ses personnages acadiens, de fervents catholiques, pardonneront car « Dieu le veut18 ». Mme Hébert meurt en priant « Dieu de ne pas punir les Anglais à cause de leurs cruautés19 ». De même, M. Hébert pardonnera aux Anglais avant de recevoir les derniers sacrements.

18 Comme l’indique l’auteur, la prière et la résignation « élève[nt] un être au-dessus des injustices et des vengeances de notre monde, et lui communique[nt] cette vertu de l’amour et du pardon qui commence l’éternité du ciel20 ». De plus, comme l’explique M. Hébert, « [c]’est Dieu qui nous a vaincus [...] non pas les Anglais21 » et il revient à Dieu de venger les Acadiens. Avant de trépasser, M. Hébert a une vision dantesque : il voit les responsables de la destruction de l’Acadie rôtir en enfer, des démons les obligeant à boire des larmes, au milieu d’une tempête de malédictions que leur lancent des nuées de victimes. Dieu a puni les coupables!

Contes et légendes

19 Jacques et Marie n’est pas le seul récit où intervient le surnaturel. Dans « Le Feu de la Baie » (1863), le diable s’est emparé d’un navire qui a participé à la Déportation et y « grille22 » pour l’éternité des Anglais qui ont péché. Dans « La Nuée du diable 23 » (1898), un soldat anglais qui a commis des atrocités est englouti dans le sol au milieu d’un nuage de fumée noire. Comme le résume un vieillard acadien dans le premier récit : « Soyez sûrs qu’il y en a, dans ces flammes, qui sont tourmentés pour de gros péchés. Ah! le bon Dieu est juste, et on ne se moque pas de sa justice comme ça! [...] Les Anglais ont fait le diable dans l’Acadie […]; ils ont tué, pillé, brûlé, et le diable leur rend ce qu’ils lui ont prêté24. » Un châtiment terrible attend ceux qui enfreignent la loi de Dieu. De tels récits effraient le lecteur et le maintiennent dans un état de soumission à l’égard des autorités civiles et religieuses. Par ce fait même, le récit est utile et s’affiche, aux côtés du sermon, du catéchisme et des lois, en tant que moyen de contrôle social.

20 À quelques reprises, cependant, le diable se lasse et le ciel agit directement dans les affaires humaines. Dans « La Prière du petit Acadien » (1898), deux anges déposent des mets recherchés sur la table dégarnie d’une famille acadienne en fuite. Dieu avait voulu récompenser la naïve confiance d’un enfant qui avait « supplié le ciel d’arrêter l’impie conquérant, de rassembler les familles dispersées [et de] conver[tir] leurs infâmes bourreaux25 ». Dans « L’Héroïne de Louisbourg26 » (1889), une enfant d’une douzaine d’années se met à prier avec une si grande ferveur qu’aussitôt une tempête se déchaîne et détruit la flotte ennemie. Dans de tels récits, la réalité ou le vraisemblable importe peu. La volonté d’édifier le lecteur fait en sorte que l’on modifie tout simplement certain faits historiques.

21 À la fin du 19e siècle, l’explication que l’on propose de la Déportation est fortement influencée par les croyances religieuses. Dans Une seconde Acadie (1894), l’abbé Casgrain fait ressortir le caractère providentiel de l’histoire acadienne. Une poignée de « catholiques ardents27 », écrit-il, ont transformé un désert à peine exploré en une terre où coulait le lait et le miel, comme dans l’Israël biblique. À l’ombre de la croix, ils ont grandi et se sont multipliés. Cette société de croyants était prête à affronter l’épreuve, « à l’exemple du Maître dont elle suit les préceptes28 ». L’abandon de la mère patrie a fait tomber les Acadiens entre les mains des ennemis de leur foi, et les Anglais ont tout fait en leur pouvoir pour les exterminer. Lors de la Déportation, les Acadiens furent « traîn[és] en captivité, comme autrefois les Israélites à Babylone29 ». Cependant, par miracle, l’Acadie ressuscite. Les Acadiens sont revenus d’un peu partout, en petit nombre, mais ils se sont multipliés avec la même fécondité qu’autrefois. « Aujourd’hui, écrit Casgrain, ils [les Acadiens] sont forts et invincibles. L’avenir est à eux30. »

22 À la suite de la lecture de ces pages, il est évident, du moins aux yeux d’auteurs tel Casgrain, qu’il y a dans l’épopée acadienne « un fait providentiel, un secret dessein de Dieu ». Quel est ce dessein? Continuer l’œuvre des ancêtres et étendre la foi catholique. Si les Acadiens sont fidèles à leur foi, « ils la feront encore une fois dominer dans cette même région, dont ils ont été jadis les seuls maîtres31 ». Il y a là un glissement important dans l’interprétation de la tragédie acadienne, un nouvel élément joue un rôle essentiel dans l’explication de la Déportation : la divine Providence.

Au Québec de 1900 à 1955

23 Pendant les années de l’entre-deux-guerres, de nombreux touristes canadiens-français se rendent à Grand-Pré, la traduction d’Evangeline à la main, et refont à pied, tel un pèlerinage, le chemin qui va de l’Église-Souvenir au site de l’embarquement des déportés32. Une série de livres de voyage sont publiés où les auteurs décrivent le mode de vie des Acadiens et discutent du sort de leurs « grands frères » des Maritimes. Préoccupé par la condition d’infériorité politique et économique des francophones des Maritimes, l’abbé Lionel Groulx publie Au cap Blomidon33 (1932), un roman nationaliste qui prône la reconquête de l’Acadie. Ne suffit-il pas, à cause de la « revanche des berceaux », du grand nombre de Franco-Américains et de la disponibilité des chômeurs touchés par la crise économique des années 1930, de diriger ces courants de population pour redonner aux Maritimes leur visage français? Comme le note Groulx, « le temps approche peut-être, où, par une revanche pacifique, celle du travail, celle des berceaux, les fils des martyrs vont chasser à leur tour les fils des persécuteurs34 ».

24 Dans son roman, Groulx décrit le remords qui harcèle les spoliateurs. Un sort terrible poursuit la famille Finlay : tous ses membres meurent en des transes effroyables, pris d’une agitation hystérique, manifestation extérieure du déchirement de conscience qui les torture. Afin de posséder cette terre, leur ancêtre avait abattu les derniers survivants d’une famille acadienne. Les Finlay sont les héritiers d’un crime et ils en subissent, dans leur esprit et dans leur chair, l’expiation. Afin d’effacer la malédiction héréditaire, ils vendent leur terre et les descendants des Acadiens assassinés reviennent s’installer à Grand-Pré. L’abbé Groulx n’a jamais accepté la perte de l’Acadie comme définitive. Il compte sur une libération éventuelle du pays, car les usurpateurs ne peuvent rester impunis. Comme il l’écrit dans ses Mémoires : « Les crimes historiques, on le sait, se paient ou s’expient ici-bas35. » Pour se réapproprier le patrimoine, sans violence, tout en restant dans le cadre de la doctrine chrétienne, il faut que les héritiers de ces terres mal acquises reconnaissent l’immoralité du geste de leur ancêtre et fassent amende honorable en cédant ces terres à leurs propriétaires légitimes. Cette revanche d’ordre moral se présente bien dans un roman, mais demeure plutôt problématique dans la réalité.

En Acadie

25 Jusqu’ici nous avons peu parlé de la littérature acadienne, sauf pour remarquer qu’elle s’inscrivait dans l’aire culturelle canadienne-française. L’Acadie avait éprouvé la dépossession territoriale, était entretenue dans la pauvreté économique et culturelle, et devait lutter continuellement contre l’assimilation. À la suite de tous ces facteurs, la littérature acadienne a été pendant longtemps une littérature surtout orale. Que de fois, dans les œuvres que nous avons étudiées, l’auteur s’attarde sur la figure emblématique d’un vieillard racontant à ses petits-enfants assis au coin de la « maçoune » (l’âtre) les grandeurs et misères de l’ancienne Acadie. Mais ce qui surprend dans les chansons, légendes et contes acadiens, c’est l’absence du thème de la Déportation. Certes, les Acadiens ont la nostalgie de l’ancienne Acadie, mais ils ne s’attardent pas sur la Déportation. Comme l’explique P.D. Clarke :La mémoire collective, telle qu’elle se manifeste dans la culture populaire et dans l’histoire orale, remémore un passé au-delà de la Déportation, celui de « l’empremier », c’est-à-dire du paradis perdu. [...] Le choc que fut la Déportation se traduit alors par une forme d’amnésie collective. La vie de subsistance et la domination d’une culture populaire forte y étaient pour quelque chose, de même que l’absence d’une élite lettrée. La psychologie collective y a peutêtre aussi contribué : aux prises avec la survie même, les Acadiens mettent de côté les souvenirs qui les traumatisent36.

26 Un changement d’attitude notoire se fait sentir lors de la renaissance acadienne de la fin du 19e siècle. Orateurs et journalistes acadiens se proposent de convaincre leurs compatriotes que leur isolement séculaire est terminé et que leur état présent d’infériorité n’est dû, en grande partie, qu’à la Déportation. Les premiers colons et les déportés ont été héroïques et leurs descendants n’en sont pas moins valeureux. Il n’en tient qu’à eux maintenant, s’ils restent fidèles aux traditions, à la langue et à la foi des ancêtres, d’assurer la survie nationale. La Providence veille sur l’Acadie et le pays est promis à un bel avenir. Comme le proclame le père Philias-Frédéric Bourgeois dans un texte intitulé « Sur la situation présente et l’avenir des Acadiens » (1880) : « Quand Dieu fait surnager des fragments de peuple à des naufrages aussi multipliés que les nôtres, quand Il fait survivre cette même race aux proscriptions, aux combats et aux exactions de toute sorte, il n’est pas illusoire de juger qu’Il lui réserve tôt ou tard un rôle important dans le concert des nations37. »

27 Inspirés par les historiens, les écrivains acadiens cherchent eux aussi leurs idéaux dans le passé et entretiennent le souvenir, croyant par là mieux assurer la survie de leur nation. Dictés par un sentiment de nécessité patriotique, ils veillent à ce que le peuple n’oublie pas les malheurs de 1755. L’histoire de la Déportation acadienne est alors ressassée par certains, sublimée par d’autres; le mythe d’Évangéline atteint son apogée. Dans le domaine du théâtre, un nombre considérable de pièces portent sur la Déportation, mais ces pièces présentées dans les collèges ne sont pas publiées. Pascal Poirier, se remémorant ses années de jeune collégien à Memramcook, écrit :Dès la fin de l’année 1870, un jeune ecclésiastique irlandais, d’ailleurs parfaitement estimable, en fit une [pièce] sur un épisode de l’expatriation des Acadiens. Rien de plus douloureux à voir et surtout à entendre! Le sang coulait à flots dès le premier acte. Au quatrième acte, tous les personnages français avaient péri sous le poignard ou par l’épée; et quand le rideau tomba sur la scène finale, il ne restait plus assez de vivants pour enterrer les morts38.

28 Pour les éducateurs, le théâtre est un excellent moyen de former le sentiment national. L’œuvre d’un auteur en particulier retient notre attention. Professeur au collège Sainte-Anne, à Pointe-de-l’Église (Nouvelle-Écosse), le père Jean-Baptiste Jégo avait constaté que « le théâtre instruit mieux que ne fait un gros livre39 ». Il décide donc de monter une pièce sur la Déportation afin de susciter chez les acteurs et les spectateurs une plus grande fierté d’être des Acadiens francophones et catholiques. Le Drame du peuple acadien est présenté en avril 1930, obtient un grand succès et est couronné par l’Académie française.

29 Dans cette pièce qui suit le schéma traditionnel du récit de la Déportation, c’est-à-dire celui du martyre d’innocents, il y a plusieurs moments de grande intensité dramatique. Sommer de se soumettre à un serment d’allégeance et de renier leur religion et leur patrie, les délégués acadiens refusent, malgré la menace du gouverneur Lawrence de les sabrer. Bénédict Bellefontaine répond au gouverneur, en découvrant sa poitrine : « Frappez, Monsieur, si vous l’osez; je serai le premier martyr. Vous pouvez tuer mon corps, mais vous ne tuerez jamais mon âme; tant que je vivrai, elle restera toujours catholique et française40. » C’est d’ailleurs à la suite de cette réplique, comme le souligne le correspondant du journal L’Évangéline, que « les applaudissements ont éclaté avec le plus d’enthousiasme41 ». Bénédict Bellefontaine refuse de désespérer, car il sait que le peuple acadien ressuscitera meilleur, plus grand, plus vigoureux que jamais « pour la gloire de la race française et de l’Église Catholique42 ». Après la Déportation, les survivants se mettent en route vers l’Acadie et atteignent la baie Sainte-Marie, où ils se réenracinent. Mais Bénédict se meurt. Levant les yeux au ciel, il reçoit une douce vision, celle du « miracle acadien » : la population se multiplie, les écoles prospèrent, des églises se dressent là où les Acadiens ont souffert. Désormais, Bénédict s’en va heureux vers le ciel. Et le tout se termine comme il se doit par l’Ave Maris Stella.

30 Le Drame du peuple acadien est davantage un traité didactique, édifiant, sur l’histoire acadienne qu’une pièce de théâtre proprement dite. Comme l’explique Jégo : « nous avons donn[é] à la jeunesse acadienne une leçon d’histoire en images, aussi simple que possible43 ». L’auteur veut inciter ses élèves à rester attachés aux traditions de leurs pères. Comme il le souligne à la fin de la pièce : « Religion, langue et patrie, voilà le mot d’ordre de l’avenir. Fils de martyrs, vous n’avez pas le droit d’être des renégats44! »

31 Le premier roman historique sur la Déportation écrit par un Acadien et publié en Acadie, à Moncton en 1940, est Elle et Lui, Tragique Idylle du peuple acadien, du sénateur Antoine-J. Léger. « Lui », c’est Jean, un ouvrier modèle qui travaille avec courage et intelligence, prie souvent et se confie à Dieu. Ce roman est d’ailleurs l’œuvre la plus empreinte de religiosité que nous ayons étudiée : prières, considérations religieuses, conversations avec le curé se succèdent sans interruption. Quand il est suffisamment établi sur sa terre, Jean demande « Elle », sa voisine Jeanne, en mariage. Les années se suivent, remplies d’un bonheur parfait : 10 enfants naissent, la ferme est améliorée et agrandie. Malheureusement, c’est à ce moment du récit que l’auteur transforme son roman en plaidoyer. Léger, qui est un avocat, met de côté l’histoire événementielle de Jean et Jeanne et s’applique à prouver l’innocence de ses ancêtres en réfutant l’une après l’autre les accusations portées contre eux par des historiens canadiens-anglais. Il cite abondamment des documents historiques qui prouvent la mauvaise foi des Anglais et conclut sa défense passionnée par ces quelques mots : « Maintenant, quel est le crime de ces pauvres gens que l’on veut balayer de la face de la terre? Leur foi inaltérable dans le traité et leur loyauté inviolable envers leurs nouveaux maîtres, il n’en existe pas d’autres45. »

32 Ayant établi l’innocence de son peuple et l’étonnante perfidie des autorités britanniques, l’auteur reprend son récit et décrit le guet-apens de Grand-Pré. Les Acadiens ne se révoltent pas. Fervents catholiques, ils joignent les mains et prient : « [O]n n’entend qu’un seul murmure, toujours le même, une prière à la Sainte Vierge qui, comme eux, s’était jadis trouvée sans foyer, sans enfant, sans ami46. » Dix ans plus tard, après une série de malheurs, Jean retrouve sa femme et quelques-uns de ses enfants. Croyant toujours en la miséricorde de Dieu, il meurt à l’âge de 85 ans, en se soumettant à la volonté du Créateur. Comment expliquer une telle vie de misère? Un missionnaire nous donne un indice : « Dieu, dit-il, se cache souvent pour voir jusqu’où vont la perversité des méchants et la patience des justes47. » L’auteur ne cherche pas à fomenter la révolte ni à éveiller des haines séculaires. Son roman se veut plutôt un encouragement aux Acadiens à poursuivre le combat pour la survivance en suivant l’exemple des Anciens. Somme toute, d’après Léger, le peuple acadien est un peuple de martyrs qui a toujours su résister aux sentiments de vengeance en puisant dans l’enseignement évangélique « la résignation qui fait supporter la vie sans murmure48 ». « L’Acadien n’a pas de rancune49 », écrit Léger; et le sénateur termine son roman, rédigé à l’ombre du Parlement, par une exhortation à l’unité et à la fraternité des Acadiens et des Canadiens anglais au sein du Canada et de l’Empire britannique.

33 Si, en 1940, Antoine-J. Léger insistait beaucoup sur la loyauté et la résignation chrétienne des Acadiens, six ans plus tard, dans Une fleur d’Acadie, il exalte l’insoumission et la résistance des Acadiens de la région de Petitcoudiac. Le héros René participe aux combats de Chipoudie, de Chignectou et de Louisbourg. Puis il se rend à Québec, où une centaine d’Acadiens, n’ayant plus rien à perdre, se distinguent par leur bravoure et leur intrépidité au combat. Pendant ce temps, sa fiancée Hélène se dévoue auprès de ses compatriotes, soigne les malades, console les affligés et prie avec ferveur. Remarquée pour son courage et sa foi, Hélène se mérite le surnom de « fleur d’Acadie ». Après la guerre, René retrouve Hélène et les deux amoureux peuvent enfin se marier. Dans Une fleur d’Acadie, Léger veut démontrer aux Acadiens que leur race en est une qui ne sait pas mourir, qu’elle « refleurira » pour autant qu’elle ne cède pas au désespoir et qu’elle lutte pour ses droits. Comme le résume le personnage d’Hélène :Réunissons nos énergies, nos talents, nos vertus, nos faiblesses même, et, que nos ennemis nous trouvent toujours unis pour réclamer nos droits. À nous il incombe de remettre à ceux qui nous suivront sinon nos biens confisqués, au moins l’héritage de notre foi et de notre nationalité; à nous d’empêcher que s’éteigne le flambeau de la survivance française sur cette terre qui fut la nôtre50!Par ces exemples, l’auteur espère former la conscience nationale des siens.

1955

34 En 1955, les Acadiens célèbrent le bicentenaire de la Déportation. À cette occasion, les événements de 1755 inspirent plus que jamais les tenants d’une littérature historique et patriotique. Le père Laurent Tremblay publie trois drames acadiens à saveur historique51 dans lesquels il valorise la femme acadienne, son esprit d’initiative, de débrouillardise et de combativité. L’auteur se dégage des préceptes de soumission et d’obéissance de la période précédente pour proposer des exemples de femmes fortes qui annoncent les héroïnes d’Antonine Maillet.

35 La même année, « Paul Desmarins » publie deux romans sur la fuite des Acadiens vers la baie des Chaleurs et les dernières batailles en Acadie. Le premier, Josette, la petite Acadienne, est un roman historique pour enfants qui raconte la fuite dans la forêt de Josette Bourg et de sa famille. Surpris par des soldats anglais, ils sont tous massacrés, sauf Josette. Se retrouvant seule, entourée de cadavres, Josette passe la nuit à pleurer. Lorsqu’elle arrive enfin à s’endormir après avoir prié la Sainte Vierge, elle voit en rêve une dame vêtue de blanc, une ceinture bleue à la taille et une étoile scintillante à la tête, qui lui dit de marcher vers le nord. Recueillie par un Acadien, Josette échappe à la soldatesque et atteint le poste français de la Miramichi, commandé par M. de Boishébert52. Celui-ci, touché par le courage et l’endurance de l’enfant, lui accorde une décoration qu’il avait reçue du roi, car il voit en Josette le symbole de l’Acadie martyre. Entourée de gens malheureux, Josette met de côté sa propre douleur pour aider à soulager la misère de ses compatriotes et participer à la construction d’une Nouvelle Acadie.

36 Roman sanguinaire, trop peut-être pour de jeunes lecteurs, Josette, la petite Acadienne prêche le courage, l’endurance et la soumission à la volonté de Dieu, car quiconque « a la religion chevillée à l’âme53 » saura surmonter les épreuves. De plus, les épreuves envoyées par Dieu sont adoucies par l’intercession de la Sainte Vierge, qui « ne résiste pas à la prière fervente d’une âme simple, droite et pure54 ». Mais à la suite de l’horreur des premières pages, une question demeure : pourquoi cette tragédie subie par des catholiques? La réponse, basée sur le dolorisme, est que ceuxci doivent souffrir pour mériter le ciel. Comme l’explique Josette : « savez-vous pourquoi l’Étoile de la sainte Vierge est si belle et si brillante? C’est parce qu’elle est faite avec les larmes de Jésus, les siennes, et puis les nôtres... Il faut pleurer beaucoup, mon oncle, pour aller au ciel55 !» Un deuxième roman, Traqués sans merci56 (1956), suit sensiblement la même intrigue que Josette, la petite Acadienne. Les deux romans de « Desmarins » débordent d’intentions pieuses et d’exemples édifiants. L’auteur cherche à aiguiser la conscience nationale des enfants, mais de façon négative. Ses romans contiennent trop de haine de sorte que la critique Judith Cowan peut se permettre d’écrire : « Les deux livres sont remplis de nationalisme frustré et du désir évident de châtiment, mais c’est à peu près tout57. » Nous pourrions dire la même chose au sujet du roman suivant.

37 En 1956, J.-Alphonse Deveau publie Le Chef des Acadiens, un roman d’aventures centré sur le Grand Dérangement, dans lequel des Acadiens révoltés par la traîtrise des Anglais rendent coup pour coup. Embuscades, abordages et massacres se suivent à un rythme effréné. On nous sert sur différents modes les « on vit un manche de couteau qui lui sortait entre les épaules58 », les « un coup de fusil éclata et un autre soldat s’affaissa dans les fougères de la forêt59 » et les « saisissant son tomahawk, [il] le fit tourner en l’air et l’abattit sur le crâne nu qui se fendit en répandant la cervelle par terre60 ». En revanche, dans ce roman, aucun vieillard n’exhorte au pardon, aucun curé ne prêche la résignation et aucun personnage ne s’arrête, au milieu de l’action, pour prier.

38 Un nombre impressionnant de romans, de pièces de théâtre et de recueils de poésie ont été publiés lors des fêtes du bicentenaire, mais ces fêtes sont sans lendemain. Elles représentent le chant du cygne d’une littérature passéiste qui exprime une idéologie officielle dite nationale. Les jeunes auteurs acadiens se détournent du thème de la Déportation et de l’idéologie clérico-nationaliste qui la sous-tend. Devant le danger de folklorisation de l’Acadie, de cette tendance néfaste de se réfugier dans le passé au lieu de dénoncer l’inacceptable réalité du présent, les écrivains acadiens se mettent à contester l’idéologie de survie des conventions nationales et les symboles nationaux devenus, à leurs yeux, synonymes de peur, d’infériorité, de colonisation. Désormais, il est préférable de se détacher du souvenir de la Déportation. Comme l’explique Louis LeBel lors du discours officiel d’ouverture du 13e congrès national des Acadiens en 1960 : « Sur ces douloureux événements, faisons le silence, sinon l’oubli61. » À quoi bon revenir sur des scènes d’injustice et de piété éternelles en cette période de libération et d’expérimentation?

L’Acadie contemporaine

39 Pendant les années 60 et 70, les auteurs de « l’Acadie à faire » récusent l’image de l’ancienne Acadie, muette et résignée. Pourtant, malgré la prépondérance de ces écrits contestataires, le thème de la Déportation resurgit de façon éclatante. En 1979, Antonine Maillet se voit attribuer le prix Goncourt pour son roman Pélagie-la-Charrette62, ce qui assure au récit de la Déportation une diffusion universelle. Dans ce roman, la romancière acadienne récrit l’histoire des Acadiens exilés qui ont remonté l’Amérique afin de revenir dans leur coin de pays. Pélagie Bourg dite LeBlanc « grée » une charrette et, avec trois paires de bœufs de halage, quitte les champs de coton de la Géorgie pour retourner chez elle, en Acadie. Au fil des ans, des enfants naissent, des liens se tissent entre les jeunes adultes, d’autres Acadiens exilés surgissent... Peu à peu, ces retailles de familles deviennent un peuple en marche.

40 S’inspirant à la fois de la tradition orale et de l’histoire écrite, Maillet reprend à son compte les hauts faits de cette odyssée, les colorant à sa manière, leur insufflant une vie nouvelle par son art de conter. Il y a trois niveaux de narration dans Pélagie-la-Charrette, à trois paliers historiques différents, chaque narration se faisant à un siècle de différence. Tantôt auditeurs, tantôt observateurs, tantôt participants, les divers narrateurs racontent quantité de récits, à l’intérieur du récit du retour d’exil des Acadiens, et s’adressent à divers narrataires. Malgré les différences de temps et d’espace, ils peuvent s’interpeller, se contredire et se corriger, et, grâce à ce va-etvient qui abolit les barrières narratives et les distances spatio-temporelles, œuvrer tous ensemble à l’élaboration d’un récit d’une très grande vivacité, épique et démesuré. Pélagie-la-Charrette est un tissage savant de voix en une courtepointe colorée, un récit auquel toutes et tous ont contribué, et le reflet de cette odyssée collective d’un peuple en marche. Il faut noter que Pélagie-la-Charrette est le seul roman de la Déportation qui se caractérise par une recherche formelle originale. Malheureusement, aucun autre auteur ne suivra Antonine Maillet dans cette aventure de l’écriture, préférant l’écriture d’aventures dans le cadre traditionnel du roman de la Déportation.

41 Plusieurs œuvres reprennent ce thème de la capacité des Acadiens à surmonter la tragédie de la Déportation. Le roman Adieu, p’tit Chipigan63 (1979) se déroule une trentaine d’années après la Déportation, au moment où les Acadiens étaient encore à la recherche d’un endroit où ils se sentiraient à l’abri de leurs ennemis. Cochu et le soleil64 (1978) porte sur la « deuxième Déportation » des Acadiens de la rivière Saint-Jean, à la suite de l’arrivée des Loyalistes. Enfin, un troisième « dérangement », qui n’est pas propre à l’Acadie, mais que seule l’Acadie perçoit sous cet éclairage, serait l’exode rural, la razzia des terres par l’argent souvent étranger, l’exil dans les autres provinces ou simplement à la ville, tel que décrit par Jacques Savoie dans Raconte-moi Massabielle65 (1979). Dans ces romans, les auteurs s’en prennent aux diverses formes de déportation et à la disparition en douce d’un peuple. Ils prêchent le refus de l’uniformisation, de la réduction au plus simple dénominateur, ce qui, dans le contexte du roman, signifie leur refus de voir disparaître l’Acadie.

42 En littérature pour la jeunesse, La Butte à Pétard66 (1989) raconte les tribulations de jeunes Acadiens de la région de Memramcook qui construisent une cabane bien cachée dans les bois et tentent de survivre aux intempéries et à la menace anglaise en attendant le retour de leurs parents. Dans Le Tapis de Grand-Pré67, Réjean Aucoin et Jean-Charles Tremblay puisent dans le passé une légende qui vivifie l’histoire de la Déportation et « tisse » des liens entre les diverses communautés acadiennes de la Nouvelle-Écosse. Quel est le but de ce genre de récit sinon d’instruire les jeunes lecteurs, de leur révéler leurs origines, en un mot d’éveiller leur fierté acadienne. Dans cette série d’œuvres sur la Déportation, nous retrouvons même un scénario de film présenté sous forme de roman. Dans Mésagouèche : l’évasion d’un peuple68 (1991), Paul Surette recrée un événement réel, l’évasion de 86 Acadiens du fort Lawrence dans la nuit du 30 septembre 1755, et met en valeur leur courage et leur détermination à combattre.

43 À la suite de cette série de héros acadiens qui ont su résister, nous sommes surpris de retrouver des romans à contre-courant où les personnages s’assimilent ou prêchent la bonne entente avec les Anglais. Dans La Pierre magique (1985), Félix E. Thibodeau décrit la déportation de la famille Doucet de la vallée du Dauphin, son exil au Massachusetts et le retour du fils sur la terre de ses ancêtres. Cette œuvre reprend le thème de la réappropriation de la terre paternelle que nous avons vu dans Au cap Blomidon, mais, à la différence du roman de Groulx, la survivance acadienne n’a pas droit de cité dans La Pierre magique. Jean Doucet devient John Sweet, oublie ses parents qui meurent de chagrin, épouse une Anglaise et élève ses enfants Julia-Anne et John Paul. Pourtant, l’auteur rappelle dans les dernières pages du roman qu’« un petit nombre [d’Acadiens] étaient venus s’établir au sud-ouest de la province69 ». Pendant que ceux-ci grattent un sol ingrat, les Sweet profitent de l’héritage des Doucet.

44 En 1992, le docteur Edmond-L. Landry publie un roman historique intitulé Alexis qui traite du désir des Acadiens de rester neutres. Lorsque les militaires français projettent d’établir un poste militaire sur l’isthme de Chignectou, Alexis, à titre de représentant officiel de son village, demande aux soldats de quitter les lieux. Leur présence pourrait forcer les Anglais à des représailles de sorte que les habitants devront « en payer le prix comme d’habitude70 ». De plus, comme l’explique Alexis, les Acadiens ne sont guère intéressés à servir Louis XV : « notre patrie, à nous, c’est l’Acadie... que votre chère France a abandonnée aux Anglais. Nous n’en avons pas connu d’autres, nous, des pays... » Enfin, comme le résume en quelques mots un autre Acadien : « Allez vous battre ailleurs71! » Pris en étau entre Français et Anglais, les Acadiens refusent d’être des pions sur l’échiquier européen. Malgré cette supplique, les Français construisent le fort Beauséjour, la situation s’envenime et comme il est difficile de séparer le bon grain de l’ivraie, les autorités anglaises envisagent la nécessité de déporter tous les Acadiens.

45 Roman pacifiste qui prêche la bonne entente, Alexis est un anti-héros qui étonne. Ici, aucun personnage ne meurt en criant : « Vive l’Acadie! » Au contraire, l’auteur souligne l’absurdité de la guerre, l’immense souffrance des gens ordinaires, la destruction des biens et l’horreur de tant de sang versé. Pourquoi ériger des barrières entre les nations au nom de la langue et de la religion? D’ailleurs, comme le laisse entendre l’auteur, si ce n’était du fanatisme religieux de certains prêtres et de ce nationalisme exacerbé en provenance de Québec, les Acadiens et les Anglais marcheraient côte à côte en paix.

46 À l’encontre du docteur Landry, le romancier et psychologue Claude Le Bouthillier reprend le thème nationaliste traditionnel de la Déportation dans Le Feu du mauvais temps (1989) et Les Marées du Grand Dérangement72 (1994). Cette image du feu du mauvais temps symbolise bien les romans de Le Bouthillier : le feu des canons et des incendies; les vaisseaux de guerre, de la Déportation et de la mort qui pourchassent sans relâche un peuple abandonné par la mère patrie; le mauvais temps que traverse l’Acadie entre 1740 et 1763.

47 Curieusement, les romans de Le Bouthillier se présentent en quelque sorte comme la somme des œuvres antérieures. Nous retrouvons Angéline Clairefontaine, fiancée à Tristan, le fils du forgeron (ce qui nous renvoie à Evangeline), et une jeune orpheline qui fuit dans un camp de réfugiés où elle aide les religieux dans leur travail de consolation des affligés (comme dans Josette, la petite Acadienne), Beausoleil et Beaulieu qui harcèlent les troupes anglaises. Pourquoi chercher à souligner les actes de ces personnages que nous avons rencontrés dans d’autres récits? Le Bouthillier explique qu’il a voulu faire ressortir « les actions héroïques qui témoignent d’une vive résistance en Acadie, contrairement à l’image d’un peuple résigné devant les Déportations qui a été véhiculée73 ». Certes, l’Acadie a été perdue, mais Le Feu du mauvais temps et Les Marées du Grand Dérangement démontrent que les Acadiens ont défendu chèrement leur liberté en combattant.

48 De plus, une dizaine d’années avant le Da Vinci Code de Dan Brown, Le Bouthillier évoque l’hypothèse que Jésus aurait eu des enfants avec Marie-Madeleine. Ceux-ci auraient suivi Joseph d’Arimathie en Europe et, de là, ils auraient essaimé. Ces descendants seraient des Graals en chair et en os avec dans leurs veines le sang du Christ. Des vases vivants, en somme, et qui se seraient mêlés avec les Acadiens, ce qui expliquerait les persécutions fanatiques des Anglais et le Grand Dérangement...

Œuvres récentes

49 Depuis le début du nouveau millénaire, de nombreux romans sur la Déportation ont fait leur apparition sur les présentoirs des librairies. Les Nous reviendrons en Acadie!74 (2000), Herménégilde l’Acadien75 (2000) et Jacou d’Acadie76 (2001) sont des livres pour la jeunesse où les auteurs cherchent à émouvoir de jeunes lecteurs en leur faisant éprouver, par l’intermédiaire de personnages sympathiques, ce que peuvent être une déportation et la dispersion d’une famille.

50 À l’exception de ces romans pour la jeunesse, les romans de la Déportation, qui n’étaient auparavant que des plaquettes, sont devenus au fil des ans des pavés de plusieurs centaines de pages. Dans ces romans-fleuves, le lecteur s’empêtre trop souvent dans la lourdeur des intrigues qui n’en finissent plus de s’éterniser, tout comme la vie des héros d’ailleurs. Mais comment faire autrement dans un roman qui se propose de décrire le sort de familles acadiennes éparpillées aux quatre coins du globe, luttant constamment pour survivre et transmettre leur langue, leur culture et leur foi? Oscillant entre les histoires de chacun et la grande Histoire, ces romanciers nous brossent un tableau saisissant de l’époque de la Déportation.

51 Dans Le Saule de Grand-Pré77, paru en 2001 (l’auteur travaille à une suite à ce roman), René Verville raconte avec une minutie incroyable les événements survenus aux Mines et décrit les émotions de ceux qui ont vécu la Déportation, leurs craintes et leurs espoirs, leurs doutes et leurs actions. En 2002, le Français Alain Dubos a entamé dans Acadie, terre promise78, la grande saga de la famille Lestang et de ses descendants. Dubos a été vice-président de l’organisation Médecins sans frontières et il s’attache à décrire dans son roman la souffrance de ceux qui subissent la guerre. Il rend un hommage bouleversant aux victimes de la Déportation et il stigmatise ceux qui exécutent des crimes contre l’humanité en se cachant sous le paravent des ordres reçus. En lisant ce roman, le lecteur ne peut s’empêcher d’établir des comparaisons avec les massacres et déportations qui de nos jours encore défraient les manchettes. Dans le deuxième volume, Retour en Acadie79 (2003), l’auteur puise dans son expérience des camps de réfugiés afin de raconter la dispersion des Acadiens dans les colonies américaines. Enfin, dans son dernier roman, La Plantation de Bois-Joli80, l’auteur décrit l’émigration des Acadiens en Louisiane. Les romans de Dubos expriment cette volonté de lutter des Acadiens, et le récit insoutenable des horreurs de la Déportation est contrebalancé par la très grande résilience des déportés et leur immense espoir en l’avenir. Ces romans historiques ne présentent pas un reflet passif du réel, mais une réflexion sur ce qui a été et sur ce qui est. Ils rappellent à tous la pathétique leçon du passé et ne peuvent que servir la cause de la paix dans un monde qui ne semble pas toujours avoir appris de ses erreurs.

Conclusion

52 À la suite de toutes ces œuvres sur la Déportation – nous en avons recensé près de 70 –, une question demeure : pourquoi revenir constamment sur ce sujet? Dans l’Histoire du Canada des Frères des écoles chrétiennes, les auteurs terminent le chapitre sur la Déportation par ces mots : « Sur les ruines de cette contrée désolée, on trouve encore aujourd’hui des rejetons des vieilles souches acadiennes, qui, par leur présence, protestent sans cesse contre la conduite injuste et déloyale de leurs spoliateurs81. » Protester et durer sont des mots d’ordre : la Déportation n’aurait jamais dû avoir lieu, n’a jamais été acceptée et n’a jamais cessé d’être l’objet d’études et de polémiques.

53 Ce qui anime les auteurs qui ont écrit sur ce sujet, c’est l’indignation face à l’iniquité historique. Les premiers romans de la Déportation ont été rédigés dans un but de défense et d’illustration de l’Acadie. Les auteurs veulent racheter de la honte un peuple colonisé en lui inculquant la fierté de ses origines, en lui rappelant les actions héroïques de ses ancêtres, leur vaillance sur le champ de bataille et leur courage dans l’adversité. Ces romans historiques procèdent d’une intention morale : donner d’une époque une image exemplaire afin d’infléchir le présent et le futur. Les auteurs semblent s’inspirer de cette phrase d’Hippolyte Taine : « Le génie d’un peuple a beau plier sous une influence étrangère, il se redresse. »

54 Mais il faut bien l’admettre, les récits de la Déportation sont, dans l’ensemble, défaitistes et déprimants. Les tentatives héroïques des Acadiens de repousser les Anglais sont vouées à l’échec. Que le personnage principal soit un fils de fermier ignorant et passif qui se laisse berner et emmener sans résistance sur les navires anglais ou un jeune homme vif et résolu, qui se débat avec l’énergie du désespoir et combat l’ennemi sur tous les champs de bataille, le résultat est le même. Dans tous ces récits, nous éprouvons un regret languissant que les Acadiens n’aient pas pu se défendre avec plus de force et plus de succès.

55 Mais peut-il en être autrement? Dans l’Odyssée, Ulysse est en butte à l’intransigeance de Poséidon, qui l’empêche de revenir à sa femme et à son pays. Dans les récits de la Déportation, le héros lutte contre une force plus grande : l’Histoire. De là naît le caractère tragique des romans de la Déportation. Bien que chaque nouvelle bataille, chaque pas le long de cette route du retour en Acadie acquière une importance captivante, nous savons que l’Acadien ne peut pas gagner. Sa grandeur tragique se manifeste dans cette résistance héroïque et tenace à des forces supérieures. À la fin du roman, le personnage principal connaîtra tout de même un demi-succès : il retrouve après des années d’errance sa fiancée. Ce demi-succès est signe de jours meilleurs. Dans les dernières pages du récit apparaît le véritable héros qui est l’espoir et la vie elle-même. Le couple se refait, la race se perpétue, l’avenir est ouvert. Le roman se clôt sur des lignes qui annoncent un « prochain épisode » positif qui assure un avenir réparateur, où il y aura retour en Acadie et renaissance.

56 Certes, les inventions de nos auteurs ne sauront jamais rendre la complexité de la Déportation. Leur imagination trop rapidement essoufflée ne parviendra jamais à égaler les événements de la vie réelle et de l’histoire écoulée, mais là n’est pas leur but. Certains auteurs nous fournissent des leçons, la plupart des faits et des images, tous de quoi approfondir et élargir notre réflexion. En racontant l’histoire de cette époque, ils suscitent le souvenir. Et la marque des grands événements, c’est que leur souvenir l’emporte sur la mort. Les récits de la Déportation sont beaucoup plus qu’une série événementielle de catastrophes et de revers. Ils expriment un désir de ressusciter du passé cet événement pour le conquérir. Comme l’écrivait l’historien Placide Gaudet dans Le Grand Dérangement (1922) : « Je dédie ces pages à la mémoire toujours chère des martyrs de 1755, et pour l’édification de la piété filiale de leurs nombreux descendants, afin que les pères le redisent à leurs fils, et que ceuxci le redisent à ceux qui naîtront d’eux de génération en génération82. » Cette volonté effrénée qui surgit de génération en génération de raconter la Déportation exprime l’affirmation d’une différence qui refuse de s’abolir, un refus d’oublier qui est garant de l’avenir, une passion pour la vie qui ne se dément pas.

57 Somme toute, cette série d’œuvres porte sur la fidélité : fidélité à la langue, aux ancêtres, à ce rêve d’une société qui serait autre et qui se nommerait Acadie. Le passé a besoin qu’on le maintienne, qu’on le révèle à ceux qui l’ignorent et qu’on le rappelle à ceux qui l’oublieraient. En évoquant ces jours de calamité, les auteurs protestent contre l’œuvre exterminatrice et contre l’oubli qui compléterait, scellerait cette œuvre à jamais. L’art est un défi à la mort, un anti-destin. Chacune de ces œuvres est une interprétation, une épuration de l’histoire, mais la leçon commune est celle de la victoire de l’Acadie sur sa servitude, sur le destin qu’on a voulu lui imposer.

58 De nos jours, les historiens mettent en lumière des documents et des témoignages inédits. Des romans, des contes et de courts récits traitant de la Déportation paraissent chaque année. Les romans publiés antérieurement sont réédités. Un sourd travail de germination prépare la prochaine éclosion de romans. Deux cent cinquante ans après le départ du premier vaisseau chargé de prisonniers du bassin des Mines, la Déportation acadienne demeure un sujet d’actualité.

ROBERT VIAU

Notes

1 Une première version de cet article a été présentée dans le cadre des Conférences Alphée-Belliveau, à l’Université du Nouveau-Brunswick, le mardi 11 octobre 2005.

2 Robert Viau, Les Grands Dérangements : la Déportation des Acadiens en littératures acadienne, québécoise et française, Beauport, MNH, 1997, 381 p.

3 Catherine R. Williams, The Neutral French; or, the Exiles of Nova Scotia, Providence, s.n., 1841, 109 p.

4 « I now fully believe that he who holds in his hands the destinies of nations, had gracious designs in bringing us here; that he transplanted us to a warmer clime in order to incorporate us with a free and happy people, and unite us in the great work. » Williams, The Neutral French, vol. 2, p. 33. Veuillez noter qu’à moins d’indication contraire, j’ai traduit les citations.

5 « Let us rejoice that our beneficent Creator has placed us in the only land where true liberty is to be found. » Ibid., vol. 2, p. 102.

6 Henry Wadsworth Longfellow, Evangeline: A Tale of Acadie, Boston, William D. Ticknor, 1847, 163 p.

7 Charles de Guise, Le Cap au diable, Légende canadienne, Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Firmin H. Proulx, 1863, p. 9.

8 Ibid., p. 42.

9 P. de S***, « L’Acadien Baptiste Gaudet », Courrier de Saint-Hyacinthe, 28 juillet - 25 août 1863.

10 Henri-Raymond Casgrain, « Le Mouvement littéraire en Canada », Œuvres complètes, t. 1, Montréal, Beauchemin et Valois, 1884, p. 368-369.

11 On compte 2 814 vers chez Lemay, 1 399 chez Longfellow. Voir Jeanne Demers, « La part de l’imagination dans la traduction d’Évangéline par Pamphile Le May », dans Raoul Boudreau et coll. (dir.), Mélanges Marguerite Maillet, Moncton, Chaire d’études acadiennes et Éditions d’Acadie, 1996, p. 156.

12 Pamphile Lemay, Évangéline et Autres Poèmes de Longfellow, Montréal, J.-A. Guay, 1912, p. 37.

13 Ibid., p. 44.

14 Édouard Richard, « Préface », dans ibid., p. 8. Le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, Charles Lawrence, a été l’un des principaux artisans de la Déportation.

15 Le lieutenant-colonel John Winslow était responsable de la mise en application de l’ordre de déportation dans la région de Grand-Pré. Il rassembla les hommes de Grand-Pré dans l’église Saint-Charles sous le prétexte de leur lire une proclamation royale et les fit prisonniers.

16 Napoléon Bourassa, Jacques et Marie, Souvenir d’un peuple dispersé, Montréal, Fides, 1976, p. 40.

17 Ibid., p. 356.

18 Ibid., p. 356.

19 Ibid., p. 171.

20 Ibid., p. 250.

21 Ibid., p. 354.

22 Joseph-Charles Taché, « Le Feu de la Baie », Forestiers et Voyageurs, Montréal, Fides, 1981, p. 69.

23 Firmin Picard, « La Nuée du diable », Le Monde illustré, 16 et 23 avril 1898, p. 804-805 et 820-821.

24 Taché, « Le Feu de la Baie », p. 69.

25 Firmin Picard, « La Prière du petit Acadien », Le Monde illustré, 1er janvier 1898, p. 564.

26 Adam Mizare [pseudonyme d’Édouard-Zotique Massicotte], « L’Héroïne de Louisbourg », Le Monde illustré, 9 février 1889, p. 326-327.

27 Henri-Raymond Casgrain, Une seconde Acadie, L’Île Saint-Jean - Île du Prince-Édouard sous le Régime français, Québec, Demers, 1894, p. 365.

28 Ibid., p. 366.

29 Ibid., p. 368.

30 Ibid., p. 369.

31 Ibid., p. 369.

32 Au sujet de Grand-Pré, voir Robert Viau, Grand-Pré : lieu de mémoire, lieu d’appartenance, Montréal, MNH, 2005, 252 p.

33 « Alonié de Lestres » [pseudonyme de l’abbé Lionel Groulx], Au cap Blomidon, Montréal, Granger frères, 1932, 239 p.

34 Lionel Groulx, « L’Histoire acadienne, Texte de la conférence prononcée à la Soirée de Grand-Pré au Monument national de Montréal le 30 mai 1917 », Montréal, 1917, p. 29.

35 Lionel Groulx, Mes mémoires, t. 3, Montréal, Fides, 1970, p. 157.

36 P.D. Clarke, « "Sur l’empremier", ou récit et mémoire en Acadie », dans Jocelyn Létourneau (dir.), La question identitaire au Canada francophone : Récits, parcours, enjeux, hors-lieux, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1994, p. 15-16.

37 Philias-Frédéric Bourgeois, « Sur la situation présente et l’avenir des Acadiens », dans H.-J.-J.-B. Chouinard (dir.), Fête nationale des Canadiens-français célébrée à Québec en 1880 : histoire, discours, rapports, statistiques, documents, messe, procession, banquet, convention, Québec, A. Côte, 1881, p. 342.

38 Pascal Poirier, Le Père Lefebvre et l’Acadie, Montréal, Beauchemin, 1898, p. 187.

39 Jean-Baptiste Jégo, Le Drame du peuple acadien, Reconstitution historique en neuf tableaux et une pose plastique de la dispersion des Acadiens, d’après « La Tragédie d’un peuple » d’Émile Lauvrière, Paris, Imprimerie Oberthur, 1932, p. 8.

40 Ibid., p. 58.

41 Anonyme, « La Fête du révérend père supérieur au collège Sainte-Anne », L’Évangéline, 20, 47, 1er mai 1930, p. 3.

42 Jégo, Le Drame du peuple acadien, p. 91.

43 Ibid., p. 9.

44 Ibid., p. 104.

45 Antoine-J. Léger, Elle et Lui, Tragique Idylle du peuple acadien, Moncton, Imprimerie de L’Évangéline ltée, 1940, p. 97.

46 Ibid., p. 129.

47 Ibid., p. 194.

48 Ibid., p. 133.

49 Ibid., p. 202.

50 Antoine-J. Léger, Une fleur d’Acadie : un épisode du Grand Dérangement, Moncton, Imprimerie acadienne, 1946, p. 93.

51 Laurent Tremblay, Évangéline, Montréal, Éditions Oblates, 1955, 149 p.; L’Exploit de Madeleine, Montréal, Le Théâtre chrétien, 1955, 23 p.; Un matin tragique, Montréal, Le Théâtre chrétien, 1955, 27 p.

52 Charles Deschamps de Boishébert, commandant du fort La Tour (Saint-Jean), tenta de protéger les Acadiens ayant échappé à la déportation et de mener contre les Anglais une petite guerre constante, avec l’aide des Amérindiens.

53 « Paul Desmarins » [pseudonyme de Paul LeBlanc], Josette, la petite Acadienne, Montréal, Granger, 1955, p. 51.

54 Ibid., p. 117.

55 Ibid., p. 120-121.

56 « Paul Desmarins » [pseudonyme de Paul LeBlanc], Traqués sans merci, Montréal, Granger frères, 1956, 125 p.

57 « Both books bristle with frustrated nationalism and an evident desire for retribution, but little else. » Judith Elaine Cowan, Outcast from Paradise: The Myth of Acadia and Evangeline in Canadian Literature in English and in French, thèse de doctorat, Université de Sherbrooke, 1983, f. 141.

58 J.-Alphonse Deveau, Le Chef des Acadiens, Yarmouth, J.A. Hamon, 1956, p. 58.

59 Ibid., p. 58.

60 Ibid., p. 66.

61 Louis Lebel, « Discours officiel d’ouverture du XIIIe congrès national des Acadiens », cité par Jean-Paul Hautecœur, L’Acadie du discours : pour une sociologie de la culture acadienne, Québec, Presses de l’Université Laval, 1975, p. 119.

62 Antonine Maillet, Pélagie-la-Charrette, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1990, 334 p.

63 Louis Haché, Adieu, p’tit Chipigan, Moncton, Éditions d’Acadie, 1979, 115 p.

64 Jules Boudreau, Cochu et le soleil, Moncton, Éditions d’Acadie, 1978, 82 p.

65 Jacques Savoie, Raconte-moi Massabielle, Moncton, Éditions d’Acadie, 1979, 153 p.

66 Diane Léger-Haskell, La Butte à Pétard : l’histoire d’une famille de la vieille Acadie, Moncton, Éditions d’Acadie, 1989, 105 p.

67 Réjean Aucoin et Jean-Claude Tremblay, Le Tapis de Grand-Pré, Pointe-de-l’Église, Centre provincial de ressources pédagogiques, 1986, 52 p.

68 Paul Surette, Mésagouèche : l’évasion d’un peuple, s.l., Société historique de Memramcook, 1991, 145 p.

69 Félix E. Thibodeau, La Pierre magique, Pointe-de-l’Église, s.n., 1985, p. 136.

70 Edmond-L. Landry, Alexis, Moncton, Éditions d’Acadie, 1992, p. 28.

71 Ibid., p. 31.

72 Claude Le Bouthillier, Le Feu du mauvais temps, Montréal, Québec/Amérique, 1989, 447 p.; Les Marées du Grand Dérangement, Montréal, Québec/Amérique, 1994, 367 p.

73 Le Bouthillier, Le Feu du mauvais temps, p. 447.

74 Andrée-Paule Mignot, Nous reviendrons en Acadie!, Montréal, Hurtubise HMH, 2000, 116 p.

75 Alain Raimbault, Herménégilde l’Acadien, Montréal, Hurtubise HMH, 2000, 76 p.

76 Guy Dessureault, Jacou d’Acadie, Montréal, Éditions P. Tisseyre, 2001, 64 p.

77 René Verville, Le Saule de Grand-Pré, Montréal, Fides, 2001, 486 p.

78 Alain Dubos, Acadie, terre promise, Paris, Presses de la cité, 2002, 985 p.

79 Alain Dubos, Retour en Acadie, Paris, Presses de la cité, 2003, 604 p.

80 Alain Dubos, La Plantation de Bois-Joli, Paris, Presses de la cité, 2005, 550 p.

81 Frères des écoles chrétiennes, Histoire du Canada, Montréal, Frères des écoles chrétiennes, 1916, p. 147.

82 Placide Gaudet, Le Grand Dérangement, Sur qui retombe la responsabilité de l'expulsion des Acadiens, Ottawa, Imprimerie de l’Ottawa Printing Company, 1922, s.p.