Notes de Recherche/Research Notes

L’Acadie et la Seconde Guerre mondiale

Julien Massicotte
l’Université de Moncton
Mélanie LeBlanc
l’Université de Moncton

1 LE COLLOQUE L’ACADIE DANS TOUS SES DÉFIS, qui s’est déroulé lors du Congrès mondial acadien 2014, a été l’occasion pour nous de poser les premiers jalons d’une réflexion interdisciplinaire concernant l’Acadie et la Seconde Guerre mondiale. Cette réflexion se veut interdisciplinaire au sens où nous chercherons à rendre compréhensible la réalité sociale de cette époque dans toute sa complexité, en mettant l’accent sur ses dimensions discursives, historiques et sociales, d’où la mobilisation de connaissances issues de la sociolinguistique critique, de l’histoire et de la sociologie. Le projet qui en a émergé cherche à comprendre comment le conflit s’est transposé dans l’imaginaire des Acadiens et comment leur perception a orienté les discours et les comportements collectifs. L’historiographie abonde en interprétations concernant les conséquences de cet événement sur le développement identitaire des Canadiens anglais et des Canadiens français. La Seconde Guerre mondiale a été le théâtre de bouleversements profonds, de chocs entre ces deux groupes, auxquels les Acadiens ne pouvaient être indifférents. environ 23 000 Acadiens ont porté l’uniforme lors du second conflit mondial, la plupart enrôlés volontairement1. des milliers d’autres ont participé aux activités et événements patriotiques. Cependant, en Acadie, l’analyse de cette participation se résume essentiellement à quelques ouvrages sommaires, à des monuments et à des listes de morts. Conséquemment, nous croyons qu’un examen approfondi de la période est nécessaire.

2 L’intérêt pour l’étude du sujet dépasse le simple cadre de la curiosité. L’analyse vise à intégrer les Acadiens à la réflexion sur les conséquences sociales, linguistiques et identitaires de la participation canadienne à ce conflit. dans son état actuel, l’historiographie est muette à ce propos. Si les recherches disponibles démontrent sans équivoque une participation acadienne, la réflexion ne dépasse guère la simple constatation de celle-ci. Nous en savons peu sur leur état d’esprit, les raisons de leur participation, leurs réactions aux crises qui ont secoué le Canada à cette période ainsi que sur les divisions au sein de la communauté. qu’est-ce qui poussait les Acadiens à participer à cette guerre? Comment ont-ils réagi à l’entrée en guerre du pays? quelles formes de participation préconisaient-ils? Nous n’en savons pas plus sur les contraintes ou les avantages liés aux compétences linguistiques. Les Acadiens unilingues ont-ils été systématiquement relégués aux rangs inférieurs? Ceux qui étaient bilingues ont-ils réussi à intégrer de meilleures positions? Comment les ressources langagières (anglais, français, bilinguisme) ont-elles été distribuées, mises à profit? La langue a-t-elle même été un lieu de questionnement pendant ce temps de crise? L’identité canadienne n’a-t-elle pas plutôt supplanté l’identité acadienne, francophone? un état des lieux s’impose, non seulement pour comprendre la participation acadienne à la guerre, mais pour saisir cette société en mouvement. L’histoire de l’Acadie des années 1930 et 1940 n’est guère plus documentée. Très peu de travaux traitent de la période. L’étude de la Seconde Guerre mondiale permet de mieux saisir cette société en évolution.

3 Nous souhaitons aborder la Seconde Guerre mondiale en Acadie non simplement comme un phénomène d’ordre institutionnel et politique, mais d’abord et avant tout comme un événement de l’ordre de ce que l’anthropologue Marcel Mauss qualifiait de « phénomène social total ». La Seconde Guerre mondiale tire ses origines de l’extérieur de l’Acadie, comme du Canada, du reste. Gérard Bouchard soulignait récemment qu’à ses yeux la Seconde Guerre représente pour le Québec une incursion « dans la grande histoire », une histoire dont les québécois n’ont toutefois pas été les auteurs2. on pourrait affirmer la même chose pour les Acadiens. Soulignons cependant que ce conflit, bien que d’origine externe, touche et bouleverse cette communauté de fond en comble, en raison notamment de l’impact sur les familles des politiques gouvernementales, des décisions liées aux professions et aux positionnements des élites économiques. La Seconde Guerre mondiale joue un rôle de premier ordre dans l’univers des représentations et des pratiques acadiennes de la période. Il importe de comprendre et de mesurer ce rôle.

4 Notre intérêt pour la Seconde Guerre mondiale s’inscrit dans un cadre de réflexion sur les rapports de pouvoir régissant les pratiques de la communauté acadienne. Le rapport à l’État et aux institutions de pouvoir (on pense à l’Église catholique, notamment) a joué un rôle déterminant dans l’orientation qu’a emprunté la communauté acadienne, plus particulièrement dans le contexte du second conflit mondial, où l’État et les institutions ont été sollicités de manières très spécifiques (encouragement à la mobilisation, propagande, etc.). La tentation de s’intégrer dans les institutions sociales de pouvoir déjà en place – notamment la classe politique provinciale –, combinée avec la volonté inverse d’investir une « Église nation » et des organisations corollaires, dont l’ordre de Jacques-Cartier constitue un bon exemple3, en retrait du système démocratique, traduit le rapport ambigu que la communauté acadienne entretenait avec le pouvoir. À la lumière de ce rapport aux institutions, il est légitime de s’interroger sur les représentations de la guerre. Il y avait certes la volonté de « faire société »4, mais cette dernière se traduisait moins dans un investissement symbolique des institutions démocratiques –  accessibles, mais moyennant l’acceptation des normes d’une culture politique anglophone prédominante – que dans une acadianisation d’institutions exogènes, telle l’Église catholique, des institutions de pouvoir effectif. à distance du pouvoir démocratique véritable5. À cette ambivalence s’ajoute l’enthousiasme presque univoque des communautés anglophones au Canada, dont celles des Maritimes, pour la participation canadienne à la guerre, en contraste avec les hésitations manifestes dans certains quartiers canadiens-français face à la situation. Notre recherche exploratoire permettra de mettre en lumière et d’analyser les réactions des Acadiens à la participation canadienne à la Seconde Guerre mondiale, par l’étude des représentations sociales et linguistiques6. Nous entendons par «  représentation sociale » toute forme de catégorisation mentale partagée par un groupement social. Jodelet définit le concept comme des filtres partagés qui permettent l’interprétation du réel7 et qui s’observent de nos jours dans les différents médias, les discours, les pratiques, etc.8 Moscovici note par ailleurs qu’étudier les représentations sociales signifie mieux comprendre les savoirs communs, leur diffusion et leur circulation au sein de la société9. Les représentations linguistiques sont, quant à elles, des représentations sociales qui ont pour objet la langue et les locuteurs, les variétés linguistiques, la valeur sociale qui leur est attribuée, leur fonction identitaire, etc. Plus précisément, elles sont « constituées par l’ensemble des images, des positions idéologiques, des croyances qu’ont les locuteurs à propos des langues en présence et des pratiques linguistiques10 ». L’étude des représentations s’effectuera par l’entremise d’analyses du discours et des idéologies, donc d’un contexte discursif particulier. Ainsi, nous concevons l’utilisation faite de la langue, orale comme écrite, officielle comme quotidienne, comme étant bien davantage qu’un simple moyen de communication. La langue, en tant qu’élément incontournable de l’expérience vécue et quotidienne de la communauté acadienne, constitue en soi un univers d’expériences, d’expressions et de représentations qu’il s’agit, après coup, de décortiquer, d’interpréter et de comprendre.

5 L’objectif principal du présent texte prospectif, qui reflète un programme de recherche plus large, est de tracer les balises d’un projet de recherche interdisciplinaire en phase de démarrage qui se penchera sur l’Acadie de cette période de guerre. Nous souhaitons ainsi formuler questionnements, interrogations et hypothèses qui guideront nos efforts de recherche subséquents. L’objectif principal de ce texte est de dresser un panorama ou un portrait préliminaire de l’Acadie de la Seconde Guerre mondiale. Nous aborderons quelques aspects que nous jugeons incontournables, tels la contextualisation de la situation acadienne au sein de la conjoncture canadienne et les dimensions économiques, politiques et idéologiques de l’Acadie de cette période.

Le Canada, l’Acadie, la guerre

6 Quelques chercheurs se sont penchés sur diverses facettes de la participation acadienne à la Seconde Guerre mondiale, mais les analyses substantielles se font toujours attendre. Le journaliste Ronald Cormier travaille depuis quelques décennies à en maintenir la mémoire par ses ouvrages sur les combattants et les prisonniers de guerre acadiens11. dans tous les cas, malgré des efforts louables, le choix des sources a limité la possibilité de développer une réflexion susceptible de répondre globalement au pourquoi et au comment de la participation acadienne. L’analyse ne dépasse pas le cadre de la description. outre ces travaux, une thèse de doctorat et un mémoire de fin de baccalauréat ont été rédigés sur le sujet, à partir de sources plutôt limitées  : alors que Helen Jean McClelland Nugent souligne la fierté acadienne d’avoir participé à la guerre et l’absence d’une véritable crise de la conscription12, Patricia thibodeau affirme que le refus du service militaire obligatoire a marqué un éveil national acadien13. Cette ambiguïté historiographique contribue à la nécessité de se pencher sur le sujet.

7 L’historiographie est beaucoup plus riche en ce qui concerne les expériences dans le reste du Canada, sans toutefois répondre à nos interrogations sur l’Acadie. Les pistes qu’elle fournit sont tout de même intéressantes, autant les affirmations que les silences. Les chercheurs ont produit de nombreux récits concernant les principaux événements, souvent présentés dans un récit collectif canadien, sans véritable distinction des origines des participants. L’histoire des batailles, les analyses politiques et économiques de la guerre placent inévitablement la majorité anglophone au centre du récit, laissant ainsi peu de place à la spécificité des autres groupes. Certains, comme J.L.  Granatstein, ont choisi  de présenter ces événements pour démontrer une forme de cohésion nationale canadienne, une unité devant le défi de la guerre. L’événement relève dans ce cas d’une réaction collective dans la mesure où toutes les régions du Canada ont accepté d’y participer, sans véritable opposition14. Les chercheurs de cette tendance historiographique ont accordé peu d’intérêt aux spécificités des régions, cherchant plutôt à promouvoir un discours national canadien unificateur. Pourtant, les deux récits ne sont pas irréconciliables. Ils sont même nécessaires pour fournir une explication complète concernant la participation canadienne, comme dans le cas de l’entrée en guerre du pays. en septembre 1939, le Canada est le seul pays d’Amérique à déclarer la guerre à l’Allemagne, à cause des racines identitaires et historiques de la majorité anglophone. dans cette mesure, comment les Acadiens s’expliquaient-ils l’entrée en guerre du pays, considérant que les Anglais conservaient dans le récit historique des Acadiens, le rôle des coupables à l’origine de la déportation? L’historiographie ne laisse transparaître aucune opposition, mais il est évident que la participation acadienne ne pouvait reposer sur les mêmes bases idéologiques que celles de la majorité du Canada anglais. Cette guerre était-elle une nécessité et dans quelle mesure ses partisans – les politiciens libéraux étaient très actifs sur le terrain – expliquaient-ils sa nécessité?

8 À quelques exceptions près, l’analyse de la réaction des Canadiens français à cette guerre a été dominée par la question de la conscription, et surtout du plébiscite de 1942 qui visait à retirer la promesse faite par le gouvernement de ne pas imposer un service militaire obligatoire pour combattre outre-mer. Les travaux tendent cependant à concentrer la réflexion sur le Québec. Par exemple, selon françois Charbonneau, l’événement a engendré un nouveau paradigme de la survivance au Québec, à la base d’une volonté autonomiste et d’une remise en question « de [ses] référents fondamentaux15 ». L’analyse de Charbonneau se concentre cependant sur les forces idéologiques qui ont pris racine dans les grands centres urbains, dont Montréal, et qui ont engendré la Ligue pour la défense du Canada, un mouvement de contestation en faveur du « Non »16.

9 Pour plusieurs raisons, le cas de l’Acadie ne s’intègre pas aisément dans la réflexion plus vaste sur le Canada français. d’abord, à partir des années 1880, bon nombre d’Acadiens ont tenté de prendre leurs distances vis-à-vis de la référence canadienne-française, en se définissant une identité acadienne propre et distincte17. ensuite, l’évolution en milieu minoritaire créait un contexte dans lequel l’Acadien se trouvait constamment dominé par la majorité, qui menaçait à tout moment ses acquis. dans ces conditions, les Acadiens vivaient et ressentaient la guerre d’une manière différente du Québec et du reste du Canada. À ces raisons peut s’ajouter le caractère rural de l’Acadie. L’absence de centre intellectuel dominant de l’ampleur de Montréal ou même de Québec, des lieux où émergeaient des mouvements de résistance tel la Ligue pour la défense du Canada, nuisait nécessairement à une cohésion en Acadie. en contexte minoritaire, la situation était tout autre. Il existait au Canada un idéal de participation, forgé par la conscience de la majorité, que Jody Perrun a qualifié de «  consensus patriotique  »18. Perrun a analysé le phénomène à Winnipeg, où la majorité anglophone s’attendait à certaines formes de participation et à une certaine conformité de la part des immigrants et des communautés ethniques. est-il possible que les Acadiens se soient soumis à cette domination, ou ont-ils simplement accepté ce conflit comme le leur? en Acadie, le mouvement n’a mené à aucune initiative semblable à la formation du Bloc populaire, un parti politique créé à la suite du plébiscite pour défendre l’autonomie provinciale. des traces de contestation existent tout de même et démontrent une volonté de ne pas se plier totalement au consensus patriotique19. Par exemple, les quelques recherches concernant la guerre en Acadie ont donné une place importante à la question de la conscription. Les chercheurs ont constaté  que lorsque le premier ministre canadien, William Lyon Mackenzie King, demanda par voie de plébiscite en 1942 de libérer le gouvernement de sa promesse de ne pas imposer la conscription, les Acadiens votèrent majoritairement contre. Ronald Cormier a qualifié le résultat de vote «  de race  ». Il n’existe aucune explication complète à ce jour pour comprendre la cohésion du vote anticonscription en Acadie. Cormier a constaté aussi une division au sein des élites, car certains députés acadiens ont fait campagne pour appuyer la politique du gouvernement et le libérer de sa promesse. Les statistiques démontrent également qu’un petit nombre d’entre eux se sont rangé du côté du gouvernement. Ces forces divergentes méritent une attention pour comprendre la dynamique du pouvoir en Acadie.

10 Il faut toutefois se rendre à l’évidence que les besoins identitaires actuels ont dominé la réflexion sur la participation des Canadiens français et des Acadiens à cette guerre. Il est peu intéressant d’un point de vue politique d’étudier un sujet qui combine à la fois les Canadiens anglais et les Canadiens français dans une lutte commune. L’éloignement de l’Autre (anglophone) devient nécessaire dans le cas du récit national canadien-français, tout comme il est nécessaire de passer sous silence ou de minimiser les conséquences de ce conflit sur les Canadiens français pour forger l’unité du passé canadien. on pourra noter ici que certains historiens, notamment Gérard Bouchard au Québec, considèrent le début de la Seconde Guerre mondiale comme un moment de rupture annonçant un processus de transformations important touchant de multiples facettes de la société, et conduisant vers les réformes sociales et politiques des années 196020. dans le cas du Canada français, la question de la conscription mérite une réflexion, mais les conséquences de la guerre ne peuvent être comprises uniquement à partir de cet aspect. Pourtant, les autres éléments de la participation des Canadiens français ne sont pas incompatibles avec la construction d’une identité nationale. Par exemple, les Canadiens ne se trouvaient pas tous égaux dans ce combat. Plusieurs historiens ont souligné la difficulté pour les francophones de s’intégrer aux institutions militaires. L’unilinguisme de la plupart des branches des services militaires limitait les possibilités de promotion et l’accès à plusieurs domaines, à moins de maîtriser la langue anglaise21.

Héritiers de la Crise

11 Il est évident que la situation acadienne était tributaire du contexte canadien plus large, mais elle s’en distinguait également. Au-delà des influences en provenance du Canada français ou du Canada anglais, d’autres facteurs de premier ordre ont déterminé la nature de la représentation de la Seconde Guerre mondiale en Acadie. L’un de ces facteurs a très certainement été l’impact de la Crise économique, qui a provoqué un contexte économique pour le moins difficile avec lequel la communauté acadienne a dû composer.

12 Malgré le peu de travaux portant sur l’Acadie du Nouveau-Brunswick des années 1930 et 1940, les détails disponibles soulèvent plusieurs questions quant aux motifs de la participation au conflit. L’enrôlement militaire fournissait une porte de sortie après les années de misère. d’abord, la crise économique a frappé de plein fouet les régions acadiennes. Certaines portions de la population sentirent plus que d’autres la conjoncture économique difficile. Les habitués de l’économie de subsistance, c’est-à-dire les agriculteurs, et plus généralement les habitants des régions rurales, s’en tirèrent un peu moins mal que les autres. Néanmoins, tous les secteurs en subirent les effets. de nombreux citoyens dépendaient du soutien gouvernemental et des organisations charitables22. dans ces circonstances, il n’est guère étonnant de voir le succès que connaissaient les idéologies et mouvements coopératifs et sociaux en général chez les Acadiens. dans un contexte comme celui de la crise économique des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale, ces idéologies ont nécessairement teinté la réception acadienne du discours et la représentation de la Seconde Guerre. Ces idéologies, proches en un sens des propositions faites par l’Église catholique à l’époque aux Acadiens, échafaudaient déjà une critique du libéralisme et de l’économie capitaliste. L’ajout d’un contexte de guerre ne pouvait que renforcer le constat idéologique d’un certain « déclin de l’occident », discours très présent parmi les élites acadiennes (principalement religieuses) de l’époque23. Toutefois, il est intéressant de noter que le discours de cette période mettait l’accent sur la prise en charge et l’autonomie des collectivités. La proposition discursive en était une où les actions collectives se voulaient plutôt « microsociales », au ras des pâquerettes et tournées vers l’intérieur, alors que la guerre constituait un événement d’une ampleur universelle, forçant les collectivités spécifiques impliquées dans le conflit à s’inscrire dans cet universel. Comment un événement d’une telle ampleur s’est-il traduit dans un contexte idéologique empreint de particularismes et d’enjeux de pouvoir on ne peut plus locaux? On pourrait se demander par exemple si le programme économique du coopératisme (ou la lecture de la réalité des élites économiques acadiennes de l’époque tout court) n’a pas contribué à une interprétation économiste de la guerre.

13 Afin que les idéologies du coopératisme ou de la doctrine sociale de l’Église puissent faire leur lit en Acadie, un contexte social plus que favorable devait être en place. Sur le plan de l’émigration, l’examen de la situation économique du Nouveau- Brunswick durant les années 1920 ne peut être complètement coupé du contexte des décennies précédentes. Si la région avait connu un léger boom économique dû aux conditions créées par la Première Guerre, le retour à la normale s’y est traduit par une situation similaire à celle d’avant la guerre, soit un déclin économique et démographique. Cela s’explique par le caractère périphérique de l’économie des Maritimes en général et du Nouveau-Brunswick en particulier – plus précisément les régions rurales, dont les principales régions acadiennes –, qui doit rivaliser non seulement sur les marchés mondiaux, mais également avec d’autres régions canadiennes plus prospères. L’industrie des pêches et l’industrie forestière du Nouveau-Brunswick faisaient face à une concurrence accrue.

14 Les entreprises du secteur manufacturier de la région des Maritimes étaient absorbées bien malgré elles par des concurrents nationaux ou sombraient dans la stagnation, tout simplement. on assiste à l’époque à une chute des salaires et à une hausse du non-emploi. Le déclin dans le secteur manufacturier se fit particulièrement sentir en quelques endroits, dont la Péninsule acadienne. Le pouvoir économique et politique se concentrait alors ailleurs qu’au Nouveau-Brunswick. La réaction de la population à ce que l’on a désigné comme le sous-développement de la région fut l’exode vers les États-unis, mais également vers d’autres régions canadiennes, notamment les Prairies. Le ralentissement démographique est notable : près de 122 000 personnes quittent les Maritimes au cours des années 1920, ce qui en fait l’exode le plus important de la région en une seule décennie24.

15 À l’orée de ces constats, on est à même de se questionner sur la signification, pour la population, qu’a pris la guerre, dans une perspective pragmatique. un questionnement similaire mérite d’être posé pour les élites acadiennes. Évidemment, la guerre est perçue sous le sceau du drame et de la tragédie, mais au-delà des évidences et des lieux communs, il est pertinent selon nous de nous interroger sur la possibilité que la guerre ait pu représenter une occasion de relancer l’économie de la région, de profiter de la présence accrue et des demandes multiples du gouvernement fédéral, qu’elle ait pu être perçue comme le déclencheur d’un contexte propice à la création d’emplois ou d’opportunités économiques ou, plus simplement, comme un moyen d’ascension sociale pour les gens des classes sociales modestes. Il importe toutefois de noter que, si le déclin économique se faisait durement sentir par un exode important, la population acadienne de l’époque continuait sur la voie de la croissance démographique des décennies précédentes. La population d’origine francophone croît d’une décennie à l’autre dans les trois provinces maritimes, mais de façon plus considérable au Nouveau-Brunswick. La population de cette province s’accroît, entre 1921 et 1931, de près de 20  000 personnes; la population acadienne dans ladite province, d’environ 16  000 personnes, soit une hausse d’environ 13 % par rapport à la décennie précédente25.

16 Face à une difficile conjoncture économique, qui s’ajoutait à une situation de sous-développement économique dans le cas de plusieurs régions, la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick a eu recours à différents stratagèmes pour survivre. Si l’agriculturalisme et la colonisation – « le retour à la terre » – n’étaient pas des phénomènes nouveaux, bon nombre d’Acadiens y verront durant cette période un palliatif aux difficultés économiques encourues. L’État provincial, s’il concéda plusieurs lots dans les années 1930 aux colons du nord de la province (davantage touché par la crise), fit peu pour soutenir ces derniers. L’Église capitalisa assez vite sur le manque d’intervention du gouvernement, notamment en investissant les domaines de l’agriculture et de la colonisation26.

17 Le milieu des affaires percevait bien souvent la guerre en tant qu’opportunité économique. depuis plusieurs décennies, l’ensemble des provinces Maritimes souffrait du déclin manufacturier, y compris les régions acadiennes. L’incapacité de rivaliser avec les concurrents nationaux laissait la région à la traîne du reste du pays. Beaucoup d’habitants de la région optèrent pour l’exode vers les États-unis et les autres régions du Canada pour tenter de se refaire une vie. Ce mouvement inquiétait une élite acadienne plutôt traditionaliste. dans quelle mesure la guerre a-t-elle fourni des solutions économiques pour lutter contre l’exode et comment celles-ci ont-elles été intégrées au quotidien en Acadie? Il importe de noter que la période de précarité économique dans laquelle on se retrouve durant les années 1930, jumelée à une présence accrue de l’État fédéral au moment du second conflit mondial, a pu transformer la donne de manière appréciable. Cette présence de l’État, accrue et circonstancielle, au-delà de l’engagement militaire et idéologique demandé aux populations, a-t-elle été perçue par les élites acadiennes comme une opportunité de développement à saisir? Les années 1930 et 1940 ont constitué en Acadie une période de transition pendant laquelle s’est produit une espèce de « modernisation tranquille » des pratiques et des discours : promotion de l’éducation, rationalisation des techniques agricoles, accent mis sur le développement économique, le développement d’un esprit réformiste, etc.27 La guerre a apporté avec elle une conception différente de l’État, qui a nécessairement influé sur l’existence des Acadiens. Reste à savoir si cette présence accrue de l’État a pris davantage d’importance, aux yeux de la communauté acadienne, que la guerre elle-même.

Guerre et pouvoir en Acadie

18 Un événement de l’ordre de la Seconde Guerre mondiale a des implications politiques de première importance, suffisantes pour redéfinir le rapport à l’État qu’entretient une petite communauté comme l’Acadie du Nouveau-Brunswick. Comme le rappelait Pierre Rosanvallon, le politique possède un caractère incontournable, de sorte qu’il est nécessaire, afin d’être en mesure d’interpréter correctement le social, de saisir les rapports de force et de pouvoir qui s’y meuvent sans arrêt28. Le politique en Acadie, durant les années de la Seconde Guerre, ne se vit pas dans la facilité. Les institutions de pouvoir officielles, dont évidemment l’État provincial, font certes une place aux Acadiens, mais force est d’admettre que le rapport de force officieux entre les communautés francophone et anglophone se traduit et se reflète dans la vie politique.

19 Le choix d’entrer en guerre est demeuré externe à l’Acadie, qui ne détenait aucun pouvoir politique sur la scène fédérale. Les motifs de la participation canadienne nécessitaient une forme d’adaptation afin de rejoindre les valeurs acadiennes. La force de la propagande fédérale ne permet pas à elle seule d’expliquer l’enthousiasme de l’époque. Pour obtenir un certain engouement, il était nécessaire d’interpréter les objectifs de cette guerre dans les cadres idéologiques existants. Les stratégies mises de l’avant pour lutter contre le sous-développement économique, soit la colonisation, le retour à la terre, contribuaient à marginaliser les Acadiens devant l’industrialisation et le développement de l’agriculture commerciale dans l’ouest. dans ces conditions, le rapport au pouvoir vécu par la communauté acadienne prenait une importance appréciable.

20 Il faut situer ce rapport au pouvoir dans le contexte de la période plus large des premières décennies du 20e siècle en Acadie, ainsi que des différentes formes de mobilisation nationaliste. La participation politique des Acadiens durant cette période ne fut pas qu’insignifiante, comme certains analystes pourraient le laisser croire29. Ce fut d’abord la période où un Acadien – Pierre-Jean Véniot, en 1923 – a accédé à la tête du gouvernement du Nouveau-Brunswick, même si son accession à ce poste est principalement due à la démission de son prédécesseur. Il ne fut pas élu par la suite. en fait, politiquement parlant, la situation politique acadienne est en transition; on passe d’une participation politique parallèle aux activités gravitant autour des institutions «  nationales  », en perte de vitesse (les conventions nationales ont encore lieu sporadiquement, mais leur portée est beaucoup moins considérable et leur influence sur la vie collective est diluée), à un investissement collectif important, largement soutenu par l’Église catholique, dans les institutions d’enseignement francophones, investissements qui finiront par déboucher sur des transformations structurelles, institutionnelles et symboliques beaucoup plus vastes au début des années 1960.

21 Le terrain politique de l’époque constitue un lieu de luttes et de conflits impliquant les Acadiens. traitant des inégalités politiques auxquelles devaient faire face les Acadiens, Léon thériault a souligné la trop petite place accordée aux politiciens acadiens; au Nouveau-Brunswick, dans les années 1920, les Acadiens, qui comptent pour un tiers de la population provinciale, ne font élire que 11 députés sur 4830. La précarité économique découlant de la crise des années 1930 se fait également sentir par une recrudescence des conflits entourant la présence du français dans les écoles, plus précisément avec la communauté irlandaise. on évoque la French Domination, les loges orangistes font pression sur le gouvernement, on constate même la présence du Ku Klux Klan au Nouveau-Brunswick31.

22 La guerre est donc au centre de cette période. d’une part, elle s’imbrique directement dans un contexte de transformation sociale, vécue par la communauté acadienne, dans lequel l’État est amené à occuper un espace de plus en plus important (on le perçoit comme un vecteur de changement incontournable). d’autre part, en raison de l’importance qu’elle prend, la guerre a nécessairement un impact sur les rapports de domination entre les communautés anglophone et francophone. Après tout, l’armée est une institution majoritairement anglophone. on est donc à même de se questionner sur les moyens et les stratégies de « gestion » de la donne acadienne retenus par les institutions de pouvoir. Le cas du refus de la conscription par les Acadiens semble, dans cette optique, être une situation fort instructive.

23 À ce moment, l’Église a véritablement le monopole symbolique et référentiel en Acadie; on maintient les grandes lignes d’une narration issue des Conventions nationales, alors qu’en pratique on cherche par des organisations catholiques de tout genre à restaurer l’ordre social chrétien et, en même temps, à amener la société, par la connaissance et la science empirique, vers un progrès social plus grand. L’Église contrôlant les ressources symboliques et étant le lieu où la communauté acadienne trouve son unité institutionnelle, la politique de parti deviendra quelque peu secondaire; on peut même croire que l’ordre de Jacques-Cartier détient à l’époque davantage de pouvoir réel que les politiciens acadiens. L’Église, notons-le, est solidement imbriquée au sein de la communauté acadienne. Le contrôle symbolique est hebdomadaire; le discours se confond avec d’autres idéologies, tel le nationalisme. Si l’on revient à la thématique de la guerre, on peut donc se questionner sur les différentes prises de position des élites cléricales, les élites de choix des Acadiens durant la période, à l’égard des enjeux liés à la guerre. La question de la conscription en est un exemple : comment les élites cléricales se sontelles positionnées sur cette question? et plus largement, voyait-on la participation à la guerre d’un œil positif? S’agissait-il d’un conflit dans lequel les Acadiens devaient s’investir? Incite-t-on les Acadiens à adopter certains comportements durant cette période trouble? Les réponses à ces questions permettraient sans doute de mieux saisir la nature des orientations des élites acadiennes durant cette période de transformation importante.

24 La nature des différents rapports de pouvoir des Acadiens à l’époque s’explique aussi en partie par le niveau d’éducation de ceux-ci. d’après ce qu’on sait, les Acadiens du Nouveau-Brunswick des années 1930 et 1940 étaient loin d’avoir un accès à l’éducation équivalent à celui des anglophones. d’après une étude de Jacques Paul Couturier et Wendy Johnston, cette période au Nouveau-Brunswick est marquée par un taux très élevé d’analphabétisme, et plus généralement de pauvreté, une réalité touchant plus fortement les milieux ruraux. on constate à l’époque un manque d’incitatifs institutionnels pour encourager l’éducation (absence de loi sur la fréquentation scolaire) ainsi que, dans les milieux ruraux pauvres, une culture d’indifférence de la part des parents envers l’éducation. on note que bien des parents de ces milieux du nord de la province préféraient voir leurs enfants travailler à la ferme au lieu d’être assis sur les bancs d’école32. Cette donne a peut-être eu un effet sur le rapport au pouvoir qu’entretenait la communauté.

25 Le coopératisme de cette période, selon Joseph Yvon thériault, constitue une expérience sociale fondée sur le lien communautaire, en deçà des rapports politiques effectifs au sein de la société33. Le coopératisme viendrait pallier le manque d’espace discursif et décisionnel au sein d’un monde institutionnel politique dont la maîtrise échappe aux acteurs acadiens. en ce sens, le coopératisme comme idéologie et comme pratique « communautariste », l’Église comme institution de substitution à l’État, l’engagement des élites acadiennes au sein de l’ordre de Jacques-Cartier, viennent alimenter l’idée que le pouvoir, pour les Acadiens (dans une perspective communautariste), n’était pas perçu comme allant de pair avec l’État. Ce constat de thériault sur la place du coopératisme évoque une réalité politique plus large de la période, celle de la multiplicité des lieux de pouvoir en Acadie hors de l’État. Il existe des pouvoirs politiques en marge du gouvernement, avec lesquels il faut composer et qui influencent la société acadienne. L’acceptation de la guerre passe inévitablement par une forme de réception du phénomène par ces groupes de pouvoir. d’autre part, dans un contexte de communautarisme élevé, un événement comme la Seconde Guerre mondiale est possiblement perçu comme distant, éloigné des préoccupations conjoncturelles des Acadiens du Nouveau-Brunswick. Il faut donc se questionner sur la nature et la forme de la réaction des élites face à un événement qui était peut-être perçu par une certaine partie de la population comme étant « extérieur » aux enjeux acadiens de l’époque. Les intérêts nationaux définis surtout par les institutions fédérales ont été en quelque sorte «  imposés  » aux Acadiens; les élites devaient nécessairement apprendre à composer avec cette nouvelle donne et à négocier un certain terrain d’entente. est-ce que certaines formes de résistance ont émergé en Acadie? est-ce que les Acadiens ont adopté les positions officielles sans rechigner? Mis à part le refus de la conscription par la population acadienne du Nouveau-Brunswick, on en sait encore trop peu sur la question.

Engagement et prise de parole

26 Afin de bien saisir le caractère spécifique de la Seconde Guerre mondiale en Acadie du Nouveau-Brunswick, nous croyons essentiel de revenir sur les différentes composantes idéologiques de l’Acadie du Nouveau-Brunswick durant la période des années 1930 et 1940. Ainsi, le coopératisme, la doctrine sociale de l’Église ou encore le mouvement d’Antigonish doivent être pris en considération dans l’analyse globale de la construction, de la réception et de l’utilisation d’une (ou de plusieurs) représentation de la guerre durant cette période.

27 Le coopératisme apparaît en Acadie par l’apport de l’immigration européenne, notamment britannique. La récession et le contexte difficile des années 1930 ont certainement agit comme des catalyseurs pour la mise en place du coopératisme dans la région, mais il faut aussi tenir compte de l’affaiblissement de l’économie de subsistance dans celle-ci. Le discours qui gravitera autour des pratiques coopératives en sera un de critique sociale  : critique des effets du capitalisme, du manque de démocratie, d’autonomie et de justice sociale au sein de la société34. Ce discours sera galvanisé par certains chefs de file, par certains idéologues. Les figures de Moses Coady et, du côté acadien, de Livain Chiasson finiront par devenir des incontournables du mouvement à cette époque35.

28 Plusieurs observateurs du mouvement coopératif en Acadie, notamment des sociologues, dénotent l’impact de facteurs économiques sur l’évolution des conditions sociales des Acadiens du Nouveau-Brunswick durant la période d’avantguerre. La sociologue Monique Gauvin-Chouinard souligne que le contexte des années 1930 en Acadie, dans lequel s’insèrent les premières coopératives de la province, en était un de prolétarisation chez les Acadiens : elle parle de l’apparition de « nouveaux prolétaires » dans ce contexte36. Pour sa part, Joseph Yvon thériault souligne que le coopératisme apparaît au moment où la logique de l’économie capitaliste prend véritablement racine en Acadie, poussant différentes instances sociales comme différents acteurs à s’adapter au nouvel environnement37. Il n’est donc guère surprenant de constater la présence de préoccupations économiques au moment où le conflit se déclenche en europe.

29 L’influence du mouvement d’Antigonish en provenance de la Nouvelle-Écosse, du mouvement coopératif en provenance du Québec ou même celui de l’École des sciences sociales de l’université Laval aura un impact notable pour la suite des choses38. Les élites acadiennes, laïques et cléricales, prônaient des mesures et des transformations de première importance : relèvement économique, meilleur accès à l’éducation, défense des droits des francophones, réformes des institutions, notamment politiques, etc.39 Ces inflexions des élites, loin de disparaître au moment du déclenchement de la guerre, se sont maintenues et transformées. Reste à savoir maintenant la tournure qu’ont pris ces idéologies face à la guerre.

30 L’une des idéologies prédominantes à l’époque, en Acadie comme au Canada français, demeure la doctrine sociale de l’Église. on peut croire que différents acteurs de première importance en Acadie ont puisé, selon leurs propres moyens, au courant canadien-français de la sociologie doctrinale, science catholique de l’action; Mgr Melanson, Clément Cormier, A.-M. Sormany et Livain Chiasson s’en inspirent, parmi d’autres. Cette pensée sociale particulière envisage une société structurée selon un ordre chrétien, où l’autorité et la tradition font office de valeurs cardinales, où les inégalités sont perçues comme inhérentes à la condition humaine, où l’on concède à la droite la nécessité de la propriété privée, mais à la gauche la critique du capitalisme et les réformes sociales.

31 Cette pensée sociale, cette doctrine, cherche à réformer la société par la morale et l’économie. du côté de la morale, on investit l’éducation comme lieu par excellence où doit proliférer la morale chrétienne; du côté de l’économie, on fait la promotion non seulement de réformes législatives souvent progressistes (assistance sociale, salaires minimums, logements abordables) ou des syndicats catholiques, mais aussi d’un agriculturalisme «  scientifique  » et rationnel, d’une organisation sociale modelée sur les corporatismes européens, et d’une émancipation économique « nationale » par le coopératisme40. La plupart des éléments de cette pensée sociale foncièrement catholique ont trouvé leur niche en Acadie, au sein de différentes institutions, dont la société l’Assomption, le journal L’Évangéline, les organisations d’action catholique, etc. Cette pensée, soulignons-le, est bien enracinée en Acadie au moment du déclenchement de la guerre.

32 L’une des institutions les plus notables à s’être nourries de la doctrine sociale de l’Église durant cette période est sans aucun doute l’ordre de Jacques-Cartier. durant les décennies des années 1930 et 1940, l’organisation regroupe en Acadie les élites professionnelles et met en valeur des mesures de protectionnisme économique visant à sortir l’Acadie d’une période économique plutôt difficile. La question du pouvoir est également centrale au sein de l’ordre; ses membres cherchent à en détenir le plus possible, le noyautage étant la méthode de prédilection de l’organisme, mais dans la discrétion et le secret41. Si le bilinguisme était nécessaire pour le noyautage, les membres s’estimaient en mesure, en travaillant pour obtenir davantage de droits pour les francophones, d’assurer l’unilinguisme du Canada français42, l’un des éléments clés de l’idéologie nationale acadienne.

33 C’est donc dans ce contexte de difficultés, mais également de transformations sociales et économiques, que surgit la Seconde Guerre mondiale43. or, un événement de première importance comme la guerre n’est sans doute pas sans conséquence sur la suite des choses en Acadie. Étant donné le peu de connaissances existant sur l’Acadie de cette période concernant la représentation de la Seconde Guerre, il est plus que légitime, croyons-nous, de nous interroger sur le discours des élites, sur leur vision de la société, au moment du déclenchement des hostilités. Comment le discours et les idéologies en place au sein des élites acadiennes de l’époque ont-elles intégré la représentation de la guerre dans leur propre vision du monde? Plus spécifiquement, ces élites ont-elles adapté, intégré ou rejetté cette représentation? A-t-on remis en question les présupposés du coopératisme et de la doctrine sociale dans certains milieux? L’avènement du conflit a-t-il déclenché ou inhibé des transformations, a-t-il contribué au statu quo? Les porteurs de ces idées se sont-ils prononcés sur la guerre?

34 L’état actuel des connaissances nous permet difficilement de nous prononcer sur la question, d’où la pertinence de l’explorer davantage. Le positionnement de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick, comparativement à celui de la communauté anglophone, à l’égard des différentes institutions de pouvoir, dont évidemment l’État, a-t-il été transformé par la participation canadienne à la guerre? Lorsque l’on sait, par exemple, que l’entrée en guerre marque une croissance notable de l’interventionnisme d’État, il est légitime de s’interroger sur la perception du rôle de l’État qu’avaient les élites acadiennes et l’ensemble de la population. Non seulement faut-il mesurer les conséquences ou l’impact de l’interventionnisme fédéral, il importe aussi de saisir la conception changeante de l’État durant la période. L’expression par les élites ou l’État de ces rapports de pouvoir vis-à-vis de la communauté acadienne est perceptible dans les représentations linguistiques et les discours et idéologies en concurrence. Il existe une langue par laquelle le pouvoir se dit et s’exprime. dans la perspective historienne que nous adoptons ici, il est utile, voire nécessaire, d’effectuer un retour dans le temps et d’examiner l’organisation langagière des institutions de pouvoir en contexte de guerre, ainsi que la réappropriation et l’interprétation par la communauté acadienne des représentations véhiculées par les élites.

35 Les années 1930 et 1940 n’ont fait l’objet d’aucune étude sociolinguistique du genre en Acadie; quelques études ont porté sur la fin du 19e siècle44, mais la période de la Seconde Guerre reste intouchée. La guerre, pourtant une période clé dans le reste du Canada et au Canada français, n’a jamais été étudiée comme discours en Acadie. La plupart des analyses sur les transformations sociales en Acadie s’attardent volontiers sur la période des années Robichaud. Les années de la Seconde Guerre, ainsi que le discours sur ce conflit en Acadie, demeurent à ce jour largement méconnues. La présente recherche vient donc combler une lacune dans la compréhension des positionnements idéologiques et identitaires de la société acadienne. en mettant en lien les discours des élites acadiennes – discours d’autorité, officiels – et les discours des autres acteurs sociaux de l’époque, avec ceux qui circulaient dans le reste du pays, notamment chez les anglophones, cette étude permettra une compréhension plus globale de la situation ou du vécu de la guerre en Acadie.

36 L’analyse discursive des idéologies en Acadie ne date certainement pas d’hier. Les sciences sociales en Acadie ont produit au fil des ans des travaux nous renseignant sur la teneur et l’importance de la composante discursive et idéologique de l’Acadie du 20e siècle. des sociologues tels que Camille-Antoine Richard et Jean-Paul Hautecœur ont, dans les années 1960, exploré les liens puissants entre les élites institutionnelles de l’époque et leur contrôle du discours45. Notons toutefois que l’étude du discours, des rapports de pouvoir et des idéologies ne s’est pas limitée à la sociologie comme telle; les diverses disciplines des sciences humaines en Acadie ont mis la main à la pâte46.

37 On a beaucoup décrié ces dernières années l’analyse discursive des idéologies en Acadie, particulièrement l’héritage laissé par l’analyse datant des années 1970 de Jean-Paul Hautecœur. L’Acadie n’est pas définie que par le discours, a-t-on souvent répété. Plusieurs chercheurs, notamment en histoire, ont réagi au cours des décennies subséquentes en érigeant une pratique historienne volontairement à distance du discours et de l’analyse idéologique47. L’un des principaux arguments des tenants de cette approche était la difficulté de maintenir une distance valable entre le chercheur et l’idéologie étudiée, comme si l’objet d’étude fusionnait automatiquement avec la conscience du chercheur et que le simple fait d’étudier une idéologie revenait à parler en son nom48. Malgré ces critiques, de nombreuses études ont mis à jour le rôle des idéologies, notamment dans les médias imprimés en Acadie49. toutefois, des analyses diachroniques du discours et des idéologies se doivent d’être effectuées de manière plus globale afin de parvenir à une compréhension plus générale des transformations notables touchant la communauté acadienne. L’étude des discours révèle des dynamiques conflictuelles présentes au sein de la société, liées à des luttes de pouvoir et de domination concrète que l’on se doit de chercher à comprendre et à démystifier si l’on veut faire sens de la réalité acadienne50. Il va de soi qu’une telle approche, appliquée au contexte discursif lors de la Seconde Guerre mondiale en Acadie du Nouveau-Brunswick, permettra justement de mettre au jour ces rapports de pouvoir, ces prises de position et de décision, ces liens entre les lieux de pouvoir et les individus qui l’exercent, et tous ceux qui le subissent, soit la majorité de la population acadienne. Cette population acadienne a-t-elle par ailleurs été passive face au discours sur la guerre, ou y a-t-elle réagit fortement? Le peu d’études produites sur la question semble indiquer une réaction beaucoup plus tiède qu’au Québec et beaucoup moins enthousiaste qu’au Canada anglais.

La guerre comme représentation

38 Il nous paraît clair, plus que jamais, que le moment de la Seconde Guerre mondiale en Acadie mérite d’être mieux compris qu’il ne l’est présentement. Ce conflit constitue plus qu’un événement international de première importance; il cristallise en quelque sorte une époque et un état d’esprit. Il importe de comprendre la place de la Seconde Guerre mondiale dans l’univers des représentations sociales en Acadie; une meilleure compréhension peut nous renseigner sur cette Acadie d’avant la modernisation des années 1960, une Acadie que l’on perçoit souvent comme étant sous la tutelle de l’Église catholique, ainsi que sur son positionnement vis-à-vis des institutions de pouvoir et du cours événementiel de l’histoire internationale. Avant de nous amener sur la piste de telle ou telle conclusion, le très faible espace qu’occupe la Seconde Guerre mondiale dans la mémoire collective acadienne – c’est du moins ainsi que nous interprétons le peu de choses que l’on connaît sur l’époque, ainsi que la faible quantité d’écrits sur le sujet – nous porte plutôt, a priori, à nous questionner.

39 Au terme de ce bref survol, au cours duquel nous avons souligné l’impact possible des dimensions économiques, politiques et idéologiques de la présence de la guerre sur la communauté acadienne, il nous paraît essentiel de résumer brièvement les principaux objectifs de notre recherche. Nous nous attacherons à comprendre trois facettes particulières de la Seconde Guerre mondiale en Acadie, soit la construction de représentations sociales de la Seconde guerre mondiale en Acadie, la place de ces représentations au sein des différentes élites acadiennes et, enfin, la réception et la perception de la guerre au sein de la population acadienne.

1. La construction des représentations :

40 Nous comptons nous pencher sur le processus de construction des représentations de la Seconde Guerre mondiale chez les Acadiens, qu’il faut comprendre, selon nous, dans un cadre plus large de construction sociale de la réalité51. Le facteur à l’origine du processus de construction des représentations de la Seconde Guerre mondiale chez les Acadiens est extérieur à l’Acadie : il s’agit de l’entrée en guerre du Canada, dans lequel le poids des Acadiens pèse peu. or, ces représentations ont été intériorisées peu à peu par la communauté acadienne, au fil des initiatives gouvernementales. Le gouvernement fédéral a mené un effort de guerre illimité et mobilisé les industries ainsi que les travailleurs. Comment ces interventions ont-elles touché les Acadiens et comment ces derniers y ont-ils réagi? La conscription est sans aucun doute l’intervention qui a laissé le plus de traces au Canada français. Les Acadiens ont-ils réagi aussi fortement à la conscription que les québécois? ont-ils accepté cette politique, s’y sont-ils opposés massivement ou l’ont-ils considérée avec indifférence? La mobilisation économique a-t-elle eu une influence sur les Acadiens?

2. La représentation de la guerre dans le discours des élites et du réseau associatif :

41 Nous souhaitons saisir les rapports de pouvoir exercés et les discours tenus par les élites au pouvoir concernant les représentations de la Seconde Guerre mondiale en Acadie52. Nous mobiliserons le concept d’idéologie linguistique, qui intègre les notions de pouvoir et d’inégalités sociales53 et peut ainsi rendre compte de l’établissement de rapports de pouvoir – à la fois entre les communautés linguistiques et à l’intérieur de la communauté francophone ou acadienne –, du maintien de ces rapports ou de leur transformation dans la société. Les discours d’autorité, portés par les élites laïques et religieuses, occupaient un rôle prédominant dans la construction de l’imaginaire collectif et, par la même occasion, dans le conditionnement d’une réponse collective à la guerre. Comment ces élites ont-elles défendu les intérêts des Acadiens (langue, religion, économie, progrès social, etc.)? Comment ont-elles intégré le conflit dans le discours national et identitaire? Préconisaient-elles l’harmonie entre les Canadiens anglais et les Canadiens français?

3. La perception populaire de la guerre en Acadie :

42 Si le discours des élites est celui qui a le plus circulé dans les espaces officiels, force est d’admettre qu’un discours populaire lui a sans doute fait écho. Nous nous pencherons donc sur la réception ou l’appropriation, par la population, des représentations de la guerre en Acadie, sachant que la réception des représentations nécessite une implication et un investissement de la population, et non pas une simple acceptation passive54. Comment les Acadiens légitimaient-ils la participation militaire ou son refus? quelles idées et quelles raisons motivaient la participation de certains d’entre eux (économie, idéologies, opportunités, etc.)? que pensaient les familles de la participation militaire de leurs proches?

43 Voilà donc quelques pistes que nous tenterons d’explorer plus avant dans le cadre de cette recherche. de nombreux aspects du passé acadien sont encore complètement méconnus et méritent d’être étudiés. La Seconde Guerre mondiale et, plus largement, l’époque des années 1930 et 1940 en Acadie comptent parmi ces chapitres méconnus de l’histoire acadienne. Comprendre la place occupée par la Seconde Guerre mondiale permettra, selon nous, de mieux saisir la dynamique contextuelle d’une société en évolution, avec ses propres projets, ambitions, craintes, lacunes et blocages. Cela nous permettra sans doute de mieux comprendre une société – l’Acadie d’avant les années Robichaud – que nous connaissons encore mal.

Notes
1 Ronald Cormier, Les Acadiens et la Seconde Guerre mondiale, Moncton, Éditions d’Acadie, 1996, p. 101. Il importe de noter qu’il est question ici de l’Acadie du Nouveau-Brunswick. Nous tenons à souligner la contribution essentielle de Pierrick Labbé à cette note de recherche. Ce texte exploratoire fut rendu possible par ses réflexions, découlant de ses recherches antérieures, ainsi que par le biais de sa vaste connaissance de la Seconde Guerre mondiale. Nous le remercions chaleureusement d’avoir rendu possible cette mise en chantier.
2 Gérard Bouchard, « et la liberté? », La Presse +, 24 juin 2015, écran 5.
3 L’ordre de Jacques-Cartier, qui constitue une organisation secrète canadienne-française prenant racine en 1926 à ottawa avant de se répendre par la suite ailleurs au Canada français et en Acadie, aura comme modus operandi de faire de l’action collective quelque chose de discret ou de secret, plutôt que de public. Ses principaux objectifs sont la promotion du bilinguisme, le redressement économique des Canadiens français, la représentation équitable des Canadiens français au sein des institutions publiques, etc. denise Robillard, L’Ordre de Jacques Cartier, Montréal, fides, 2009, chap. 3; Monica Heller, Paths to Post-Nationalism: A Critical Ethnography of Language and Identity, oxford, oxfort university Press, 2011, chap. 3 et Monica Heller, «  La Patente  : l’embryon de la modernisation », dans M. Heller et N. Labrie (dir.), Discours et identités : la francité canadienne entre modernité et mondialisation, fernelmont, Éditions modulaires européennes, 2003, p. 147-176.
4 Joseph Yvon Thériault, Faire société : société civile et espaces francophones, Sudbury, Prise de parole, 2007, 383 p.
5 Léon Thériault, «  L’acadianisation des structures ecclésiastiques  », dans Jean daigle (dir.), L’Acadie des Maritimes, Moncton, Chaire d’études acadiennes, 1993, p. 431-466.
6 Nicole Gueunier, « Représentations linguistiques », dans M.-L. Moreau (dir.), Sociolinguistique : concepts de base, Bruxelles, Mardaga, 1997, p. 246-252; Henri Boyer, «  Matériaux pour une approche des représentations sociolinguistiques : éléments de définition et parcours documentaire en diglossie  », Langue française, vol. 85 (1990), p. 102-124 et Louis-Jean Calvet, Pour une écologie des langues du monde, Paris, Plon, 1999, 304 p.
7 Denise Jodelet, «  Réflexions sur le traitement de la notion de représentation sociale en psychologie sociale », Communication-Information, vol. 6, n°s 2-3 (1984), p. 15-41.
8 Denise Jodelet, «  Représentations sociales  : un domaine en expansion  », dans denise Jodele(dir.), Les représentations sociales, Paris, Presses universitaires de france, 1997, p. 45-78.
9 Serge Moscovici, « des représentations collectives aux représentations sociales : éléments pour une histoire », dans denise Jodelet (dir.), Les représentations sociales, p. 79-103.
10 Calvet, Pour une écologie des langues du monde, p. 161-162.
11 Ronald Cormier, « Les Acadiens, la conscription et la Seconde Guerre mondiale : “une question de race” », Les Cahiers de la Société historique acadienne, vol. 41, n° 2 (2010), p. 108-128; Ronald Cormier, Entre bombes et barbelés : témoignages d’aviateurs et de prisonniers de guerre acadiens, 1939-1945, Moncton, Éditions d’Acadie, 1990, 223 p.; Ronald Cormier, J’ai vécu la guerre  : témoignages de soldats acadiens, 1939-1945, Moncton, Éditions d’Acadie, 1988, 248 p. et Ronald Cormier, Les Acadiens et la Seconde Guerre mondiale.
12 Helen Jean McClelland Nugent, « the Acadian Response to the Conscription Crisis of World War II », thèse de doctorat, Michigan State university, 1983, 266 p.
13 Patricia d. Thibodeau, « the Re-emergence of an Acadian Collective Identity as Highlighted by the Conscription Crisis of 1942 », mémoire de baccalauréat, Mount Allison university, 1997, 76 p.
14 J.L.Granatstein, Canada’s Army: Waging War and Keeping the Peace, toronto, utP Press, 2002, 506 p.
15 François Charbonneau, «  La crise de la conscription pendant la Seconde Guerre mondiale et l’identité canadienne-française », thèse de maîtrise, université d’ottawa, 2000, p. 179.
16 Charbonneau, « La crise de la conscription pendant la Seconde Guerre mondiale ».
17 Denis Bourque et Chantal Richard, Les Conventions nationales acadiennes, tome 1 (1881-1890), Moncton, Institut d’études acadiennes, 2013, 372 p.
18 Jody Perrun, The Patriotic Consensus, Winnipeg, university of Manitoba Press, 2014, 292 p.
19 Cormier, Les Acadiens et la Seconde Guerre mondiale.
20 Gérard Bouchard, Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde, Montréal, Boréal, 2001, 504 p.
21 Jean-Yves Gravel, Le Québec et la guerre, Montréal, Boréal, 1974, 173 p.; Yves tremblay, Volontaires  : des Québécois en guerre (1939-1945), Montréal, Athéna, 2006, 141 p. et Bill Rawling, L’Alouette en guerre : la 425e escadrille, 1939-1945, Montréal, Athéna, 2011, 294 p.
22 Pour ce qui est des différents secteurs de production, les historiens Nicolas Landry et Nicole Lang peignent un portrait qui a le mérite d’être clair : « Pour l’ensemble des Maritimes, de 1929 à 1933, la valeur de la production de bois baisse de 75 %, celle du poisson de 47 %, de l’agriculture de 39 % et du charbon de 45 %. Le nombre d’emplois manufacturiers chute de 38 % et la production d’acier de 62 %. en 1933, le revenu per capita de la région est de 185 $ alors que la moyenne est de 262 $ », Histoire de l’Acadie, 2e éd., Québec, Septentrion, 2014, p. 340.
23 Julien Massicotte, «  Les “ennemis de la civilisation”  : les élites cléricales acadiennes et les représentations de la guerre, 1939-1945 », communication présentée lors du colloque L’Acadie dans tous ses défis, présenté dans le cadre du Congrès mondial acadien, université de Moncton, campus d’edmundston, août 2014.
24 David Frank, « the 1920s: Class and Region, Resistance and Accommodation », dans e.R. forbes et d.A. Muise (dir.), The Atlantic Provinces in Confederation, toronto et fredericton, utP et Acadiensis Press, 1997, p. 234-235.
25 Muriel K. Roy, « démographie et démolinguistique en Acadie, 1871-1991 », dans Jean daigle (dir.), L’Acadie des Maritimes, Moncton, Chaire d’études acadiennes, 1993, p. 174-175. Notons, car le fait est significatif, que la croissance démographique, bien qu’importante durant cette décennie au Nouveau-Brunswick, est éclipsée par la croissance des décennies précédentes dans la même province.
26 Jean-Roch Cyr, « La colonisation dans le nord du Nouveau-Brunswick durant la crise économique des années 30 », dans Jacques Paul Couturier et Phyllis e. LeBlanc (dir.), Économie et société en Acadie, 1850-1950, Moncton, Éditions d’Acadie, 1996, p. 97-128.
27 Voir Julien Massicotte, « Portrait d’un “fondateur dans l’âme” : Clément Cormier, pionnier des sciences sociales en Acadie du Nouveau-Brunswick », Acadiensis, vol. XXXVIII, n° 1 (2009), p. 3-32; Samuel Arsenault, « La charrue, voilà ce qu’il faut à un Acadien : géographie historique de la Péninsule acadienne », Revue de l’Université de Moncton, vol. 27, n° 1 (1994), p. 97-126 et Pierre-Marcel desjardins, Michel deslierres et Ronald LeBlanc, « Les Acadiens et l’économique : de la colonisation à 1960 », dans Jean daigle (dir.), L’Acadie des Maritimes, Moncton, Chaire d’études acadiennes, 1993, p. 207-250.
28 Pierre Rosanvallon, Pour une histoire conceptuelle du politique, Paris, Seuil, 2003, 60 p.
29 Voir le texte de Philippe doucet, «  La politique et les Acadiens  », dans Jean daigle (dir.), L’Acadie des Maritimes Moncton, Chaire d’études acadiennes, 1993, p. 299-340.
30 Léon thériault, «  L’Acadie de 1763 à 1990, synthèse historique  », dans Jean daigle (dir.), L’Acadie des Maritimes Moncton, Chaire d’études acadiennes, 1993, p. 76-77.
31 Thériault, « L’Acadie de 1763 à 1990 », p. 76-77.
32 Jacques Paul Couturier et Wendy Johnston, «  L’État, les familles et l’obligation scolaire au Nouveau-Brunswick dans les années 1940 », Histoire sociale, vol. 35, n° 69 (2002), p. 1-34.
33 Joseph Yvon thériault, « La démocratie coopérative a-t-elle un avenir? », dans Marie-thérèse Seguin (dir.), Pratiques coopératives et mutations sociales, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 47-58.
34 André Leclerc, Les doctrines coopératives en Europe et au Canada, Sherbrooke, IReCuS, 1982, p. 105-126.
35 Jean Daigle, Les écrits de Livain Chiasson : père de la coopération acadienne, Moncton, Éditions d’Acadie, 1996, 337 p.
36 Monique Gauvin-Chouinard, «  Le mouvement coopératif acadien  : fondements idéologiques, histoire et composition actuelle », mémoire de maîtrise, université de Montréal, 1976, p. 28.
37 Joseph Yvon Thériault, «  Acadie coopérative et développement acadien  : contribution à une sociologie d’un développement périphérique et à ses formes de résistances », thèse de doctorat, École des hautes études en sciences sociales, 1981, p. 490.
38 Jean Daigle, Une force qui nous appartient : la Fédération des caisses populaires acadiennes, 1936-1986, Moncton, Éditions d’Acadie, 1990, 298 p.; daigle, Les écrits de Livain Chiasson et Massicotte, « Portrait d’un “fondateur dans l’âme” ».
39 Landry et Lang, Histoire de l’Acadie; Julien Massicotte, «  L’Acadie du progrès et du désenchantement, 1960-1994 », thèse de doctorat en histoire, université Laval, 2011, 375 p.; Joel Belliveau, Le “moment 68” et la réinvention de l’Acadie, ottawa, Presses de l’université d’ottawa, 2014, 362 p.; Michelle Landry, L’Acadie politique : histoire sociopolitique de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, Québec, PUL, 2015, 170 p. et Institut canadien de recherche sur le développement régional, L’ère Louis J. Robichaud, 1960-1970  : actes du colloque, Moncton, université de Moncton, 2001, 216 p.
40 Jean-Philippe Warren, L’engagement sociologique  : la tradition sociologique du Québec francophone (1886-1955), Montréal, Boréal, 2003, chap. 3.
41 Philippe Volpé, « L’ordre de Jacques-Cartier en Acadie du Nouveau-Brunswick durant la Grande dépression, 1933-1939  : noyautage, extériorisation, discrétion et nationalisme économique  », mémoire de maîtrise, université Laval, 2013, 164 p.
42 Heller, Paths to Post-Nationalism.
43 Landry et Lang, Histoire de l’Acadie; Jacques Paul Couturier et Phyllis e. LeBlanc (dir.), Économie et société en Acadie, 1850-1950 et Daniel Hickey, Moncton, 1871-1929 : changements socio-économiques dans une ville ferroviaire, Moncton, Éditions d’Acadie, 1990, 172 p.
44 Notamment Annette Boudreau et Émilie urbain, « La presse comme tribune d’un discours d’autorité sur la langue : représentations et idéologies linguistiques dans la presse canadienne, du Moniteur acadien aux Conventions nationales », Francophonies d’Amérique, n° 35 (2013), p. 23-46.
45 Camille-Antoine Richard, « Nationalisme et néo-nationalisme : de la prise de conscience à la crise de croissance », Conférence donnée au Ralliement de la jeunesse acadienne, avril 1966, Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson, université de Moncton, fonds Société nationale de l’Acadie, n° 41 et Jean-Paul Hautecœur, L’Acadie du discours, Québec, PUL, 1975.
46 Voir le recueil d’Annette Boudreau et Mourad Ali-Khodja, Lectures de l’Acadie, Montréal, fides, 2009, 640 p.
47 Julien Massicotte, « Les nouveaux historiens de l’Acadie », Acadiensis, vol. XXXIV, n° 2 (2005).
48 L’un des exemples les plus clair de cette approche dans les études acadiennes des dernières décennies se retrouve chez les historiens. Voir par exemple Jacques Paul Couturier, « faire de l’histoire: la perspective de jeunes historiens », dans Jacques Lapointe et André Leclerc (dir.), Les Acadiens : État de la recherche », Québec, Conseil de la Vie française en Amérique, 1987, p. 234-242. Il s’agit d’une forme de positivisme épistémologique moins présent aujourd’hui, comme le note Annette Boudreau : « Le chercheur est responsable du savoir qu’il construit, d’autant plus que la production du savoir constitue une forme d’action, et pas n’importe laquelle, mais une action qui structure le social », À l’ombre de la langue légitime  : l’Acadie dans la francophonie, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 73-74. on peut également simplement reprendre la formule de l’historien Howard Zinn : You Can’t be Neutral on a Moving Train, Boston, Beacon Press, 2002, 224 p.
49 Marc Johnson, « Les stratégies de l’acadianité : analyse socio-historique du rôle de la presse dans la formation de l’identité acadienne ». Voir thèse de doctorat en sociologie, université de Bordeaux II, 1991, 514 p.; Phyllis LeBlanc, « Le Courrier des Provinces Maritimes et son influence sur la société acadienne, 1885-1903 », thèse de maîtrise en histoire, université de Moncton, 1978, 230 p. et Raymond Mailhot, « La “Renaissance acadienne” (1864-1888) : l’interprétation traditionnelle et le Moniteur acadien », thèse de maîtrise en histoire, université de Montréal, 1969, 177 p. Voir aussi Boudreau et urbain, « La presse comme tribune » et Annette Boudreau, « des voix qui se répondent : analyse discursive et historique des idéologies linguistiques en Acadie : l’exemple de Moncton », Minorités linguistiques et société, vol. 4 (2014), p. 175-199.
50 des perspectives sur le discours et les idéologies que partagent notamment fernand dumont, Les idéologies, Paris, Puf, 1974, 183 p.; Pierre Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, 2001, 432 p. et Antonio Gramsci, Œuvres choisies, Paris, Éditions sociales, 1959, 539 p.
51 Peter L. Berger et thomas Luckmann, The Social Construction of Reality: A Treatise in the Sociology of Knowledge, New York, Anchor Books, 1966, 240 p.; fernand dumont, Le lieu de l’homme, Montréal, HMH, 1968, 233 p. et Alfred Schütz, The Phenomenology of the Social World, evanston, Northwestern university Press, 1967, 255 p.
52 Gramsci, Œuvres choisies; Michel foucault, Du gouvernement des vivants, Paris, Seuil, 2012, 400 p. et Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique.
53 Norman fairclough, Analysing Discourse: Textual Analysis for Social Research, New York, Routledge, 2003, 288 p.; Monica Heller, Éléments d’une sociolinguistique critique, Paris, didier, 2002, 176 p.; Alexandre duchêne, Ideologies across Nations: The Construction of Linguistic Minorities at the United Nations, Berlin, Mouton de Gruyter, 2008, 156 p. et Kathryn Woolard, « Language Ideology as a field of Inquiry », dans B. Schieffelin, K. Woolard et P.V. Kroskrity, (dir.), Language Ideologies: Practice and Theory, New York, oxford university Press, 1998, 352 p.
54 Roger Chartier, Au bord de la falaise, Paris, Albin Michel, 1998, 293 p.; Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1990, 336 p. et Clifford Geertz, The Interpretation of Cultures, New York, Basic Books, 1973, 470 p.