1 DEPUIS UN CERTAIN TEMPS MAINTENANT, les associations acadiennes, les sociétés d’histoire, les chercheurs et certains individus s’intéressent au phénomène de la commémoration. De plus en plus en acadie, on commémore des anniversaires et des événements en laissant parfois une trace de ces activités. Récemment, dans la Péninsule acadienne, se déroulait le 4e Congrès mondial acadien, du 7 au 23 août 2009. Ces festivités ont donné lieu à des dévoilements de monuments et à des mises en valeur de lieux de mémoire, dont les monuments familiaux des Ferron et des Basque1. arallèlement à ces commémorations, de plus tristes événements liés au patrimoine religieux ont eu lieu, telle la destruction de bâtiments. À titre d’exemple, on peut souligner la démolition du presbytère de Pokemouche (2009) et la fermeture des églises de Nicolas-Denys (2008), d’alcida (2008) et des paroisses Sainte-Thérèse (2008) et Notre-Dame-du-Mont-Carmel (2006) de Bathurst. Dans le nord-est du Nouveau- Brunswick, peu de nouvelles vocations ont été données à d’anciens lieux de culte. Une exception à cette réalité est la chapelle de l’académie Sainte-Famille, qui sert de musée pour la congrégation des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph (RHSJ). Cela étant dit, quelle mémoire conserve-t-on de la présence religieuse, présence très forte dans les villes et villages acadiens du nord-est du Nouveau-Brunswick?
2 Nous allons donc regarder la situation des lieux de mémoire dans le nord-est du Nouveau-Brunswick et les tentatives ou l’absence de tentatives de leur mise en valeur. Dans cette étude, nous entendons par « lieu de mémoire » un monument, une plaque, un bâtiment ou une statue qui commémore un individu, un lieu ou un événement historique.
3 Depuis quelques années, nous assistons aux premières fermetures et démolitions de lieux de culte ou d’autres types d’édifices à vocation religieuse. De telles démolitions ont suscité de vives réactions et ont provoqué les premières réflexions sur le sujet dans cette partie de la province. Dans d’autres régions acadiennes des Maritimes, quelques études se sont penchées sur cette problématique. Mentionnons l’ouvrage du père Maurice Léger et un numéro de Port Acadie, la revue interdisciplinaire en études acadiennes de l’Université Sainte-anne2. ailleurs au Canada, la réflexion est avancée, surtout au Québec. Dans de nombreux ouvrages, on propose des pistes de solutions pour conserver les édifices patrimoniaux3. Par ailleurs, depuis les années 1990, le Conseil du patrimoine religieux du Québec soutient la conservation et la mise en valeur du patrimoine religieux québécois et en fait la promotion. Pour sa part, le gouvernement du Québec investit annuellement plusieurs millions de dollars dans la sauvegarde de ce patrimoine.
4 On commémore les lieux historiques religieux dans le nord-est du Nouveau- Brunswick depuis 1957, soit depuis la commémoration de l’église Saint-Pierre-aux- Liens de Caraquet. Depuis ce temps, on a souligné le travail effectué par des individus et des communautés religieuses en érigeant des monuments ou encore en dévoilant des plaques dans plusieurs localités. Qu’en est-il de la situation actuelle? Continue-t-on de commémorer le patrimoine religieux? Est-ce que les lieux de culte sont au centre de ces commémorations?
5 Comme nous l’avons dit plus haut, il existe un peu de documentation sur les commémorations en acadie. Lors du centenaire du Canada en 1967, Marguerite Michaud publiait un guide touristique et historique des provinces Maritimes dans lequel on trouvait quelques plaques et monuments, mais sans plus4. L’ouvrage le plus significatif concernant les lieux de mémoire en acadie est sans doute celui de Fernand de Varennes, publié en 1987 et intitulé Lieux et monuments historiques de l’Acadie5. Bien sûr, de Varennes ne s’est pas limité aux lieux et aux monuments religieux, mais s’est intéressé à tous les lieux de mémoire acadiens existant à cette époque de l’acadie des provinces Maritimes. Depuis ce temps, les sociétés d’histoire acadiennes, notamment celles de la Vallée de Memramcook6, celle de Grande-Digue7, la Société Nicolas-Denys8 et celle de la Baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse 9 , ont publié d’importants inventaires des lieux de mémoire dans leurs régions respectives. L’an dernier, David Frank et Nicole Lang publiaient un ouvrage sur les lieux historiques ouvriers du Nouveau-Brunswick10. Plusieurs de ces lieux sont situés dans les régions acadiennes du nord du Nouveau-Brunswick. En plus de l’ouvrage, les personnes intéressées peuvent aussi consulter le site Web Histoire du travail au Nouveau-Brunswick, qui présente une section sur ces lieux de mémoire11. Enfin, concernant les lieux de mémoire acadiens en France, Thierry Sauzeau vient de faire paraître dans un ouvrage collectif un très bon résumé intitulé « Les lieux de mémoire acadiens en Poitou-Charentes12 ».
6 De plus, sur le Web, on trouve l’Inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France13, dont une section porte sur l’acadie de l’atlantique. Ce site regroupe tous les lieux de mémoire qui commémorent la période précédant la signature du traité de Paris de 1763. Un autre site a récemment été lancé et il présente les lieux de mémoire sur l’histoire des femmes du Nouveau-Brunswick. Le nom de ce site est La carte de l’histoire des femmes du Nouveau-Brunswick14. Ce site a été réalisé par le défunt Conseil consultatif sur la condition de la femme au Nouveau-Brunswick.
7 Dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes limité au nord-est du Nouveau- Brunswick, c’est-à-dire le territoire qui s’étend de Belledune à Néguac, soit le même que celui de la Société historique Nicolas-Denys. Nous nous sommes inspiré de l’« inventaire des lieux de mémoire et des monuments du nord-est du Nouveau- Brunswick », publié en 2010, afin de connaître les monuments, les statues et autres lieux de mémoire ayant un lien avec le patrimoine religieux15.
8 En examinant ce territoire, nous constatons qu’il y a 190 lieux de mémoire. Sur ce nombre, 41 appartiennent au domaine religieux, c’est-à-dire 22 %. Par ailleurs, un autre type de monuments que l’on rencontre dans la région est le cénotaphe dédié aux anciens combattants. il en existe 26, soit 14 % des lieux de mémoire. Voici un tableau présentant la répartition des 41 lieux de mémoire religieux par région.
9 Le plus ancien lieu de mémoire concernant le patrimoine religieux est situé dans un des cimetières de la ville de Caraquet. Ce lieu commémore le centenaire de la construction de l’église paroissiale. La construction de l’église avait débuté en 1857, suivant les plans de Matthew Stead, un architecte bien connu de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick16. Le monument fut dévoilé en 1957 et il est dédié à Saint- Pierre-aux-Liens. il y est inscrit : « Cimetière Saint-Pierre-aux-Liens, 1820-1914, qu’ils reposent en paix. » Les habitants ont tendance à penser qu’il s’agit d’un calvaire de cimetière, mais il s’agit bien d’un monument commémoratif.
10 Le deuxième lieu de mémoire le plus ancien est celui dédié au père François- Xavier Lafrance à Tracadie-Sheila. Ce lieu est situé tout près de l’église Saint-Jean- Baptiste-et-Saint-Joseph. Le fait qu’il s’agisse d’une statue représentant le père Lafrance distingue ce monument des autres du Nord-Est. En effet, il est très rare dans cette région de voir de tels monuments commémoratifs. On voit le prêtre vêtu de son habit religieux, tenant un livre dans sa main gauche, qui est appuyée sur sa poitrine. Sa main droite est en position levée. Sur le socle, on peut lire les inscriptions suivantes : « L’abbé F.X. Lafrance. 1814-1867. Né à Québec. Ordonné à Rustico, Î.-P.-É. 2 avril 1841. 1er curé de Tracadie, N.-B. 1842-1852. Curé de Memramcook. 1852-1864. Où il fonda un collège classique en 1845. »
11 Ce personnage fut d’une grande importance pour le village qu’était Tracadie à l’époque et également les autres villages voisins, car il devait desservir tout le territoire allant de Pokemouche à Burnt Church. il mit sur pied une école pour la population de Tracadie, il fit transférer le lazaret de l’île Sheldrake dans sa paroisse et construisit une sacristie et un presbytère avec une aile pour la cuisine17. En 10 ans, il était devenu le porte-parole des gens de Tracadie.
12 Pour revenir aux statues d’individus en acadie, mentionnons celle du père Clément Cormier, fondateur de l’Université de Moncton, créée par Claude Roussel et érigée sur le campus de Moncton de l’Université de Moncton; celle d’une religieuse soulignant le travail des religieuses de la Congrégation de Notre-Dame à Saint-Louis- de-Kent, érigée en 2009 et située au coin des rues Principale et Soleil-Couchant; et enfin, on prévoit dévoiler une statue de bronze à Shippagan en mémoire du hockeyeur Luc Bourdon, décédé dans un accident de la route, près du Centre Rhéal-Cormier.
13 En ce qui concerne l’œuvre de certaines congrégations religieuses dans le Nord- Est, nous ne pouvons passer sous silence le travail accompli par les Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph. Depuis leur arrivée dans la région en 1868, elles n’ont cessé d’œuvrer et de fonder des établissements hospitaliers, éducatifs, communautaires, muséaux, etc. Dans la région, elles ont surtout laissé leur marque à Tracadie-Sheila, à Bathurst, à Lamèque et à Caraquet. C’est à Tracadie qu’elles arrivèrent en premier en prenant en charge le lazaret en 1868. Par la suite, elles établirent un hôpital à Bathurst en 1942, à Lamèque en 1949 et à Caraquet en 196318.
14 On trouve aujourd’hui des lieux de mémoire qui soulignent l’importance historique du travail des Religieuses Hospitalières. À Tracadie, dans le « cimetière des sœurs », est érigé un monument en granite en forme de croix rendant hommage aux 59 religieuses inhumées dans ce lieu. Ce cimetière a servi la communauté de 1885 à 1979. Juste à l’extérieur du même cimetière, on remarque deux plaques. La première fut apposée par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada en 1993. Cet organisme a pour mandat de « conseiller le ministre de l’Environnement et, par son entremise, le gouvernement du Canada, sur la commémoration d’aspects de l’histoire du Canada qui revêtent une importance nationale. À la suite d’un processus d’évaluation et d’une recommandation favorable de la Commission, le ministre désigne les sujets comme lieu, événement ou personne d’importance historique nationale19. » il s’agit donc de la plus haute distinction commémorative qu’un lieu peut obtenir. Dans tout le Nord-Est, seulement trois autres lieux ont cette désignation, soit le Retour des acadiens à Caraquet, Nicolas Denys à Bathurst et le Fort/habitation de Denys à Petit- Shippagan. Concernant la plaque en hommage à l’Hôtel-Dieu de Saint-Joseph, à Tracadie-Sheila, elle est apposée sur les ruines de l’Hôtel-Dieu, qui fut la proie des flammes le 6 janvier 1943. Sur la plaque, on peut lire:
15 La deuxième plaque est celle du Mur-souvenir. Ce mur a été construit en incorporant des symboles qui étaient situés sur la façade de l’Hôtel-Dieu, ouvert en 1946 et démoli en 1991. On peut lire sur la plaque la description suivante : « Mur- souvenir. Les briques, ainsi que la pierre angulaire, proviennent de l’ancien Hôtel- Dieu de St-Joseph démoli en décembre 1991. Les grandes plaques “arts déco” portant les caducées de la pharmacie, du laboratoire, de la chirurgie et de la médecine ont été sauvées de la démolition. Le petit pignon au-dessus du mur formait autrefois le toit de la niche de la statue de Saint Joseph, sur la façade de l’hôpital. »
16 Une dernière plaque, à Tracadie, rend hommage aux religieuses. Elle souligne le 130e anniversaire de leur arrivée. Cette plaque est située dans l’entrée principale de l’actuel hôpital.
17 À Bathurst, la communauté des Hospitalières est commémorée par une pierre commémorative située près de l’entrée principale du foyer de soins Notre-Dame-de- Lourdes, dans le même secteur que l’hôpital. On peut lire sur cette pierre l’année de fondation de trois de leurs établissements, soit le Sanatorium Notre-Dame-de- Lourdes, le Foyer Saint-Camille-de-Lellis et le Foyer Notre-Dame-de-Lourdes. Toujours au même endroit, il y a une plaque apposée à l’entrée du Foyer qui remercie les Hospitalières de leur contribution.
18 Enfin, à Lamèque, une sculpture sur bois est apposée au mur de l’entrée principale de l’hôpital, soulignant le 60e anniversaire de fondation de celui-ci. La sculpture rend hommage aux personnes qui y ont œuvré. On remarque qu’elle représente deux sœurs au chevet d’un malade, ce qui sous-entend encore une fois le travail accompli par cette communauté dans le domaine des soins de santé20.
19 Dans la ville de Caraquet, on peut observer des traces de la présence de la Congrégation de Notre-Dame (CND). Cette communauté religieuse est arrivée à Caraquet afin d’ouvrir un couvent pour éduquer les jeunes filles de la région. ainsi, 24 enfants débutèrent les classes le 2 septembre 187421. avec les années, les élèves étaient de plus en plus nombreuses et l’on dut agrandir le couvent à deux reprises. Malheureusement, au début des années 1990, l’édifice fut détruit par incendie. il n’en reste aujourd’hui que les ruines.
20 Toutefois, avant l’incendie, des célébrations commémoratives y avaient eu lieu. La première marquait le 50e anniversaire de fondation ou les « noces d’or » de l’établissement, mais rien n’est resté de cette commémoration à part les souvenirs. La deuxième célébration eut lieu en 1974, lors du 100e anniversaire. C’est à ce moment qu’une plaque fut dévoilée par le maire de l’époque, Lorenzo Morais, pour souligner ce centenaire. D’ailleurs, malgré le feu de 1992, cette plaque est toujours au même endroit. Depuis ce temps, une seconde plaque fut installée sur le socle d’une statue de la Vierge afin de souligner le 125e anniversaire de la présence des religieuses de la CND à Caraquet22.
21 Concernant les autres congrégations religieuses, nous ne pouvons passer sous silence le travail des Religieuses de Jésus-Marie, fondatrices de ce qui est aujourd’hui l’Université de Moncton, campus de Shippagan. À Shippagan, donc, les Religieuses de Jésus-Marie amorcèrent en 1948 la construction d’un couvent qui devint un collège en 1960. au fil des ans, le collège fut annexé à l’Université de Moncton23. L’une des religieuses fondatrices, Sr irène Léger, fut honorée pour sa contribution au développement de l’enseignement supérieur et un pavillon porte son nom. Une plaque est apposée dans l’entrée principale de l’édifice, où l’on peut lire :
22 De plus, la Ville de Shippagan a déclaré « historique » ce même édifice, et l’on trouve une plaque soulignant cette désignation, encore une fois, près de l’entrée principale. Enfin, on souligne le travail d’une dernière communauté religieuse, celle des Salésiennes, à Pointe-Verte. Juste devant l’église paroissiale, on peut voir une statue de Marie tenant dans ses bras son fils, Jésus-Christ. Tous deux portent une couronne. Sur la petite plaque, on peut lire : « Souvenir et don des religieuses Salésiennes, 1953-1977. » Cette statue commémore donc le 25e anniversaire de l’arrivée de cette communauté dans le village.
23 Plus nombreux sont les lieux de mémoire dédiés aux hommes d’Église, surtout les curés. Nous avons souligné plus haut le père Lafrance à Tracadie, mais il y en a eu bien d’autres, dont ceux de Maisonnette. Pour le 50e anniversaire de cette paroisse, on fit ériger un monument où figurent tous les noms des curés, sans toutefois mentionner leur contribution individuelle. En tout, en date de 1990, il y a eu 13 prêtres qui ont desservi la paroisse Saint-Théophile de Maisonnette.
24 Ailleurs, on trouve des monuments rendant hommage aux curés suivants : azade Trudel à inkerman, Ola Léger à Bertrand, S.a. Dionne à Grande-anse et yvon Sirois à Nicolas-Denys. On remarque aussi dans plusieurs cimetières que les curés ont une place de choix. À quelques reprises, on trouve leur sépulture près du calvaire. C’est le cas à Caraquet (J.-Théophile allard24 et Joseph-Marie Paquet) et à Pont-Landry (Edmond Ouellette25). Parfois, leur pierre tombale est plus imposante que les autres (azade Trudel, Livain Chiasson et Donat Robichaud à Shippagan26 et Stanislas Doucet à Grande-anse27).
25 À part les curés, il y a les congrégations masculines. Toutefois, contrairement aux curés, peu de monuments leur sont dédiés. On en trouve un à Petit-Rocher qui souligne le travail accompli par les Frères du Sacré-Cœur de 1946 à 1981, et un second à Caraquet soulignant le travail des 56 prêtres eudistes qui œuvrèrent au Collège Sacré-Cœur de 1899 à 1915. En plus, ce dernier monument rend également hommage à Saint-Jean-Eudes, fondateur de l’ordre. Ce genre d’hommage est très rare dans la région et même en acadie.
26 Évidemment, l’œuvre des congrégations religieuses est encore visible sur le territoire grâce aux nombreux édifices qu’elles ont fait ériger et qu’elles continuent d’entretenir. Un certain nombre de ces bâtiments ont obtenu une désignation particulière, soit de la part de comités de sauvegarde ou des différents ordres de gouvernement. Comme nous l’avons vu, c’est le cas de l’ancien couvent de la CND de Caraquet, de l’actuel édifice de l’Université de Moncton, campus de Shippagan et de l’hôpital de Tracadie. il en est de même pour les Sisters of Charity à Bathurst. Dans l’un des bâtiments anciens construits par ces religieuses, on peut lire sur une plaque dévoilée par l’ancien premier ministre Frank McKenna et le député de Bathurst, Paul Kenny, en 1990 : « En appréciation pour leurs nombreuses années d’enseignement et de travail dévoué dans cet édifice. » L’édifice porte depuis ce temps le nom de Sisters of Charity Building.
27 À Tracadie-Sheila, l’académie Sainte-Famille, ouverte en 1912 par les RHSJ, est officiellement reconnue par la province du Nouveau-Brunswick comme un lieu historique protégé, mais sa plaque n’a pas encore été apposée28. Par ailleurs, il y a quelques années, la Municipalité a installé un panneau qui indique qu’il s’agit d’un lieu historique. À l’intérieur du bâtiment, on trouve le Musée historique de Tracadie. Cette institution muséale retrace le parcours des RHSJ à Tracadie et l’histoire des soins de santé dans la région, surtout l’histoire du lazaret.
28 En plus des bâtiments construits par les congrégations, on trouve également les lieux de culte. Étant donné le grand nombre de catholiques sur le territoire, on y dénombre plusieurs églises de cette religion. Dans la Péninsule acadienne, trois églises ont été désignées « historiques » par la province du Nouveau-Brunswick, soit celles de Caraquet, de Sainte-Rose et de Saint-isidore29. On peut donc voir sur ces églises une plaque remise par le gouvernement provincial, qui explique la raison de leur désignation. Dans le cas de Caraquet, il s’agit de la plus ancienne église de pierre de la région; dans le cas de Sainte-Rose, elle possède de très belles boiseries faites par un artisan local, Eucher Duguay; quant à Saint-isidore, dans son ensemble, il s’agit d’une des plus belles églises catholiques des Maritimes. Dans la région Chaleur, aucune église catholique n’a été déclarée site historique. On peut mentionner spécialement les églises suivantes, étant donné leur histoire et leurs aspects architecturaux : Bas-Caraquet, Tracadie-Sheila (Saint-Jean-Baptiste-et- Saint-Joseph), Petite-Rivière-de-l’Île et Sainte-Marie–Saint-Raphaël.
29 Parmi les églises d’autres dénominations, la Saint John’s United Church de Shippagan a été achetée par la Municipalité et une plaque y fut apposée pour expliquer son importance locale : « Construite en 1903, cette église de style néogothique est le dernier vestige représentant la communauté anglophone dans la municipalité. Built in 1903, this Gothic Revival style church represents the last remnant of the municipality’s anglophone community. »
30 De plus, on trouve un monument juste à l’entrée du cimetière situé tout près de l’église. On peut également mentionner de l’église du même nom, située à Miscou Lighthouse Point. Cette église desservait la petite population anglophone de cette partie de l’île à partir de 1912. Mentionnons aussi la United Church de Caraquet, construite en 1875, et la St. George anglican Church de Bathurst.
31 Un autre type de monuments ayant un lien avec les lieux de culte est les monuments qui soulignent le centenaire de paroisses. Nous avons vu plus haut celui de l’église de Caraquet, mais d’autres paroisses ont érigé un monument lors d’anniversaires. C’est le cas d’inkerman en 1987 et de Robertville en 1984. À inkerman, on a installé à droite de l’église paroissiale un petit monument et à Robertville, dans un parc bien aménagé, on a placé un monument où l’on voit très bien la date de fondation et celle de la commémoration (1884 et 1984). Récemment, l’église de Sainte-Marie–Saint-Raphaël a célébré le centenaire de sa construction et on a érigé en 2010 un monument tout près de l’entrée principale de ce lieu de culte.
32 Plusieurs paroisses ont célébré dans leur passé de semblables anniversaires, mais rien n’est resté comme mémoire visuelle sur le terrain. Des historiens locaux et parfois les curés de l’époque ont rédigé l’historique du village. Le tableau suivant présente quelques paroisses, leur anniversaire et l’année de commémoration.
33 On trouve également des monuments dans les cimetières, de véritables lieux de mémoire. On trouve dans le Nord-Est d’anciens cimetières que les paroisses entretiennent par l’intermédiaire de comités. Lors de la préparation du 4e Congrès mondial acadien, à Caraquet, au sanctuaire Sainte-anne-du-Bocage, il fut décidé d’aménager le cimetière où sont inhumés plusieurs fondateurs de villages acadiens du Nord-Est. Pour chaque famille, on a placé une pierre avec les noms de tous ses membres décédés. actuellement, dans ce cimetière, on trouve également la pierre tombale d’alexis Landry30 , un des pionniers, et un monument à sa mémoire. Sur ce monument, on peut observer plusieurs scènes, dont celle d’alexis qui ondoie son petit-fils Joseph-Marie Landry, la déportation des acadiens, la pêche miraculeuse et l’arrivée des fondateurs.
34 À Shippagan, dans le premier cimetière où furent inhumés les pionniers de ce village, il ne subsiste aucune pierre, ni aucune croix de bois. C’est pourquoi un monument indiquant les noms de tous les gens qui y furent inhumés a été érigé. Le monument est en forme de livre; sur les deux pages auxquelles le livre est ouvert, on peut lire sur deux colonnes les noms des personnes décédées en ordre chronologique, de 1795 à 1905.
35 À Bathurst, on souligne l’importance de lieux de mémoire dans deux cimetières. Le premier monument, l’Old St. George’s Cemetery de l’église anglicane, situé sur l’avenue Douglas, fut érigé lors des cérémonies entourant le 170e anniversaire de fondation de ce lieu d’inhumation, en 1992. Le deuxième monument est une plaque dans l’ancien cimetière de la Holy Family Catholic Church, située derrière l’église paroissiale actuelle. Cette plaque fut dévoilée en 1998 par la Commission du patrimoine de Bathurst afin de rendre hommage aux fidèles qui y sont inhumés.
36 Des lieux de reconnaissance envers les fondateurs ont également été aménagés dans les cimetières de Tracadie, de Saint-isidore et de Paquetville. il en est de même pour le deuxième cimetière de Caraquet, soit celui où se trouve le monument du centenaire de la construction de l’église. À Bathurst, dans le cimetière de la St. Luke’s Presbyterian Church, un cairn fut érigé en 2000 pour rendre hommage aux pionniers écossais. À Petit-Shippagan, dans le cimetière protestant, les frères Roy ont érigé un monument portant les noms de tous ceux qui y sont inhumés. Ce cimetière servait la population protestante de l’île Miscou et de l’île Lamèque. Les habitants de cette dernière île fréquentaient l’église de Shippagan, puis celle de Miscou.
37 Malheureusement, un cimetière de pionniers est tombé dans l’oubli et est actuellement à l’abandon, soit celui situé près des plaines de Miscou. Présentement, seules deux pierres sont encore existantes : celle d’une femme et celle d’adolphe Sivret, décédé en 1898. Le cimetière est inaccessible et est situé derrière des résidences privées. De plus, la forêt est tellement dense qu’on ne peut plus s’y promener.
38 À part les lieux de mémoire, certains musées présentent l’histoire religieuse à leur façon. Comme nous l’avons déjà dit, le Musée historique de Tracadie traite de l’histoire religieuse, mais l’exemple le plus évident est celui du Musée des papes de Grande-anse. Ce musée, fondé au milieu des années 1980, met de l’avant l’histoire des papes, mais surtout l’histoire religieuse en acadie. On y trouve plusieurs objets liés au culte ainsi qu’une importante collection de reliques ayant appartenu à M gr arthur Melanson31, ancien curé de Balmoral et de Campbellton, fondateur des villages de Saint-Quentin et de Kedgwick et premier archevêque de Moncton. C’est lui qui fit construire le Monument de la Reconnaissance, c’est-à-dire la cathédrale Notre-Dame-de-l’assomption. On y voit aussi tous les costumes portés par les différents ordres religieux qui ont œuvré en acadie. Dans le Musée de Saint-isidore, on peut voir des objets ayant appartenu aux curés alfred Lang et Gérard Gautreau, ainsi que divers objets de culte.
39 Au Village historique acadien, situé à Rivière-du-Nord, on a reproduit une réplique de la chapelle Sainte-anne-du-Bocage dans son état original de 1831. Plusieurs reconstitutions de pratiques liées au culte y sont présentées aux visiteurs pendant la saison estivale. On peut voir des visites de curés, de missionnaires et d’évêques, des funérailles, des mariages et des ventes de bancs d’église. Un événement tenu à la chapelle, mais qui n’est pas religieux, est la commémoration de la Déportation des acadiens et des acadiennes, le 28 juillet. Chaque année, les interprètes se rendent à la chapelle et l’un d’eux fait la lecture d’un texte expliquant le cheminement du peuple acadien depuis le 17e siècle.
40 Comme nous l’avons vu, les lieux de mémoire religieux sont apparus bien modestement dans le nord-est du Nouveau-Brunswick dans les années 1950. Depuis les 10 dernières années, plusieurs plaques et monuments ont été dévoilés afin de souligner divers événements et personnages importants. On remarque que les institutions religieuses occupent une place de choix parmi les commémorations, notamment les congrégations religieuses féminines.
41 Les bâtiments sont également bien représentés dans les lieux de mémoire. il n’est pas rare de voir dans le Nord-Est des églises et d’anciens couvents dont les murs portent des plaques signalant leur importance historique. Ces bâtiments servent à expliquer l’identité communautaire et à souligner l’importance de l’œuvre des congrégations religieuses. Le grand défi qui se pose maintenant pour plusieurs paroisses est de savoir quels édifices seront conservés, comment et à quel coût. Enfin, les musées soulignent l’importance qu’avait la religion pour les habitants de ce territoire majoritairement habité par des catholiques. L’un d’eux est même axé sur leur chef spirituel, soit le pape.
42 Tout porte à croire que les commémorations vont se poursuivre et que de nouveaux lieux de mémoire seront mis en évidence par des groupes patrimoniaux ou des sociétés historiques.
PHILIPPE BASQUE