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L’histoire de l’Acadie telle que racontée par les jeunes francophones du Nouveau-Brunswick :

construction et déconstruction d’un récit historique

Marc Robichaud
Université de Moncton

Abstract

On the basis of a survey conducted among New Brunswick francophone students in Grade 12 by the Institut d’études acadiennes of the Université de Moncton, the author offers an analysis of the relationship they have to the historical past. As part of this inquiry, students were asked to draft a composition describing the history of Acadia from its origins to the present day. A number of elements in the accounts given by these young people, especially the central place given to the events of the Deportation, demonstrate the durability of a vision of Acadian history that dates back to the second half of the 18th century as well as a pertinent understanding of the Acadian past.

Résumé

À partir d’un sondage effectué par l’Institut d’études acadiennes de l’Université de Moncton auprès des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick de la 12e année, l’auteur propose une analyse du rapport que ces derniers entretiennent avec le passé. Dans le cadre de cette enquête, les élèves ont été invités à composer une rédaction racontant l’histoire de l’Acadie, depuis ses débuts à nos jours. Quelques éléments du récit des jeunes, notamment le rôle central accordé aux événements de la Déportation, témoignent de la pérennité d’une vision de l’histoire acadienne qui est véhiculée depuis la deuxième moitié du 18e siècle et d’une connaissance pertinente du passé acadien.

1 DEPUIS LES ANNÉES 1990, de vastes enquêtes nationales ont été effectuées en Europe, aux États-Unis et en Australie dans le but de mesurer, de comprendre et d’apprécier les rapports que le grand public entretient avec le passé 1. S’inspirant de ces études, de plus en plus de chercheurs tentent aujourd’hui de sonder l’intérêt de la population canadienne pour son passé, voire même ses passés. Par contre, les études qui portent spécifiquement sur les jeunes sont moins nombreuses, et on entend souvent dire que ceux-ci ne connaissent ni ne s’intéressent à leur histoire 2. Cependant, certaines recherches québécoises et canadiennes récentes démontrent que les jeunes possèdent effectivement une conscience historique et qu’ils l’utilisent, entre autres, comme outil pour définir et créer leur identité 3. Or, qu’en est-il des jeunes Acadiens et francophones du Nouveau-Brunswick : Comment racontent-ils l’histoire de l’Acadie ? D’où proviennent leurs références au passé? Et comment trient-ils l’information reçue? Autant de questions auxquelles l’Institut d’études acadiennes de l’Université de Moncton (IEA) 4 s’est intéressé afin de mieux comprendre la place qu’occupe le passé dans la formation de l’identité chez les jeunes.

2 Afin de répondre à ces questions, l’IEA a conclu en 2007 un partenariat avec l’Alliance de recherche universités-communautés (ARUC) dans le cadre du projet « Les Canadiens et leurs passés » 5. L’étude de l’IEA, intitulée « La perception des jeunes Acadiennes et Acadiens du Nouveau-Brunswick à l’endroit de l’histoire de l’Acadie », a été réalisée au moyen d’un sondage, en deux volets, auprès d’élèves francophones du Nouveau-Brunswick du niveau de la 12 e année. Le premier volet était de nature objective. Il s’agissait d’un questionnaire comprenant 20 questions dont des questions à choix multiples, des questions à réponse courte et des questions où l’élève devait classer des énoncés et des éléments en fonction de l’importance qu’il ou elle accorde à chacun d’eux, que ce soit des référents identitaires, des événements historiques ou encore des sources d’information en histoire. Le deuxième volet, subjectif celui-ci, prenait la forme d’une rédaction que l’élève devait composer à partir de la phrase suivante : « Présentez ou racontez, comme vous la percevez, la savez ou vous en souvenez, l’histoire de l’Acadie depuis le début. » Pour élaborer les questionnaires, de même que pour faire l’analyse des résultats, l’IEA s’est basé en grande partie sur les travaux du professeur Jocelyn Létourneau de l’Université Laval 6.

3 Les exemplaires des questionnaires de l’IEA ont été distribués dans deux des cinq districts scolaires francophones de la province, soit les districts scolaires 1 et 11 (voir carte), au cours de l’hiver 2008 7. Au départ, l’IEA souhaitait sonder les jeunes dans les trois principales régions francophones du Nouveau-Brunswick, soit le Sud-Est, le Nord-Est et le Nord-Ouest, afin d’analyser les particularités régionales reflétées dans leurs réponses 8. Après une première série de contacts avec le ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick, les districts scolaires francophones et les écoles secondaires des trois régions concernées, l’IEA a dû réviser ses objectifs. En effet, bien qu’elles affirmaient toutes apprécier la pertinence d’une telle enquête, les écoles secondaires du nord-ouest et du nord-est de la province ont choisi de ne pas participer au sondage de l’IEA en raison d’importantes contraintes de temps 9.

4 Pour éviter que les élèves ne s’inspirent des renseignements historiques contenus dans le questionnaire objectif afin de composer leur rédaction, l’IEA voulait obtenir la participation de deux classes de 12 e année par école secondaire francophone : les élèves d’une classe répondraient donc au questionnaire objectif alors que ceux de l’autre classe répondraient au questionnaire-rédaction. Cette méthode a pu être respectée dans le cas de 6 des 10 écoles participantes. Par contre, dans les quatre autres écoles, seule une classe de 12 e année était disponible et, donc, seul le questionnaire objectif a été distribué (voir carte).

Source : André Richard, Institut d’études acadiennes, Université de Moncton. Cette carte a été produite à partir de données recueillies dans le cadre de l’étude « La perception des jeunes Acadiennes et Acadiens du Nouveau-Brunswick à l’endroit de l’histoire de l’Acadie » menée par l’Institut d’études acadiennes.
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5 Cet article porte sur les résultats du questionnaire-rédaction 10 et, par une analyse à la fois quantitative et qualitative, présente une vue d’ensemble du récit que font les jeunes de l’histoire de l’Acadie, de ses origines à nos jours 11. Dans les directives fournies aux enseignantes et aux enseignants, l’IEA a précisé que l’élève bénéficiait d’une période de 60 minutes consécutives pour compléter sa rédaction. Pendant cette période, l’élève ne pouvait consulter ni manuels de référence ou ressources électroniques, ni le personnel enseignant. En effet, les enseignantes et les enseignants avaient reçu la consigne de ne pas répondre aux questions de leurs élèves pendant la durée de l’exercice. Par ailleurs, le questionnaire, préparé afin de garantir l’anonymat du répondant, indiquait que l’objectif premier de l’IEA était de connaître la façon dont l’élève percevait l’histoire de l’Acadie, de ses origines à nos jours; l’IEA ne cherchait donc pas à évaluer les compétences linguistiques du répondant. L’IEA a aussi précisé que la participation au sondage se faisait sur une base strictement volontaire et que l’élève pouvait donc se retirer de l’exercice à tout moment.

6 Au total, 96 élèves de la 12 e année ont accepté de répondre à ce questionnaire (voir tableau 1), ce qui représente 9,6 % du nombre total d’élèves inscrits en 12 e année dans les écoles secondaires francophones de ces deux districts et 3,7 % des élèves francophones inscrits en 12 e année dans l’ensemble du Nouveau-Brunswick au cours de l’année 2007-2008, soit la période pendant laquelle l’enquête de l’IEA s’est déroulée 12.

Tableau 1 : Écoles secondaires francophones du Nouveau-Brunswick qui ont participé au sondage de l’IEA (volet rédaction)
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Source : Marc Robichaud, Institut d’études acadiennes, Université de Moncton. Ce tableau et les tableaux subséquents ont été produits à partir de données recueillies dans le cadre de l’étude « La perception des jeunes Acadiennes et Acadiens du Nouveau-Brunswick à l’endroit de l’histoire de l’Acadie » menée par l’Institut d’études acadiennes.

7 Parmi les élèves ayant répondu au questionnaire-rédaction, 50 sont des filles (52,1 %) et 44 sont des garçons (45,8 %) 13. La majorité des répondants, soit 62 élèves, sont âgés de 17 ans (64,6 %) 14. En interrogeant des jeunes francophones de 17 et de 18 ans, le sondage mené par l’IEA se démarque ainsi des enquêtes récentes de chercheurs intéressés par les questions d’identité, de territorialité et de mémoire collective en Acadie, qui ont retenu des groupes d’âge plus élevé comme population cible de leur étude 15.

8 Chacune des 96 rédactions a été numérotée après sa réception par l’IEA. Ainsi, la référence qui figure entre parenthèses dans le texte renvoie à la fois à l’école et au numéro attribué à la rédaction. Les extraits dont la référence est accompagnée d’un astérisque proviennent d’élèves qui, au moment du sondage, suivaient ou avaient déjà suivi le cours 42411 Histoire de l’Acadie, cours optionnel au niveau de la 11 e année, qui examine l’histoire acadienne de l’époque coloniale à la période contemporaine. Dans le but de permettre une analyse comparative des différentes narrations produites par les élèves, l’IEA a inscrit sur la fiche d’identification du questionnaire la question suivante : « Avez-vous déjà suivi ou êtes-vous en train de suivre le cours 42411 Histoire de l’Acadie ? » En tout, 82 élèves ont répondu « non » (85,4 %), 11 élèves ont répondu « oui » (11,5 %) 16 et 3 questionnaires ont été classés dans la catégorie « indéterminée » 17. Dans les pages qui suivent, les extraits tirés des trois rédactions placées sous la catégorie dite « indéterminée » sont signalées par l’abréviation « ind. » entre parenthèses. Le terme « mention » utilisé dans cet article se réfère au nombre total de rédactions dans lesquelles un thème ou un élément a été mentionné au moins une fois. Aux fins de notre analyse, un thème ou un élément mentionné plusieurs fois dans une même rédaction n’a été comptabilisé qu’une seule fois. Afin de faciliter la lecture, l’orthographe des extraits cités dans le présent article a été normalisée sans que le sens et le contenu soient modifiés pour autant 18.

9 Quelques précisions sur les rédactions elles-mêmes. D’abord, la longueur des rédactions varie d’un élève à l’autre. La longueur moyenne des rédactions est de 79 mots; la plus longue compte 444 mots alors que la plus courte n’en compte que trois. Au total, 9 rédactions comptent moins de 10 mots. Ainsi, dans plusieurs cas, il s’agit plutôt de réponses courtes se résumant à quelques mots ou à une ou deux phrases, ou encore une liste de points présentés avec très peu ou pas du tout d’explications ou de contextualisation. Par ailleurs, il y a souvent confusion dans les dates et les événements, ce qui donne lieu à des anachronismes très frappants 19. De même, dans de nombreuses rédactions, l’absence quasi complète de repères ou de balises chronologiques produit souvent des récits de nature anhistoriques 20. Dans un cas, l’élève répond ne rien savoir au sujet de l’histoire acadienne 21, alors que trois autres déclarent n’être pas intéressés par cette histoire, et ce, pour différentes raisons 22. Ailleurs, on semble remettre en question le bien-fondé de l’étude de l’histoire 23. De plus, malgré les directives de l’IEA au sujet de la nature volontaire du sondage, il semble que plusieurs élèves aient perçu l’exercice comme étant une évaluation formelle, une caractéristique que l’on constate dans d’autres sondages du même genre 24. C’est ce que révèlent, par exemple, les réponses des élèves qui déclarent ne savoir que très peu au sujet de l’histoire acadienne et qui s’excusent de ne pas pouvoir fournir davantage de renseignements 25.

10 À l’instar des recherches de Jocelyn Létourneau et Sabrina Moisan 26, un des éléments sur lesquels nous nous sommes penchés à la lecture des rédactions a été celui du « point de départ ». En d’autres mots, à quel moment commence l’histoire de l’Acadie selon ces jeunes? Existe-t-il un consensus au sein des élèves? Notre analyse démontre qu’il est loin d’y avoir unanimité sur cette question, car de nombreux points de départ sont privilégiés par les jeunes que nous avons sondés.

11 Pour quelques élèves, l’histoire de l’Acadie, qui « est une histoire très riche » (LJR 7), débute avec les Amérindiens, dont la présence dans cette région du continent, comme en témoignent les recherches récentes, remonte à plusieurs millénaires 27. Parmi les 20 rédactions qui mentionnent les Amérindiens, 2 reconnaissent le fait que les peuples autochtones ont été les premiers habitants du territoire :

Tout a commencé par les Amérindiens qui demeuraient là [en Acadie] depuis très longtemps. (MFR 6)
D’après mes connaissances, je sais qu’au début, ce sont les Indiens de différentes tribus qui habitaient ces terres. (LJR 22)

12 Si la présence amérindienne est, en grande partie, passée sous silence, ce n’est pas le cas de l’arrivée des premiers Européens en Acadie qui, dans de nombreuses rédactions, est retenue comme point de départ de l’expérience acadienne en Amérique du Nord. Les motifs ayant soutenu le peuplement européen du Nouveau Monde sont variés. Par exemple, les Européens traversent l’Atlantique « à la recherche d’une nouvelle route vers l’Inde » (BSA 3), pour se procurer « [les] épices et […] autres choses qu’ils ne trouvaient pas en Europe » (MFR 11), pour « exporter [les] ressources [du nouveau continent] » (OD 2) ou encore « pour y gagner leur vie » (OD 7).

13 Douze rédactions mettent l’accent sur l’origine française des premiers Européens à s’établir dans la région :

L’histoire de l’Acadie a commencé quand un groupe de Français de la France sont venus dans les provinces Maritimes. (LJR 13)
Il était une fois des Français qui ont colonisé les terres sur lesquelles on vit. (OD 6)

13 Ces récits laissent donc entendre que l’identité acadienne est une création beaucoup plus tardive. Ainsi, ce n’est qu’après y avoir habité un certain temps que « les Français [sont] maintenant devenus des Acadiens » (MFR 7) 28. Il en va de même pour Mathieu Martin, qui figure dans une des rédactions comme étant « le premier Acadien [né en Acadie] » (LJR 12*) 29. Pour d’autres, par contre, l’identité acadienne semble être aussi vieille que l’histoire du peuplement européen dans cette partie de l’Amérique du Nord, de sorte que les colons qui débarquent dans le Nouveau Monde sont déjà des Acadiens 30.

14 Pour d’autres, l’histoire de l’Acadie commence plus précisément en 1604, lorsque le premier établissement français permanent en Amérique du Nord est fondé à l’île Sainte-Croix (10 mentions) :

C’est en 1604 que les premiers colons français sont débarqués sur l’île Sainte-Croix. Ils ont ensuite peuplé la Nouvelle-Écosse et le N.-B. (CC 6)
Les premiers Français sont arrivés en 1604 à l’île Sainte-Croix. (CC 7)
L’histoire acadienne […] commence avec l’établissement des premiers colons français en 1604 à l’île Sainte-Croix 31. (LJR 7)

14 L’arrivée des colons à l’île Sainte-Croix représente aussi l’aboutissement d’un très long voyage, ces derniers ayant passé « plusieurs mois à bord de leur bateau, qui était parti de la France » (CC 15). D’autres récits présentent le 17 e siècle comme une période charnière dans l’histoire de l’Acadie, sans mentionner directement l’année 1604. Ainsi, un élève raconte que c’est « au cours des années seize-cents que l’Acadie fut fondée » (OD 9) alors qu’une autre explique que « les premiers habitants de l’Acadie sont venus avec les colonisateurs français dans le début des années 1600 » (CC 2).

15 D’autres élèves offrent encore plus de détails au sujet de la fondation de l’établissement français à l’île Sainte-Croix en introduisant dans leur récit le nom de certains personnages. C’est Samuel de Champlain qui, avec un total de six mentions, domine le classement des personnages historiques les plus souvent cités dans l’ensemble des rédactions (voir Tableau 2) 32.

Tableau 2 : Personnages historiques cités dans les rédactions 33
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16 Or, si le nom du cartographe résonne tant chez les jeunes sondés, c’est que ces derniers le qualifient, en quelque sorte, de fondateur de l’Acadie, éclipsant par le fait même Pierre Dugua, sieur de Mons, qui est le véritable chef de l’expédition, lui qui, en 1603, reçoit du roi Henri IV de France le titre de lieutenant général « des côtes, terres et confins de l’Acadie, du Canada et autres lieux en Nouvelle-France 34 » :

En 1604, Samuel de Champlain arriva à l’île Sainte-Croix avec son bateau. (BSA 2)
En 1604, c’est l’année où Samuel de Champlain est venu créer une colonie sur l’île Sainte-Croix […]. (MFR 11)

16 Même lorsque le sieur de Mons est présent dans le récit des élèves, il semble occuper une position sinon secondaire, du moins subalterne :

En 1604, Samuel de Champlain, accompagné de Pierre du Gua de Mons, partit vers un nouveau monde. Ils découvrirent l’île Sainte-Croix 35. (BSA 4*)

17 Bien qu’ils mettent l’accent sur le début du peuplement de l’Acadie par les Européens, ou encore sur la fondation d’un établissement français à l’île Sainte-Croix, certains élèves reconnaissent néanmoins que les colons français arrivent sur un territoire déjà habité. En effet, plusieurs rédactions font état des rapports qui se créent entre les nouveaux venus européens et les groupes autochtones. Or, les rédactions ne font pas mention des efforts entrepris par les autorités françaises pour évangéliser les peuples autochtones. Il est sans doute possible de voir ici le reflet d’une nouvelle historiographie acadienne qui met moins l’accent sur les activités missionnaires en Acadie coloniale 36. Dans les récits des jeunes, les liens tissés entre les Amérindiens et les colons français sont de nature surtout commerciale. En effet, cinq rédactions mentionnent le commerce des fourrures qui se développe au sein de la nouvelle colonie :

Les Français découvrirent vite le peuple amérindien, qu’ils apprirent à connaître afin de faire des échanges pour leurs fourrures. Les Français désiraient avoir la fourrure du castor afin de fabriquer le feutre. (BSA 4*)
Ils [Les Français] s’étaient fait des alliances avec les Amérindiens en échangeant de leurs produits pour de la fourrure. (CC 7) 37

17 Une rédaction présente les relations entre les Amérindiens et les nouveaux venus européens sous un angle plutôt négatif en soulignant que, plus tard, « les Blancs ont pris les terres des Amérindiens 38 » (MFR 4).

18 Si les colons français établissent des contacts très tôt avec les peuples autochtones de la région, c’est aussi une question de survie, car ils ne sont pas habitués aux rudes hivers nord-américains. En effet, les colons français se rendent vite compte que « les saisons n’étaient pas les mêmes (neige!) » (MFR 7). De toute évidence, ce groupe de pionniers « n’était pas accoutumé d’avoir des très gros froids comme cela » (MFR 6*). Or, selon quatre élèves sondés, les Amérindiens jouent un rôle clé dans le développement de la jeune colonie, car c’est grâce à eux que les premiers colons français réussissent à affronter le climat hostile qui règne sur ce territoire :

Heureusement, certains colons ont résisté à cet hiver meurtrier, mais c’est sans doute grâce aux Amérindiens. (CC 15)
Lorsqu’ils [les colons français] sont arrivés [en Acadie], ils se sont alliés aux Amérindiens pour survivre aux hivers. (SA 7)

19 Comme le suggère le premier de ces deux extraits, le contingent de colons français qui s’installe à l’île Sainte-Croix en 1604 se trouve au printemps 1605 sinon décimé, du moins fortement réduit en raison d’un nombre élevé de décès. En effet, malgré l’assistance des Amérindiens, plusieurs colons ne peuvent survivre aux rigueurs de l’hiver nord-américain. Si ce premier hiver passé en Acadie s’avère si difficile, c’est en raison du scorbut, maladie à laquelle succombent de nombreux colons 39. Cette maladie, qui résulte d’« un manque de vitamine » (CC 10), prend l’ampleur d’une véritable épidémie à l’île Sainte-Croix :

À leur surprise, l’hiver en Acadie était morbide, c’est alors que l’épidémie du scorbut fit son apparence [apparition] pour la première fois. (BSA 4*)
Pensant avoir trouvé [à l’île Sainte-Croix] l’endroit idéal pour fonder une colonie, ils [les colons français] s’y installèrent. Or, peu de temps après, les premiers flocons de neige recouvraient le sol. L’hiver sera dur pour ces colons dont une grosse partie mourront de scorbut ou de froid. (CC 15)

19 Le scorbut et le grand froid sont donc quelques-unes des « difficultés » (BSA 2) rencontrées à l’île Sainte-Croix par les sieurs de Mons et de Champlain. C’est ainsi qu’au printemps 1605 l’établissement de l’île Sainte-Croix est démantelé et déménagé de l’autre côté de la baie Française, au site de Port-Royal, jugé plus avantageux pour la colonisation :

En 1605, ils déménagèrent à Port-Royal où ils pensaient qu’il faisait plus chaud. (BSA 2)

20 Bien que l’aventure de l’île Sainte-Croix soit de courte durée, elle représente tout de même le moment fondateur de l’Acadie; en effet, c’est « de ce petit endroit que l’histoire des Acadiens commença » (CC 14). Certains élèves sondés évoquent aussi l’année 1604 sans connaître exactement ce que cette date signifie :

Je me souviens que l’année 1604 est importante. Malheureusement, je ne me souviens pas grand-chose de l’histoire […]. (MFR 16*)

20 Même si 1604 se classe au deuxième rang avec un total de 14 mentions, pour la grande majorité des élèves cette date est de loin éclipsée par 1755, ce qui correspond aux interprétations proposées par l’historien Ronald Rudin dans une récente étude sur le sujet ainsi que dans un film documentaire qu’il a codirigé 40. Pour plusieurs élèves, l’histoire de l’Acadie commence beaucoup plus tardivement que 1604. En effet, 20 élèves au total commencent leur récit à partir des événements de la Déportation (ou du Grand Dérangement) :

Tout a commencé [lors]que les Acadiens se sont fait déporter à plusieurs places […]. (MFR 8)
Après le Grand Dérangement (en 1755), les Acadiens se sont trouvés à plusieurs places […]. (SA 2)

21 Il faut dire que la Déportation, dont on a souligné en 2005 le 250 e anniversaire 41, occupe une place centrale dans le récit que font les jeunes de l’histoire acadienne. En effet, 83 des 96 rédactions (soit 86,5 %) formant notre corpus mentionnent soit le mot « déportation/Déportation », soit les mots « déporter/déportés » 42. Comme l’atteste le tableau 3, la Déportation constitue, de loin, l’événement le plus souvent cité par les jeunes que nous avons sondés.

Tableau 3 : Événements cités dans les rédactions 43 44
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22 De plus, comme le démontre le tableau 4, l’année 1755, année où « le drame s’est produit » (CC 6), est de loin la date la plus souvent citée dans les rédactions bien que, comme dans le cas de 1604, sa signification ne soit pas toujours donnée, ni connue.

Tableau 4 : Dates relevées dans les rédactions
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23 Dans de nombreuses rédactions, la Déportation constitue le seul chapitre de l’histoire acadienne mentionné et expliqué par l’élève, ce qui donne lieu à des rédactions très brèves, se limitant souvent à quelques mots 45. Parfois, il s’agit du seul événement, ou de l’un des seuls événements, que l’élève dit lui-même connaître au sujet de l’histoire acadienne (12 mentions) :

[…] tout ce que je sais est que la Déportation [a eu lieu] en 1755 […]. (LJR 8)
[…] je ne sais pas grand-chose des Acadiens. Tous ce que je sais, c’est que les Acadiens [se] sont fait déporter […]. (LJR 21)

23 Ces résultats sont d’autant plus intéressants qu’ils viennent appuyer les données recueillies dans le cadre du questionnaire objectif distribué à d’autres groupes d’élèves. En effet, les répondants devaient choisir jusqu’à trois événements ayant, selon eux, le plus profondément façonné l’expérience acadienne en Amérique du Nord. Or, parmi les 12 événements à sélectionner, la Déportation a été retenue le plus souvent (dans une proportion de 83,7 %) et domine facilement le classement 46. Dans sa rédaction, un élève déclare que la Déportation constitue « [l]e plus grand événement qui a marqué les Acadiens » (LJR 12*). Comme en témoignent les résultats des deux questionnaires de l’IEA, plusieurs de ses consœurs et confrères de classe, pour ne pas dire de nombreux auteurs 47, semblent partager cette opinion.

24 Étant donné l’importance accordée à la Déportation dans l’ensemble des rédactions, la question suivante se pose : comment les élèves sondés présentent-ils ce chapitre de l’histoire acadienne? Une première observation s’impose, soit l’absence quasi totale de références à des personnages historiques. Le lieutenant général Robert Monckton constitue le seul personnage de la période de la Déportation relevé par les élèves. En fait, comme l’indique le tableau 2, ce dernier ne reçoit qu’une seule mention parmi l’ensemble des 96 rédactions. À part cette unique référence à Robert Monckton, l’analyse des rédactions montre que, pour les élèves sondés, les acteurs ayant joué un rôle lors de la Déportation se limitent essentiellement à deux groupes : d’une part ceux qui ont subi la Déportation, c’està-dire les Acadiens 48, et de l’autre ceux qui ont mis cette politique à exécution, soit « les Anglais » (26 mentions), « l’Angleterre » (5 mentions), « les Anglais de l’Angleterre » (4 mentions) 49, « les Britanniques » (3 mentions) ou encore « les colons de la Grande-Bretagne » (une mention) 50. Ailleurs, ce sont les colonies américaines qui sont présentées comme étant les principales responsables de la Déportation; en effet, l’élève en question indique que la décision de déporter les Acadiens a été prise par « les Anglais des 13 colonies », qui étaient d’ailleurs « plus nombreux que les Acadiens » (MFR 7). Cette rare distinction entre Britanniques métropolitains et Britanniques des colonies comme principaux responsables du Grand Dérangement est l’un des arguments du récent ouvrage de l’historien américain John Mack Faragher sur le sujet 51. Dans une rédaction, ce sont « les maudits » (OD 9) 52 qui sont responsables de la Déportation. L’usage de ce terme pour décrire les Britanniques rappelle d’ailleurs une chanson populaire du chanteur louisianais Zachary Richard traitant des événements de 1755 et intitulée Réveille 53.

25 Les événements de 1755 sont d’autant plus significatifs qu’ils sont venus mettre fin à une période de l’histoire acadienne que l’on peut qualifier d’« âge d’or », une idée qui a beaucoup été véhiculée par l’historiographie acadienne 54. Pour quelques élèves, la société acadienne dans la période qui précède le Grand Dérangement est une société paisible et heureuse, sans clivages intestins et vivant des richesses d’une terre des plus fertiles. Un élève raconte que ses ancêtres vivaient en Acadie « car c’était la meilleure place pour faire l’agriculture […]; c’était la terre la plus riche au monde » (MFR 10). De son côté, une élève affirme qu’avant 1755 « tout allait bien » (MFR 7), alors qu’un autre déclare qu’au début les Acadiens « vivaient bien et en paix » (LJR 4). Durant cette période, les Acadiens se seraient bien entendus entre eux, mais aussi avec leurs voisins. Ainsi, la période pré-1755 se caractérise, selon deux élèves, par des rapports pacifiques entre Acadiens et Amérindiens :

Les Acadiens ne sont pas en chicane avec les Indiens. (LJR 5)
Les Français s’accordaient bien avec les Indiens. (LJR 22)

25 Ailleurs, l’idée d’un « âge d’or » est sous-entendue, comme dans l’extrait suivant dans lequel les aspirations impérialistes des Britanniques viennent tout bouleverser :

L’histoire de l’Acadie a commencé quand un groupe de Français de la France sont venus dans les provinces Maritimes. Pas longtemps après, ils ont commencé à se faire alliés avec les Amérindiens. Après quelques années, les Britanniques ont commencé la guerre pour avoir la terre des Acadiens. (LJR 13)

26 Quant aux causes de la Déportation, elles sont abordées dans 30 rédactions (31 %). Or, ces causes sont variées. Comme dans l’extrait cité ci-dessus, certains élèves allèguent que les Britanniques convoitaient le territoire sur lequel vivaient les Acadiens (six mentions). D’autres élèves vont plus loin en précisant que les ambitions impérialistes des Britanniques reposaient sur le fait que l’Acadie possédait des terres très fertiles (quatre mentions); la Déportation aurait constitué un moyen pour les Anglais d’en prendre possession :

[…] les Anglais voulaient les terres des Acadiens à cause qu’elles étaient meilleures, alors ça [la Déportation] leur a donné une excuse de les avoir. (LJR 5)
Les Anglais sont venus dans nos terres et nous ont déportés pour avoir nos terres […] Ils voulaient nos terres car elles étaient bonnes pour faire de l’agriculture. (LJR 15)

26 L’usage du « nous » et du « nos » ci-dessus démontre que certains élèves intègrent une part de subjectivité à leur analyse. En effet, quatre autres récits utilisent le « nous » en faisant référence aux événements de la Déportation 55. Ces élèves racontent l’histoire de la Déportation comme si ce sont eux qui l’ont vécue, signe que ce mythe fondateur résonne chez eux. À vrai dire, de nombreux Acadiennes et Acadiens emploient encore aujourd’hui assez facilement le « nous » en racontant le Grand Dérangement, comme si c’était un événement récent 56.

27 D’autres élèves offrent une interprétation plus nuancée des causes de la Déportation en traitant davantage du contexte politique et militaire de l’époque, notamment celui qui existe à la suite de la signature du traité d’Utrecht en 1713, moment où « [l]a France perdit les terres des Acadiens à l’Angleterre 57 » (BSA 2). Il faut dire que cette victoire de l’Angleterre reflète une des réalités de l’histoire de l’Acadie coloniale souvent citées dans les récits des jeunes, soit celle des guerres impériales 58 :

Pendant ce temps, la France et l’Angleterre étaient en guerre. Elles gagnèrent à tour de rôle. (CC 15)

27 Alors que, comme il a été démontré précédemment, certains élèves racontent que la période pré-1755 constitue, pour l’Acadie, une période de paix et de prospérité relatives, d’autres précisent que les Acadiens se trouvent, à cette époque, dans une situation plutôt précaire. Territoire hautement convoité, l’Acadie est pendant longtemps dans la mire des deux grandes puissances impériales en Amérique du Nord, puissances qui se disputent le contrôle de cette partie du continent :

L’Acadie se fait ballotter entre la France et l’Angleterre. (BSA 1*)
Les colonies française et anglaise se battaient souvent et les Acadiens étaient toujours pris entre les deux. [Elles] se battaient pour la terre. (CC 5)

27 Mais, comme le démontre la signature du traité d’Utrecht, dans cette course pour l’Acadie, un seul pays pouvait sortir vainqueur et « [f]inalement, les Anglais ont gagné […] » (CC 5).

28 Que l’Angleterre ait pris possession de l’Acadie ne signifie pas pour autant qu’elle avait le contrôle sur l’ensemble du territoire :

C’était difficile pour l’Angleterre d’utiliser ces terres, car il y avait déjà une si grande population française dans cette région […] L’Angleterre voulait l’Acadie, mais avec les nombreux Français, c’était un grand problème. Ils [Les Anglais] avaient besoin de régler ça […]. (LJR 12*)

28 Pour ce faire, les autorités britanniques vont exiger que les Acadiens prêtent un serment d’allégeance inconditionnelle démontrant leur loyauté envers la Couronne britannique. Or, pour plusieurs élèves, c’est le refus des Acadiens de prêter ce serment qui constitue la cause principale de la Déportation (sept mentions), question qui suscite toujours un débat au sein de la communauté historienne 59 :

[…] l’Angleterre voulait s’assurer que les Acadiens signent un document qui disait qu’ils étaient une alliance de l’Angleterre. Les Acadiens ont refusé; ils ne voulaient pas faire partie de la guerre. L’Angleterre a dit que s’ils ne le signaient pas, elle allait les déporter […]. (LJR 5 )
[L]a raison qu’ils se sont fait déporter, c’est que la plupart ne voulaient pas signer le serment d’allégeance inconditionnelle, qui disait qu’ils devaient être fidèles au roi de l’Angleterre et abandonner leur religion catholique et faire confiance à la religion protestante des Anglais 60. (MFR 10)

28 Sans mentionner directement le serment d’allégeance, un récit souligne que le refus des Acadiens de joindre les rangs de l’armée britannique et de combattre sous le drapeau du roi d’Angleterre aurait servi de prétexte à la Déportation :

Les Anglais sont venus et voulaient le territoire et avaient besoin de soldats pour combattre les Français, mais les Acadiens ne voulaient pas, donc ils ont été déportés. (SA 4 ind.)

29 D’autres élèves poussent cette analyse plus loin en introduisant le concept de la neutralité acadienne (trois mentions). Quoiqu’ils refusent de prêter le serment d’allégeance à la Couronne britannique, les Acadiens promettent de demeurer neutres en cas d’une guerre entre l’Angleterre et la France. Comme le soulignent les récits, les autorités britanniques ne peuvent se fier à la promesse des Acadiens de demeurer à l’écart de tout conflit. Craignant que, dans un tel scénario, les Acadiens ne soient appelés à se ranger ouvertement du côté de la France, les autorités britanniques décident donc de les chasser de leurs terres :

Ils [Les Anglais] avaient peur que les Acadiens aillent soutenir la France s’il y avait une guerre. (LJR 11)
[Les] Anglais ne croient pas que [les] Acadiens soient neutres et les déportent en raison de peur. (OD 2)

29 Dans un même ordre d’idées, deux élèves associent les causes de la Déportation au fait que les Acadiens auraient constitué une « menace » pour les Anglais 61, alors qu’un élève raconte que les Anglais « avaient peur de leur grand nombre [des Acadiens] 62 ». Dans l’ensemble, les extraits cités précédemment viennent confirmer la thèse d’une des élèves qui, dans sa narration, explique que « les conflits entre les Français et les Anglais n’étaient qu’une bombe à retardement pour les Acadiens » (CC 6).

30 En plus de présenter le contexte politique et militaire ayant mené à la Déportation, certains élèves portent un jugement sur le bien-fondé de l’exil forcé des Acadiens en 1755. En effet, dans deux récits, la décision de déporter les Acadiens est remise en question, car on estime qu’une telle politique n’était pas justifiée :

Pour commencer, les Français étaient sur le territoire en premier. (LJR 11)
[…] ils [les Anglais] n’auraient pas dû faire cela parce que les Français acadiens étaient là en premier et, habituellement, c’est « first come first serve » […]. (MFR 9)

30 Comme en témoignent ces extraits, certains élèves proposent une nouvelle lecture du concept du « droit de conquête » basé sur un principe de préséance, relecture qui fait abstraction de la présence amérindienne sur le continent, qui devance de quelques millénaires l’arrivée des premiers colons européens.

31 Lors d’une enquête menée en 1994 et en 1995 auprès d’étudiants francophones des campus de Shippagan et d’Edmundston de l’Université de Moncton et du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick – Campus de Campbellton, l’historien Patrick D. Clarke a noté, dans son analyse des récits, les « nombreuses références aux droits collectifs et au respect que l’on doit aux Acadiens, comportement typique des groupes minoritaires 63 ». Le même phénomène se remarque ici car, en abordant les causes de la Déportation, certains jeunes projettent leurs préoccupations en tant que membres d’une minorité linguistique. C’est ainsi que, pour plusieurs, la Déportation s’explique par des causes essentiellement culturelles et linguistiques. Dans cette perspective, elle touche une minorité de langue française mal comprise et mal appréciée par la majorité de langue anglaise qui l’entoure et qui cherche à l’assimiler :

Les Acadiens étaient toujours mal vus par les Anglais. Les Anglais ne comprenaient pas leur culture et tradition, pourquoi ils aimaient chanter et danser. (LJR 14 ind.)

31 Dans un cas, c’est le refus des Acadiens d’abandonner leur langue qui précipite leur exil. Fait intéressant, la crainte de l’assimilation ne se trouve pas ici du côté des Acadiens, comme c’est le cas dans les autres rédactions où ce mot a été relevé 64. Au contraire, ce sont les Anglais qui, cette fois-ci, auraient craint de perdre leur langue :

[…] les gens de l’Angleterre nous ont déportés parce que, quand nous étions sur nos terres, nous parlions acadien […] Ils nous ont dit de parler l’anglais parce qu’ils ne veulent pas être assimilés. Mais quand nous avons dit « non », ils nous ont déportés […]. (MFR 13)

31 Une autre rédaction témoigne de cette transposition dans le passé de préoccupations actuelles. Au lieu d’avoir uniquement pour objet des visées territoriales entre deux royaumes impérialistes, soit l’Angleterre et la France, les guerres qui se déroulent sur l’échiquier nord-américain à l’époque coloniale opposent, selon l’interprétation d’un élève, deux groupes linguistiques :

Les Acadiens étaient un groupe français, neutre dans les batailles entre les anglophones et les francophones. Les Anglais voulaient que les francophones parlent leur langue 65. (CC 13)

32 Deux élèves introduisent une dimension linguistique dans leur description au sujet du contenu du serment d’allégeance que les Britanniques souhaitent imposer aux Acadiens :

En 1755, les Anglais ont décidé que les Français devraient seulement parler l’anglais et prendre la religion [protestante] et signer allégeance au roi d’Angleterre. Ceux qui n’acceptèrent pas furent déportés ou se sont cachés pour revenir plus tard 66. (OD 17)
[…] l’Angleterre créa le serment d’allégeance. Ce document, une fois signé, stipulait que les Acadiens devaient être fidèles à l’Angleterre, renoncer à leur religion et à leur langue. Certains Acadiens ont signé ce serment honteux, mais la majorité a refusé. Les Acadiens étaient très religieux et fiers de leur langue. L’Angleterre a perçu ce refus comme une menace et rédigea la lettre de déportation 67. (CC 15)

32 Ces deux extraits sont d’autant plus intéressants qu’ils indiquent que les Acadiens ne refusent pas en bloc de prêter le serment d’allégeance, comme le laissent entendre la plupart des rédactions 68. En effet, la Déportation est ici un sort réservé à ceux qui ne prêtent pas le serment. Quant à la minorité d’Acadiens qui choisissent de prêter « ce serment honteux », leur geste, comme en témoigne le deuxième extrait cité cidessus, est apparenté quelque peu à de la trahison.

33 À partir de 1755, l’Acadie traverse une période turbulente, car la Déportation vient tout bouleverser. Celle-ci « commença rudement » (LJR 12*). Les Anglais « envahi[ssent] leur terre [des Acadiens] » (OD 6). Les envahisseurs − et on notera ici encore une fois l’utilisation du « nous » − « rentraient dans nos maisons et nous jetaient dehors » (LJR 15). Les Acadiens finissent par tout perdre, y compris « leurs terres, leur maison, leur bétail et leurs troupeaux » (CC 15). En effet, les Anglais vont « tout défaire » (OD 4). Quatre rédactions racontent que les soldats britanniques mettent le feu aux maisons et aux terres des Acadiens, ainsi qu’« à l’église de Grand-Pré » (CC 15) 69. Mais les pertes occasionnées par la Déportation ne sont pas que matérielles, car outre leurs terres et leurs maisons, « [b]eaucoup de gens ont [aussi] perdu leur famille » (LJR 20*) 70. Les références au fait que « les hommes et les femmes étaient séparés » (SA 6*) les uns des autres au moment de la Déportation sont d’autant plus significatives qu’elles constituent l’une des rares occasions où les Acadiennes elles-mêmes sont présentes dans le récit historique des jeunes. En effet, seulement 10 mentions faisant référence aux femmes ont été relevées dans l’ensemble des rédactions. Six d’entre elles portent sur le fait que les soldats britanniques ont « divisé hommes et femmes pour la Déportation » (SA 10). Trois autres font état des filles du roi envoyées en Nouvelle-France par la Couronne française. Dans un récit, les femmes sont présentes en Acadie dès 1604, ayant participé elles-mêmes à la fondation de l’établissement de l’île Sainte-Croix : « Venus de la France, les Acadiens et Acadiennes ont exploré une petite île près de St. Stephen, au Nouveau-Brunswick, appelée l’île Sainte-Croix 71 » (CC 14). À l’instar des sondages menés dans le contexte collégial et universitaire québécois, l’histoire de l’Acadie telle que racontée par les jeunes demeure une histoire majoritairement masculine, et ce, même si 52,1 % des élèves sondés dans le cadre de ce deuxième questionnaire sont des femmes 72.

34 Par ailleurs, l’expulsion physique des Acadiens est empreinte de souffrances : « Des familles déchirées, des mortalités et des conditions pénibles; tel était le prix qu’ils ont dû payer » (CC 15). Après que leurs terres et leurs maisons ont été brûlées, « les Acadiens furent forcés d’entrer sur les bateaux » (CC 7). Or, en plus des difficultés liées au déracinement, les Acadiens sont vite confrontés aux conditions de vie misérables qui règnent sur ces navires :

Il [L’Anglais] les emmena dans des grands bateaux où plusieurs sont décédés en route. (CC 14)
Nous étions sur un gros bateau et ils nous traitaient mal 73. (LJR 15)

34 Une fois arrivés à leur destination finale, les Acadiens ayant survécu au trajet en bateau continuent de vivre dans la misère :

Ils ont été déportés dans les colonies américaines, où ils ont été des prisonniers ou des esclaves. (CC 1)
Une fois arrivés, ils étaient rejetés du peuple américain. Les chanceux trouvaient des emplois et un endroit où se coucher, les autres en faisaient pitié. (CC 14)

34 Dans une rédaction, on va encore plus loin en soutenant que la Déportation de 1755 « pourrait même être considérée un génocide 74 » (MFR 10), une thèse qui demeure présente au sein de la société acadienne d’aujourd’hui 75.

35 Mais la Déportation n’est pas exclusivement une période sombre pour les Acadiens. En effet, un élève raconte que c’est « [p]endant ce grand dérangement [qu’]une des plus belles histoires d’amour a été créée : l’histoire d’Évangéline et Gabriel » (OD 6), faisant quelque peu écho au succès de librairie que fut le roman historique de Pauline Gill portant sur ces mêmes personnages 76. Né au 19 e siècle de la plume de l’auteur américain Henry Wadsworth Longfellow 77, ce célèbre couple reçoit quatre mentions. Deux rédactions mentionnent uniquement Évangéline, alors qu’une autre réfère à « [l]a chanson d’Évangéline » (SA 9) 78, démontrant que les chansons constituent, pour les jeunes, une façon d’apprendre l’histoire. C’est d’ailleurs le cas du spectacle Ode à l’Acadie, monté pour la première fois en 2004 afin de souligner le 400 e anniversaire de la fondation de l’Acadie, qui reçoit deux mentions; une des élèves explique qu’elle a « appris [l’histoire acadienne] avec leurs chansons [les chansons d’ Ode à l’Acadie] » (SA 8) 79.

36 L’artiste et écrivain acadien Herménégilde Chiasson, en se référant à l’Évangéline de Longfellow, parle de « cette héroïne dont la fiction a souvent éclipsé notre véritable histoire 80 ». Les rédactions analysées semblent confirmer son propos. Il est vrai qu’une rédaction précise « que l’histoire d’Évangéline est basée sur la Déportation mais qu’elle est quand même fictive » (LJR 8). Par contre, les autres mentions ne comportent pas de contextualisation, ni d’explication. Ainsi, il n’est pas clair si ce personnage est cité en tant que personnage historique, en tant que symbole de la survivance acadienne ou encore en tant que source pour appréhender ce chapitre de l’histoire de l’Acadie. Ces deux dernières explications sont d’ailleurs parmi celles retenues dans le cadre du questionnaire objectif distribué par l’IEA 81.

37 Dans près de la moitié des rédactions analysées, les élèves présentent les lieux qui accueillent les Acadiens ayant été expulsés de leurs terres à partir de 1755. En effet, 50 des 96 rédactions (52 %) contiennent des renseignements géographiques quant aux destinations « des milliers [d’Acadiens qui] ont subi le sort de la Déportation » (CC 15). Le tableau 5 illustre la répartition géographique des Acadiens qui ont été déportés, telle que conçue par les jeunes sondés :

Tableau 5 : Destinations des Acadiens déportés 82 83 84
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38 Comme en témoigne le tableau 5, les élèves nomment les lieux qui sont traditionnellement associés à la Déportation, à savoir la France, l’Angleterre ainsi que les colonies britanniques d’Amérique du Nord comprises notamment sous les vocables « Treize Colonies », « colonies américaines », « la côte est des États-Unis » et « le long de la côte américaine ». Selon certains élèves, les Acadiens ont été déportés à l’échelle de la planète. C’est ce qu’illustrent, entre autres, les expressions « partout » et « tout autour du monde », qui concordent avec la définition transfrontalière de l’Acadie proposée par de nombreux élèves dans le cadre du questionnaire objectif de l’IEA 85 ainsi que par des jeunes d’autres groupes d’âge 86.

39 La Louisiane, où les Acadiens sont « maintenant Cajuns » (SA 10), est présente à deux niveaux dans les récits. La plupart des élèves y font allusion comme étant un lieu où les Acadiens ont été déportés 87, témoignage révélateur quant à la pérennité de ce mythe qui semble bien résister aux efforts des historiens qui cherchent à remettre les pendules à l’heure, car les Acadiens se rendent eux-mêmes en Louisiane et n’y sont pas déportés 88. Quelques répondants laissent entendre tout de même que les Acadiens se rendent en Louisiane de leur propre initiative, même s’ils présentent cette terre d’accueil comme un territoire français alors qu’elle est, en réalité, une possession espagnole 89 :

Les Acadiens ont heureusement survécu cette déportation et ils se sont rendus en Louisiane pour y habiter. (LJR 11)
Beaucoup d’Acadiens se rendent en Louisiane car, dans ce temps, elle était un territoire français […]. (LJR 12*)

39 Le tableau 5 montre aussi que certains élèves confondent les deux périodes et les lieux associés aux grands mythes fondateurs de l’Acadie. Par exemple, l’île Sainte-Croix y figure comme un lieu où les Acadiens ont été déportés en 1755; de plus, « [c]ertains d’entre eux [les Acadiens] avaient le scorbut » (CC 4). Mais cette confusion se fait aussi dans le sens inverse, de sorte que, dans une rédaction, les premiers colons français arrivent à l’île Sainte-Croix non pas en 1604, mais plutôt en 1755 : « Les Français sont arrivés ici en 1755, à l’île Sainte-Croix » (CC 10).

40 Bien qu’ils aient été « déportés par centaines » (OD 7), de nombreux Acadiens vont réussir à échapper aux soldats britanniques pour ensuite se cacher ou s’enfuir, thème qui a été relevé dans 15 des 96 rédactions (15,6 %). Parmi les Acadiens qui choisissent de demeurer en Acadie, certains vont éventuellement s’adapter au nouveau contexte sociopolitique :

Plusieurs familles se sont sauvées dans la forêt ou ont décidé de devenir amis avec les Anglais. (CC 5)
Il y en avait même qui se sont cachés et se sont adaptés aux nouvelles lois des Anglais. (LJR 19)

40 Pour les Acadiens qui préfèrent demeurer cachés, l’aide des Amérindiens va s’avérer cruciale. En effet, sept rédactions mentionnent que les Amérindiens vont porter main-forte aux Acadiens qui échappent aux soldats britanniques en 1755 90. Ainsi, à toutes fins utiles absents depuis l’arrivée des premiers colons français à l’île Sainte-Croix en 1604, les Amérindiens réapparaissent ici dans le récit des élèves. En effet, ce sont les Amérindiens qui offrent un asile aux Acadiens réfugiés en forêt. C’est d’ailleurs grâce à eux que ces Acadiens réussissent à survivre :

Cependant, plusieurs Acadiens réussirent à échapper aux Anglais en se cachant dans les bois avec la précieuse aide des Amérindiens. Il ne faut surtout pas oublier leur important [rôle] dans cette tragédie. (CC 6)
[…] il y a beaucoup de monde qui s’est sauvé dans les bois et les Amérindiens les ont aidés à se faire vivre […]. (MFR 4)

40 Ainsi, tout comme au début de l’odyssée acadienne en Amérique du Nord lorsque les colons français passent leur premier hiver à l’île Sainte-Croix, les Amérindiens vont à nouveau permettre à l’Acadie de survivre en s’assurant que les Acadiens fugitifs puissent passer à travers les années difficiles du Grand Dérangement. Cependant, malgré cette « précieuse aide » des Amérindiens, les Acadiens se trouvant dans la colonie de la Nouvelle-Écosse après 1755 mènent une vie périlleuse, car « [t]ous ceux qui se sont échappés [de la Déportation] devaient vivre en peur, cachés des Anglais ». (OD 7)

41 Le récit de l’histoire acadienne ne s’achève pas avec la Déportation, car les Acadiens vont mettre fin à leur exil en choisissant de retourner en Acadie 91. En effet, indiquent que des bateaux ont servi à déporter les Acadiens (huit mentions au total), les élèves ne donnent pas de précisions quant aux moyens utilisés par les Acadiens pour revenir en Acadie :

Après un certain temps, les Acadiens dispersés ont décidé de remonter la côte pour revenir en Acadie et se réinstaller. Ils ont réussi, après des années et des années, à s’y rendre […]. (CC 2)

41 Ce ne sont pas tous les Acadiens qui souhaitent retrouver leurs anciennes terres, car « plusieurs d’entre eux avaient décidé de rester où ils s’étaient fait déporter (Cajuns en Louisiane, par exemple) » (CC 2). C’est la distance à parcourir qui en a découragé un grand nombre; en effet, nombreux sont ceux qui refusent d’entreprendre le voyage « car c’était trop loin » (OD 4). Pour les Acadiens qui choisissent de se lancer dans cette grande aventure, la route s’avère effectivement très longue, très difficile et très dangereuse :

Après le grand dérangement (en 1755), les Acadiens se sont retrouvés à plusieurs places dans l’(est) du Canada et des États-Unis. Il y en a plusieurs qui ont essayé de retourner en (N.-É.) mais ont perdu leur vie. (SA 2)

41 Si les Acadiens réussissent à surmonter toute une série d’épreuves et à retrouver leurs terres ancestrales, que ce soit au Nouveau-Brunswick 92, dans les provinces Maritimes 93 ou encore, dans les provinces de l’Atlantique 94, c’est grâce à leur force de caractère et à leur courage :

Puis les années passèrent et les Acadiens, un peuple fort courageux et déterminé, retrouvèrent leur terre natale, l’Acadie. (CC 6)
Toutefois, la ténacité, le courage et la détermination des Acadiens les ont ramenés sur leurs belles terres maternelles. (CC 15)

41 Pour certains élèves, la décision que prennent les Acadiens de revenir en Acadie est influencée par des facteurs externes. En 1764, les autorités britanniques permettent officiellement aux Acadiens de revenir en Acadie à condition qu’ils prêtent le serment d’allégeance à la Couronne britannique et qu’ils se dispersent en petits groupes 95. Bien que cette date et sa signification ne soient pas mentionnées directement dans les rédactions, trois élèves sondés semblent néanmoins y faire allusion :

Les Acadiens se sont fait déporter en 1755, et ont eu le droit de revenir plus tard avec certaines circonstances [conditions], ils ne pouvaient pas se regrouper ensemble, ils ne pouvaient pas s’installer aux mêmes places, etc. (LJR 6*)
Après plusieurs années, ils [les Acadiens] ont reçu la permission de retourner en Acadie, recevant de très petites terres. (OD 7)

41 Si les Acadiens rapatriés ne peuvent pas s’installer aux endroits qu’ils habitaient anciennement, c’est que leurs terres ne leur appartiennent plus. Après l’expulsion des Acadiens, le gouverneur britannique de la Nouvelle-Écosse, Charles Lawrence, lance une invitation aux colons de la Nouvelle-Angleterre pour qu’ils viennent s’établir sur les terres qui se trouvent maintenant vacantes 96. Ainsi, une fois revenus sur leurs terres ancestrales, les Acadiens connaissent une grande déception :

La plupart sont revenus à leur terre si précieuse qu’ils appelaient l’Acadie seulement pour voir des Anglais occuper leur terre 97. (CC 14)
[L]es Acadiens ont essayé de revenir, mais cela n’a pas fonctionné comme ils voulaient, et, avant, ils avaient un endroit qui s’appelait l’Acadie, mais plus « asteur » [maintenant]. (MFR 9)

41 À l’époque de la Révolution américaine, les Acadiens devront encore une fois céder leur place à d’autres et aller s’établir ailleurs. À cette époque, c’est la région de l’actuelle Péninsule acadienne qui accueille les Acadiens, déracinés cette fois-ci par l’arrivée des Loyalistes 98 :

Durant la Révolution américaine, l’Angleterre a voulu honorer les loyalistes qui ne voulaient pas vivre aux États-Unis. Alors ils ont [elle a] donné des terres à ces loyalistes, forçant les Acadiens à bouger à la péninsule. (OD 7)

41 Ainsi, le retour de l’exil ne signifie pas, pour les Acadiens, la fin de leurs migrations forcées 99. D’ailleurs, l’arrivée des Loyalistes mènera aussi, en 1784, à la fondation du Nouveau-Brunswick, qui est créé à partir du territoire de la Nouvelle-Écosse 100. Or, comme l’indique la liste des événements et des dates cités dans les rédactions (tableaux 3 et 4), la naissance du Nouveau-Brunswick ne semble pas représenter, pour les jeunes, un épisode significatif de l’histoire acadienne; en effet, la création de leur province en 1784 ne reçoit aucune mention dans les récits des élèves sondés 101.

42 Après le retour dans l’ancienne Acadie, les défis et les obstacles perdurent. Mais les Acadiens ne baissent pas les bras pour autant. Au contraire, comme le souligne un élève, « ils ont fait une révolution tranquille pour regagner leurs droits qu’ils avaient perdus » (CC 13). Fait intéressant, l’idée d’une révolution tranquille acadienne a été formulée pour la première fois par l’historien Jacques Paul Couturier afin de décrire les « années Louis J. Robichaud », soit les années 1960, période marquée par d’importantes transformations au sein de la société acadienne alors en voie de modernisation 102. Dans la rédaction ci-dessus, la notion de « révolution tranquille » est appliquée à une période plus ancienne de l’histoire de l’Acadie. En effet, cette révolution a lieu « [q]uand ils [les Acadiens] se sont finalement regroupés » (CC 13), soit après leur retour de la Déportation.

43 De retour en Acadie, les générations subséquentes d’Acadiennes et d’Acadiens, se trouvant sur une terre désormais hostile, livrent d’importants combats afin de pouvoir créer un espace francophone pour eux et pour leurs enfants. Cette lutte « pour pouvoir parler français » (LRJ 6*) s’avère à la fois très longue et très ardue :

Depuis ce temps [la Déportation], comme Acadiens, il faut se battre pour nos droits. (OD 4)
On a dû travailler fort pour garder notre place au N.-B. (SA 19)
Au Nouveau-Brunswick, les Acadiens, on a dû se battre pour nos droits, car dans notre province, l’anglais prenait le dessus. (CC 14)

43 Comme le suggèrent les extraits ci-dessus, le mot « droit » se retrouve souvent dans le récit des jeunes, en particulier pour la période qui suit les années de la Déportation. En effet, le mot a été relevé dans un total de 10 rédactions 103. Dans une rédaction, le mot « droit » apparaît à cinq reprises dans le récit que fait l’élève de l’histoire de l’Acadie dans sa période dite moderne 104.

44 Comme l’indique le tableau 3, l’adoption de symboles nationaux, allusion à la Renaissance acadienne du 19 e siècle et à ses grandes « conventions » nationales, constitue une des étapes dans cette quête vers un nouvel avenir. Parmi ces symboles se trouve le drapeau acadien, drapeau que quatre élèves ont choisi de reproduire sur leur copie du questionnaire, parfois même en couleur 105. Les Acadiens adoptent aussi un hymne national, soit l’ Ave Maris Stella (LJR 1), et choisissent la date du 15 août comme « journée officielle de la fête des Acadiens » (SA 2) ou encore « journée nationale des Acadiens » (OD 16) 106. L’adoption de tels symboles traduit, chez la société acadienne, un désir et une volonté de se prendre en main :

Finalement, ils [les Acadiens] ont déclaré leur drapeau et ont commencé à construire l’Acadie d’aujourd’hui. (CC 2)
Les Acadiens étaient vraiment tannés d’être dans un temps négatif, alors ils commencent à planifier de nombreuses choses comme un drapeau d’Acadie, une chanson (Ave Maris Stella), une fête nationale (le 15 août) et le Moniteur acadien, le premier [journal] français aux Maritimes 107. (LJR 12*)

44 Bien qu’aucune des 96 rédactions ne mentionne directement les Conventions nationales acadiennes, un récit situe néanmoins l’adoption de certains symboles acadiens dans la deuxième moitié du 19 e siècle 108.

45 Encore plus que par ces symboles, l’avenir de la communauté acadienne passe par le droit de recevoir une éducation en français (quatre mentions). À cette époque, la situation des Acadiens du Nouveau-Brunswick dans le domaine de l’éducation était peu enviable; comme le raconte une élève, « [l]es Français n’avaient pas d’éducation puis on était une minorité » (CC 14). Mais avec le temps, les Acadiens choisissent de s’affirmer collectivement et parviennent à réduire de façon significative l’écart les séparant des anglophones qui, jusque-là, contrôlaient les leviers du pouvoir :

Après des années de suivre les ordres des Anglais, les Acadiens ont repris leurs droits de vivre et ont commencé à faire leurs propres choses comme avoir des livres français et aussi des écoles françaises. (LJR 3)

45 Ainsi, les personnages qui interviennent dans cette partie du récit sont perçus comme ayant joué un rôle important dans la lutte menée par les Acadiens dans le but d’obtenir le droit à une éducation en français. C’est le cas de Louis Mailloux, par exemple, qui reçoit 3 mentions parmi l’ensemble des 96 rédactions. Ce dernier y est présenté dans le contexte des « émeutes à Caraquet pour la loi des écoles » (SA 10) lors desquelles, à l’âge de 19 ans, il perd la vie 109. Ces émeutes, qui éclatent en janvier 1875, sont une manifestation du grand mécontentement suscité au sein de la société acadienne de la région par la Common Schools Act. Promulguée en 1871 par l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, cette loi abolit les écoles confessionnelles de la province 110. Selon l’historien Clarence LeBreton, les événements de janvier 1875 constituent une « révolte acadienne 111 ». Pour une des élèves sondés, les émeutes de Caraquet représentent plutôt la « révolte de Louis Mailloux » (CC 7). Louis Mailloux, « qui s’est battu pour avoir ses droits » (LJR 10), connaîtra une fin tragique; un jour 112, « ils [des Anglais?] se cachaient dans un attique et ils l’ont tiré avec un fusil 113 » (LJR 10).

46 Dans le classement des personnages historiques les plus cités par les élèves, Louis J. Robichaud vient au deuxième rang avec quatre mentions. Les « années Robichaud 114 » constituent, selon les élèves, un autre moment fort de l’histoire acadienne. De fait, Louis J. Robichaud, dont le décès hautement médiatisé est survenu en janvier 2005, est présenté comme « un héros acadien » (CC 14) et comme étant « le plus grand Acadien, [car il] a tout changé » (LJR 12*). Ces épithètes trouvent d’ailleurs écho dans la couverture médiatique du décès de Louis J. Robichaud; en effet, l’ancien premier ministre est décrit dans les journaux francophones de la province comme un être « plus grand que nature » ayant le « [c]ourage d’un géant » 115 ou encore comme « le père de l’Acadie moderne 116 ».

47 Au cours de son mandat, Louis J. Robichaud « franchit plusieurs barrières pour les Acadiens » (LJR 7). Par exemple, il « a mis en place le programme chance à tous [ Chances égales pour tous], pour que les Français reçoivent les mêmes services que les Anglais, même s’ils n’avaient pas les moyens » (CC 7). D’ailleurs, le fait que le Nouveau-Brunswick constitue aujourd’hui la seule province officiellement bilingue du Canada semble être pour certains élèves le summum du progrès :

Nous [Les Acadiens] avons maintenant le droit de tout avoir en français parce que nous vivons dans une province officiellement bilingue. (CC 7)
Le Nouveau-Brunswick est devenu un pays et maintenant bilingue. (CC 11)
[N]ous sommes chanceux, car maintenant nous avons le droit d’avoir des services en français, etc. (OD 4)

47 Absent du récit des jeunes sont Richard Hatfield 117, Frank McKenna 118 et Bernard Lord 119 qui, durant leurs mandats respectifs en tant que premiers ministres de la province, ont aussi contribué à bâtir un Nouveau-Brunswick bilingue 120. Ainsi, lorsqu’il est question d’identifier le « père » de l’Acadie moderne, c’est le nom de Louis J. Robichaud qui résonne le plus chez les jeunes. Il faut toutefois préciser que cette lutte pour l’égalité n’a pas seulement été menée par les politiciens, car le mouvement associatif acadien y a aussi apporté une contribution importante. En effet, comme le raconte un élève, « [p]lusieurs groupes se sont formés pour défendre le peuple acadien, […] notamment Activité[s] Jeunesse (maintenant FJFNB 121), la SNA 122 [et] la SAANB 123 » (LJR 7).

48 En somme, la Déportation ne sonne pas le glas de la société acadienne, ni de sa culture, ni de ses traditions. Même durant les années d’exil, les Acadiens dispersés « ont continué leurs coutumes » (LJR 14). De plus, pour une élève, c’est la Déportation qui explique qu’aujourd’hui « nous [les Acadiens] avons de notre culture à travers le monde » (MFR 8). Reprenant le thème d’un des discours véhiculés à l’occasion des commémorations du 250 e anniversaire de la Déportation 124, certains élèves vont voir dans le chemin parcouru par la société acadienne depuis les événements de 1755 un symbole de force et une source de fierté, fierté qui, aujourd’hui, est « encore belle » (BSA 4*). Si les Acadiens réussissent à survivre au « dérangement extrême » (OD 6) qu’a été la Déportation et à recréer une société francophone dynamique au Nouveau-Brunswick, c’est grâce à leur courage, à leur bravoure et à leur détermination, qualités qui vont d’ailleurs leur assurer un avenir prometteur :

En vain, les Britanniques ont essayé de nous déporter, mais nous sommes encore ici à l’heure qu’il est et nous sommes plus forts et unis qu’avant! VIVE L’ACADIE! (CC 15)
Ce que je pense des Acadiens est que nous sommes braves et qu’on s’est battus pour nos droits et nos coutumes […]. (LJR 10)
Aux jours d’aujourd’hui, nous [les Acadiens] sommes encore « icitte ». (OD 6)

48 Des éléments de ce discours sont aussi présents lorsqu’il est question du lieutenant général Robert Monckton. Dans les narrations, cet officier britannique est évoqué non pas en lien avec les événements de la Déportation, mais avec la création, en 1963, de l’Université de Moncton, « la première université française au N.-B. » (LJR 12*). Le nom donné à cette institution est vu comme porteur d’un sens très particulier; en effet, cette université de langue française est « ironiquement nommée Moncton, car Monkton est responsable, en partie, pour la Déportation » (LJR 12*) 125. L’Université de Moncton témoignerait donc à la fois de la persévérance de la société acadienne et de la résilience du fait français au Nouveau-Brunswick.

49 Un autre thème véhiculé lors des cérémonies du 250 e anniversaire de la Déportation des Acadiens trouve aussi écho dans les récits des jeunes. Comme le démontre le politologue Chedly Belkhodja, plusieurs participants aux cérémonies commémoratives du 28 juillet 2005 ont choisi de mettre l’accent plutôt sur le fait « qu’il ne faut pas oublier le passé, mais savoir tourner la page sur une période tragique de l’histoire du peuple acadien 126 ». À cet égard, la société acadienne, selon un des élèves sondés, a beaucoup de chemin à faire. Selon lui, la place qu’occupe la Déportation dans la mémoire collective est tellement grande que les Acadiens ont, encore aujourd’hui, le regard tourné résolument vers le passé de sorte qu’ils n’ont pas encore réussi à se défaire de la perception qu’ils sont des victimes de l’Histoire :

Ensuite [après la Déportation], les Acadiens sont retournés aux Maritimes pour reprendre leurs terres. Ensuite, 400 ans de « bitterness » envers les Anglais. Je suis tanné d’entendre la Déportation ceci, la Déportation ça. Pourquoi les Acadiens ne peuvent-ils pas juste regarder l’avenir au lieu d’être pris dans le passé. (SA 17)

49 Dans une même optique, un élève semble dénoncer la trop grande importance donnée à la Déportation, événement qui semble éclipser toutes les autres dimensions de la vie et de la culture acadiennes :

L’Acadie n’est pas juste à cause de la Déportation, mais c’est aussi la culture et les choses qu’on fait, la manière qu’on parle. (MFR 1)

50 Comme l’explique une élève, « la vie n’était pas toujours facile pour les Acadiens » (LJR 21), mais ils ne se sont pas découragés. Au contraire, les Acadiens se sont pris en main et se sont dotés de symboles nationaux, de structures et d’institutions qui ont assuré non seulement leur survie, mais leur épanouissement. Ainsi, les progrès réalisés par la communauté acadienne représentent un important revirement de situation chez eux, mais aussi pour leurs voisins anglophones :

Pour longtemps, les Acadiens étaient traités comme des inférieurs, mais maintenant les Acadiens [ont] fait leur « come-back ». Ils sont de plus en plus respectés et traités [comme] égaux. (LJR 4)

51 Comme notre analyse le démontre, la Déportation se trouve au plein cœur de l’interprétation que les jeunes francophones du Nouveau-Brunswick font de leur passé. En effet, l’histoire de l’Acadie ne peut être racontée sans la Déportation, qui constitue, selon eux, l’événement charnière de l’expérience acadienne en Amérique du Nord. D’ailleurs, à de nombreuses reprises, la Déportation constitue le seul élément présenté et développé par les élèves. De plus, la Déportation explique en grande mesure le présent, comme en témoignent les rédactions relatant la longue lutte menée par les Acadiens dans le but de reprendre les « droits » qu’ils ont perdus en 1755. Parfois, les élèves projettent leurs préoccupations en tant que membres d’une minorité linguistique sur leur lecture des événements de la Déportation, en leur attribuant, par exemple, des causes linguistiques et culturelles.

52 À la lumière de ces résultats, il est possible de proposer ici les grandes lignes d’un « récit archétypal », comme l’ont fait Jocelyn Létourneau et Sabrina Moisan dans leur analyse des rédactions préparées par des étudiants québécois du niveau du secondaire, du cégep et de l’université 127. En fait, l’histoire de l’Acadie, telle que conçue par les jeunes sondés, s’oriente autour de quatre grandes périodes historiques : la naissance et le développement d’une Acadie prospère; une période de grand bouleversement, marquée par la Déportation; le retour des Acadiens après de nombreuses années en exil; et le début d’une longue lutte pour l’égalité linguistique, ponctuée, entre autres, par la loi scolaire de 1871, la renaissance acadienne au 19 e siècle et les réformes de Louis J. Robichaud 128.

53 Rappelons que les rédactions que nous avons analysées ne sont pas sans limites : absence fréquente de dates, anachronismes et manque de contextualisation ou d’explication, surtout dans le cas des rédactions les plus courtes. Les 96 récits constituant notre corpus ne se conforment donc pas tous à cette grande trame commune présentée ci-dessus. Néanmoins, ils contiennent de nombreux éléments qui se trouvent au cœur d’une trame narrative longtemps véhiculée en Acadie, ce que James de Finney décrit comme étant le « récit commun acadien 129 ». Au cœur de ce récit se situe le Grand Dérangement, et les élèves dans leur majorité y accordent une importance prépondérante. Même si une partie des élites acadiennes ont véhiculé l’importance de 1604 lors des fêtes du 400 e anniversaire de la fondation de l’Acadie en 2004, les élèves, comme la population acadienne en général, n’ont pas intégré véritablement cette date fondatrice dans leur conscience historique. Ronald Rudin ajoutera que la commémoration du 400 e anniversaire de la fondation de Port-Royal en 2005 a connu le même sort et que, selon lui, « in 2005 Port-Royal was not really on the Acadians’ radar 130 ».

54 À la suite de Jocelyn Létourneau, il est donc possible d’affirmer que les jeunes francophones du Nouveau-Brunswick ont déjà une certaine conscience historique lorsqu’ils arrivent au niveau du secondaire : « Ils sont porteurs d’un ensemble de récits, clichés, stéréotypes et mythistoires plus ou moins bien ancrés dans leur imagination 131. » En somme, les jeunes que nous avons sondés sont très bien ancrés dans la société dans laquelle ils vivent, en ce sens que les rappels à 1755 sont omniprésents en Acadie contemporaine. L’élève qui déclare dans sa rédaction que « nous sommes encore "icitte" » reprend un thème central des Congrès mondiaux acadiens 132 de même que le thème des fêtes du 375 e anniversaire de l’Acadie en 1979, soit « On est venu, c’est pour rester 133 ». Même la création récente de l’anti-superhéros acadien Acadieman n’échappe pas à l’emprise de 1755 et des différents mythes qui s’y rattachent, comme en témoigne le film Acadieman vs le CMA 2009, où il est question d’une deuxième déportation des Acadiens, cette fois-ci à l’approche du Congrès mondial acadien de 2009 134. Dans un monde où les grands récits ont la vie dure et où de nouveaux mythes délogent les anciens, les jeunes francophones sondés par cette étude perpétuent l’image d’une Acadie ébranlée par 1755 mais qui depuis se reconstruit à sa façon.

1 Voir, par exemple, Magne Angvik et Bodo von Borries (dir.), Youth and History: A Comparative European Survey on Historical Consciousness and Political Attitudes Among Adolescents, Hambourg, Körber-Stiftung, 1997; Roy Rosenzweig et David Thelen, The Presence of the Past: Popular Uses of History in American Life, New York, Columbia University Press, 1998; Nicole Tutiaux-Guillon et Marie-José Mousseau, Les jeunes et l’histoire : identités, valeurs, conscience historique, [Lyon], Institut national de recherche pédagogique, 1998; Nicole Tutiaux-Guillon, « La conscience historique des jeunes : deux enquêtes », Historiens et géographes, n o 396 (novembre 2006), p. 255-257; Paula Hamilton et Paul Ashton (dir.), « Australians and the Past: A National Survey », Australian Cultural History, n o 22 (2003). À l’occasion de son centième anniversaire en 2009, la revue française Historia effectua un sondage auprès des Français âgés de 15 ans et plus au sujet des rapports qu’ils entretiennent avec l’histoire; voir Pierre Baron, « Un passé si présent », Historia, n o 745 (janvier 2009), p. 6-9. L’auteur tient à remercier Maurice Basque, Amélie Giroux et Sylvie Ladouceur, collègues à l’Institut d’études acadiennes, d’avoir lu, commenté et révisé une première version de cet article, de même qu’André Richard d’avoir produit la carte figurant à la page 4. L’auteur tient aussi à remercier les évaluateurs anonymes pour leurs commentaires pertinents et constructifs.
2 Cette perception selon laquelle les jeunes d’âge scolaire ne connaissent pas leur histoire persiste toujours; pour un exemple néo-brunswickois, voir Charles W. Moore, « Canada’s schools are flunking history », Telegraph-Journal, 2 juillet 2009, p. A9.
3 Voir, entre autres, Jocelyn Létourneau et Sabrina Moisan, « Mémoire et récit de l’aventure historique du Québec chez les jeunes Québécois d’héritage canadien-français : coup de sonde, amorce d’analyse des résultats, questionnements », The Canadian Historical Review, vol. 84, n o2 (juin 2004), p. 325-356; Sabrina Moisan, « Mémoire historique de l’aventure québécoise chez les jeunes Franco-Québécois d’héritage canadien-français : coup de sonde et analyse des résultats », mémoire de maîtrise, Université Laval, 2002; Jean-Pierre Charland, Les élèves, l’histoire et la citoyenneté : enquête auprès d’élèves des régions de Montréal et de Toronto, Québec, Presses de l’Université Laval, 2003. Ces études ne sont pas sans critiques; voir, par exemple, le compte rendu d’Yves Gingras dans la Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 61, n o 2 (2007), p. 333-335.
4 Pour de plus amples renseignements au sujet du mandat, des activités et des publications de l’Institut d’études acadiennes de l’Université de Moncton, voir www.umoncton.ca/iea.
5 Ce projet, lancé en 2006, regroupe 7 chercheurs, 19 collaborateurs, 6 universités ainsi que 15 partenaires communautaires, sous la direction du professeur Jocelyn Létourneau, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire et économie politique du Québec contemporain de l’Université Laval (voir www.canadiansandtheirpasts.ca). Les résultats de ce projet de recherche ont déjà fait l’objet de nombreuses communications scientifiques et publications. Voir, entre autres, Margaret Conrad, Jocelyn Létourneau et David Northrup, « Canadians and Their Pasts: An Exploration in Historical Consciousness », The Public Historian, vol. 31, n o 1 (février 2009), p. 15-34; Del Muise, « Canadians and Their Pasts », Acadiensis, vol. XXXVII, n o 1 (hiver/printemps 2008), p. 93-99.
6 Voir, par exemple, Jocelyn Létourneau, Le Québec entre son passé et ses passages, Anjou (Qc), Fides, 2010; Jocelyn Létourneau, « Remembering Our Past: An Examination of the Historical Memory of Young Québécois », dans Ruth W. Sandwell (dir.), To the Past: History Education, Public Memory, and Citizenship in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 2006, p. 70-87; Létourneau et Moisan, « Mémoire et récit »; Moisan, Mémoire historique. L’IEA a également pu compter sur la collaboration et l’expertise des spécialistes en méthode quantitative de recherche de l’Université de Moncton, notamment le directeur du Centre de recherche et de développement en éducation, Jimmy Bourque. L’auteur tient aussi à remercier Éric Forgues, directeur adjoint et chercheur à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, pour ses conseils.
7 Le Nouveau-Brunswick, seule province canadienne officiellement bilingue, possède un ministère de l’Éducation dualiste qui compte un total de 14 districts scolaires, dont 9 districts anglophones et 5 districts francophones.
8 L’une de ces régions, le Madawaska (Nord-Ouest), possède une identité régionale très marquée, l’identité brayonne, qui se différencie parfois de l’identité acadienne. Voir Jacques Paul Couturier, « La République du Madawaska et l’Acadie : la construction identitaire d’une région néobrunswickoise au XX e siècle », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 56, n o 2 (automne 2002), p. 153-184.
9 On invoquait, notamment, plusieurs jours d’enseignement perdus en raison des importantes tempêtes de neige qui ont frappé ces régions de la province à l’hiver 2008.
10 Les résultats du questionnaire objectif feront l’objet d’un article subséquent. Pour un aperçu, voir Marc Robichaud et Amélie Giroux, « Les perceptions des jeunes Acadiennes et Acadiens du Nouveau-Brunswick à l’endroit de l’histoire de l’Acadie », Les Canadiens et leurs passés – Bulletin/Canadians and Their Pasts-Newsletter, vol. 2, n o 1 (automne 2008), p. 4, disponible en ligne à l’adresse suivante : www.canadiansandtheirpasts.ca/newsletters/newsletter3.pdf (page consultée le 8 septembre 2011).
11 Les résultats préliminaires du questionnaire-rédaction ont fait l’objet d’une communication de l’IEA : voir Marc Robichaud, « L’histoire de l’Acadie telle que racontée par les jeunes Acadiennes et Acadiens du Nouveau-Brunswick : ébauches d’un "récit archétypal" », communication présentée dans le cadre du colloque « Se connaître : Le défi d’enseigner l’histoire dans les communautés canadiennes de langue officielle en situation minoritaire », Association d’études canadiennes, Dieppe, Nouveau-Brunswick, le 5 novembre 2009. L’auteur tient à remercier les membres du projet « Les Canadiens et leurs passés » pour les commentaires qu’ils ont formulés à l’endroit de ce volet du sondage lors de la rencontre annuelle de l’ARUC qui a eu lieu à Dieppe, au Nouveau-Brunswick, le 7 novembre 2009.
12 Statistiques sommaires : année scolaire 2007-2008, préparé par la Division des politiques et de la planification, ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick, mars 2008, p. 11.
13 Sur deux copies (2,1 %), le sexe du répondant n’a pas été précisé.
14 Au total, 26 répondants (27,1 %) sont âgés de 18 ans. La répartition des autres répondants est la suivante : 3 élèves sont âgés de 16 ans, 2 de 19 ans, un de 20 ans et un de 23 ans; dans un cas, l’âge indiqué est de « 17-18 » ans.
15 Plusieurs de ces enquêtes ont été effectuées auprès de jeunes de 18 à 25 ans; voir, par exemple, Nicole Gallant, « Représentations de la francophonie locale chez les jeunes : comparaison de l’Acadie et de la Fransaskoisie », Revue canadienne de recherche sociale/Canadian Journal for Social Research (été 2008), p. 11-34; Nicole Gallant, « Représentations de l’acadianité et du territoire de l’Acadie chez des jeunes francophones des Maritimes », dans Martin Pâquet et Stéphane Savard (dir.), Balises et références : Acadies, francophonies, Québec, Presses de l’Université Laval, 2007, p. 323-347; Patrick D. Clarke, « Sur l’identité et la conscience historique des jeunes Gaspésiens », dans Bogumil Jewsiewicki et Jocelyn Létourneau (dir.), Les jeunes à l’ère de la mondialisation : quête identitaire et conscience historique, Sillery (Qc), Septentrion, 1998, p. 71-125 (en plus d’avoir sondé des jeunes Gaspésiens, Clarke avait aussi interrogé des étudiants du nord-est et du nord-ouest du Nouveau-Brunswick dans le cadre de son enquête). Pour une enquête effectuée auprès de jeunes de 18 ans et plus, voir Cécyle Trépanier, « À la recherche de l’Acadie et des perceptions identitaires des Acadiens des provinces Maritimes du Canada », Études canadiennes/Canadian Studies, n o 37 (1994), p. 181-195.
16 Les 11 élèves qui ont répondu à cette question par l’affirmative proviennent de 4 des 6 écoles secondaires sondées, soit l’école Sainte-Anne (une rédaction), l’École régionale de Baie-Sainte-Anne (2 rédactions), l’école M gr-Marcel-François-Richard (4 rédactions) et l’école Louis-J.-Robichaud (4 rédactions). Que l’élève ait suivi le cours 42411 Histoire de l’Acadie ou qu’elle ou il soit en train de le suivre ne garantissait pas, de prime abord, une rédaction plus longue ou étoffée; par exemple, une rédaction parmi ces 11 copies ne compte que quatre mots.
17 Soit parce que la question était demeurée sans réponse (c’est le cas de deux exemplaires), soit parce que la copie contenait de l’information jugée contradictoire (c’est le cas d’un exemplaire sur lequel l’élève avait répondu « oui » à la question tout en écrivant dans sa rédaction ne pas avoir suivi le cours 42411 Histoire de l’Acadie).
18 Les extraits cités dans l’article sont représentatifs des idées présentées par les élèves sur un thème donné. Ainsi, ils ne correspondent pas toujours au nombre total de mentions pour le thème retenu.
19 Par exemple, dans deux rédactions, l’histoire de l’Acadie est confondue avec celle de l’Irlande. Ainsi, c’est l’île Sainte-Croix du 17 e siècle qui est le théâtre de la grande famine irlandaise de 1845-1849 : « Ils [Les Acadiens] ont aussi eu la maladie de la patate, quand toutes les patates ont pourri et cela les empêchait de manger et d’avoir leurs nutriments » (CC 9). Voir aussi CC 10. Ces méprises au sujet du récit historique ne sont pas le propre des jeunes élèves acadiens. Pour un autre exemple, voir Mark McGowan, Produire la mémoire historique canadienne : le cas des migrations de la Famine de 1847, Ottawa, Société historique du Canada, 2006, coll. « Les groupes ethniques du Canada », n o 30.
20 Il y a, par exemple, l’utilisation fréquente de formules telles que « Pas longtemps après » (LJR 13), « Après quelques années » (MFR 8), « Après des années et des années » (CC 2), « Puis les années passèrent » (CC 6) et « Il était une fois » (OD 6). Dans la plupart des cas, les dates sont absentes.
21 « Je ne connais rien » (MFR 5*).
22 « Rien enten[du] et je ne veux rien savoir » (MFR 3); « Pour être tout à fait franc, je n’ai pas de descendance [d’ascendance] acadienne, alors l’histoire de l’Acadie ne m’intéresse pas vraiment » (LJR 8); « Je ne m’intéresse pas vraiment à ce sujet » (OD 12).
23 « Je ne pense pas qu’on devrait étudier l’Histoire, on devrait étudier le futur » (CC 12).
24 Voir Clarke, « Sur l’identité », p. 92, où il est question de l’« influence du didactique » dans les réponses des étudiants sondés.
25 Voir, par exemple, LJR 8 (« Je suis désolé de ne pas vraiment vous aider, mais c’est tout ce que j’ai à dire à propos du sujet »), MFR 16 (« Je suis désolé, mais c’est tout dont je me souviens ») et SA 19 (« […] j’ai seulement entendu l’histoire une fois, longtemps passé, et [je] ne [me] rappelle pas grand-chose »).
26 Létourneau et Moisan, « Mémoire et récit », p. 325-356.
27 Voir, par exemple, Margaret Conrad et James K. Hiller, Atlantic Canada: A History, Don Mills (Ont.), Oxford University Press, 2010.
28 La création d’une identité acadienne en Amérique du Nord remonte, selon plusieurs historiens, aux décennies qui ont précédé la Déportation; voir, par exemple, Naomi E.S. Griffiths, The Contexts of Acadian History, 1686-1784, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1992; et, de la même auteure, From Migrant to Acadian: A North American Border People, 1604-1755, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2005. Voir aussi Nicolas Landry et Nicole Lang, Histoire de l’Acadie, Sillery (Qc), Septentrion, 2001. D’autres chercheurs font valoir que l’identité « nationale » acadienne s’est créée au 19 e siècle; voir, par exemple, Joseph Yvon Thériault, L’identité à l’épreuve de la modernité : écrits politiques sur l’Acadie et les francophonies canadiennes minoritaires, Moncton, Éditions d’Acadie, 1995. Au sujet de l’identité acadienne et de ses différentes définitions, voir aussi Maurice Basque, « Acadiens, Cadiens et Cajuns : identités communes ou distinctes? », dans Ursula Mathis-Moser et Günter Bischof (dir.), Acadians and Cajuns: The Politics and Culture of French Minorities in North America, Innsbruck, Innsbruck University Press, 2009, p. 27-33, coll. « Canadiana Oenipontana », no 9.
29 Mathieu Martin naquit en Acadie vers 1639 et reçut une seigneurie à Cobeguit, en ancienne Acadie, en 1689, car il était reconnu comme étant le premier enfant blanc né dans la colonie. L’école secondaire de Dieppe, au Nouveau-Brunswick, porte son nom. Voir Stephen A. White, Dictionnaire généalogique des familles acadiennes : première partie 1636 à 1714 en deux volumes, vol. II : H-Z, Moncton, Centre d’études acadiennes, 1999, p. 1134-1135.
30 Voir, par exemple, MFR 11 (« Les Acadiens sont venus au Nouveau Monde […] »).
31 Pour une élève, c’est l’histoire du Canada qui commence en 1604 : « En 1604, un groupe de Français a découvert le Canada » (CC 5).
32 Les cas de Louis J. Robichaud et de Louis Mailloux, entre autres, seront abordés plus loin dans cet article.
33 Dans le cas de Jackie Vautour, leader des expropriés du Parc national Kouchibouguac, il faut préciser qu’un film documentaire à son sujet fut présenté en Acadie en 2006 et connut une grande couverture médiatique. Voir Kouchibouguac : l’histoire de Jackie Vautour et des expropriés (documentaire), réalisation de Jean Bourbonnais, produit par Bellefeuille Production et les Productions Vic Pelletier, en association avec Radio-Canada, RDI Réseau de l’information et avec la participation financière de Film Nouveau-Brunswick, Matane (Qc), Productions Vic Pelletier, 2006. Voir aussi Ronald Rudin, « Kouchibouguac: Representations of a Park in Acadian Popular Culture », dans Claire Elizabeth Campbell (dir.), A Century of Parks Canada, 1911-2011, Calgary, University of Calgary Press, en collaboration avec le Network in Canadian History and Environment, 2011, p. 205-234, coll. « Energy, Ecology, and the Environment »; Ronald Rudin, « Making Kouchibouguac: Acadians, the Creation of a National Park, and the Politics of Documentary Film during the 1970s », Acadiensis, vol. XXXIX, n o 2 (été/automne 2010), p. 3-22.
34 Au sujet du sieur de Mons, voir, entre autres, Guy Binot, Pierre Dugua de Mons : gentilhomme royannais, premier colonisateur du Canada, lieutenant général de la Nouvelle-France de 1603 à 1612 , [Vaux-sur-Mer], Bonne Anse, 2004. Que le sieur de Mons soit éclipsé par Champlain dans la mémoire collective n’est pas le propre de l’histoire de l’Acadie, car l’historiographie québécoise tend à avoir le même réflexe. Pour le contexte québécois, voir, entre autres, Mathieu d’Avignon, Champlain et les fondateurs oubliés : les figures du père et le mythe de la fondation, Québec, Presses de l’Université Laval, 2008. Voir aussi Jean Liebel, Pierre Dugua, sieur de Mons : fondateur de Québec, Saintes, Le Croît Vif, 1999, coll. « Témoignages ». Pour un exemple néo-brunswickois, voir Greg Marquis, « Celebrating Champlain in the Loyalist City: Saint John, 1904-10 », Acadiensis, vol. XXXIII, n o 2 (printemps 2004), p. 27-43.
35 C’est nous qui soulignons.
36 Voir Landry et Lang, Histoire de l’Acadie. Pour une lecture plus traditionnelle de l’histoire acadienne qui accentue l’importance du rôle des missionnaires, voir Robert Rumilly, Histoire des Acadiens, Montréal, Fides, 1955; Antoine Bernard, Le drame acadien depuis 1604, Montréal, Clercs de Saint-Viateur, 1936; Émile Lauvrière, La tragédie d’un peuple : histoire du peuple acadien de ses origines à nos jours, Paris, Brossard, 1922.
37 Une des rédactions précise que ces échanges touchent non seulement les fourrures, mais aussi les produits de la chasse et de la pêche (BSA 1). Trois rédactions font état d’« échanges » entre les Amérindiens et les Européens sans toutefois préciser la nature des biens échangés.
38 L’élève situe cet événement au 18 e siècle, soit une « couple d’années » après la Déportation de 1755 (MFR 4).
39 Dix rédactions mentionnent le mot « scorbut ».
40 Voir Ronald Rudin, Remembering and Forgetting in Acadie : A Historian’s Journey Through Public Memory, Toronto, University of Toronto Press, 2009; Life After Île Ste-Croix (documentaire), réalisation de Leo Aristimuno et Ronald Rudin, Ottawa, Office national du film du Canada, 2006.
41 Nombreux sont les articles et les livres qui traitent des commémorations du Grand Dérangement. Voir, par exemple, Rudin, Remembering and Forgetting in Acadie; Caroline-Isabelle Caron, « Se souvenir de l’Acadie d’antan : représentations du passé historique dans le cadre de célébrations commémoratives locales en Nouvelle-Écosse au milieu du 20 e siècle », Acadiensis, vol. XXXVI, no 2 (printemps 2007), p. 55-71; James Laxer, The Acadians: In Search of a Homeland, Toronto, Doubleday, 2006; Julien Massicotte, « De Grand-Pré à Auschwitz », Bulletin d’histoire politique, vol. 15, n o 1 (2006), p. 233-242; Robert Pichette, Le pays appelé l’Acadie : réflexions sur des commémorations : essais, Moncton, Centre d’études acadiennes, 2006; Stéphane Savard, « Les Acadiens et la reconnaissance des torts pour la Déportation : interprétation des discours, 1999-2003 », dans Martin Pâquet, Faute et réparation au Canada et au Québec contemporains : études historiques, Québec, Nota bene, 2006, p. 117-147, coll. « Société »; John Mack Faragher, A Great and Noble Scheme: The Tragic Story of the Expulsion of the French Acadians from Their American Homeland, New York, W.W. Norton, 2005; Warren A. Perrin, Acadian Redemption: From Beausoleil Broussard to the Queen’s Royal Proclamation, Opelousas (Louisiane), Andrepont Publishing, 2004.
42 Une rédaction indique qu’« Ils [Les Acadiens] se sont déportés » (SA 15), mais elle a tout de même été comptabilisée.
43 Dans le récit des jeunes, comme dans la société acadienne en général, « Déportation » et « Grand Dérangement » sont considérés comme synonymes alors que certains historiens, à la suite de Ronnie-Gilles LeBlanc, font aujourd’hui une nuance entre ces deux concepts. En effet, selon Ronnie-Gilles LeBlanc, la notion de Grand Dérangement décrit mieux « les événements qui ont touché la communauté acadienne durant la période s’étendant entre l’année 1749 et 1764, pour ne pas dire le début du XIX e siècle » : Ronnie-Gilles LeBlanc, « Du "dérangement des guerres" au Grand Dérangement : la longue évolution d’un concept », dans Ronnie-Gilles LeBlanc (dir.), Du Grand Dérangement à la Déportation : nouvelles perspectives historiques, Moncton, Chaire d’études acadiennes, 2005, p. 20, coll. « Mouvange », n o 11.
44 L’élève fait sûrement allusion ici à la tête de cochon déposée en 1968 à la résidence du maire de Moncton, Leonard Jones, par des étudiants de l’Université de Moncton. Il s’agit d’un épisode notoire de l’histoire du bilinguisme à Moncton; voir, entre autres, L’Acadie, l’Acadie?!? (documentaire), réalisation de Michel Brault et Pierre Perrault, Ottawa, Office national du film du Canada, 1971.
45 Par exemple : « Déportation en 1755 » (SA 11); « Les Acadiens se sont fait déporter » (SA 16); « La Déportation en 1755 » (OD 15); ou encore « Déportation des Acadiens a eu lieu en 1755 » (LJR 16).
46 La Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, adoptée en 1969, figure au deuxième rang avec 34,8 % des votes (voir Robichaud et Giroux, « Les perceptions des jeunes », p. 4).
47 En effet, Robert Viau a montré que, dans le monde du roman, la Déportation de 1755 « demeure un thème littéraire qui continue de fasciner les auteurs » : Robert Viau, « L’épée et la plume : la persistance du thème de la Déportation acadienne en littérature », Acadiensis, vol. XXXVI, n o 1 (automne 2006), p. 51-68 (p. 51). Voir aussi Robert Viau, Les Grands Dérangements : la Déportation des Acadiens en littératures acadienne, québécoise et française, Beauport, MNH, 1997. Le poète Serge Patrice Thibodeau a confirmé cette tendance en publiant en 2010 une traduction en français du journal de Winslow; voir Serge Patrice Thibodeau, Journal de John Winslow à Grand-Pré, Moncton, Perce-Neige, 2010. De plus en plus de livres pour les jeunes, tant en anglais qu’en français, traitent des événements entourant la Déportation; voir, par exemple, John Skelton, Band of Acadians, Toronto, Dundurn Press, 2009; Andrée-Paule Mignot, Nous reviendrons en Acadie!, Montréal, Hurtubise, 2000, coll. « Atout », n o 41; Alain Raimbault, Herménégilde l’Acadien, Montréal, Hurtubise, 2000, coll. « Plus ».
48 Ou encore les Français : « Les Français sont venus et puis ils se sont fait déporter » (SA 5).
49 Dont une mention « les Anglais (d’origine d’Angleterre) » (LJR 1).
50 Dans leurs récits, les élèves, comme la population en général, associent fréquemment l’Angleterre à la Grande-Bretagne. Une rédaction impute la décision d’expulser les Acadiens au « roi [d’Angleterre] » (CC 2). Il s’agit de George II, roi de Grande-Bretagne de 1727 à 1760.
51 Faragher, A Great and Noble Scheme.
52 Cette rédaction prend d’ailleurs la forme d’un poème.
53 « Et là les maudits viennent / Nous chasser comme des bêtes, / Détruire les familles, / Nous jeter tous au vent » ( http://www.zacharyrichard.com/lyrics/reveille.html; page consultée le 8 septembre 2011).
54 Voir, notamment, Naomi E.S. Griffiths, « The Golden Age: Acadian Life, 1713-1748 », Histoire sociale/Social History, vol. XVII, n o 33 (mai 1984), p. 21-34, et ses ouvrages subséquents. Pour une critique de cette notion d’« âge d’or » et de son utilisation dans l’industrie touristique à l’époque contemporaine, voir Ian McKay et Robin Bates, In the Province of History: The Making of the Public Past in Twentieth-Century Nova Scotia, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2010.
55 Dans l’ensemble des rédactions, l’usage de « nous » et de « nos » reçoit 15 mentions.
56 Un documentaire de la cinéaste Renée Blanchar reflète assez bien cette réalité; voir Le souvenir nécessaire (documentaire), réalisation de Renée Blanchar, Productions Phare-Est, 2005. La chanteuse acadienne Angèle Arsenault, dans sa chanson Grand-Pré, utilise fréquemment le « nous » pour traiter des événements de 1755; voir http://www2.umoncton.ca/cfdocs/etudacad/1755/index (page consultée le 8 septembre 2011).
57 On peut aussi lire qu’en 1713, à la suite de ce traité, « [l]a France cède l’Acadie aux Anglais » (BSA 4*).
58 Le mot « guerre » reçoit 15 mentions dans les récits des jeunes, le mot « bataille » en reçoit 4 et le mot « conflit » en reçoit 3. Toutes ces mentions, sauf une, se rapportent soit à la période qui précède la Déportation, soit à l’année 1755.
59 Voir, par exemple, W. Earle Lockerby, « Le serment d’allégeance, le service militaire, les déportations et les Acadiens : opinions de France et de Québec aux 17 e et 18 e siècles », Acadiensis, vol. XXXVII, n o 1 (hiver/printemps 2008), p 149-171; A.J.B. Johnston, « Borderland Worries: Loyalty Oaths in Acadie/Nova Scotia, 1654-1755 », French Colonial History, vol. 4 (2003), p. 31-48; Naomi E.S. Griffiths, « Subjects and Citizens in the Eighteenth Century: The Question of the Acadian Oaths of Allegiance », Revue de l’Université Sainte-Anne (1998), p. 23-33.
60 Souligné dans la rédaction. Un récit raconte que les Acadiens ont été déportés parce qu’ils « ne voulaient pas signer de charte (traité) » (MFR 12).
61 LJR 7 et OD 16.
62 LJR 4.
63 Clarke, « Sur l’identité », p. 84.
64 Voir, par exemple, CC 14, LJR 12* et LJR 19.
65 C’est nous qui soulignons.
66 C’est nous qui soulignons.
67 C’est nous qui soulignons. Cette transposition de la problématique linguistique actuelle dans le passé ne se limite pas au Grand Dérangement. La pièce de théâtre iconographique Louis Mailloux, qui traite des conflits scolaires des années 1870 au Nouveau-Brunswick, accentue également l’importance linguistique de l’événement, alors que c’était surtout la religion qui était au cœur du conflit puisqu’il s’agissait de l’entrée en vigueur d’une loi provinciale de 1871 établissant des écoles non confessionnelles financées par tous les contribuables. Voir Calixte Duguay et Jules Boudreau, Louis Mailloux, Moncton, Éditions d’Acadie, 1994; Clarence LeBreton, La révolte acadienne : 15 janvier 1875, Moncton, Éditions de la Francophonie, 2002, coll. « Réveil ». Voir aussi Maud Hody, « The Anglicizing Common Schools Act of 1871: A Study in Folklore », Les Cahiers de la Société historique acadienne, vol. 2, n o 9 (1968), p. 347-349.
68 Voir, par exemple, LJR 5 : « […] les Acadiens ont refusé de signer. »
69 Au sujet de Grand-Pré comme lieu de mémoire, voir, entre autres, McKay et Bates, In the Province of History; Rudin, Remembering and Forgetting in Acadie; Roger Marsters, « "The Battle of Grand Pré": The Historic Sites and Monuments Board of Canada and the Commemoration of Acadian History », Acadiensis, vol. XXXVI, n o 1 (automne 2006), p. 29-50; Robert Viau, Grand-Pré : lieu de mémoire, lieu d’appartenance, Longueuil, Publications MNH, 2005; Barbara LeBlanc, Postcards from Acadie: Grand-Pré, Évangéline, and the Acadian Identity, Kentville (N.-É.), Gaspereau Press, 2003, coll. « Acadian Studies/Canadian History ». Pour une histoire de Grand-Pré, voir A.J.B. Johnston et W.P. Kerr, Grand-Pré : cœur de l’Acadie, traduit de l’anglais par Sylvain Filion, Halifax, Nimbus, 2004; Édith Tapie, « Les structures socioéconomiques de Grand Pré, communauté acadienne », mémoire de maîtrise, Poitiers, Université de Poitiers, 2000. Le site de Grand-Pré a été désigné lieu historique national par le gouvernement du Canada en 1961.
70 Au total, 14 rédactions mentionnent que les familles acadiennes sont déchirées au moment de la Déportation.
71 C’est nous qui soulignons.
72 Au sujet du contexte québécois, voir Létourneau et Moisan, « Mémoire et récit », p. 335; Moisan, Mémoire historique.
73 L’historienne Naomi Griffiths en soulève quelques exemples, en précisant que les conditions de vie sur les navires du 18 e siècle étaient, de façon générale, assez misérables. Voir Griffiths, The Contexts, p. 92-93.
74 Souligné dans la rédaction.
75 Pour certains, la Déportation est synonyme d’« épuration ethnique », voire de génocide. À titre d’exemple, voir le numéro spécial intitulé « Nouveau regard sur la Déportation », de la Revue d’histoire de la Société historique Nicolas-Denys, vol. XXXIII, n o 3 (septembre-décembre 2005); Égalité : revue acadienne d’analyse politique, n o 52 (automne 2005), p. 7-132 (articles de la section « La mémoire »); numéro spécial de La petite souvenance, n o 19 (juillet 2005); Faragher, A Great and Noble Scheme. D’autres rejettent cette thèse; voir, par exemple, Pichette, Le pays appelé l’Acadie. L’historien Julien Massicotte soutient que les célébrations de 2004 soulignant le 400 e anniversaire de la fondation de l’établissement de l’île Sainte-Croix et celles de 2005 marquant le 250 e anniversaire de la Déportation jouent un rôle déterminant dans la diffusion et l’acceptation du discours voulant que la Déportation soit un cas d’épuration ethnique ou encore de génocide : « Si les fêtes de 2004 contribuent à accentuer l’usage dudit discours, celles de 2005 finiront de l’établir comme nouveau canevas de l’expression acadienne contemporaine » : Massicotte, « De Grand-Pré à Auschwitz », p. 237.
76 Pauline Gill, Évangéline et Gabriel : la plus grande histoire d’amour d’Amérique, Montréal, Lanctôt, 2007.
77 Le poème de Longfellow, Evangeline: A Tale of Acadie, fut publié pour la première fois en 1847.
78 La chanson Évangéline a été composée par Michel Conte en 1971 et reprise depuis par plusieurs artistes acadiens. Les paroles de la chanson sont reproduites dans Michel Conte, Évangéline ou l’amour en exil : chansons et récits, Montréal, VLB éditeur, 2007, p. 29-31.
79 Au sujet de la vision de l’histoire acadienne présentée par le spectacle Ode à l’Acadie, voir, entre autres, Sonya Malaborza et Mireille McLaughlin, « Spectacles à grand déploiement et représentation du passé et de l’avenir : l’exemple de quatre productions canadiennes-françaises en Ontario et au Nouveau-Brunswick », Cahiers franco-canadiens de l’Ouest, vol. 18, n o 2 (2006), p. 191-204.
80 Herménégilde Chiasson, « Hommage au "travail acharné et inspiré" d’Antonine Maillet », dans Marie-Linda Lord (dir.), Lire Antonine Maillet à travers le temps et l’espace, Moncton, Institut d’études acadiennes, en collaboration avec la Chaire de recherche en études acadiennes, 2010, coll. « Pascal-Poirier », p. 169. L’ethnologue Barry Jean Ancelet, de la University of Southwestern Louisiana at Lafayette, avait déjà proposé cette interprétation au sujet de la place occupée par Évangéline dans le récit historique des Cadiens de la Louisiane; voir Évangéline en quête (documentaire), réalisation de Ginette Pellerin, Ottawa, Office national du film du Canada, 1996.
81 Les répondants devaient identifier le personnage le plus important de l’histoire de l’Acadie et expliquer leur choix. Or, pour plusieurs élèves, c’est Évangéline qui mérite ce titre, car c’est « à cause d’elle [que] la fierté des Acadiens s’est fait connaître à travers le monde », ou encore « car son histoire explique beaucoup sur la Déportation et une histoire d’amour », ou bien en raison du « symbolique [symbolisme] » attaché à son nom.
82 Dans une rédaction, l’élève a écrit que les Acadiens ont été déportés « aux États-Unis (Virginie, Nouvelle-Orléans) ». Dans ce cas, ce sont l’État de la Virginie et la ville de la Nouvelle-Orléans qui ont été comptabilisés et non pas « États-Unis ».
83 Dont une mention de « les 13 colonies anglaises » et une mention de « les treize colonies aux États-Unis ».
84 Dont une mention de « les États de la côte est ».
85 Le questionnaire offrait aux répondants un total de sept choix de réponses pour compléter la phrase suivante : « Selon vous, l’Acadie est située… » La majorité des élèves (51,6 %) ont déclaré que l’Acadie est située « partout où il y a des Acadiens » (Robichaud et Giroux, « Les perceptions des jeunes », p. 4).
86 Nicole Gallant montre que, pour certains jeunes francophones des provinces Maritimes, dans ce cas-ci âgés de 18 à 25 ans, l’Acadie constitue « un lieu imaginaire qui se déplace avec les individus où qu’ils aillent sur la planète ». Cette Acadie « déterritorialisée » représente donc un « espace […] plus abstrait, c’est une notion individualisée, flottante et fluide » : Gallant, « Représentations de l’acadianité », p. 344, 336.
87 Par exemple : « Les Anglais […] les déportèrent en Louisiane » (OD 6); « Les Anglais les ont déportés en Louisiane, etc. » (CC 11); « En 1755, il y a eu la Déportation en Louisiane et divers autres endroits » (CC 16).
88 Voir, par exemple, Sylvain Godin et Maurice Basque, Histoire des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick, Tracadie-Sheila, La Grande Marée, 2007, p. 30.
89 Voir Carl A. Brasseaux, The Founding of New Acadia: The Beginnings of Acadian Life in Louisiana, 1765-1803, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1987.
90 Aujourd’hui, cette thèse est nuancée par les historiens. Voir, par exemple, Christian Blais, « Pérégrinations et conquête du sol (1755-1836) : l’implantation acadienne sur la rive nord de la Baiedes-Chaleurs », Acadiensis, vol. XXXV, n o 1 (automne 2005), p. 3-23; Christian Blais, « Les Micmacs et les Acadiens au XVIII e siècle : de la cordialité à l’animosité », Magazine Gaspésie, vol. 41, n o 1 (été 2004), p. 24-27; William Wicken, « Re-examining Mi’kmaq-Acadian Relations, 1635-1755 », dans Sylvie Dépatie, Catherine Desbarats, Daniel Gauvreau, Mario Lalancette et Thomas Wien (dir.), Vingt ans après Habitants et marchands : lectures de l’histoire des XVIIe et XVIIIe siècles canadiens/Habitants et marchands Twenty Years Later: Reading the History of Seventeenth- and Eighteenth-Century Canada, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1998, p. 93-114.
91 Dans de nombreux manuels d’histoire du Canada publiés au cours du 20 e siècle, la présentation de l’Acadie se termine souvent avec les événements de 1755, après quoi les Acadiennes et les Acadiens tombent dans l’oubli. Comme le démontre l’historien Jacques Paul Couturier, ce n’est que dans les ouvrages d’histoire du Canada publiés à partir du début des années 1990 « que l’Acadie et les Acadiens continuent d’être évoqués dans la suite du récit [historique national] » : Jacques Paul Couturier, « "L’Acadie, c’est un détail" : les représentations de l’Acadie dans le récit national canadien », Acadiensis, vol. XXIX, n o 2 (printemps 2000), p. 102-119 (p. 106).
92 « Après quelque temps, les Acadiens sont doucement revenus pour s’établir au N.-B. » (LJR 4).
93 « Ensuite les Acadiens sont retournés aux Maritimes pour reprendre leurs terres » (SA 17).
94 « Quelques années plus tard, les Acadiens sont revenus s’installer dans les provinces de l’Atlantique où on les retrouve encore aujourd’hui » (CC 5).
95 Ronnie-Gilles LeBlanc, « La quête pour le droit à la propriété dans l’Acadie des Maritimes, 1763-1800 », Études canadiennes/Canadian Studies, n o 37 (décembre 1994), p. 41-50.
96 Ann Gorman Condon, The Loyalist Dream for New Brunswick: The Envy of the American States, Fredericton, New Ireland Press, 1984, p. 75.
97 Il s’agit des Planters. Entre 1759 et 1768, le territoire de la colonie néo-écossaise accueille environ 8 000 de ces colons (Margaret Conrad, « Introduction », dans Margaret Conrad (dir.), They Planted Well: New England Planters in Maritime Canada, Fredericton, Acadiensis Press, 1988, p. 9). Ce collectif est le premier d’une série d’ouvrages consacrés à l’histoire des Planters publiés chez Acadiensis Press.
98 Au sujet de l’arrivée des Loyalistes et de leur impact sur les communautés acadiennes du Nouveau-Brunswick, voir, entre autres, Maurice Basque, avec la collaboration d’Amélie Giroux, « Volet historique sur la communauté acadienne et francophone de la région de Fredericton », dans Greg Allain et Maurice Basque, Une présence qui s’affirme : la communauté acadienne et francophone de Fredericton, Moncton, Éditions de la Francophonie, 2003, p. 80-82; Georgette Desjardins, « L’établissement des Acadiens au Madawaska, 1785-1792 », dans Georgette Desjardins (dir.), Saint-Basile : berceau du Madawaska 1792-1992, Montréal, Méridien, 1992, p. 31-39, coll. « Histoire urbaine »; Condon, The Loyalist Dream; Cedric Lorne Haines, « The Acadian Settlement of Northeastern New Brunswick: 1755-1826 », mémoire de maîtrise, University of New Brunswick, 1979; Esther Clark Wright, The Loyalists of New Brunswick, s.l., s.n., 1955.
99 Comme le montre d’ailleurs le géographe Robert A. LeBlanc, « ce n’est qu’à la fin du 18 e siècle que la carte du peuplement acadien fait preuve d’une certaine stabilité » : Robert A. LeBlanc, « Les migrations acadiennes », dans Dean R. Louder et Eric Waddell (dir.), Du continent perdu à l’archipel retrouvé : le Québec et l’Amérique française, Québec, Presses de l’Université Laval, 1983, p. 161. Voir aussi LeBlanc, « La quête pour le droit », p. 50.
100 William Stewart MacNutt, New Brunswick: A History, 1784-1867, Toronto, Macmillan of Canada, 1963.
101 La place qu’occupe le Nouveau-Brunswick dans l’identité des jeunes sera abordée dans un prochain article de l’IEA consacré aux résultats du questionnaire objectif.
102 Jacques Paul Couturier, en collaboration avec Réjean Ouellette, L’expérience canadienne, des origines à nos jours, Moncton, Éditions d’Acadie, 1994, p. 393. Cet ouvrage est utilisé comme manuel de référence pour l’enseignement de l’histoire dans les écoles publiques francophones du Nouveau-Brunswick. L’expression a été reprise par la suite par d’autres auteurs et chercheurs; voir, par exemple, Joel Belliveau et Frédéric Boily, « Deux révolutions tranquilles? Transformations politiques et sociales au Québec et au Nouveau-Brunswick (1960-1967) », Recherches sociographiques, vol. XLVI, n o 1 (2005), p. 11-34; Michel Cormier, Louis J. Robichaud : une révolution si peu tranquille, Moncton, Éditions de la Francophonie, 2004; Maurice Basque, Nicole Barrieau et Stéphanie Côté, en collaboration avec Raymond Cyr et Emmanuel Doucet, L’Acadie de l’Atlantique, Moncton, Centre d’études acadiennes, publié en collaboration avec la Société Nationale de l’Acadie et le Centre international de recherche et de documentation de la francophonie – Année francophone internationale, 1999, coll. « Francophonies ».
103 Dont une mention pour la période pré-1755. Voir MFR 10 : « [P]lusieurs années plus tard les Anglais sont arrivés et, après quelques conflits, les Acadiens se sont fait déporter et ils ont perdu leur terre et maison car ils n’avaient pas légalement le droit d’appartenir [de posséder] de la terre, car ils étaient des Acadiens » (c’est nous qui soulignons).
104 Voir LJR 10.
105 BSA 4*; OD 1 (drapeau en couleur); OD 8; OD 16 (drapeau en couleur).
106 Dans une rédaction, on soutient que le 15 août « est la date à laquelle les Acadiens se sont fait déporter, alors, à toutes les années, il y a une fête des Acadiens » (MFR 8). Il s’agirait plutôt du 28 juillet, date proclamée en 2003 par la gouverneure générale du Canada, Adrienne Clarkson, comme étant la journée commémorative du Grand Dérangement. Malgré la couverture médiatique associée à cet événement, il semble que très peu de jeunes Acadiennes et Acadiens connaissent aujourd’hui la signification historique de la date du 28 juillet. En effet, à la question « Que commémore-t-on le 28 juillet de chaque année au Canada? » posée dans le cadre du questionnaire objectif de l’IEA, seuls 6 élèves sur un total de 184 connaissaient la bonne réponse.
107 Le Moniteur Acadien est fondé à Shediac, au Nouveau-Brunswick, en 1867.
108 Voir SA 2, où la date du « 15 août 1889 » est présentée comme le jour où les Acadiens « [ont] voté pour que le 15 août devrait être journée officielle de la fête [des] Acadiens ». L’adoption du 15 août comme fête nationale des Acadiens a lieu en 1881, à Memramcook, au Nouveau-Brunswick, lors de la première Convention nationale acadienne. Au sujet des Conventions nationales acadiennes, voir Maurice Basque, avec la collaboration d’Eric Snow, La Société Nationale de l’Acadie : au cœur de la réussite d’un peuple, Moncton, Éditions de la Francophonie, 2006.
109 Voir LeBreton, La révolte acadienne. John Gifford, un milicien anglophone, perd aussi la vie lors de ces émeutes, mais son nom n’a pas été mentionné par les élèves.
110 Au sujet des émeutes de Caraquet, voir, entre autres, George F.G. Stanley, « The Caraquet Riots of 1875 », Acadiensis, vol. II, n o 1 (automne 1972), p. 21-38.
111 LeBreton, La révolte acadienne.
112 Il s’agit du 27 janvier 1875.
113 Une quatrième rédaction semble faire référence à Louis Mailloux, sans le nommer : « Je me souviens d’avoir appris qu’il y avait un jeune gars qui fut tué par les soldats » (LJR 17). Cette mention n’a pas été comptabilisée ici, ni dans le tableau 2.
114 Louis J. Robichaud fut premier ministre du Nouveau-Brunswick de 1960 à 1970. Au sujet de Louis J. Robichaud, voir, entre autres, Cormier, Louis J. Robichaud; L’ère Louis J. Robichaud, 1960-1970 : actes du colloque, Moncton, Institut canadien de recherche sur le développement régional, 2001; Della M.M. Stanley, Louis Robichaud: A Decade of Power, Halifax, Nimbus, 1984. Pour quelques rares articles à revoir les « années Robichaud », voir Belliveau et Boily, « Deux révolutions tranquilles? »; James L. Kenny et Andrew Secord, « Public Power for Industry: A Re-Examination of the New Brunswick Case, 1940-1960 », Acadiensis, vol. XXX, n o 2 (printemps 2001), p. 84-108.
115 Janice Babineau, « Plus grand que nature », L’Acadie Nouvelle, 11 janvier 2005, p. 13.
116 André Pépin, « Le père de l’Acadie moderne perd sa lutte contre le cancer », L’Acadie Nouvelle, 7 janvier 2005, p. 3. En 2007, un monument à la mémoire de Louis J. Robichaud a été dévoilé à Saint-Antoine, son village natal, situé dans le comté de Kent, au Nouveau-Brunswick (voir http://www.village.stantoine.nb.ca; page consultée le 8 septembre 2011).
117 Premier ministre du Nouveau-Brunswick de 1970 à 1987. Au sujet de Richard Hatfield, voir, entre autres, Michel Cormier et Achille Michaud, Richard Hatfield : un dernier train pour Hartland, Montréal, Libre Expression, et Moncton, Éditions d’Acadie, 1991; Richard Starr, Richard Hatfield: The Seventeen Year Saga, Halifax, Formac, 1987. Fait intéressant, une rédaction situe l’adoption de symboles nationaux acadiens, dont le drapeau et l’hymne national, non pas au 19 e siècle, mais plutôt « [d]ans les années 1980 » (CC 7). Or, les années Hatfield ont été déterminantes dans la reconnaissance de l’identité acadienne. En effet, c’est en 1982 que la fête du 15 août ainsi que le drapeau acadien ont reçu une reconnaissance officielle de la part du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Voir, entre autres, Richard Wilbur, The Rise of French New Brunswick, Halifax, Formac, 1989; Laxer, The Acadians.
118 Premier ministre du Nouveau-Brunswick de 1987 à 1997. Au sujet du gouvernement de Frank McKenna, voir, notamment, Philip Lee, Frank : la vie et la politique de Frank McKenna, traduit de l’anglais par André Landry, Moncton, Éditions de la Francophonie, et Fredericton, Goose Lane, 2001.
119 Premier ministre du Nouveau-Brunswick de 1999 à 2006. Au sujet du gouvernement de Bernard Lord, voir, entre autres, Jacques Poitras, The Right Fight: Bernard Lord and the Conservative Dilemma, Fredericton, Goose Lane, 2004.
120 Pour un survol historique, voir, entre autres, Gaétan Migneault, « La progression des droits linguistiques au Nouveau-Brunswick dans une perspective historique globale », Revue de droit de McGill/McGill Law Journal, vol. 52, n o 83 (2007), p. 83-125.
121 Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick.
122 Société Nationale de l’Acadie. Pour un historique de la SNA, voir Basque, La Société Nationale de l’Acadie.
123 Société des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick, aujourd’hui la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick.
124 Voir Chedly Belkhodja, « Savoir habiter le lieu de la mémoire : le cas de l’Acadie », dans Anne Gilbert, Michel Bock et Joseph Yvon Thériault (dir.), Entre lieux et mémoire : l’inscription de la francophonie canadienne dans la durée, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2009, p. 276-279.
125 Comme le précise Clément Cormier, recteur fondateur de cette institution, la question du nom de l’Université de Moncton « fut longuement étudiée » avant sa création en 1963 : Clément Cormier, L’Université de Moncton : historique, Moncton, Centre d’études acadiennes, 1975, p. 62. À ce sujet, voir aussi Jacques Paul Couturier, Construire un savoir : l’enseignement supérieur au Madawaska, 1946-1974, Moncton, Éditions d’Acadie, 1999, p. 141-142. Après l’inauguration, le dossier du nom de l’Université de Moncton n’est pas clos pour autant, car la fédération étudiante du Centre universitaire de Moncton en fera souvent un sujet de débat, notamment en 2001; voir Carolynn McNally, Histoire de la Fédération des étudiants et étudiantes du Centre universitaire de Moncton (1969-2009) : quarante ans de représentation et de revendications étudiantes en Acadie , préface de Bernard Lord, Moncton, Institut d’études acadiennes, 2010, p. 90, coll. « Clément-Cormier ». Voir aussi Maurice Basque, « La faculté est une mémoire qui oublie : l’échec des tentatives de changement de nom de l’Université de Moncton », communication présentée dans le cadre de la conférence « Les lieux d’oubli de la Francophonie », Université Johannes Gutenberg, Mayence (Allemagne), 5 décembre 2008.
126 Belkhodja, « Savoir habiter le lieu de la mémoire », p. 277.
127 Létourneau et Moisan, « Mémoire et récit », p. 337-338.
128 Les historiens Sylvain Godin et Maurice Basque parlent d’« une longue marche vers l’égalité » : Godin et Basque, Histoire des Acadiens et des Acadiennes, p. 44.
129 James de Finney, « Archéologie du récit commun acadien : requêtes et pétitions des exilés », Présence francophone, n o 49 (1996), p. 7-22. Ce « récit commun » constitue une dimension importante de la production littéraire en Acadie et un discours véhiculé par les élites acadiennes depuis le 19 e siècle jusqu’à aujourd’hui. Mentionnons, par exemple, Antonine Maillet, Pélagiela-Charrette, Montréal, Leméac, 1979.
130 « Port-Royal n’était pas vraiment dans la mire des Acadiens en 2005 » [traduction libre]. Rudin, Remembering and Forgetting in Acadie, p. 129.
131 Létourneau, Le Québec, p. 50.
132 Au sujet des Congrès mondiaux acadiens, voir Greg Allain, « Le Congrès mondial acadien : regards sur la participation aux Conférences, bilan et enjeux des Retrouvailles », dans Gratien Allaire et Anne Gilbert (dir.), Francophonies plurielles : communications choisies, Sudbury, Institut franco-ontarien, 1998, p. 139-162; Greg Allain, « Le Congrès mondial acadien de 1994 : réseaux, conflits, réalisations », Revue de l’Université de Moncton, vol. 30, n o 2 (1997), p. 141-159.
133 Rudin, Remembering and Forgetting in Acadie, p. 60-66.
134 Au sujet d’Acadieman, voir, entre autres, Denise Lamontagne, « Voir et revoir le mythe des origines de deux héros acadiens : M gr Marcel-François Richard et Acadieman », dans Monika Boehringer, Kirsty Bell et Hans R. Runte (dir.), Entre textes et images : constructions identitaires en Acadie et au Québec, Moncton, Institut d’études acadiennes, 2010, p. 161-187, coll. « Pascal-Poirier ».